[Port-Réal] Au chevet d'un frère ♛ pv Aelinor (terminé)

Aelinor ne pouvait qu’imaginer le désarroi de son amie après la grave blessure de Willos lors du tournoi. Elle la savait très attachée à son jumeaux, c’était d’ailleurs pour encourager le chevalier autant que comme gage de leur amitié qu’elle lui avait donné à porter ses couleurs. Lorsqu’elle l’avait vu tomber, elle s’en était mordue les doigts, qui d’autre que son oncle pour lui demander un ruban après la défaite d’un jouteur. Cependant, si elle avait pâlit, c’était autant parce qu’elle craignait pour la vie du Farman que parce qu’elle était persuadée de lui avoir réellement porté malheur et d’avoir ainsi réduit à néant ses chances d’être nommée Reine d’amour et de beauté. Heureusement l’arrivée en finale de Humfrey démentait cette crainte, mais hélas, la Hightower passait un fois de plus à côté du titre convoité. C’était donc à la fois déçue et rassurée quant à sa chance, mais également très inquiète du sort de Willos qu’elle se rendit à son chevet. Les gardes l’informèrent que Megalis s’y trouvait également et la laissèrent entrer.


La brune aux yeux céruléens s’inclina pour saluer Megalis qui venait d’écraser une larme sur sa joue. Elle répondit d’un air grave et s’approcha du blessé, probablement endormi au lait de pavot par les mestres.

__ Lady Megalis. Le plaisir est partagé, mais j’aurais préféré que les circonstances soient plus heureuses. Comment va-t-il ?


Faisant lentement le tour du lit, elle essaya d'observer les éventuels mouvements de Willos qui trahirait une fièvre ou tout autre symptôme inquiétant. Elle avait toute confiance en les Mestres, particulièrement en le Grand Mestre Samwell Tarly, mais elle ne pouvait pas s’empêcher de voir la chose comme une sorte d’exercice. Cela rendait le fait de voir le frère de son amie ainsi étendu entre la vie et la mort moins difficile, et ainsi elle pouvait garder toute sa prestance. Dans sa tête, elle pesait les faits, importante perte de sang et risque d’infection, le calcul de ses chances de survie était mauvais, elle n’en montra rien, préférant garder foi en la science et si cela ne suffisait pas, en les Sept.

__ Les Mestres ont-ils bien retiré tous les éclats de lance ?


Il lui suffisait de retirer la couverture pour regarder le travail des soigneurs, mais à quoi bon, elle n’avait pas le droit d'émettre le moindre jugement, encore moins celui de toucher la blessure pour s’assurer qu’ils avaient bien fait leur travail. Elle savait, mais son sexe l’empechait d’exercer. Peut-être que si tel n’avait pas été le cas, elle se serait tournée vers les remèdes plutôt que vers les poisons, qui sait. Mais elle ne pouvait que rester dans l’ombre des sciences occultes. Peut-être d’ailleurs pouvait-elle donner un petit coup de pouce à Willos en faisant appel à des forces qui n’étaient admises et transmises que par de rares membres de la citadelle.


S'asseyant sur le lit, en face de Megalis, elle toucha le front du blessé, puis, détachant ses yeux du visage paisible du jeune homme, elle hocha la tête avec un regard bienveillant et posa sa main sur celle de la Farman.

__ Vous savez que vous n’avez pas besoin de faire semblant avec moi.

__ Bien sûr qu’il vivra Megalis.


Aelinor ferait tout pour cela en tout cas. Elle n’avait peut-être rien à y gagner, mais voir son amie dans cet état suffisait à la convaincre de prendre le risque. Elle la savait forte et capable de cacher ce qu’elle ressentait, elle voyait les frémissements et elle comprenait. Si Humfrey avait été là à la place du Farman, étendu inerte entre la vie et la mort, elle serait en train de pleurer en priant, ou de prier en pleurant. Tout dépendait du point de vue. Comme toujours la blonde était plus dure à la peine, il fallait dire qu’avec l’éducation de sa grand-mère, elle n’avait pas eu le choix que de porter un masque toute sa vie durant. La brune avait la chance de vivre dans une famille aimante dans laquelle elle pouvait montrer ses sentiments. Cela n'empêchait pas son éducation de l'empêcher de s’épandre en public, mais elle savait qu’elle pouvait trouver des bras réconfortants pour craquer si besoin.

__ J'apprécie ton frère tu sais. Je ne l’ai jamais considéré comme un bouffon. Il est drôle et dans nos vies, le rire et la légèreté sont des choses précieuses qu'il convient de ne pas dénigrer.


Megalis tenait à Willos, cela ne faisait aucun doute. Et elle semblait proche de la folie à l’heure actuelle. L’impuissance était la pire des choses lorsque la vie d’une personne qu’on aime était en danger. La brune aux yeux azur comprenait très bien. Elle qui avait vu son épée lige mourir dans ses bras. Elle l’aimait lui aussi, une amitié pure et sans la moindre ambiguïté, mais une amitié des plus fortes avec une loyauté réciproque. Il avait donné sa vie pour elle comme l’aurait fait un frère.

__ Très bien.


Le plus gros risque était l’infection. Si les Mestres avaient dit qu’il vivrait, cela signifiait que la porte de sang n’était pas létale. Mais une écharde oubliée et la fièvre emporterait le jeune homme en quelques jours. Aelinor soupira, inquiète malgré les affirmations de la Farman. A vrai dire, la température du chevalier ne rassura pas du tout la Hightower qui ne put dissimuler une grimace. Elle se reprit rapidement pour ne pas inquiéter Megalis d’avantage et sourit.

__ Il a perdu beaucoup de sang, c’est normal qu’il soit fiévreux. Le Lait de pavot va lui permettre un profond repos afin de refaire ses forces. D’ici quelques jours il se réveillera comme si rien ne s’était passé.


Pourquoi fallait-il qu’elle ait été si positive alors qu’elle savait parfaitement que c’était un mensonge et qu’il avait encore de grandes chances d’y passer. Elle sourit à nouveau tandis que son amie se souvenait peu à peu qu’elles n’avaient rien à se cacher. Presque rien.

__ Je sais Megalis, je sais…


Répondit-elle simplement avec un sourire en hochant la tête.

__ Prions pour Willos, veux-tu ?


Elle fit le signe de l'étoile avant de joindre les mains. Elle ferma les yeux avant de réciter :

__ Ô Père d’en haut, parangon de la justice, puisse tu nous éviter l’imméritée mort de Willos, nous t’en implorons. Permets que la pureté de son âme joyeuse nous soit rendue. Père de l’autorité, ô force Gouverneur de nos vies, soit équitable pour Willos. Daigne apaiser ses souffrances et éloigner l’étranger. Montre lui la voie de la vie.


Toujours en priant, elle ouvrit un œil le plus discrètement possible pour voir si Megalis avait également fermé les yeux.

__ Gente Mère, ô fontaine de miséricorde, Préserve Willos de la mort, nous t’en conjurons. Permets qu’ils connaissent des jours meilleurs et vive une longue et heureuse vie. Gente Mère, ô force des femmes, soutiens Megalis dans ce combat, Daigne apaiser la rage et calmer la furie. Enseigne-nous les voies de la bonté.

__ Je pourrais passer une vie entière à ses côtés que je ne le connaîtrais jamais aussi bien que toi Megalis.


Sourit la jouvencelle qui connaissait assez les deux jumeaux Farman pour savoir que le lien qui les unissait était plus fort que la plupart des liens du sang, même ceux qu’elle entretenait avec son oncle préféré, Humfrey.

__ Mais mon instinct me trompe rarement, et je sens quand j’ai affaire à une personne qui a bon cœur. Willos est de ceux-là.


Rares étaient les personnes à qui Aelinor confierait sa vie les yeux fermés. Elle qui avait été éduquée à la politique, elle connaissait toute la fourberie de l’âme humaine, elle détectait les vipères, les hypocrites, les félons. Malgré tous les efforts qu’ils faisaient, tôt ou tard leur corps trahissaient leurs pensées, un regard qui cache mépris et haine dans un sourire, un mouvement des doigts qui sent la peur. Pour survivre, Aelinor avait été obligée d’apprendre à les voir venir, quitte à se méfier de tout le monde de prime abord. Elle respirait l’odeur de ceux qui, comme elle, avaient appris à dissimuler leurs véritables intentions sous des apparences polies et gracieuses. Mais elle savait également reconnaître ceux qui ne manquaient pas. Pouvait-elle cependant se tromper lourdement ? Bien évidemment, personne n’est infaillible, pas même une Hightower.

__ Ta grand-mère déteste tout et tout le monde, sa haine et son ressentiment la consument de l'intérieur et cherchent à éteindre toute joie autour d’elle. Je ne dis pas qu’elle a tort sur toute la ligne, tu sais que la dignité est ce que nous avons de plus précieux, la seule chose que personne ne peut nous voler. Cependant, dans les moments où tout semble si sombre que la mort envahit nos songes, seuls le rire et l’amour peuvent nous venir en aide.


Aelinor et Megalis se mirent à prier et la Farman enchaîna les appels autres faces divines, un peu hâtivement au grand damne de son amie dont la foi était tellement ancré dans ses habitudes qu’elle ne pouvait la remettre en cause, jamais. Elle avait toujours vécu ainsi, côtoyant les flux fervents croyants des Sept, élevée dans cette foi à nulle autre pareil et en même temps, questionnant le monde des sciences et de l’occulte. A ville vieille, la croisée des croyances était une chose banale et vivre avec cette contradiction ne semblait ps ébranler la jeune femme le moins du monde.


Quand la Hightower eut vérifié que son amie avait bien fermé les yeux, elle glissa ses doigts sous la tête de Willos pour arracher une touffe de cheveux. c’est alors que la blonde ouvrit brusquement les yeux alors que la brune avait encore la main près de la tête du blessé, les cheveux entre ses doigts. Pour éviter que Megalis ne remarque quoi que ce soit, elle posa sa main sur l'oreiller près de la tête du chevalier et cacha les cheveux pris entre son index et son majeur dans sa paume. Elle fit mine de regarder le jeune homme avec un sourire, en passant le dos de sa main contre sa joue brûlante. Puis elle se redressa et quitta le Farman des yeux en espérant que son amie n’ait rien remarqué et qu'aucun cheveu ne dépasse de sa main fermée qu’elle posa sur ses genoux afin que son amie ne puisse plus la voir. Posant un regard empli de compassion sur la jeune femme, elle répondit :

__ Ils étaient là, ils ont seulement décidé que tu devais vivre ces épreuves pour arriver là où tu en es. Oserais-tu prétendre que cela ne t’a pas rendue plus forte ? Le chemin que les Dieux nous font arpenter n’est pas dénué d’obstacles et il est parfois si dur à monter que nous pensons qu’ils nous ont abandonnés. Mais quand notre destin nous échappe, quand nous ne comprenons pas et que nous nous trouvons impuissants devant l’adversité, il nous reste toujours la prière, et c’est cette prière qui nous montre le chemin et nous donne la force d’avancer. C’est par la prière que les Dieux nous guident et nous aiment.


Megalis était furieuse, elle déversait toute sa colère sur les Dieux, mais étaient-ils responsables de l'ébriété du Nerbosc et de ce mouvement maladroit qui avait éventré Willos ? Aelinor comprenait cette rage qui brûlait en elle, elle s’en souvenait car cette rage l’avait déjà habitée auparavant. Mais là, elle restait impassible et gardait son calme devant la furie qui faisait les cent pas, d’autant plus calme qu’à priori, son amie n’avait rien remarqué. Elle glissa les cheveux de Willos dans une pochette qu’elle avait apportée à cet effet et se leva en lissant sa robe pour faire disparaître toute trace de son méfait. Elle prit les mains de Megalis dans les siennes et serra doucement en signe de réconfort.

__ Tu es toute pardonnée. Qui ne serait pas terrifié à ta place ?


Lâchant les mains de son amie et écartant les bras, elle la serra contre elle pendant un long moment. Est-ce que cela suffirait à apaiser la tempête ? Rien n’était certain. Seul le réveil de Willos le pourrait à coup sûr. Mais Megalis n’avait pas besoin de remontrance sur son comportement et son absence au banquet, elle avait besoin de soutien, ce que manifestement Edarra était incapable de lui offrir. Il ne faisait aucun doute que la Farman ferait son devoir dès qu’elle aurait trouvé un peu d'apaisement dans ce drame. Déjà, la haine ne transparaissait plus sur ses traits, nette amélioration.

Oui, Aelinor avait la chance d’avoir une famille aimante, un père qui la chérissait et lui faisait suffisamment confiance pour la laisser gérer les affaires de la Maison Hightower à Port-Real. Des oncles qui l’adoraient et la protégeaient, des tantes qui la gâtaient et lui laissaient tout passer. Seule sa mère était véritablement capable de la canaliser et de la faire obéir, mais elle n’usait de ce pouvoir qu’avec parcimonie, quand cela était nécessaire. Or, la jouvencelle savait se tenir, c’était relativement rare qu’elle ait besoin de hausser le ton. Et puis la née Rowan n’était pas étrangère au caractère de sa fille, ni à ses ambitions et encore moins à sa position au sein de Grand Tour et à la capitale. Rhonda avait toujours œuvré en ce sens dans l’ombre, c’est d'ailleurs la raison pour laquelle la brune aux yeux azur qui lui ressemblait tant la respectait et l'écoutait quitte à mettre de côté ses convictions. Elle savait qu’à Villevieille elle pouvait avoir confiance et trouver un cocon sécuritaire bien confortable après les couloirs pleins de vipères du Donjon Rouge. Elle savait que toujours elle y trouverait refuge, elle savait qu’avec les siens, elle pouvait être elle-même et obtenir le soutien nécessaire pour continuer à avancer quoi qu’il arrive. En retour, elle les respectait et les aimait du fond du cœur, elle les protègerait et leur apporterait la gloire qu’il méritaient tous.


Les Dieux avaient été bons avec la Hightower bien plus qu’avec la Farman. elle avait certes croisé la mort, mais de bien plus loin que Megalis et elle le savait quand bien même la folie de Cersei avait manqué de lui coûter la vie. Elle comprenait que son amie ait perdu la foi, elle comprenait même sa colère soudaine pour une chance qu’elle aurait bien partagé avec la blonde si elle avait pu, tout comme elle l’avait partagé avec Desmera durant le voyage. Elle savait combien l’unité de Villevieille était une force précieuse et elle la chérissait, priant les Dieux pour qu’ils la préservent. Elle ignorait cependant que Baelor l’aurait vendue à Bronn en échange des fiefs de ses vassaux si tant est que le gouverneur du Bief n’eut pas été trop gourmand au yeux du Sire de Grand Tour. Elle savait qu’il était prêt à la vendre à Lord Caswell pour la sauver du reître et elle n’était pas du tout d’accord avec ça, parce qu’elle voulait Aegon et une couronne et pas croupir sur un pont avec un homme présure deux fois plus âgé qu’elle.

__ Heu… non… Je…  


Aelinor se reprit et essaya de ne pas se précipiter tout en dissimulant la mèche de cheveux.

__ Je vérifiais sa température… Il semble s’être apaisé tu ne trouves pas ?


Répondit-elle pour dévier l’attention de son amie le temps de ranger la mèche.

__ Oui, nous devons retourner au banquet Megalis. Rester ici n’aidera pas Willos, mais tu sais qu’apparaitre ce soir est capital pour nos deux maisons.


Prenant la main de Megalis, Aelinor lui sourit, elle semblait s’être un peu calmée. Les démons qui dansaient dans ses yeux quelques minutes plus tôt étaient partis, évaporés. Peut-être que finalement, la brune aux yeux azur avait également ce pouvoir d’apaiser la colère de la lionne. Elle pouvait bien faire ça pour elle, avec plaisir même, parce que leur petite compétition puérile pour obtenir le meilleur parti n'était rien comparé à l’amitié qu’elles partageaient. Même si la Hightower s’était bien gardée de parler d’Aegon à la blonde et qu’elle espérait bien gagner une couronne dans cette affaire, elle pourrait même la partager avec la Dame de Belcastel si cela pouvait leur éviter de se déchirer pour le pouvoir.

__ Mais d’abord, discutons un peu ici, pas de vin, nous serions ivres avant d’arriver en bas et nous devons garder la tête froide.


Elle s’assit dans un des fauteuils de la pièce et posa la pochette sur ses genoux. Avec un large sourire et un regard espiègle, elle demanda alors :

__ Alors, qui vises-tu depuis la dernière fois que nous nous sommes vues ? Moi, comme tu as pu le constater, j'ai raté mon coup avec Edmund... Mais j'y gagne quand même un petit quelque chose.

Aelinor rit de bon cœur à la remarque de son amie sur le vin. Mais pour sa part, elle tenait trop mal l'alcool pour pouvoir se permettre d'en abuser, surtout avant d'avoir mangé. Elle préférait garder le contrôle en toute circonstance et n'aimait pas être ivre. Encore une fois les épreuves traversées ne l'avaient pas menée à avoir besoin de vin pour oublier les souffrances vécues. Elle ne savait rien de la souffrance et des démons qui habitaient la blonde, si bien préservée dans son écrin de pierres blanches avait-elle été par sa famille.

__ Les hommes… sont nos marchepieds… ma chère.


Quand elle vit Megalis se précipiter vers le cruchon qu'elle n'avait même pas remarqué elle se dit que son amie devait avoir un détecteur. Cela la fit rire, mais lui fit un peu pitié aussi. Avait elle donc à ce point besoin de boire ? Qu'un verre accompagne avec noblesse une conversation barbante avec un noble sans intérêt, elle pouvait le comprendre, une coupe de vin pouvait être un accessoire indispensable pour cacher ses émotions, notamment l'ennui. Mais les élus de leur ambition démesurée était central, rien à voir avec les sujets insipides abordés en bas. Persuadée que boire était la pire façon de cacher quelque chose à quelqu'un, elle ne pensa pas à cette option et se contenta de regarder et d'écouter la jeune femme. L'alcool d'ailleurs lui faisait tenir un discours sans queue ni tête, passant du prince de dorne à un noble riverain.

__ Alessander Desdaing dis tu ? Jamais entendu parler.


Desdaing de Beaumarché, elle avait bien entendu parler de sa maison, riche disait-on, mais ils semblaient péter plus haut que leur cul. L'arrogance ne fait pas le rang… se dit-elle trouvant ce choix discutable. Évidemment Megalis n'avait pas les mêmes possibilités qu'Aelinor, mais sa beauté à nul autre pareil lui ouvrait des portes qui pourraient la faire monter dans la société. La brune le lui souhaitait, même si elle préférait éviter de la laisser marcher sur ses plates bandes. Elle avait aperçu le chevalier au tournoi, rien pour elle qui vaille la peine de renoncer à une place de suzeraine. Megalis avait le charme et la classe pour accéder à cette place, mais Tyrion n'était pas le parti du siècle il fallait bien l'avouer. La blonde devait se refuser à épouser un nabot comme la brune un reître, fussent ils suzerains tous les deux.

__ Tu me parle d'un noblion du Conflans et tu oses me dire qu'Edmund ne me méritait pas ?


Elle se mit à rire.

__ L'homme ne m'a jamais fait ni chaud ni froid, mais le titre de princesse m'a toujours fait de l'œil. Et toi que veux tu ? Qu'on t'appelle Dame de Beaumarché où Dame de Castral Roc ? Je suis étonnée par ton manque soudain d'ambition.


Soupirant elle hocha la tête avant de reprendre.

__ Je m'étais toujours dit que s'il existait un seul homme qui nous mérite, nous finirions par nous battre pour lui comme des chiffonnières. Mais je te laisse Alessander et te souhaite tout le bonheur du monde avec lui.


La brune aux yeux céruléens sourit d'un air de défi à son amie. Mais au fond, elle marchait également sur des œufs. En aucun cas elle ne devait parler d'Aegon à Megalis, pas tout de suite en tout cas, pas avant de s'être assurée des sentiments qu'il avait envers elle, sans quoi elle aurait une rivale et pas des moindres. Même si les Farman étaient loin de pouvoir apporter autant au Targaryen pour sa conquête que les Hightower.

__ Edmund ne me méritait peut-être pas, mais j'ai deux nouveaux chevaux et peut-être plus. Cela n'empêche pas ma situation actuelle d'être catastrophique, mais je n'ai pas encore dit mon dernier mot.


Posant l'index sur l'accoudoir pour mieux désigner les empêcheurs de tourner en rond, elle expliqua.

__ Père veut me marier à Lord Caswell pour empêcher Bronn de demander ma main. Et moi, je ne veux ni l'un ni l'autre, ni personne pour l'instant. Mais je sens que si je ne trouve pas quelqu'un très vite, je vais devoir obéir, soit à mon père soit… au gouverneur du Bief.


Obéir ? Elle n’obéirait à personne sauf à celui qui lui avait offert le pendentif qu'elle portait toujours autour du cou.

Face à la tempête, Aelinor préférait garder son calme. N’était-elle pas le phare dans la nuit ? Elle l’était, sauf quand elle perdait pied, comme cela était arrivé lors de l’explosion du Grand Septuaire. Mais il était plus facile d’oublier cet épisode de sa vie, de le mettre de côté comme s’il n’avait jamais existé, que de faire le point sur ce qu’elle avait vécu alors. Jonas. Elle se souvenait de son visage, des bribes de son arrivée quand il l’avait trouvée dans la poussière, des bribes de leur retour au Donjon rouge. La suite où malgré la nausée, elle avait été obligée de tout faire pour que les Hightower, cruellement amputés de leurs cousins suzerains du Bief, ne finissent pas noyés dans les affres de la guerre qui couvait. Elle savait faire, c’était presque plus facile de négocvier avec Cersei comme s’il ne s’était rien passé que de regarder en face l’horreur du crime commis et la mort qui avait frôlé la jeune femme. Elle savait faire semblant, bien mieux qu’elle ne savait regarder ses émotions en face. Alors elle avait pris tout cela et l’avait enterré dans les tréfonds de son esprit, là où elle ne pouvait pas se souvenir. Y compris ce qu’elle avait alors ressenti pour Jonas. De toute façon cela n’avait aucune importance, il n’était pas suzerain, il n’était pas non plus Aegon, il n’était pas le marchepied dont elle avait besoin ni l’homme qui pouvait poser sur son front une couronne. Elle se souvenait seulement qu’elle l'appréciait grandement et qu’elle ressentait une grande confiance avec lui. Y repenser lui donnait le tournis.


Aelinor hocha la tête lorsque Megalis dit qu’elle n’épouserait pas Alessandre. Enfin son amie retrouvait la raison.

__ C’est heureux.


Elle fut en revanche surprise de l’annonce de la Farman concernant le Maître des Lois. Elle ne se serait jamais douté qu’elle convoitait une telle place à la cour, encore moins de ce qu’elle voulait réellement. Mais le ton n’était-il pas trop détaché, et la phrase suivante ne permettrait-elle pas de faire naître le doute sur un autre objectif que d’avoir une bonne place à la capitale ? Elle répondit sur un ton aussi neutre que possible.

__ Il faut croire, mais c’est une très bonne place. Je dois le rencontrer une fois à Port-Réal, je te dirais ce que j’en pense si cela t'intéresse.


La brune aux yeux céruléens ne se serait jamais imaginé épouser un simple seigneur d’une maison certes importante du Bief, mais pas majeure. Ce mariage ne lui faisait vraiment pas envie, mais Bronn encore moins. Comment alors se sortir tête haute d’une inextricable situation. Aegon était le seul à mériter ses faveurs, mais il était loin et il était possible qu’il le reste des années avant de pouvoir venir à Westeros pour conquérir le continent. Pour le moment le soutien des Hightower lui était assuré, mais Aelinor devait encore trouver de nouveaux alliés pour que le projet de mettre le Tragaryen sur le nouveau Trône de Fer aboutisse. Pouvait-elle attendre tout ce temps ? Baelor la laisserait-il prendre de l'âge sans lui trouver un digne prétendant, risquant son pucelage et sa réputation au Donjon Rouge sans accepter la moindre union ? Était-ce un pari qu’elle devait tenir ou devrait-elle mettre en place une autre stratégie pour patienter jusqu’à ce que le terrain soit prêt pour accueillir le Dragon ?


Une moue amusée sur le visage de Megalis en disait long sur ce qu’elle aussi pensait d’un tel mariage. La brune aux yeux céruléens ne pouvait pas lui tenir rigueur de se montrer moqueuse, elle l'avait été avant au sujet d’Alessander et au fond elle partageait entière les sentiments de la blonde. Une telle union était indigne d'elle.

__ Je n’en sais rien, très franchement j’en doute, mais je ne m’attendais pas non plus à ce qu’il emprisonne le Lord mon père. Les roturiers osent tout, c’est même à cela qu’on les reconnait.


Ce qu'Aelinor craignait le plus, c’est qu’il prenne sa vertu, réduisant par la même occasion toute chance de nouvelle alliance pour la Maison Hightower et jetant l'opprobre sur son vassal le plus puissant. Le viol était un crime, mais encore fallait il prouver que la jouvencelle n’était pas consentante, que se soit Bronn ou l’un de ses sbires qui se charge des basses œuvres, sans témoins, il pouvait nier. L'animosité entre la Maison Higtower et La Nera étant connue de tous, il pourrait mettre en cause une telle accusation comme fausse pour se venger de lui. Aelinor n’avait pas une réputation de mœurs légères et pour cause, elle tenait à sa virginité autant qu’à son rang, pour autant elle usait tout de même de ces charmes pour arriver à ses fins. Il en fallait parfois peu pour remettre en question la dignité d’une dame et la faire passer de victime à catin. Mais depuis deux ans que la jouvencelle gravitait autour de lui et des autres membres du conseil restreint, il n’avait rien tenté, probablement pas prêt à prendre un tel risque juste pour humilier Baelor et sa fille.

__ Penses tu que tu pourrais convaincre ton frère de nous aider si la situation venait à dégénérer avec La Néra ? Tu as des contacts à Port-Réal et beaucoup à gagner si Tyrion tombait avec son ami. Nous avons toutes deux grand intérêt à déstabiliser la couronne pour que, d’une manière ou d’une autre, nos régions se retrouvent sous l’autorité de nos maisons.

Certes le revirement d’ambition semblait étrange à Aelinor, mais soit cela était faux, et tôt ou tard elle le saurait. Soit cela était vrai et elle pouvait se dire qu’enfin la farman avait acquis les bases du principe de réalité. Quoi qu’il en soit, pour elle ça ne changeait pas grand chose, elle serait Reine, mais hélas, les événements actuels semblaient vouloir la diriger vers une toute autre carrière, donc il fallait qu’elle agisse pour que ni Bronn, ni Lorent ne la détourne de sa destinée. Et elle tenait en un nom, Aegon. Lui et nul autre, parce qu’il était le seul homme sur terre à être parvenu à faire fondre son cœur de glace. Parce que l’amour était né au cours d’une partie de cyvosse digne des grands maîtres dans les regards échangés, dans sa main qui avait frôlé la sienne. Parce qu’il avait gagné en intensité dans les missives échangées et dans le souvenir d’un été Lysien. Parce qu’il habitait depuis ce jour-là dans ses songes comme la promesse de gloire à laquelle elle avait rêvé toute sa vie. Parce qu’il lui avait offert sa flamme, surmontée de la rareté d’un rubis et qu’elle lui offrirait le plus beau coursier qu’on puisse imaginer. Parce qu’elle avait caressé les mots posés sur le vélin avec une infinie tendresse et qu’elle humait les vents d’est avec délectation. Parce qu’elle espérait voir ses voiles percer l’horizon chaque jour que les Sept font. Parce qu’elle avait versé des milliers de larmes en brûlant chacune de ses lettres pour que personne, jamais, ne tombe sur les informations qu’elles contenaient.


Aelinor sourit à son amie, elle lui dirait donc ce qu’elle pensait d’Ulwick après son entrevue avec le Maître des Lois. Elle ne voulait en aucun cas que la Farman se retrouve avec un homme mauvais, en tout cas pas sans savoir à quoi s’attendre. Elle pouvait accepter que cette dernière fasse un tel choix en toute connaissance de cause pour gagner un titre, c’était légitime, même si la brune aux yeux azur se demandait si elle pourrait faire ce choix. Aegon balayait tous les autres, mais si elle avait dû choisir entre un homme bon, mais simple lord, ou un homme violent et suzerain, prince ou roi, elle ne savait pas si elle aurait finalement eu le courage d’aller vers la gloire. Elle s'était toujours dit qu’elle prendrait l’option et éliminerait son immonde compagnon dès qu’il lui aurait donné un héritier mâle pour être tranquille. Mais elle savait à présent que cela n’était pas si simple, sans quoi, elle utiliserait cette stratégie prévue de longue date avec La Nera.


Elle soupira et eut un petit sourire triste quand Legalis lui prit les mains, elle appréciait grande ce geste qui lui faisait chaud au cœur dans le tumulte d'émotions qu’elle traversait. La peur de nouveau. Infâme sentiment qu’elle ne parvenait pas à dompter. Comme quand les Fer-Nés avaient déferlé sur Villevieille alors qu’elle n’était qu'une enfant. Comme quand la déflagration venue du Grand Septuaire avait emporté toute sa raison.

__ Il n'est pas éternel mais il a le soutien de la couronne.


Toute opposition de la part des Hightower était susceptible de déclencher une guerre pour laquelle ils n’étaient pas prêts. Qui plus est aux portes de Port-Real et ils seraient probablement tous morts ou enfermés avant d’atteindre Villevieille. Et s’il mourait, nul doute vue l’animosité latente entre lui et sa Maison, qu’elle serait la première suspecte. Oui, elle aimerait pouvoir le tuer avant la nuit de Noces comme l’avait fait Olenna pour sauver sa petite fille des griffes de Joffrey. Mais elle craignait que cela ne se transforme en pugilat pour elle et les siens.


La Hightower sentit les larmes lui monter aux nez quand Megalis refusa la proposition. Peu importait les explications, les raisons, elle la laissait à son triste sort. Elle serra les dents, plissa les yeux détourna le regard et enleva ses mains de celle de la blonde avant de partir en claquant la porte, furieuse. A présent les larmes coulaient sur ses joues, elle ne les retenait pas, mais ses pas résonnaient dans les couloirs du Donjon Rouge comme le tonnerre de sa colère, tels des tambours de guerre. Elle retourna à sa chambre pour poser la pochette dans laquelle elle avait mis les cheveux de Willos. Elle les regarda, se demandant si son amie méritait qu’elle aide son frère. Elle verrait plus tard. C’était tout sauf le moment de flancher. Elle se regarda dans le miroir et essuya ses larmes dans un geste de rage, puis, elle inspira profondément et s’assit à sa coiffeuse, sa servante accourut pour lui refaire une beauté. Elle ouvrit la bouche pour demander ce qui pouvait bien arriver à sa maîtresse pour qu’elle pleure ainsi, mais la brune aux yeux céruléens leva un doigt et elle referma aussitôt la bouche avant même d’avoir expiré le moindre mot. La Farman avait raison sur un point, elle était plus forte que cela. Une fois les traces de larmes effacées e son visage et le khôl noir remis autour de ses yeux azur, elle se dirigea vers le banquet et arriva avec son meilleur sourire.