L'offre et la demande ft Treyvir Cendregué

Elle était venue à Hautjardin alors qu'elle était une enfant. Elle pouvait presque entendre sa voix pleine d'admiration alors que le carrosse empruntait les routes menant à l'immense château qui semblait briller face au soleil. La jeune fille qu'elle avait été avait vu en celui-ci le signe d'un renouveau pour sa vie et sa maison, un moyen de s'élever socialement et de découvrir des lieux inégalés. Leur convoi avait été suivi par bien d'autres. Tous les Bieffois avaient voulu assister au couronnement de la Rose du Bief avec Renly Baratheon. À cette période, le monde avait été idéaliste en regardant la couronne être posée sur la tête de Margaery. Margaery qui l'avait accueillie comme une sœur et qui lui avait annoncé après la cérémonie qu'elle ferait partie de ses dames de compagnie. Son père avait gonflé le torse face à cette annonce et avait posé des yeux remplis d'admiration sur elle à la manière dont il le faisait tant de fois envers son frère aîné.

Aurait-elle pu croire à quel point sa vie allait changer après ça ? Elle était certaine d'avoir ressenti une lourdeur sans pareil sur ses épaules face à ces yeux remplis d'admirations puis le début d'une ambition sans pareil naître dans son ventre. En entrant au service de sa reine, Ireyne était en réalité entrée dans une autre famille, toutes unies dans des terres inconnues et devant faire face aux multiples intrigues de la Cour. Toutes des jeunes filles qui devaient apprendre à charmer les lions afin qu'ils attaquent leurs ennemis plutôt qu'eux. À ce jeu, cependant, Margaery avait perdu et à cette pensée, le cœur d'Ireyne se pinça douloureusement dans sa poitrine.

Les nombreux carrosses sur le chemin lui avaient donné l'impression d'être retombée dans le passé, une sensation inconfortable tant l'ancien domaine des Tyrell lui semblait désormais vide. Plus pour longtemps, car le prochain gouverneur allait probablement y siéger. Elle jeta un regard à son mari qui s'affairait à diriger les domestiques concernant leurs bagages. Ireyne tourna son regard vers les couloirs du château, elle fut bientôt rejointe par son mari à qui elle proposa de faire le tour du propriétaire et surtout de voir qui était déjà présent. Ses mains se nouèrent à son bras et elle allait tourner à un couloir menant à la grande salle quand elle remarqua Lord Treyvir Cendregué. La missive qu'elle avait reçue de sa part avait été bien froide et formelle, elle avait pensé qu'il voudrait en savoir plus sur ce concile qui avait été lancé à l'initiative d'Ireyne et Gyl, mais il avait semblé vouloir plutôt confirmer sa présence. En tant que lord d'une maison du Nord, Ireyne espérait voir en lui un soutien, mais elle n'était pas sotte au point de croire qu'il n'était pas courtisé par d'autres maisons dans l'affaire du concile.

« - Seigneur Cendregué, c'est un plaisir de vous voir à Hautjardin, avez-vous fait bon voyage ? » Lui demanda-t-elle d'un ton plaisant, se rapprochant du jeune seigneur.

Chaque jour, ils arrivaient. Dames et Lords du Bief arrivaient, suivis – ou précédés – par leurs gardes, leurs servants, leurs précepteurs pour les plus jeunes ou leurs parents, pour ceux encore ne vie et qui n’avaient encore point donnés les rênes des différentes terres à leurs progénitures qui n’attendaient que cela pourtant. Dans tous les cas, Aelinor Hightower et Treyvir Cendregué, étaient aux abonnés présents. Tour à tour, ils accueillaient les Lords et les Dames qui arrivaient, tôt dans les matinées ou tard les soirs. Mais aujourd’hui, Treyvir avait d’autres choses à faire, et ce n’était point à lui d’accueillir les nouveaux arrivés.

Il avait eu des choses à gérer pour Cendregué. Plusieurs lettres et missives étaient arrivées de Cendregué, redirigées ensuite vers Hautjardin par quelques messagers, et cela demanda à Treyvir quelques heures de sa matinée. Des décisions à prendre, des conseils à prodiguer à celui qui était son régent durant son départ. Des choses importantes mais point vitales, sinon la poursuite de sa politique visant à débarrasser ses terres des parasites fanatiques – chose déjà faite en massacrant le camp de fanatique – et en développant quelques affaires commerciales afin de reprendre du poil de la bête.

Lorsqu’au détour d’un couloir, il reconnaît Dame Ireyne Rowan et le Lord son époux, Treyvir à un sourire. Il se souvient de cet échange de missive, de leur proposition et comprends ainsi que ce concile, cette discussion, réunion dirons-nous, dédiée au vote du futur régent – ou de la future régente – est de leur fait. Intéressant…

• « Dame Rowan. » Il s’incline, puis se relève et lui adresse à nouveau un sourire. « Oui, excellent ! Et le vôtre ? J’ose espérer que vous n’avez fait aucune mauvaise rencontre. »

Lord Cendregué était une inconnue dans la plus grande équation qui menait à la régence du Bief et au retour de la force Bieffoise comparée aux autres régions. Elle le jaugea un instant du regard se demandant si l'homme avait l'ambition de prendre les rênes lui-même de cette région ou s'il jouait le jeu des Hightower qui avaient certainement leur propre candidat en tête. Dans tous les cas, l'homme était assez important pour qu'elle ne s'en fasse pas un ennemi et il pouvait certainement lui apporter son soutien pour d'autres sujets. Elle jeta un regard à Gerold qui était à ses côtés, sa main toujours dans le creux de son coude. Le couple devait assembler ses soutiens et raffermir sa position en tant que personnes influentes, des gens dont on ne pouvait se passer le soutien sans craindre de terribles répercussions. Heureusement pour elle, Ireyne avait été élevée dans le plus grand nid de vipères de Westeros : Port-Réal.

« - Voyager à Hautjardin est toujours un retour chez soi. » Soupira-t-elle avec un air faussement rêveur avant de reprendre son sérieux « Nous n'avons rencontré aucun obstacle, que les Sept en soient loués. »

Elle indiqua au Lord de la suivre et passa devant de nombreuses salles familières. Le château ne lui était pas inconnu, mais il était désormais rempli de fantômes. L'ombre des Tyrell planait encore sur le lieu, la grandeur passée ne laissant que les cendres qui ne demandent qu'à être ravivées sous le feu des Bieffois du moins, s'ils faisaient le bon choix. Elle arriva enfin sur l'une des terrasses du château où des tables et chaises luxueuses avaient été installées afin de permettre aux nobles de jouer à des jeux de cartes, manger des gâteaux au miel ou s'échanger des platitudes. Elle prit place sur l'une des chaises invitant les deux hommes à suivre sa démarche et fit signe à un domestique d'apporter rapidement de quoi boire et manger. Le voyage avait été long et elle avait faim.

« Comment se porte votre fief ? Je n'ai jamais eu la chance d'aller à Cendregué et les descriptions sont éparses. »

• « Je vous rejoins à ce propos ma Dame : voyager à Hautjardin, c’est comme revenir chez soi. Tous bon Biefois se sent chez lui dans ces terres ancestrales… Ces jardins sont les nôtres, cette demeure est nôtre… Tels des enfants, nous avons grandit sur les terres du Bief grâce à la protection de Hautjardin. Nous sommes ici, un peu comme chez nous. » Dit-il, partageant alors l’avis et la métaphore de la Dame du Nord du Bief. « Je suis fort aise de savoir votre voyage sans le moindre embuche. »
  

Sur les indications graciles de Dame Rowan, Treyvir prit la direction du couple et les suivis, se plaçant à la gauche du couple – à côté de l’époux car il aurait été inconvenant pour une épouse de se tenir entre deux seigneurs – et avança. De toute évidence, la Rowan connaissait les couloirs aussi bien que Treyvir, et se déplaçait avec une aisance gracieuse, allant là où son esprit désirait la mener.

Enfin, une terrasse. Dressée pour l’occasion, ils s’y installèrent et presque aussitôt, le signe de la noble dame indiqua aux serviteurs de rapidement faire intervenir boissons et nourritures pour quelques estomacs affamés et assoiffés. S’installant, le Seigneur guerrier croisa une jambe par-dessus l’autre – s’installant donc confortablement – et croisa ses mains sur la ceinture de sa taille.

• « De mieux en mieux, ma Dame. Mes dernières réformes en matière de sécurité et de réorganisation, commencent à faire leurs effets. L’avenir me dira si cela continuera, toutefois, la paix est belle et bien présente en Cendregué et le peuple est heureux. Quid de vos terres ? Je n’ai fait que passer sur la route de la Rose en allant à la guerre et en revenant de celle-ci, depuis Port Réal. »
  

Après tout… N’étaient-ils point prétendants, dorénavant ?