[Corneilla] Danse avec les ours FT Brynden Nerbosc

Danse avec les ours

Brynden & Maegor

Tout au long du périple qui les séparaient de Cornelia, Rowena et Maegor n’avaient cessé de discuter de la rébellion qui s'annonçait comme si cela était naturel d’en parler librement. Le plus souvent, la blonde ne faisait qu'acquiescer aux paroles du Sire de Beaumarché, mais elle comprenait les grandes lignes et espérait aider, car même si ces moyens à disposition étaient limités, elle trouvait la cause juste. En effet, seulement quelques soldats chevauchaient autour du carrosse dans lequel elle se trouvait à l’abri de tout danger. C’est donc ainsi qu’elle entra dans Cornelia, petite chose fragile cachée dans un lourd carrosse luxueux qui avançait difficilement dans la boue derrière les charrettes de nourriture que précédait Lord Desdaings. Elle n'aurait jamais pensé un jour défendre la moindre cause, mais les ennemis de ses ennemis devenaient ses amis et il était peut-être temps de frapper les premiers avant que les autres, Lannister, Tully, ne reprennent l’initiative.

Le temps que la Perle de Belle-Île, perdue au beau milieu des champs autrefois luxuriants, en descende, aidée par son frère, Maegor marchait déjà vers la destinée du Conflans. Pour l’occasion, elle avait mis sa plus belle robe de voyage. En jacquard bronze brodé de motifs baroques avec des manches ajustées qui descendaient en pointe sur ses poignets, elle remontait jusqu’à son cou avec un col officier. Par dessus, elle portrait un manteau de velours noir frappé de motifs assortis fermé sur sa poitrine et serré à la taille par de larges brides de galon or et noir. Elle était coiffée d’un chignon haut rehaussé d’une coiffe assortie. Elle avait fière allure, mais n’en menait pas large en voyant l’imposante forteresse se dresser autour d’elle. Pour se rassurer, elle prit le bras de Willos et tenta de rejoindre le Desdaings.

Mais c'était trop tard, déjà il s’engouffrait avec l'Ours dans le château. Ils entrèrent à leur tour et cherchèrent un moment les deux hommes jusqu'à ce qu'on leur indique où les trouver. Ils entrèrent et elle se plaça derrière son frère de crainte de déranger les Seigneurs qui semblaient être en peine discussion, les Farman n'avaient cependant rien entendu de leur échange. Elle garda la tête baissée devant le colosse qu’on surnommait, à raison, l’ours. Mais ce qui n’était pas le cas de son frère qui fixa l’homme qui avait failli le tuer au Tournoi. Cependant il ne venait pas ici en ennemi, malgré les dégâts infligés. Pire, c’étaient là les risques et il le savait en prenant sa lance ce jour-là, aussi il ne lui en voulait pas vraiment, mais il aimerait assez prendre sa revanche à la loyale, même si gagner contre un tel géant ne serait pas une mince affaire.

__ Ser Brynden, c’est un plaisir de vous voir. Peut-être ne vous souvenez-vous pas de moi, et à vrai dire, je ne me souviens pas de grand-chose de ce jour-là. Mais mon ventre se souvient de votre lance.

Sourit-il.

__ Je suis venu avec ma sœur, Lady Rowena et Lord Desdaings a accepté de nous faire intégrer son convoi. Croyez bien que nous sommes désolés pour ce qui arrive à votre père et que nous espérons pouvoir vous aider à le faire sortir des geôles de Vivesaigues.

Rowena lui avait tout expliqué de la situation et il savait pourquoi ils étaient là. La jouvencelle s’inclina et osa enfin lever les yeux sur cet ours qui avait failli tuer son frère et qui lui avait fait perdre la mémoire. Un instant elle se demanda s’il allait la manger, en plus avec les regards qu’il lançait à Maegor il était encore plus impressionnant. En effet, malgré le ton détendu entre les deux hommes, elle percevait toute la colère du Riverain et la tension qui se faisait sentir. Elle n’avait aucune envie de danser avec l’ours, mais il le fallait, pour Megalis, pour Luthor, pour Maegor, pour le Conflans et l’Ouest. Alors elle essaya de ne pas trop bégayer.

__ Ser… Lord… Brynden Nerbosc.

Ça commençait plutôt mal, voilà qu’elle se mélangeait les pinceaux dans les titres.

__ Je suis enchantée de faire votre connaissance.

Elle tenta un sourire timide.

__ Lord Desdaings m’a conté les déboires de votre père et nous sommes venus pour vous apporter le soutien de la Maison Farman.

La blonde aux yeux noisette jeta un regard hésitant à Maegor avant de prendre une grande inspiration et de reporter son attention sur le Maître des lieux. Elle parla lentement pour ne pas buter à nouveau sur les mots.

__ Il est temps que les grandes maisons de tout le royaume se réveillent et sortent du marasme dans lequel les plongent la couronne et les suzerains qu’elle nous a imposé.

Avait-elle pris un peu d’assurance à force de côtoyer le Sire de Beaumarché ou n’était-ce que poudre aux yeux mêlées de chance ?

Danse avec les ours

Brynden & Maegor

Rowena sursauta quand l‘ours frappa sur la table et Willos hocha la tête quand il cita son nom et il lui serra la main avec autant de force que possible. Il répondit en riant.

__ J’en suis ravi aussi

Lord Desdaings hocha la tête, alors elle osa s’exprimer, d’abord vacillante, puis plus affirmée. Heureusement qu’elle avait Willos à son côté pour se donner confiance et puis il y avait Maegor et la gentillesse qu’il lui témoignait, ses douces attentions et ses regards confiants lui donnaient du courage. Elle avait toujours entendu qu’elle était idiote, faible, peureuse, et elle l’était, à moins qu’elle ne le soit devenue à force qu’on lui répète qu’elle ne serait jamais à la hauteur, jamais digne de son nom. Elle manquait cruellement de confiance en elle et elle était de nature sensible, c'était une évidence, mais le simple fait que le Sire de Beaumarché s'intéresse à son insignifiante personne avait réveillé quelque chose de nouveau en elle. C’était comme avec Nymeros, il avait déjà œuvré pour qu’elle prenne confiance avant de disparaître. Mais avec Maegor, les choses étaient différentes, les choses étaient nettement plus dangereuses et elle en était tout à fait consciente. Sauf qu’avec lui, elle se sentait en sécurité comme jamais elle n’avait pu l’être avec sa famille. C’était une sensation plus qu’étrange de se sentir mieux avec un étranger qu’avec les siens. Non ? Sauf Willos. Mais Megalis, malgré tout l'amour qu’elle avait pour elle, l'écrasait par sa beauté et son esprit, Edarra pas sa méchanceté et sa cruauté, Criston par sa grandeur et son exigence, Luthor par sa froideur et son mépris.

Cela n’empêcha pas Willos de lancer un regard noir sur Maegor suite à son coup d’œil et à sa remarque. Mais c’était un détail que de savoir ce qu’il avait voulu dire, un détail de savoir ce qu’il pensait du frère, un détail insignifiant dans l’entreprise qu’ils étaient en train de mener. Les relations avec Lord Mallister étaient bien plus importantes effectivement. Alors il se tut et s'installa, invité à s'asseoir par le maître de maison et à boire par le Desdaings. Rowena prit place également mais elle se contenta d’une toute petite gorgée de vin avant de reposer son verre et de se permettre une remarque.

__ N’oubliez pas cependant que nous ne pouvons vous apporter qu’une aide très limitée pour le moment. Je ne peux vous garantir que les troupes dont je dispose ici même sans l’aval de mon frère Lord Farman. Ne nous faut-il pas trouver d'autres alliés avant de trop révéler notre jeu ?

C’est alors que Brynden demanda ce qu’ils avaient à faire de l’emprisonnement de Lord Nerbosc. Rowena n’hésita qu’une seconde avant de dire :

__ Toutes les injustices nous importent Sire.

Un instant de réflexion supplémentaire et elle ajouta :

__ La guerre des truites et des lions nous a coûté bien trop de vies pour les laisser profiter encore d’un pouvoir qu’ils ne méritent pas, ne croyez vous pas ? Nous pensons que l’offensive est la meilleure défense pour prendre en main nos destins avant qu’une nouvelle guerre éclate pour laquelle nos familles leur serviront encore de boucliers.

C’étaient en substance les mots de Megalis, elle s’en servait pour convaincre, mais les pensait-elle réellement ? Oui et non, cela dépendait des moments. Elle oscillait entre l’idée selon laquelle cette guerre qu’ils s'apprêtaient à déclencher les condamnaient aux pires tourments et celle qu’effectivement, les Lannister, les Tully, la couronne finiraient par les tuer quoi qu’ils fassent.