[Braavos] Nous ne sommes que des comédiens perdus en pleine tragédie | Ft Sariel Adarys
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Nous ne sommes que des comédiens
perdus en pleine tragédieFt @Sariel Adarys
An 305, Lune 10, Semaine 1, Jour 3
Bateau Guignol, Braavos
perdus en pleine tragédieFt @Sariel Adarys
An 305, Lune 10, Semaine 1, Jour 3
Bateau Guignol, Braavos
Il y a des visages que ni le temps ni la mer ne sauraient éroder dans la mémoire de Jazara.
Celui de Xanthes, son père, buriné par le sel et les années.
Celui de Xaras, son frère en tout sauf le sang, doux et apaisé, heureux de savoir quelqu’un d’autre que lui a pu reprendre le flambeau paternel.
Celui de sa génitrice, rouge de colère et de haine pour le monstre qu’elle est.
Et enfin, celui de l’acteur actuellement sur la scène du Bateau Guignol. Il l’a hanté pendant des années, mais Jaz a laissé sa peur et sa lâcheté dicter sa conduite le jour où elle l’a rencontré.
Si elle le regrette ? Peut-être un peu. Un tout petit peu. Mais entre le gamin devant ses yeux ou sa survie, elle n’avait pas hésité à l’époque. Aujourd’hui, Jazara prendrait le risque, forte d’une confiance forgée dans les embruns et les cordes, sûre de ne pas être reconnue par ceux qui l’ont vue grandir. Elle l’attraperait par la main et l’aiderait à fuir ceux venus le chercher plutôt que détourner les yeux en reconnaissant les armoiries.
Un oiseau azur sur fond d’argent. La famille qui l’a reniée.
— Capitaine, il y a un problème ?
Jazara a oublié comment respirer sous le poids de la culpabilité et du soulagement. Au moins a-t-il réussi à s’envoler loin de leur cage dorée malgré son inaction. Elle s'est renseignée, après avoir lâchement tourné le dos du gamin à son sort. Sariel Adarys, son neveu et une victime de plus de la matriarche de cette maudite famille.
— Jaz ?
La capitaine observe les acteurs sur scène et avance pour s’assoir sur la chaise la plus proche, les jambes tremblantes. Elle ignore si elle est heureuse de le revoir ou si elle le maudit de lui rappeler d’où elle vient, de quelles ombres est né le monstre qu’elle est.
Son second pose une main sur son épaule. Il n’a pas besoin de parler pour qu’elle sente son inquiétude. Elle ne flanche jamais. Pas devant un public, en tous les cas. Elle porte le masque fier de capitaine en-dehors de sa cabine et ne s’en défait que rarement.
Elle n’a pas la force de le maintenir, à cet instant.
— Ça ira, Syreo. Désolée. Un moment d’absence.
Les mensonges sur sa langue, rodés par le temps ; le regard dubitatif de son second, qui n’est pas dupe. Jazara ne sait même pas pouvoir elle continue à jouer son rôle de capitaine lorsque Syreo voit à travers toutes ses faiblesses comme à travers du cristal.
— Tu aurais fait une très mauvaise actrice, Jaz. Tu es sûre que tout va bien ?
Un regard sur la scène.
Oui. Parce qu’un oisillon de la famille Adarys a pris son envol loin de l’autre salope. Parce que Jazara est soulagée de voir que son inaction ne l’a pas condamné.
Non. Parce qu’il lui rappelle qu’elle subit la punition d’une autre. Parce que Jothiel est mort et que Jazara n’est pas censé connaître le jeune homme sur les planches.
Sariel. Son neveu. Un neveu qu’elle devrait renier avant même de connaître. Elle devrait faire comme si de rien n’était, partir et oublier ce qu’elle a vu ce soir.
— Tu ne devrais pas rester, Jaz. S’il te plaît.
La main de son second se serre un peu plus sur son épaule ; Jazara sent sa colère et son inquiétude comme si elle avait son visage devant les yeux. Elle pince pensivement ses lèvres et pose sa main sur la sienne, tapotant gentiment le dos buriné par le sel.
— J’ai juré à Xanthes de veiller sur toi. Ne me rends pas parjure.
L’évocation de son père adoptif pince le cœur de Jazara, qui penche la tête en arrière pour croiser le regard de Syreo.
— Je sais et je t’en remercie. Je ne suis pas en danger, si c’est ce qui t’inquiète. Je compte seulement déterrer des cadavres si vieux que leurs os ont blanchis.
Son second souffle, agacé, avant de passer une main devant ses yeux. Il la relâche, l’air sévère mais le regard rieur.
— Je serai dehors si tu as besoin d’un coup de pelle.
Jazara acquiesce avec soulagement, tandis que Syreo tourne les talons et sort du Bateau guignol, les épaules tendues par l’inquiétude. La capitaine sait que quoi qu’elle dise, ce crétin cessera de se faire des cheveux blancs lorsqu’ils seront à nouveau à l’abri sur leur navire. Il ne se sent en sécurité qu’en pleine mer, étonnamment, et cela s’étend à chaque membre de leur équipage.
La capitaine soupire et s’installe plus confortablement sur sa chaise, commandant une chopine de bière pour profiter au mieux du spectacle sous ses yeux. Une partie d’elle rit de voir un membre de sa famille attiré par le théâtre, tout comme elle enfant ; une autre le jalouse d’avoir pu réaliser ce rêve si simple qu’elle n’a jamais pu qu’effleurer du doigt.
Elle ne regrette en rien sa vie actuelle, mais parfois, elle souhaiterait être née bénie des dieux pour pouvoir vivre comme elle en rêve et que respirer ne soit pas un combat de chaque seconde.
Jazara ne se lève de sa chaise que lorsque le spectacle est fini depuis un moment et qu’elle aperçoit Sariel à une table un peu à l’écart. Elle le rejoint, s’asseyant face à lui sans attendre sa permission, qu’elle n’aurait probablement pas eu.
— Bonsoir. Jolie performance.
Le sourire qu’elle tente ressemble sans doute plus à une grimace grotesque, mais qu’importe ; Jazara ne laisse rien l’arrêter, pas même ses difficultés à sourire ou son Tyroshien rouillé. Elle pose son verre face à elle, jouant avec l’anse du bout du doigt, avant de planter son regard dans le sien.
Sariel ressemble à son père. Un bref instant, elle aperçoit même quelques traits du visage qu’il doit tenir de l’empoisonneuse familiale. Jazara est heureuse de tenir plus du côté paternel que maternel ; au moins son reflet lui épargne-t-il le souvenir de sa geôlière.
— Je sais qui tu es derrière tous ces masques, Sariel.
Jazara s’attend au pire comme réaction ; si quelqu’un qu’elle ne connaît pas se présentait devant elle en l’appelant Jothiel, elle ne resterait pas calme, loin de là. Mais si Jaz venait de la part de l’autre salope, elle n’aurait pas approché Sariel au Bateau Guignol, devant tant de monde. Braavos n’est pas Tyrosh ; ici, les Adarys n’ont pas autant de pouvoir. Elle lève les mains au-dessus de la table, bien visible et paumes ouvertes pour tenter de ne pas paraître menaçante.
— Et avant que tu ne paniques, non, je ne viens pas de la part de la vieille peau. Même si elle n’a toujours pas crevé, quel dommage. Plus éternelle que la mouche sur le tas de purin.
Le sourire qui étire finalement ses lèvres n’a rien de doux ; si Jazara en avait l’occasion, elle tuerait sa génitrice de ses propres mains, pour avoir enfin une véritable raison d’être punie par les dieux.
Celui de Xanthes, son père, buriné par le sel et les années.
Celui de Xaras, son frère en tout sauf le sang, doux et apaisé, heureux de savoir quelqu’un d’autre que lui a pu reprendre le flambeau paternel.
Celui de sa génitrice, rouge de colère et de haine pour le monstre qu’elle est.
Et enfin, celui de l’acteur actuellement sur la scène du Bateau Guignol. Il l’a hanté pendant des années, mais Jaz a laissé sa peur et sa lâcheté dicter sa conduite le jour où elle l’a rencontré.
Si elle le regrette ? Peut-être un peu. Un tout petit peu. Mais entre le gamin devant ses yeux ou sa survie, elle n’avait pas hésité à l’époque. Aujourd’hui, Jazara prendrait le risque, forte d’une confiance forgée dans les embruns et les cordes, sûre de ne pas être reconnue par ceux qui l’ont vue grandir. Elle l’attraperait par la main et l’aiderait à fuir ceux venus le chercher plutôt que détourner les yeux en reconnaissant les armoiries.
Un oiseau azur sur fond d’argent. La famille qui l’a reniée.
— Capitaine, il y a un problème ?
Jazara a oublié comment respirer sous le poids de la culpabilité et du soulagement. Au moins a-t-il réussi à s’envoler loin de leur cage dorée malgré son inaction. Elle s'est renseignée, après avoir lâchement tourné le dos du gamin à son sort. Sariel Adarys, son neveu et une victime de plus de la matriarche de cette maudite famille.
— Jaz ?
La capitaine observe les acteurs sur scène et avance pour s’assoir sur la chaise la plus proche, les jambes tremblantes. Elle ignore si elle est heureuse de le revoir ou si elle le maudit de lui rappeler d’où elle vient, de quelles ombres est né le monstre qu’elle est.
Son second pose une main sur son épaule. Il n’a pas besoin de parler pour qu’elle sente son inquiétude. Elle ne flanche jamais. Pas devant un public, en tous les cas. Elle porte le masque fier de capitaine en-dehors de sa cabine et ne s’en défait que rarement.
Elle n’a pas la force de le maintenir, à cet instant.
— Ça ira, Syreo. Désolée. Un moment d’absence.
Les mensonges sur sa langue, rodés par le temps ; le regard dubitatif de son second, qui n’est pas dupe. Jazara ne sait même pas pouvoir elle continue à jouer son rôle de capitaine lorsque Syreo voit à travers toutes ses faiblesses comme à travers du cristal.
— Tu aurais fait une très mauvaise actrice, Jaz. Tu es sûre que tout va bien ?
Un regard sur la scène.
Oui. Parce qu’un oisillon de la famille Adarys a pris son envol loin de l’autre salope. Parce que Jazara est soulagée de voir que son inaction ne l’a pas condamné.
Non. Parce qu’il lui rappelle qu’elle subit la punition d’une autre. Parce que Jothiel est mort et que Jazara n’est pas censé connaître le jeune homme sur les planches.
Sariel. Son neveu. Un neveu qu’elle devrait renier avant même de connaître. Elle devrait faire comme si de rien n’était, partir et oublier ce qu’elle a vu ce soir.
— Tu ne devrais pas rester, Jaz. S’il te plaît.
La main de son second se serre un peu plus sur son épaule ; Jazara sent sa colère et son inquiétude comme si elle avait son visage devant les yeux. Elle pince pensivement ses lèvres et pose sa main sur la sienne, tapotant gentiment le dos buriné par le sel.
— J’ai juré à Xanthes de veiller sur toi. Ne me rends pas parjure.
L’évocation de son père adoptif pince le cœur de Jazara, qui penche la tête en arrière pour croiser le regard de Syreo.
— Je sais et je t’en remercie. Je ne suis pas en danger, si c’est ce qui t’inquiète. Je compte seulement déterrer des cadavres si vieux que leurs os ont blanchis.
Son second souffle, agacé, avant de passer une main devant ses yeux. Il la relâche, l’air sévère mais le regard rieur.
— Je serai dehors si tu as besoin d’un coup de pelle.
Jazara acquiesce avec soulagement, tandis que Syreo tourne les talons et sort du Bateau guignol, les épaules tendues par l’inquiétude. La capitaine sait que quoi qu’elle dise, ce crétin cessera de se faire des cheveux blancs lorsqu’ils seront à nouveau à l’abri sur leur navire. Il ne se sent en sécurité qu’en pleine mer, étonnamment, et cela s’étend à chaque membre de leur équipage.
La capitaine soupire et s’installe plus confortablement sur sa chaise, commandant une chopine de bière pour profiter au mieux du spectacle sous ses yeux. Une partie d’elle rit de voir un membre de sa famille attiré par le théâtre, tout comme elle enfant ; une autre le jalouse d’avoir pu réaliser ce rêve si simple qu’elle n’a jamais pu qu’effleurer du doigt.
Elle ne regrette en rien sa vie actuelle, mais parfois, elle souhaiterait être née bénie des dieux pour pouvoir vivre comme elle en rêve et que respirer ne soit pas un combat de chaque seconde.
Jazara ne se lève de sa chaise que lorsque le spectacle est fini depuis un moment et qu’elle aperçoit Sariel à une table un peu à l’écart. Elle le rejoint, s’asseyant face à lui sans attendre sa permission, qu’elle n’aurait probablement pas eu.
— Bonsoir. Jolie performance.
Le sourire qu’elle tente ressemble sans doute plus à une grimace grotesque, mais qu’importe ; Jazara ne laisse rien l’arrêter, pas même ses difficultés à sourire ou son Tyroshien rouillé. Elle pose son verre face à elle, jouant avec l’anse du bout du doigt, avant de planter son regard dans le sien.
Sariel ressemble à son père. Un bref instant, elle aperçoit même quelques traits du visage qu’il doit tenir de l’empoisonneuse familiale. Jazara est heureuse de tenir plus du côté paternel que maternel ; au moins son reflet lui épargne-t-il le souvenir de sa geôlière.
— Je sais qui tu es derrière tous ces masques, Sariel.
Jazara s’attend au pire comme réaction ; si quelqu’un qu’elle ne connaît pas se présentait devant elle en l’appelant Jothiel, elle ne resterait pas calme, loin de là. Mais si Jaz venait de la part de l’autre salope, elle n’aurait pas approché Sariel au Bateau Guignol, devant tant de monde. Braavos n’est pas Tyrosh ; ici, les Adarys n’ont pas autant de pouvoir. Elle lève les mains au-dessus de la table, bien visible et paumes ouvertes pour tenter de ne pas paraître menaçante.
— Et avant que tu ne paniques, non, je ne viens pas de la part de la vieille peau. Même si elle n’a toujours pas crevé, quel dommage. Plus éternelle que la mouche sur le tas de purin.
Le sourire qui étire finalement ses lèvres n’a rien de doux ; si Jazara en avait l’occasion, elle tuerait sa génitrice de ses propres mains, pour avoir enfin une véritable raison d’être punie par les dieux.
Invité
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An 305
Lune 10, Semaine 1, Jour 3
ft. Jazara Saaros
Nous ne sommes que des comédiens perdus en pleine tragédie
La vie à Braavos prend une étrange tournure.
La plume suspendue dans la main, au-dessus d’un parchemin à peine noirci par l’encre, les doigts perdus dans ses mèches brunes, Sariel le pressent. Il le voit, dans les regards, les attitudes de chacun. Si la clientèle afflue toujours au Bateau guignol, c’est parce qu’elle est avant tout étrangère, si loin des troubles actuels qui frappent la Cité Libre. Quelques marchands ont bien conscience des remous qui se trament - ces hommes-là ont l’oreille affûtée qui traînent dans tous les recoins - et ils ne restent jamais bien longtemps dans les environs. Ils accostent, déchargent ou vendent leur marchandise, puis repartent aussitôt. Pourquoi s’empêtrer dans une situation inextricable qui ne les concerne pas ? S’ils se tiennent assez loin de Braavos pour les prochaines lunes, les conflits se produiront et s’éteindront, et ils feront affaire avec les survivants. Rien de plus simple.
Sariel devrait les imiter. C’est d’ailleurs pour ça qu’il s’est isolé dans son logement, sous prétexte d’être frappé par une inspiration soudaine pour une prochaine pièce. Il fait en réalité ses comptes - ou du moins, il essaie. Un rien le déconcentre. Il se soucie de l’avenir, craint d’avoir tout à recommencer une fois de plus. Il n’a pas la moindre envie d’être impliqué dans une nouvelle guerre. Meereen lui a suffi. La plèbe souffre toujours des exactions des puissants, peu importe leurs ambitions, leurs valeurs. Daenerys du Typhon n’est qu’un exemple parmi tant d’autres. Quels arguments utiliseront les notables de Braavos pour justifier leur guerre civile ? Obligeront-ils le peuple à se rallier à l’un de leurs camps ? Sariel n’a aucune envie de le découvrir. Alors il fait ses comptes, calcule le montant de ses économies et envisage le pire.
La veille, il s’est renseigné sur le coût d’une traversée en bateau, selon la destination. L’argent ne lui pose pas de problème, en vérité ; plus ou moins à l’arrivée, selon la destination, mais rien de bien précaire. Mais ensuite ? Il ignore tout de Westeros, de ses coutumes et de sa culture. Les nobles y sont sans doute tout autant pourris qu’à Braavos, ou à Tyrosh, mais ils n’autorisent pas l’esclavage. Un argument de poids pour Sariel, quand il compare avec le reste d’Essos. Daenerys du Typhon n’a rien changé. L’esclavage a été rétabli dans la Baie des Serfs, à l’exception de Meereen, toujours tenue par les Puînés.
D’un côté comme de l’autre, il ignore où fuir, si jamais la situation à Braavos empire. Il n’espère pas. Il ne tient pas à tout reconstruire une fois de plus.
Trois coups contre sa porte lui indiquent que l’heure de la représentation approche. Sariel soupire, toujours indécis quant à son avenir. Il a beau avoir appris à se contenter de l’instant présent, parfois, cela ne suffit pas.
Après avoir rangé plume et parchemin, il abandonne son logement pour rejoindre la troupe sur les planches du Bateau guignol. Les comédiens échangent quelques mots, captent l’attention de leur public habituel, parsemé de quelques étrangers, puis la représentation débute. Ce soir, ils interprètent Sept rameurs ivres, un classique qui plaît à leur public. Le texte file, l’histoire se dévoile sous l’attention des spectateurs et des rires éclatent à chaque moment drôle.
Le retour à l’instant présent pour Sariel. Le plaisir d’une vie qu’il s’est échiné à construire ces dernières années, et dont il n’a aucune envie de clore le chapitre.
La pièce se conclut sur les applaudissements du public. Les comédiens saluent la foule une fois, puis deux avec le rappel. Certains habitués apostrophent Plume pour savoir quand la troupe jouera sa prochaine pièce, qui se pare alors de malice pour leur répondre sans leur répondre.
Le calme finit par retomber après un long moment de rires et de discussions prenantes. Sariel s’installe à une table un peu à l’écart pour savourer la fin de cette soirée, un verre de persiâcre pour toute compagnie. C’est toujours mieux que ses parchemins de compte à l’étage.
Sa tranquillité ne dure pas. Une femme s’invite à ses côtés sans se soucier de sa permission, avec un sourire aussi convainquant que celui d’une vieille grenouille. Sur ses gardes, en particulier avec le tyroshi rouillé qui résonne à ses oreilles, Sariel se redresse quelque peu sur sa chaise mais ne laisse rien paraître. Il reste acteur, même sous le prisme de son quotidien.
S’il s’exprime à son tour en tyroshi, il fausse son accent, remplace certains mots par du braavien, commet des fautes, comme quelqu’un qui ne parle pas le tyroshi couramment. Comme quelqu’un qui n’a pas le tyroshi en langue natale.
— Merci. Mais vous savez, j’accepte plus facilement encore les pourboires que les remerciements.
Le sourire joueur, les yeux emplis de malice, comme à son habitude. Il joue avec le feu, méprise les risques. Corban n’est pas là, mais il l’imagine sans peine rouler des yeux face à son audace irréfléchie. Tu t’en mordras les doigts un jour, j’te l’garantis, qu’il lui répète à longueur de journée, ou presque.
Il s’en mord les doigts à l’instant d’après, même s’il se contente d’arquer un sourcil face à cette inconnue. Elle connaît certes son prénom complet, mais elle n’est sûrement pas la seule à le connaître dans le coin. En revanche, cette information couplée à l’usage du tyroshi soulève de plus vieilles craintes. Il balaie la salle du regard, mais ne remarque rien d’étrange. Uniquement des habitués.
Alors il attend, la laisse continuer, tandis que son esprit échafaude les pires scenarii. La lame qui ne le quitte jamais pèse soudain tout son poids contre sa hanche, dissimulée sous les couches de vêtements.
Puis la réponse tombe. La vieille peau. Isilys. Son ventre se serre aussitôt tandis qu’il cache ses troubles derrière son sourire joueur. Un rire lui échappe.
— Je crois que vous faîtes erreur.
Il la dévisage, elle et ses mains levées, comme s’il ne comprenait rien à son charabia.
— Je ne sais pas qui vous êtes, encore moins de quoi vous parlez.
La plume suspendue dans la main, au-dessus d’un parchemin à peine noirci par l’encre, les doigts perdus dans ses mèches brunes, Sariel le pressent. Il le voit, dans les regards, les attitudes de chacun. Si la clientèle afflue toujours au Bateau guignol, c’est parce qu’elle est avant tout étrangère, si loin des troubles actuels qui frappent la Cité Libre. Quelques marchands ont bien conscience des remous qui se trament - ces hommes-là ont l’oreille affûtée qui traînent dans tous les recoins - et ils ne restent jamais bien longtemps dans les environs. Ils accostent, déchargent ou vendent leur marchandise, puis repartent aussitôt. Pourquoi s’empêtrer dans une situation inextricable qui ne les concerne pas ? S’ils se tiennent assez loin de Braavos pour les prochaines lunes, les conflits se produiront et s’éteindront, et ils feront affaire avec les survivants. Rien de plus simple.
Sariel devrait les imiter. C’est d’ailleurs pour ça qu’il s’est isolé dans son logement, sous prétexte d’être frappé par une inspiration soudaine pour une prochaine pièce. Il fait en réalité ses comptes - ou du moins, il essaie. Un rien le déconcentre. Il se soucie de l’avenir, craint d’avoir tout à recommencer une fois de plus. Il n’a pas la moindre envie d’être impliqué dans une nouvelle guerre. Meereen lui a suffi. La plèbe souffre toujours des exactions des puissants, peu importe leurs ambitions, leurs valeurs. Daenerys du Typhon n’est qu’un exemple parmi tant d’autres. Quels arguments utiliseront les notables de Braavos pour justifier leur guerre civile ? Obligeront-ils le peuple à se rallier à l’un de leurs camps ? Sariel n’a aucune envie de le découvrir. Alors il fait ses comptes, calcule le montant de ses économies et envisage le pire.
La veille, il s’est renseigné sur le coût d’une traversée en bateau, selon la destination. L’argent ne lui pose pas de problème, en vérité ; plus ou moins à l’arrivée, selon la destination, mais rien de bien précaire. Mais ensuite ? Il ignore tout de Westeros, de ses coutumes et de sa culture. Les nobles y sont sans doute tout autant pourris qu’à Braavos, ou à Tyrosh, mais ils n’autorisent pas l’esclavage. Un argument de poids pour Sariel, quand il compare avec le reste d’Essos. Daenerys du Typhon n’a rien changé. L’esclavage a été rétabli dans la Baie des Serfs, à l’exception de Meereen, toujours tenue par les Puînés.
D’un côté comme de l’autre, il ignore où fuir, si jamais la situation à Braavos empire. Il n’espère pas. Il ne tient pas à tout reconstruire une fois de plus.
Trois coups contre sa porte lui indiquent que l’heure de la représentation approche. Sariel soupire, toujours indécis quant à son avenir. Il a beau avoir appris à se contenter de l’instant présent, parfois, cela ne suffit pas.
Après avoir rangé plume et parchemin, il abandonne son logement pour rejoindre la troupe sur les planches du Bateau guignol. Les comédiens échangent quelques mots, captent l’attention de leur public habituel, parsemé de quelques étrangers, puis la représentation débute. Ce soir, ils interprètent Sept rameurs ivres, un classique qui plaît à leur public. Le texte file, l’histoire se dévoile sous l’attention des spectateurs et des rires éclatent à chaque moment drôle.
Le retour à l’instant présent pour Sariel. Le plaisir d’une vie qu’il s’est échiné à construire ces dernières années, et dont il n’a aucune envie de clore le chapitre.
La pièce se conclut sur les applaudissements du public. Les comédiens saluent la foule une fois, puis deux avec le rappel. Certains habitués apostrophent Plume pour savoir quand la troupe jouera sa prochaine pièce, qui se pare alors de malice pour leur répondre sans leur répondre.
Le calme finit par retomber après un long moment de rires et de discussions prenantes. Sariel s’installe à une table un peu à l’écart pour savourer la fin de cette soirée, un verre de persiâcre pour toute compagnie. C’est toujours mieux que ses parchemins de compte à l’étage.
Sa tranquillité ne dure pas. Une femme s’invite à ses côtés sans se soucier de sa permission, avec un sourire aussi convainquant que celui d’une vieille grenouille. Sur ses gardes, en particulier avec le tyroshi rouillé qui résonne à ses oreilles, Sariel se redresse quelque peu sur sa chaise mais ne laisse rien paraître. Il reste acteur, même sous le prisme de son quotidien.
S’il s’exprime à son tour en tyroshi, il fausse son accent, remplace certains mots par du braavien, commet des fautes, comme quelqu’un qui ne parle pas le tyroshi couramment. Comme quelqu’un qui n’a pas le tyroshi en langue natale.
— Merci. Mais vous savez, j’accepte plus facilement encore les pourboires que les remerciements.
Le sourire joueur, les yeux emplis de malice, comme à son habitude. Il joue avec le feu, méprise les risques. Corban n’est pas là, mais il l’imagine sans peine rouler des yeux face à son audace irréfléchie. Tu t’en mordras les doigts un jour, j’te l’garantis, qu’il lui répète à longueur de journée, ou presque.
Il s’en mord les doigts à l’instant d’après, même s’il se contente d’arquer un sourcil face à cette inconnue. Elle connaît certes son prénom complet, mais elle n’est sûrement pas la seule à le connaître dans le coin. En revanche, cette information couplée à l’usage du tyroshi soulève de plus vieilles craintes. Il balaie la salle du regard, mais ne remarque rien d’étrange. Uniquement des habitués.
Alors il attend, la laisse continuer, tandis que son esprit échafaude les pires scenarii. La lame qui ne le quitte jamais pèse soudain tout son poids contre sa hanche, dissimulée sous les couches de vêtements.
Puis la réponse tombe. La vieille peau. Isilys. Son ventre se serre aussitôt tandis qu’il cache ses troubles derrière son sourire joueur. Un rire lui échappe.
— Je crois que vous faîtes erreur.
Il la dévisage, elle et ses mains levées, comme s’il ne comprenait rien à son charabia.
— Je ne sais pas qui vous êtes, encore moins de quoi vous parlez.
Invité
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Nous ne sommes que des comédiens
perdus en pleine tragédieFt @Sariel Adarys
An 305, Lune 10, Semaine 1, Jour 3
Bateau Guignol, Braavos
perdus en pleine tragédieFt @Sariel Adarys
An 305, Lune 10, Semaine 1, Jour 3
Bateau Guignol, Braavos
Évidemment que Sariel nie. Jazara n’en ferait-elle pas de même, à sa place ? Son cœur se gonfle d’une fierté mal placée alors qu’il lui répond dans un tyroshi hésitant, malhabile, parsemé de Braavien. Il sait comment cacher ses origines et ses capacités. Peut-être arrivera-t-il à vivre comme il le désire ; c’est bien tout ce qu’elle lui souhaite.
Sans rien ajouter pour l’instant, elle se saisit de sa bourse dissimulée dans le creux de son corset et la dépose devant le jeune homme. Sariel pourra continuer à nier si elle n’arrive pas à le convaincre qu’il peut lui faire confiance, mais au moins il aura de quoi vivre un moment sans se soucier de savoir ce qu’il y aura dans son assiette le lendemain. Elle n’utilise que peu son argent personnel, de toute façon, n’ayant aucune famille à charge.
Son frère adoptif le prendrait comme une insulte si elle cherchait à l’entretenir et elle en entendrait parler pendant des lunes.
— Quelles sont les chances de croiser deux personnes qui se ressemblent à des années d’intervalles, toutes deux passionnées par le théâtre ? La première fois que je t’ai vu sur scène, tu as été enlevé par un oiseau d’azur.
Jazara soupire ; obtenir la confiance de Sariel sans s’enfoncer dans des mensonges lui paraît presque impossible, mais elle veut essayer. Elle aurait pu essayer de s’approcher de lui en cachant tout ce qu’elle sait à son propos, mais il se serait sans doute senti trahi en apprenant la vérité.
Elle préfère encore qu’il ne lui fasse jamais confiance, mais qu’il accepte son argent, plutôt qu’il vive une trahison de plus de la part de sa propre famille.
— Je te demande pardon de ne pas être intervenue ce jour-là.
Un aveu douloureux. Jaz se souvient encore de la peur qui lui a noué les tripes lorsqu’elle a vu Sariel se faire rattraper par des soldats de leur famille. Elle aurait pu intervenir, elle aurait dû intervenir ; personne ne l’avait reconnue jusque-là, alors elle aurait sans doute pu l’aider et l’amener en sécurité auprès de Xanthes. Mais la terreur que lui inspirait Isilys alors l’a gelée sur place et elle a fui, encore.
Aujourd’hui, Jazara ne fuirait sans doute pas. Elle n’a plus peur d’Isilys. Qu’est-ce que cette femme pourrait lui faire dont elle ne pourrait s’en tirer ? Pour le monde entier, elle est une femme des Îles d’Été, une capitaine au service de la Banque de Fer.
Jothiel est mort et Isilys ne peut plus l’atteindre.
— Tu ressembles à… à Jothiel. Lui aussi, il aimait le théâtre et voulait devenir comédien. Elle a dû tellement te haïr rien que pour ça.
Depuis combien d’années n’a-t-elle pas prononcé son propre prénom à haute voix ? Vingt ans ? Cela lui fait tout drôle. Xanthes ne le lui a demandé qu’une seule fois, avant de lui donner le prénom de Jazara, qu’elle chérit plus que bien des trésors. Même son frère Xaras l’ignore. Il n’y a plus personne pour l’appeler ainsi et cela lui convient bien. Même de la part de son neveu, elle ne l’accepterait pas.
Un soupir. Jazara enlève son cache-œil et plante son regard dans celui de Sariel. Est-ce qu’il remarquera les similitudes familiales ? Est-ce qu’il aura l’impression de voir un membre de sa famille surgir devant lui ou non ?
— … Est-ce que tu sais pourquoi les gens traitaient Jothiel d’enfant maudit ? Pourquoi l’autre salope le haït tant ?
Si Sariel est au courant, les choses seront beaucoup plus simples à gérer, non ?
Sans rien ajouter pour l’instant, elle se saisit de sa bourse dissimulée dans le creux de son corset et la dépose devant le jeune homme. Sariel pourra continuer à nier si elle n’arrive pas à le convaincre qu’il peut lui faire confiance, mais au moins il aura de quoi vivre un moment sans se soucier de savoir ce qu’il y aura dans son assiette le lendemain. Elle n’utilise que peu son argent personnel, de toute façon, n’ayant aucune famille à charge.
Son frère adoptif le prendrait comme une insulte si elle cherchait à l’entretenir et elle en entendrait parler pendant des lunes.
— Quelles sont les chances de croiser deux personnes qui se ressemblent à des années d’intervalles, toutes deux passionnées par le théâtre ? La première fois que je t’ai vu sur scène, tu as été enlevé par un oiseau d’azur.
Jazara soupire ; obtenir la confiance de Sariel sans s’enfoncer dans des mensonges lui paraît presque impossible, mais elle veut essayer. Elle aurait pu essayer de s’approcher de lui en cachant tout ce qu’elle sait à son propos, mais il se serait sans doute senti trahi en apprenant la vérité.
Elle préfère encore qu’il ne lui fasse jamais confiance, mais qu’il accepte son argent, plutôt qu’il vive une trahison de plus de la part de sa propre famille.
— Je te demande pardon de ne pas être intervenue ce jour-là.
Un aveu douloureux. Jaz se souvient encore de la peur qui lui a noué les tripes lorsqu’elle a vu Sariel se faire rattraper par des soldats de leur famille. Elle aurait pu intervenir, elle aurait dû intervenir ; personne ne l’avait reconnue jusque-là, alors elle aurait sans doute pu l’aider et l’amener en sécurité auprès de Xanthes. Mais la terreur que lui inspirait Isilys alors l’a gelée sur place et elle a fui, encore.
Aujourd’hui, Jazara ne fuirait sans doute pas. Elle n’a plus peur d’Isilys. Qu’est-ce que cette femme pourrait lui faire dont elle ne pourrait s’en tirer ? Pour le monde entier, elle est une femme des Îles d’Été, une capitaine au service de la Banque de Fer.
Jothiel est mort et Isilys ne peut plus l’atteindre.
— Tu ressembles à… à Jothiel. Lui aussi, il aimait le théâtre et voulait devenir comédien. Elle a dû tellement te haïr rien que pour ça.
Depuis combien d’années n’a-t-elle pas prononcé son propre prénom à haute voix ? Vingt ans ? Cela lui fait tout drôle. Xanthes ne le lui a demandé qu’une seule fois, avant de lui donner le prénom de Jazara, qu’elle chérit plus que bien des trésors. Même son frère Xaras l’ignore. Il n’y a plus personne pour l’appeler ainsi et cela lui convient bien. Même de la part de son neveu, elle ne l’accepterait pas.
Un soupir. Jazara enlève son cache-œil et plante son regard dans celui de Sariel. Est-ce qu’il remarquera les similitudes familiales ? Est-ce qu’il aura l’impression de voir un membre de sa famille surgir devant lui ou non ?
— … Est-ce que tu sais pourquoi les gens traitaient Jothiel d’enfant maudit ? Pourquoi l’autre salope le haït tant ?
Si Sariel est au courant, les choses seront beaucoup plus simples à gérer, non ?
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An 305
Lune 10, Semaine 1, Jour 3
ft. Jazara Saaros
Nous ne sommes que des comédiens perdus en pleine tragédie
Plus cette femme parle avec son tyroshi natal, quoique un peu rouillé, et plus la vérité plante ses griffes dans sa chair. Les preuves s’accumulent une à une, alourdissent la balance pour décrédibiliser le mensonge et la coïncidence, laissant Sariel avec un goût amer en bouche, et une peur profonde qui lui noue les tripes. Il n’a plus entendu parler des Adarys depuis sa fugue, et il a toujours pris soin de dissimuler son identité. Même face à son maître, à Meereen, il n’a jamais dévoilé son nom de famille alors qu’il aurait sûrement pu en retirer des avantages. Depuis des années, il se fait passer pour un péquenot, originaire d’un trou trop paumé pour figurer sur une carte, et dont personne n’a entendu parler - et de toute façon, personne ne se soucie d’un campagnard qui sait se faire oublier.
Et voilà que l’oiseau bleu réapparaît dans sa vie. Il se juche sur une branche hors de portée, là où il ne peut pas le faire fuir, mais qui épie le moindre de ses mouvements. Depuis quand cette femme l’observe-t-elle ? non, l’espionne-t-elle ? Des jours ? Des semaines ? Compte-elle le capturer pour le ramener droit à Tyrosh ? Elle a beau lui affirmer qu’il n’a rien à craindre, il n’en croit pas un traître mot.
Sa grand-mère promettait bien à son père qu’il ne risquait rien, avant de fomenter son assassinat dans les ombres. Alors pourquoi une autre Adarys échapperait-elle à la règle ?
Pourtant, il écoute avec soin les paroles de cette femme, note certaines références qui le prennent de court, bien qu’il parvienne à prendre sur lui pour ne rien en montrer. Sa première fois sur scène ? Le souvenir lui crève le cœur, alors qu’il se rappelle Meralyn. Il n’a plus de nouvelles d’elle depuis des années, alors qu’ils étaient inséparables enfants.
L’espoir le caresse un instant, mais Sariel le repousse brutalement. Cette femme n’est pas Meralyn. Elle n’a pas la douceur de ses traits, ou encore ses cheveux nattés.
Puis il se trahit. L’excuse le prend de court, pour de bon, et il esquisse un geste de recul. Il dévisage la femme sans comprendre, perd le sourire qu’il a arboré jusque là. Dans sa tête, le puzzle ne s’imbrique pas, mais si cette inconnue a eu un doute sur son identité, elle ne l’a plus désormais. Pourquoi aurait-il réagi autrement, s’il était quelqu’un d’autre que le traître des Adarys ?
La gorge nouée, il lorgne sur la bourse, avant de la faire disparaître dans ses poches.
— Le pourboire est apprécié.
Toujours son tyroshi maladroit, avec un accent à couper au couteau, des fautes à presque chaque mot, et du braavien au milieu. Toujours des précautions, alors même que le cœur n’y est plus. Il n’esquisse même pas un sourire pour appuyer sa bravade, car toute son attention est rivée sur cette femme, sur son identité, sur ses liens avec les Adarys. Et surtout, sur la peur de perdre sa liberté.
Je n’y retournerai pas. Jamais.
Des certitudes qui ne pèseront pas bien lourd face à cette femme et aux hommes qui l’accompagnent très certainement. Elle ne prendrait pas le risque de l’affronter seule, quand bien même ignore-t-elle ses faits d’armes à Meereen.
Par réflexe, quand il a fait disparaître la bourse, sa main est restée sous la table pour serrer le manche de sa dague. Il défendra chèrement sa peau.
A nouveau, il sonde la taverne. Pourquoi Aegis n’est-elle pas là quand il a besoin d’elle ? Il aurait pu battre en retraite, faire fuir cette femme qui ne voudra sans doute pas créer d’esclandre en pleine taverne. Et ensuite quoi ? Fuir à nouveau ? Abandonner toute cette vie ? Sariel n’en a pas le cœur, malheureusement.
— Jothiel ?
Il répète le nom sans y croire. Jothiel est mort depuis des années - pour le plus grand plaisir d’Isilys. Et pourtant, cette femme touche juste. Sariel a subi pendant des années les comparaisons avec cet oncle qu’il n’a jamais connu. Sa grand-mère n’a cessé de lui répéter qu’il était lui aussi maudit, qu’il ne valait pas mieux que Jothiel, sans jamais un jour comprendre ce qu’elle lui reproche.
Il ne cille pas quand elle retire son cache-œil, la regarde droit dans les yeux. Il n’est pas certain d’apprécier le sous-entendu qu’il décèle entre ses paroles. Il n’est pas certain non plus de vouloir savoir, alors qu’il ne demandait que ça plus jeune. Les morts meurent dans sa gorge un moment, sa main encore sur la table se crispe. Pendant un moment, il songe à tourner les talons, couper court à toute cette discussion.
Il ne bouge pas.
— On… La comparaison était fréquente, mais personne ne m’a jamais rien dit.
Et voilà que l’oiseau bleu réapparaît dans sa vie. Il se juche sur une branche hors de portée, là où il ne peut pas le faire fuir, mais qui épie le moindre de ses mouvements. Depuis quand cette femme l’observe-t-elle ? non, l’espionne-t-elle ? Des jours ? Des semaines ? Compte-elle le capturer pour le ramener droit à Tyrosh ? Elle a beau lui affirmer qu’il n’a rien à craindre, il n’en croit pas un traître mot.
Sa grand-mère promettait bien à son père qu’il ne risquait rien, avant de fomenter son assassinat dans les ombres. Alors pourquoi une autre Adarys échapperait-elle à la règle ?
Pourtant, il écoute avec soin les paroles de cette femme, note certaines références qui le prennent de court, bien qu’il parvienne à prendre sur lui pour ne rien en montrer. Sa première fois sur scène ? Le souvenir lui crève le cœur, alors qu’il se rappelle Meralyn. Il n’a plus de nouvelles d’elle depuis des années, alors qu’ils étaient inséparables enfants.
L’espoir le caresse un instant, mais Sariel le repousse brutalement. Cette femme n’est pas Meralyn. Elle n’a pas la douceur de ses traits, ou encore ses cheveux nattés.
Puis il se trahit. L’excuse le prend de court, pour de bon, et il esquisse un geste de recul. Il dévisage la femme sans comprendre, perd le sourire qu’il a arboré jusque là. Dans sa tête, le puzzle ne s’imbrique pas, mais si cette inconnue a eu un doute sur son identité, elle ne l’a plus désormais. Pourquoi aurait-il réagi autrement, s’il était quelqu’un d’autre que le traître des Adarys ?
La gorge nouée, il lorgne sur la bourse, avant de la faire disparaître dans ses poches.
— Le pourboire est apprécié.
Toujours son tyroshi maladroit, avec un accent à couper au couteau, des fautes à presque chaque mot, et du braavien au milieu. Toujours des précautions, alors même que le cœur n’y est plus. Il n’esquisse même pas un sourire pour appuyer sa bravade, car toute son attention est rivée sur cette femme, sur son identité, sur ses liens avec les Adarys. Et surtout, sur la peur de perdre sa liberté.
Je n’y retournerai pas. Jamais.
Des certitudes qui ne pèseront pas bien lourd face à cette femme et aux hommes qui l’accompagnent très certainement. Elle ne prendrait pas le risque de l’affronter seule, quand bien même ignore-t-elle ses faits d’armes à Meereen.
Par réflexe, quand il a fait disparaître la bourse, sa main est restée sous la table pour serrer le manche de sa dague. Il défendra chèrement sa peau.
A nouveau, il sonde la taverne. Pourquoi Aegis n’est-elle pas là quand il a besoin d’elle ? Il aurait pu battre en retraite, faire fuir cette femme qui ne voudra sans doute pas créer d’esclandre en pleine taverne. Et ensuite quoi ? Fuir à nouveau ? Abandonner toute cette vie ? Sariel n’en a pas le cœur, malheureusement.
— Jothiel ?
Il répète le nom sans y croire. Jothiel est mort depuis des années - pour le plus grand plaisir d’Isilys. Et pourtant, cette femme touche juste. Sariel a subi pendant des années les comparaisons avec cet oncle qu’il n’a jamais connu. Sa grand-mère n’a cessé de lui répéter qu’il était lui aussi maudit, qu’il ne valait pas mieux que Jothiel, sans jamais un jour comprendre ce qu’elle lui reproche.
Il ne cille pas quand elle retire son cache-œil, la regarde droit dans les yeux. Il n’est pas certain d’apprécier le sous-entendu qu’il décèle entre ses paroles. Il n’est pas certain non plus de vouloir savoir, alors qu’il ne demandait que ça plus jeune. Les morts meurent dans sa gorge un moment, sa main encore sur la table se crispe. Pendant un moment, il songe à tourner les talons, couper court à toute cette discussion.
Il ne bouge pas.
— On… La comparaison était fréquente, mais personne ne m’a jamais rien dit.
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Nous ne sommes que des comédiens
perdus en pleine tragédieFt @Sariel Adarys
An 305, Lune 10, Semaine 1, Jour 3
Bateau Guignol, Braavos
perdus en pleine tragédieFt @Sariel Adarys
An 305, Lune 10, Semaine 1, Jour 3
Bateau Guignol, Braavos
Le nom n’est pas inconnu à Sariel. Jazara ignore si elle doit en être soulagée ou non, parce que ça ne suffit pas à son neveu pour comprendre, parce qu’Isilys ne lui a jamais dit pourquoi elle haïssait tant son propre enfant.
— Heureusement, tu n’es pas une copie conforme. Je dirais qu’à certains égards, tu as eu plus de chance que moi. Tu n’as pas été maudit pour les crimes d’Isilys.
Jazara se fige, alors qu’elle se rend compte que sa langue a fourché. En même temps, ce n’est pas aisé de parler de soi à la troisième personne, mais cela n’aurait pas dû lui échapper, pas comme ça. Un soupir lui échappe et elle passe ses mains sur son visage, essayant de trouver un moyen simple de s’expliquer sans y parvenir.
— Je…
Elle aurait encore préféré qu’Isilys parle de Jothiel en termes horribles à Sariel. Au moins, il saurait. Maintenant, elle n’a plus qu’à mettre des mots sur les pensées qui la rongent depuis des décennies.
Elle n’a plus qu’à révéler sa monstruosité à une âme innocente.
— Les dieux ont fait de Jothiel un être ni totalement homme, ni totalement femme. Ça commencé à l’adolescence. Il a fini par ne plus réussir à le cacher et Isilys l’a su. C’est pour ça qu’Isilys souhaitait sa mort et qu’il a fui. Qu’il est mort.
Jazara déglutit, les doigts tremblants à cause de son arthrose, uniquement de son arthrose. Elle a passé l’âge d’avoir peur comme une enfant. Elle a cessé de craindre sa mort à force de la côtoyer, jour après jour, en pensant qu’il s’agirait de la dernière fois qu’elle respire.
Elle peut bien dire la vérité, non ?
— Je suis née sur les restes de Jothiel. Je suis heureuse de te retrouver, mon neveu.
Jazara est plus anxieuse qu’elle ne tente de le laisser paraître. Sariel pourrait la dénoncer devant toute la taverne, ici et maintenant, et elle ne pourrait sans doute rien y faire. Il pourrait réduire sa vie en quelques mots à peine. Pourquoi n’a-t-elle pas pu se contenter de fermer les yeux, encore, et d’oublier le fait que son neveu pourrait peut-être profiter de son aide ? Pourquoi a-t-elle espéré, bêtement, pouvoir vivre dans les yeux de quelqu’un comme une personne sur qui on peut se reposer ?
— Si tu crains toujours que je sois du côté d’Isilys… Un mot de toi dans cette taverne et la chasse au monstre sera lancée. Mon équipage n’est pas au courant, alors je ne pourrais pas me réfugier vers eux. Un mot de toi et je suis morte.
Elle joue nerveusement avec le cache-œil dans ses mains, évitant désormais le regard de Sariel pour observer le bois de la table. Elle devrait pourtant ne pas lâcher son neveu du regard, s’assurer qu’elle puisse l’assommer et se carapater avant qu’il ne hurle la vérité sur tous les toits, afin d’avoir assez de temps pour rejoindre son équipage et ne jamais revenir à Braavos.
— Je n’attends rien de toi, si c’est ce qui t’inquiète. Tu ne me dois rien, ni du temps, ni quoi que ce soit d’autre. J’ai… J’ai juste l’impression que tu es ici pour un bout de temps, alors je veux juste t’aider comme je peux, si tu le veux bien. J’ai beaucoup trop d’argent pour moi toute seule.
— Heureusement, tu n’es pas une copie conforme. Je dirais qu’à certains égards, tu as eu plus de chance que moi. Tu n’as pas été maudit pour les crimes d’Isilys.
Jazara se fige, alors qu’elle se rend compte que sa langue a fourché. En même temps, ce n’est pas aisé de parler de soi à la troisième personne, mais cela n’aurait pas dû lui échapper, pas comme ça. Un soupir lui échappe et elle passe ses mains sur son visage, essayant de trouver un moyen simple de s’expliquer sans y parvenir.
— Je…
Elle aurait encore préféré qu’Isilys parle de Jothiel en termes horribles à Sariel. Au moins, il saurait. Maintenant, elle n’a plus qu’à mettre des mots sur les pensées qui la rongent depuis des décennies.
Elle n’a plus qu’à révéler sa monstruosité à une âme innocente.
— Les dieux ont fait de Jothiel un être ni totalement homme, ni totalement femme. Ça commencé à l’adolescence. Il a fini par ne plus réussir à le cacher et Isilys l’a su. C’est pour ça qu’Isilys souhaitait sa mort et qu’il a fui. Qu’il est mort.
Jazara déglutit, les doigts tremblants à cause de son arthrose, uniquement de son arthrose. Elle a passé l’âge d’avoir peur comme une enfant. Elle a cessé de craindre sa mort à force de la côtoyer, jour après jour, en pensant qu’il s’agirait de la dernière fois qu’elle respire.
Elle peut bien dire la vérité, non ?
— Je suis née sur les restes de Jothiel. Je suis heureuse de te retrouver, mon neveu.
Jazara est plus anxieuse qu’elle ne tente de le laisser paraître. Sariel pourrait la dénoncer devant toute la taverne, ici et maintenant, et elle ne pourrait sans doute rien y faire. Il pourrait réduire sa vie en quelques mots à peine. Pourquoi n’a-t-elle pas pu se contenter de fermer les yeux, encore, et d’oublier le fait que son neveu pourrait peut-être profiter de son aide ? Pourquoi a-t-elle espéré, bêtement, pouvoir vivre dans les yeux de quelqu’un comme une personne sur qui on peut se reposer ?
— Si tu crains toujours que je sois du côté d’Isilys… Un mot de toi dans cette taverne et la chasse au monstre sera lancée. Mon équipage n’est pas au courant, alors je ne pourrais pas me réfugier vers eux. Un mot de toi et je suis morte.
Elle joue nerveusement avec le cache-œil dans ses mains, évitant désormais le regard de Sariel pour observer le bois de la table. Elle devrait pourtant ne pas lâcher son neveu du regard, s’assurer qu’elle puisse l’assommer et se carapater avant qu’il ne hurle la vérité sur tous les toits, afin d’avoir assez de temps pour rejoindre son équipage et ne jamais revenir à Braavos.
— Je n’attends rien de toi, si c’est ce qui t’inquiète. Tu ne me dois rien, ni du temps, ni quoi que ce soit d’autre. J’ai… J’ai juste l’impression que tu es ici pour un bout de temps, alors je veux juste t’aider comme je peux, si tu le veux bien. J’ai beaucoup trop d’argent pour moi toute seule.
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