Une escale imprévue ( ft. Megalis, Sorcha, Elia, Gerold )

Le temps des hostilités passé, Megalis et son oncle s’approchèrent des chevaux laissés à leur disposition. Encore agacée, elle préféra se taire que d’attiser plus sa colère. Tyldr le savait bien, à force de la côtoyer : peut-être était-ce parce qu’elle était née une cuillère en or dans la bouche, ou bien encore parce qu’elle avait passé des années auprès de la reine et de sa famille, ou tout simplement parce qu’elle avait été élevée à grands coups de paranoïa, qu’importait la raison, elle pouvait se montrer colérique et capricieuse. Tout devait toujours filer droit et selon son bon vouloir, à moins qu’elle ne hausse subitement le ton et se mette à jeter des objets à la face des gens. Quoi qu’elle réservait ce traitement au fer-né.

Elle râla après son oncle pour qu’il l’aide à se hisser sur sa monture, chose peu aisée quand elle avait écopé de cet énorme ventre rond. Si elle avait hâte de rencontrer son enfant, elle avait aussi grand hâte de retrouver une silhouette svelte.

Une fois en selle, ses yeux attrapèrent la petite Sorcha qu’un homme voulait aider à monter. Megalis leva un sourcil, attendant tout en se demandant s’il fallait intervenir ou laisser l’adolescente arracher la gorge du malheureux. Elle n’en fit rien, finalement, et l’ouestienne détourna le regard pour admirer, au loin, la silhouette de Lancehélion.

Un bref sourire passa sur ses lèvres. Comme elle avait rêvé de voir ces lieux.

La troupe se mit en marche, dans un rythme clément pour elle. Megalis apprécia sous sa selle la vigueur nerveuse du coursier dornien, songeant qu’elle devrait s’en acheter un elle aussi. Au milieu d’une petite troupe, le cheval, certes un bon dornien mais toujours bête idiote, suivait le mouvement de lui-même. Ainsi, la jeune femme put observer avec plaisir les alentours, se sachant alors en sécurité – son oncle chevauchait à ses côtés et les autres étaient proches.

Ils arrivèrent bientôt au Palais Vieux. Toujours aidée de Yoren, Megalis mit pied à terre. Elle le remercia d’un sourire, puis ser Gerold les conduisit à la princesse. Elle les accueillit avec bien plus de chaleur que la Farman l’aurait imaginé. Elle s’inclina respectueusement, pas trop bas par égard pour ses lombaires. Yoren l'imita.

— Princesse Elia, nous vous remercions pour votre hospitalité. Permettez-moi de vous présenter nos sincères condoléances, mon mari lord Ulwyck et moi-même avons été très peinés de la perte du prince Edmund.

Megalis se redressa lentement, et sourit à la régente de Dorne.

— J’avoue n’avoir pas quitté cette tenue depuis la tempête, ce sera donc avec grand plaisir.

Bien qu’elle n’ait pas été tant secouée par la tempête, réfugiée à l’abri de sa cabine, elle avait l’impression que le sel et l’iode collaient encore à sa peau. Et si en temps normal, ce n’était pas quelque chose qui la dérangeait, sa grossesse rendait tout pénible. Puis retrouver un peu de propreté ne lui ferait pas de mal.

Elia parla de beaux atours, d’une suivante. Megalis tarda à comprendre. C’est en suivant son regard qu’elle saisit que la princesse parlait de Sorcha. Amusée, un léger sourire tordit ses lèvres – l’apprentissage de la lecture, maintenant de beaux atours… La petite sauvageonne finirait par devenir une vraie demoiselle à ce rythme.

Les dernières semaines passées sur le navire, Megalis s’était quelque peu désaccoutumée de toutes les mœurs de la noblesse. Les courbettes, les politesses inutiles, elle persistait à s’accrocher à son rang sans plus souhaiter en appliquer les règles. Ainsi elle se redressa avec soulagement lorsque la princesse la salua en retour, et poussa un bref soupir d’aise, plus ravie encore d’en finir avec les civilités excessives que de soulager ses reins endoloris.

Était-ce la proximité avec les Fer-nés qui l’avait rendue sauvage ? Avait-elle bien trop embrassé le lion de sa grand-mère au détriment des coutumes continentales ?

Elle se contenta de sourire en retour, tut toutes ses pensées moins agréables que ce qu’exprimait son visage. Ils étaient conviés à rester à Lancehélion le temps des réparations, et plus encore s’il le fallait. Et si Megalis appréciait découvrir enfin Dorne, elle avait hâte de reprendre la mer. Faire ce qu’elle avait à faire, retrouver les siens. Sa main effleura instinctivement son ventre. Rencontrer son enfant, également. Elle ne pouvait s’attarder ici et ne comptait pas le faire.

Vint, brièvement, le sujet d’Edmund. Megalis gardait de lui un souvenir bref mais agréable. Elle inclina la tête.

— Il était un grand homme, je suis certaine que vous saurez poursuivre et achever ce qu’il avait commencé.

Quand bien même son époux était Ulwyck Uller, le principal rival de feu le prince Edmund, Megalis se surprenait d’être si bien accueillie, sans un regard de travers ni une remarque acerbe. Si on oubliait le valyrien. Elle suivit la suite de l’échange sans dire un mot de plus, laissant à Tyldr le soin de meubler la conversation à propos de Sorcha.

Elle se surprit qu’un jeune homme nommé Obran note un détail aussi futile qu’une brève escale ici – pas que l’accueil de Fer-nés soit quelque chose de normal, mais elle se questionnait sur la réelle utilité de ceci. Elle cilla et reposa son regard sur la princesse de Dorne. Tant pis, ce n’étaient pas ses affaires.