Orion - Je suis le Barral vivant

J’observai les lourdes branches blanches au-dessus de moi. À ma droite, dans un grincement sinistre, un corps de fer-né se balançait au gré du vent. La corde serait bientôt coupée… Et il serait bientôt enterré sous les racines d’un arbre. Son corps d’impie servirait à nourrir ma terre. Je fermai les yeux, immobile, drapée dans une sombre fourrure. J’entendais les murmures des dieux à mes oreilles. Ils aimaient boire ce sang.

« Orion. »

Je tournai la tête pour regarder Oberon s’approcher de moi, en boitant. Si nous avions perdu Atlas lors de la bataille de Winterfell, celles avec les morts, Oberon était revenu défiguré, et une jambe dans un sale état. Je levai la main et mes doigts accomplir une danse qu’il lui était familière parce que je lui avais appris depuis le temps.

« J'espère que tes prochains poisons sont prêts, les fer-nés sont de plus en plus nombreux. »

J'inclinai la tête. Je comptais monter une guérilla pour les combattre. Que les fer-nés nous traitent de lâches, je m’en moquais. Nos frappes seraient rapides : une guérilla sur nos terres. Embuscade, empoisonnement de ressource, fosse à pique… Tout serait bon du moment que cela tuait des fer-nés. Le reste qu’importe. Je m’en moquai grandement. J’eus un sourire amusé en me tournant vers le Fer-né suspendu pour le pousser d’un doigt pour qu’il balance un peu plus.

« Arrête de t’amuser à faire… Ils vont encore dire que tu étrangles des fer-nés avec ta tresse. »

J’eus un rire amusé, c’était vrai que c’était une des légendes autour de moi. J’avais une tresse me tombant jusqu’à sous mes fesses. D’un blanc nacré, si bien qu’effectivement, au vu de la longueur, j’aurais clairement pu le faire. Enfin. J’aurais pu si j’en avais eu la force. Mais non, je préférais un petit coup de poignard rapide et discret. Cependant, je l’avais bien fait, une fois. Me servir de sa tresse pour étrangler un fer-né, mais juste assez longtemps pour que Rick puisse le tuer. Cela avait teinté mes cheveux de rouge. Et je les préférais nacré. Je signai à nouveau et il inclina la tête.

« Oui, je sais que tu pars bientôt ma sœur. Je le sais. C’est pour le mieux d’ailleurs que tu sillonnes nos terres. »

Par nos terres, il voulait parler du Nord en général. Je tapotai ma joue et il inclina la tête.

« Ça va aller. On ne se ressemble pas du tout. Personne en nous liera. Et puis… Si je meurs, cela ne te donnera que plus de force. »

Il s’approcha de moi pour déposer un baiser sur mon front.

« Tout ira bien. D’accord p’tite sœur ? Fais ce que tu as à faire. »

J’inclinai la tête et mes doigts s’agitèrent à nouveau, il inclina la tête.

« Oh. Tu sais quel est ton prochain objectif ?
- Les dieux m’ont parlé. Nous devons prendre tous les prétendus seigneurs Fer-nés en prisonniers. Et tous les tuer…  s'ils ne nous rendent pas nos terres. »

Je levai les yeux vers le Barral.

« Les dieux ont soif de sang Fer-nés.
- Orion ? »

Rick. Je restai silencieuse et il agita les doigts en me regardant. Oberon s’écarta en boitant un peu. Je ne restais jamais plus de trois jours au même endroit, et que je revienne au Bois-Aux-Loups était d’autant plus rare. Je savais qu’il donnerait des ordres pour faire disparaître les corps bientôt. J’avançai aux côtés de Rick qui avait une main posée sur le dos d'un de sa chienne-louve qu'il avait dressé lui-même. Même lui ignorait où j’allais et comment. Et cela même s’il me suivait régulièrement. Comme il le disait si souvent, il me fallait bien quelqu’un pour me rappeler que les blessures faisaient mal. Il me tendit un petit pot et j’enduisis le contour de mes yeux de noirs pour me protéger les yeux de la lumière. C’était mieux que rien.

Rick s’inclina et m’aida à grimper sur un grand rocher devant lequel des dizaines de personnes étaient présents. Je voyais que certains portaient des marques autour de la bouche… De ce que j’avais entendu, certains se tranchaient préventivement la langue au cas où. Pour ne laisser aucune information passer. Après tout, la plupart ne savaient pas lire ou écrire. J’entendis des chants s’élever doucement autour de moi. Je les regardais tous tour à tour avec beaucoup de douceur et d’amour. Je les laisserais frapper quand et comment ils le voulaient. Du moment qu’ils massacraient du fer-né pour libérer le Nord. Non, ce n’était pas un grand groupe organisé… Mais qu’importe. Je n’étais pas une dirigeante… Je ne faisais que montrer une partie de la voie… Je levai les mains et le silence se fit alors que je pris la parole :

« Mes frères, mes sœurs. Mais lointains, nouveaux et anciens… Nous sommes tous ici… car dans nos cœurs, nous sommes tous des nordiens. Nous connaissons tous le sort que les Fer-nés nous réservent… La mort. Et la destruction de nos terres. Mais nous ne laisserons pas faire. »

J’attendis que les clameurs s’arrêtent avant de reprendre d’une voix puissante.

« Mais nous ne les laisserons pas faire ! Nous sommes nordiens ! Les premiers hommes ! Nous nous battrons ! Les Anciens m’ont parlé. »

Nouveau silence très épais.

« Capturez les seigneurs fer-nés. Du Harloi, du Bonfrère, du Tymbalt, Salfalaise, qu'importent leurs noms… Tous. Capturez tous ceux ayant des noms de familles. Brisez-leur les os, mais ne les mutilez, je souhaite les avoir tous vivants… Reprenez les terres qui sont nôtres. Massacrez tous les autres fer-nés que vous trouverez, prenez leurs armes et enterrez leurs corps, qu’ils nourrissent la terre ! Mangez leur cœur pour prendre leur force ! Qu’importe la manière dont vous le faîte ! Un bon fer-né… est un fer-né mort ! Tuez-les ! Mais n’oubliez pas ! Restez-unis ! C’est ainsi que nous avons vaincu la Mort elle-même. Ils ne nous vaincront pas ! »

Des rugissements et des clameurs s’élevèrent de partout et j’eus un doux sourire en les regardant. Je passai un moment à les bénir et leur demander d’être fort, de tuer sans peur et de s’entre-aider. J’envoyais des petits groupes d’une dizaine de personnes un peu partout dans les zones occupées. Le but c’était de s’aborder, détruire lentement mais sûrement, tout en proclamant la liberté du Nord. Et je ne le cachais pas… Je souhaitais aussi reprendre Winterfell… Là où ma mère était tombée…

Je restai à genoux auprès du Barral jusqu’à ce que Rick arrive avec Muni, sa chienne, à ses côtés. Il me tendit mon long foulard où je glissai ma tresse pour ensuite cacher tous mes cheveux. Un long foulard noir. Je portai la tenue classique d’une sorcière des bois… C’était ce que j’étais avant toute chose… N’est-ce pas ? J’avais été élevé pour connaître plantes et poisons, soin et mort. L’arc et les armes ce n’était que parce que mère n’avait jamais eu l’esprit tranquille…  Mais maintenant les dieux avaient décidé autre chose pour moi.

Je me levai, pris mon humble bâton de marche avant de quitter l’endroit avec Rick, Muni et ses compagnons, nous suivraient, cachés par la forêt. Et malheur aux fer-nés croisant notre route, la notre. Celle de Rick et de cinq autres personnes, tous la langue tranchée, mutilation volontaire pour certains, punition de fer-né pour d’autres. Armé d’outils de paysans, si on oubliait nos poignards et mon arc dans mon dos. Mais il était l’heure. Tout était prêt. Les différents chefs des groupes avaient appris les signes pour parler sans voix, alors les messages seraient ainsi codés… Mais pour l’instant il était l’heure de se mettre en route en chantant la gloire des Anciens. Humble pèlerinage qui serait marqué du sang.

Je suis Orion. Celle qu’on nommera Barral. Celle qui ne souffre pas. Je verserais le sang des ennemis pour nourrir ma terre.