[CHATEAUNOIR} Grabuge sur le Mur

Cela faisait à présent quelques années que Fallon vivait à l’ombre du Mur. Avec ce qu’il restait de son clan et les quelques sauvageons qui l’avaient suivie, ils s’étaient établis dans le village en ruine octroyé par la Reine du Nord et l’avaient reconstruit, y développant de nouvelles cultures et y installant des moutons pour l'élevage. Et voici que d’autres sauvageons avaient attaqué Nadoich, Ils étaient de ceux qui avaient repassé le mur, refusant de ployer le genoux devant le moindre nordien comme la tradition du peuple libre le voulait, ils avaient donc fait le choix de retourner vivre dans le vrai nord, pour finalement revenir. C’était incompréhensible pour Fallon, même si ce n’était pas le choix qu’elle avait fait pour les siens, refusant de retourner vivre dans la forêt hanté après tout ce qu’ils avaient traversé, tout ce qu’ils avaient perdu, dans la guerre contre les Autres, et ce qu’ils avaient gagné en se battant à Winterfell aux côté de la Garde de Nuit. Oh probablement pas le respect des Nordiens et encore moins des Sudistes, elle ne se faisait pas d’illusion, mais le droit de vivre du côté le plus ensoleillé du Mur, du côté où la vie pouvait éclore à nouveau après tous ses morts.

Fallon avait demandé l'aide de Châteaunoir et n’avait reçu que des traits d'arbalètes. Elle avait eu la chance de ne pas être tuée et était rentrée dans son village sans trop savoir quoi faire. Elle avait médité sous les arbres, mais aucune réponse n’était venue dans le vent envoyé par les Dieux. Elle avait pensé à sa mère qui entendait leurs murmures avec tant de facilité, elle avait regretté qu’elle ne soit plus là pour guider les pas du Clan Aglach. La voie s’était imposé d'elle-même lorsque le village avait été attaqué une seconde fois malgré les défenses mises en place. Elle devait combattre ceux qui mettaient en péril à la fois la survie du clan, la sécurité des enfants du village, et leur droit à rester dans le don. Alors elle avait rejoint Winterfell pour alerter Sansa et aider les nordiens à déloger le clan ennemi.

Avec deux de ses guerriers, la brune avait quitté la colonne depuis un moment pour s’écarter de la route et s’approcher de Châteaunoir par le flanc. De toute façon, c’était toujours étrange pour elle de faire partie d’une armée, plus encore d’une armée bien organisée de nordiens, bien loin des troupes disparates et rebelles de Mance Rayder. Elle ne se sentait pas à l’aise avec ces hommes en armure et ces chevaux, trop de fer, trop d’acier, quand son armure était en cuir et ses armes en pierre et en os. Son arc à la main, son carquois dans le dos, elle avançait silencieusement, comme une ombre entre les arbustes et les talus. Malgré le fait qu’elle n’avait vu personne sur les remparts, elle restait prudente, s’arrêtant régulièrement pour observer et écouter. Mauvais souvenir des traits d’arbalète qui l’avaient accueillie la dernière fois. Mais petit à petit, elle se retrouva au pied du rempart, bien cachée dans un taillis avec ces deux acolytes quand tout à coup, l’agitation gagna la forteresse.

La lourde porte grinça en s’ouvrant, mais Fallon avait plusieurs fois passé le Mur et parcouru les alentours de l’imposante forteresse avait l’attaque de Mance. Elle se souvenait qu’on pouvait grimper la palissade et entrer par une brèche faite par Ygritte et ses comparses. Profitant de la nuit qui les dissimulaient et du bruit que les Frères Noirs faisaient, elle et les deux sauvageons grimpèrent donc pour découvrir que la brèche avait été rebouchée. Heureusement la réparation était sommaire et ils purent démonter les planches pour s’introduire dans Châteaunoir au moment où le Commandant recevait Asher. Hélas, ce fut également le moment que choisit un Corbeau pour monter les escaliers vers la coursive où se cachaient les trois sauvageons. Fallon s’avança vers lui à découvert laissant ainsi à ses compagnons le temps de se dissimuler un peu plus loin pour protéger Asher.

__ Mise Fallon da cinneadh Aglach ! (Je suis Fallon du Clan Aglach !)

Commença-t-elle d’une voix forte dans la vieille langue gutturale à souhait, avant de s’arrêter pour réfléchir, son arc dans une main, l'autre sur son couteau.

__ Lich, ciamar a chanas…   (Merde, comment on dit ça...)

Avançant à nouveau vers le Frère juré, elle reprit approximativement en langue commune

__ Moi être Fallon du Clan Aglach. Je viens il y a une lune demander protection contre des attaques d’un autre clan du peuple libre. Vous tirer sur moi des flèches de fer.

Elle se laissa attraper et amener, plutôt brutalement devant Alester et Asher, espérant que ce dernier sache qu'elle était avec lui et que la diversion avait suffit aux deux hommes pour trouver un bon angle de tire et une meilleure cachette.

Au départ, Fallon ignorait que la plupart des corbeaux étaient des repris de justice, des condamnés à mort pour la plupart, viol, meurtre, bref pas des gens recommandable. Elle l’avait appris en passant du temps à Châteaunoir après la bataille contre les sauvageons, Jon Snow avait veillé au grain pour que les hommes n’abusent pas des prisonnières et il l’avait mise en garde. Alors depuis, elle se méfiait. Et depuis le temps qu'elle vivait dans le don, elle avait appris à garder ses distances autant que possible, même si elle et son clan cultivait et faisait de l'élevage pour eux.

__ Y’a un trou dans votre mur. Je serais vous je le reboucherais. Ash… Lord Asher veut que je faire le tour des défenses. Ben c’est pas brillant. Si les autres gars du peuple libre attaquent, vous allez vous… Comment on dit déjà… Vous chier dessus.

Fallon avait un doute sur l’usage de cette expression qu’elle avait entendue à Winterfell il y a plusieurs années de cela, mais elle essayait de progresser en langue commune depuis qu’elle avait intégré l'avant-garde de Sansa. Il fallait qu’elle parvienne à se faire comprendre maintenant qu’elle ne vivait plus en vase clos avec les membres du peuple libre. Or, depuis qu’elle était installée à Nadoich, que d’ailleurs elle avait renommé en vieille langue, elle ne communiquait presque plus qu’avec d’autres personnes qui parlaient la vieille langue eux aussi. Mais si les moqueries sur son langage et sa dégaine, ou encore son peuple et sa langue maternelle, ou même l’origine de ses enfants, ne cesserait probablement pas pour autant, elle faisait des efforts pour s'intégrer aux Nordiens.

La brune aux yeux de glace sourit à Meera quand celle-ci la reconnut, mais ayant remarqué qu’elle avait mis son capuchon, elle ne révéla pas l’identité de la paludière. Elle devait vouloir cacher qui elle était et également qu’elle était une femme, ce qui n’était pas une mauvaise idée dans cet endroit. La tignasse de la sauvageonne ne le lui permettait pas vraiment et puis, elle n’avait en vérité jamais essayé de dissimuler son sexe. Le fait d’être issue d’une lignée matriarcale lui donnait une certaine fierté, une aisance avec ce fait quels que soient les regards qui se posaient sur elle. Quant aux mains baladeuses, elle avait tendance à rendre la monnaie de leur pièces à ceux qui jouaient à ça avec elle et elle savait faire mal s’il le fallait. Enfin, n’ayant aucune conscience des enjeux politiques, ni les titres, ni les rangs, ni les noms ne l'empêchaient de signifier à un homme qu’elle ne voulait pas être touchée.

__ Oui Lady Meera.

A l'évocation de Morna et de son clan, elle baissa les yeux en faisant non de la tête. La douleur était toujours vive quand elle repensait à toutes ses pertes, mais elle devait bien continuer à avancer, pour les siens. Elle était désormais leur cheffe. Alors, après avoir un instant dodeliné de la tête, elle se redressa et répondit.

__ Je vis dans le don depuis la bataille de Winterfell, mon clan nourrit la garde de nuit depuis 3 ans. J’ai rejoint l’avant garde de la Reine Sansa comme éclaireuse pour combattre les gòrach qui attaquer mon village.

Fallon fut surprise d'apprendre qu’ils étaient là pour prendre des nouvelles de la Garde de Nuit, pour elle, ils devaient chasser les sauvageons qui avaient passé le mur et attaquaient les villages du don, dont le sien. En y réfléchissant, elle n’était pas tellement surprise d’apprendre que la Garde de Nuit ne donnait pas de nouvelles à Sansa. Il arrivait que des déserteurs passent par son village, elle savait donc que Châteaunoir était en perdition, elle ignorait cependant à quel point. Le fait qu’ils n’aient répondu à sa venue et sa demande d’aide que par des traits d’arbalète l’avait certes interrogée, mais elle s’était dit qu’ils l’avaient peut-être prise pour une sauvageonne hostile en train d’essayer de les berner. Elle n’avait pas cherché à comprendre plus que ça, mais tandis qu'elle se faisait capturer, les informations commençaient à faire sens. Elle se demanda ce qu’elle fichait là dans la mesure où elle se fichait pas mal de ce qu’il se tramait parmi les Corbeaux, mais elle se rendit rapidement compte que l’avenir de son village y était lié. Elle devait donc rester entre ses murs.

Une fouineuse ? Cela voulait-il dire qu’elle ressemblait à une fouine ? Aux dernières nouvelles, ça n'était pas le cas, mais dans le doute, elle toucha son nez, pour vérifier qu’il ne se soit pas allongé. Non. La brune n’était pas responsable de la brèche dans le Mur, mais elle avait bien participé aux assauts sur Châteaunoir avant qu’Alester n’en soit le Lord Commandant. La menace grandissante et mortelle des Marcheurs Blancs les avait poussés à rejoindre l’armée de Mance Rayder et à chercher la sécurité au sud du Mur. C’était également avant que sa mère ne prête allégeance à Jon Snow dans une alliance qui lui avait coûté la vie, mais qui avait probablement sauvé le Nord. Depuis le temps qu’elle vivait là, elle était habituée aux jugements et au mépris des hommes du Sud du Mur et s’en fichait pas mal. En revanche, elle n'appréciait pas du tout qu’on lui dise de se tenir tranquille. Elle hocha la tête et puisque le Lord Commandant s'était permis de la traiter de fouine elle rappela :

__ La fouine être la fille de Morna Masque Blanc qui tenir Porte Reine pendant 1 an jusqu’à la chute du Mur et qui est morte en défendant Winterfell contre le Roi de la Nuit.

Fit-elle avec fierté. C’est alors que Meera la défendit, provoquant un profond silence dans les rangs. Fallon la regarda, incrédule. Bien sûr elle l’aimait bien et la solidarité féminine dans ce monde d’hommes était appréciable, mais elle ne s’attendait pas à ce qu’une noble prenne sa défense et demande au Lord Commandant de la traiter avec considération. D’ailleurs, là où sa remarque n’avait pas fait grand bruit, certainement que la parole d’une sauvageonne ne méritait pas l’attention des soldats, celle de Meera semblait avoir eu un tout autre effet. La brune fit non de la tête pour tenter d’arrêter la paludière, mais elle poursuivit en rappelant son nom. La stupeur qui avait gagné les hommes du Rowan était palpable, alors Fallon tenta de détendre l'atmosphère en souriant de toutes ses dents à Alester. Histoire de briser le calme elle ajouta :

__ Pour le ravitaillement, c’est parce que vous pas venir chercher les récoltes depuis un moment. Nous avoir été pillés, les réserves restantes sont à Winterfell.

Fallon s’attendait à tout, sauf à être conviée avec le Forrester et le Lord Commandant. Ces deux hommes étaient beaucoup trop importants pour qu’elle soit à l’aise. Mais après un bref signe de tête, elle leur emboîta néanmoins le pas en jetant un regard désespéré à Meera qui viendrait certainement avec eux aussi. Elle l‘espérait tout du moins, parce qu’elle aurait bien besoin de son soutien dans un moment pareil. Une fois dans le bureau d’Alester, Fallon ne s’assit pas et resta en retrait, observant la pièce et posant un regard glacial sur l’homme qui, depuis le coin opposé la regardait avec suspicion. Elle le fixa alors sans broncher.

Étant donné qu’elle rejoignait totalement le Commandant de la Garde de Nuit sur les putains de sauvageons qui avait également attaqué son village, elle ne s’offusqua pas de sa remarque. De toute façon, elle avait bien compris qu’elle n’aurait droit, ici, qu’au mépris et à la méfiance, elle était habituée. Elle ne répondit pas au Rowan qui proposait à boire à ses convives. Mais c’était sans compter sur Lann et la chope qu’il lui apporta. Elle ne pouvait pas refuser, même si elle aurait préféré partager le pain et le sel plutôt que de l'alcool pour rester alerte. Elle tenta un sourire qui ressemblait davantage à une grimace pour remercier le jeune corbeau et peut la choppe. Elle la porta à ses lèvres, mais ne but pas. Elle garda le silence jusqu’à ce qu’Asher demande si Odda était une menace pour le Nord. Elle changea ses appuis, mais parvint, non sans peine, à garder le silence, jusqu’à ce que le Seigneur l’interroge.

__ Plusieurs groupes attaquer nous et elle pas en rester là. Elle chercher un Mestre et un forgeron. Elle savoir que sans acier, pas faire le poids contre Nord. Mais, si vous vouloir mon avis, eux mal armés, mal organisés et mal dirigés. Vos hommes, Ash… Lord Asher, n’en faire qu’une bouchée si nous savoir où les trouver. Envoyez-moi.

Reine Odda. Odda… Elle se souvenait d’une Odda avec qui elle avait participé à l'assaut sur Châteaunoir avec l’armée de Mance Rayder, ainsi qu’à la bataille de Winterfell. Mais elle ne l‘avait pas plus côtoyée que ça. Tout ce dont elle se souvenait, c’est qu’elle haïssait Jon et enviait les nordiens. D’ailleurs, Fallon n’avait jamais compris pourquoi elle n’était pas restée au sud du Mur, surtout si c’était pour finalement y revenir. Elle hocha la tête, réfléchissant à ce fait si étrange pour elle.