Les récits d'Aelinor

J'étais au grand septuaire avec Margaery pour son procès. Ne comprenant pas pourquoi le Roi était absent, ma cousine la Reine m'a envoyée chercher Tommen Barathéon premier du nom. Je suis sortie et j'ai retrouvé mon épée lige qui tenais nos deux chevaux sur le parvis. Nous sommes partis tous les deux à travers le dédale des rues de la capitale quand soudain, nous avons entendus l'explosion assourdissante. Avant de voir la fumée s’élever dans les airs, nous ne savions pas d'où cela venait et je dois avouer qu'à cet instant, entre le bruit et mon cheval qui s'est mis à paniquer ainsi que ma propre surprise, je ne me souciais pas du massacre mais plutôt de rester en selle. Je suis néanmoins tombée et par réflexe, mon épée lige s'est jeté sur moi pour me protéger. C'est alors qu'une grosse pierre projetée en l'air par l'explosion l'a touché à la tête. J'ai vu une partie de son crâne se détacher, sa cervelle à nue et pourtant, à cet instant il était encore vivant et moi totalement sous le choc.

Les débris continuaient à s'écraser autour de nous semant la panique et la mort dans toute cette partie de la ville. Les gens couraient en tout sens et moi j'étais là en train de regarder l'homme qui venait de me sauver al vie mourir sans rien pouvoir faire. J'avais 'impression que mon cœur allait exploser, j'étais terrorisée, abasourdie, je ne comprenais pas encore précisément ce qu'il venait de se passer. Je savais seulement que lui mort, j'étais en danger. Mais heureusement, j'étais recouverte de poussière et cela avait camouflé mes bijoux, mes vêtements et tout ce qui faisait de moi une jouvencelle riche et facile à détrousser. A genoux dans la poussière au milieu des gens en train d’agoniser ou de courir en tout sens, mon épée lige dans mes bras, je ne parvenais même pas à bouger, à fuir, j'étais comme pétrifiée devant cette scène d’apocalypse, avec du sang sur moi, des morceaux de cervelle, et portant je n'avais rien, rien d'autre que la terreur qui me prenait aux tripes et me donnait la nausée.

J'ignore ce qu'il serait advenu de moi si Jonas Caron n'était pas arrivé à temps pour m'extirper de la nasse et me sortir dans le même temps de l'effroi qui m’empêchait de bouger. Pour moi, il est clair qu'il m'a sauvé la vie et je lui en serais toujours reconnaissante. Cette période fut compliquée pour nous deux, et également pour sa sœur Shôren. Mais ce qui aurait pu nous rapprocher nous a finalement divisé parce que la politicienne en moi a très vite repris le dessus, en apparence tout du moins. Je sais qu'il n’apprécie ni mon ambition, ni la politique et c'est peut-être pour cela que je lui confierais ma vie sans hésiter. Je me targue de savoir cerner les gens et le Sire de Serena est quelqu'un de bien en plus d'être séduisant. Il ignore certainement tout le bien que je pense de lui autant qu'il ignore que l'explosion du grand septuaire à laissé bien plus de traces que je ne veux bien le montrer.

La maison Hightower avait installé son campement depuis une petite semaine, mais si les hommes dormaient dans leur tentes, Aelinor avait repris place dans ses appartements au sein du Donjon Rouge. Le confort y était infiniment meilleur et elle avait ainsi les yeux et les oreilles plus proches du Conseil Restreint, deux avantages non négligeables pour une femme de son rang. La pluie qui avait arrosé lice et tentes toute la nuit l’avait confortée dans son choix de s'éloigner de la fange qui recouvrait désormais le terrain de tournoi. Il y avait, dans le Donjon Rouge, comme dans les rues de la capitale, beaucoup plus de monde qu'à l’accoutumée. Ainsi l’effervescence habituelle de la cité avait gagné le calme de la forteresse édifiée par les Targaryen et tavernes et bordels étaient pleins à craquer. Ainsi, Port-Réal, qui n’avait jamais été une ville sûre contrairement à Villevieille, prenait des airs de véritable coupe gorge par endroits que la jouvencelle évitait soigneusement.

Se réveillant aux aurores, la brune aux yeux céruléens prit un bain avant de se préparer. Elle noua un bandeau de mousse de soie blanche translucide autour de sa poitrine avant d'enfiler une robe de brocart grise et argentée avec un col de fourrure au décolleté plongeant. Les manches évasées ourlées de fourrure tombaient jusqu’à ses mollets et une ceinture ornée d’une tour argentée était serrée sous la poitrine. Elle noua plusieurs rubans argentés autour de son poignet pendant que les caméristes s'occupaient de ses cheveux. Une demi heure plus tard, un chignon complexe avec des tresses dégageait son visage et ces bijoux en or blanc emeraudes et topaz ne laissait pas de place au doute quand à son rang et à l’opulence de sa maison. Elle jeta une cape de velours argenté bordée de fourrure sur ses épaules, l’attacha avec une chaîne en argent et prit le chemin des écuries accompagnée de cinq membres de confiance de la garde des Hightower. Alba, sa jument blanche avait été soigneusement préparée ainsi que les chevaux des hommes qui veillaient sur elle. Elle se mit donc en selle et partit immédiatement pour le campement de sa famille.

Ils traversèrent ainsi la cité tout juste réveillée, croisant les badauds qui ne s'étaient pas encore couchés et les travailleurs les plus matinaux. Ils évitèrent soigneusement culpucier et d’autres rues mal fréquentées quitte à faire un détour. Ils en profitère pour acheter du pain et quelques gourmandises pour le petit déjeuner et enfin, ils arrivèrent devant le labyrinthe de tentes. Il n’était pas difficile de se diriger, la bannière de Grand-Tour flottait haut dans le ciel. Aelinor fut accueillie par son père qui l’aida à descendre en la portant par la taille afin qu’elle ne saute pas dans la boue provoquant des éclaboussures qui réduiraient tous ses efforts à néant. Il l’embrassa sur le front et l’invita dans la tente principale où tout le monde était déjà réuni. Ils partagèrent le petit déjeuner, quelques idées sur le déroulement de la journée et les chances de Garth et de Humphrey de gagner. Pour leur porter chance, Aelinor et ses tantes les aidèrent à se préparer, puis, elles nouèrent un de leur ruban sur leurs armures. Ensuite, toute la famille pria ensemble et pour finir, embrassades et encouragements furent échangés avant que la famille ne sorte et ne s’installe, unie, aux abords du terrain afin de saluer les nobles qui arrivaient peu à peu.

Une fois le tournoi terminé, Baelor retourna dans sa tente pour retrouver Aelinor recluse tout ce temps entre les quatre pans de tissus à la tour grise. La jouvencelle s'était ennuyée à en mourir dès le départ d'Erena. Elle avait en revanche bien apprécié sa conversation avec la sœur d'Edmund qui lui avait appris un tas de choses sur la famille Gargalen et avait eu le courage de lui tenir compagnie un moment. Ensuite, le vide, le néant. Non pire ! Une frustration digne de la pire des captivités. Elle pouvait entendre les hourras de la foule, les encouragements, les bruits de la mêlée mais ne pouvait ni voir l'action, ni distinguer clairement qui la foule nommait, ni encourager ses oncles. Bien sûr elle avait bien essayé de négocier sa sortie, mais les gardes de son père s'étaient montrés implacables, probablement préparés à toute tentative de sa part pour se soustraire à ce repos forcé et strictement inutile par leur seigneur.

Le Sire de Villevieille s'assura que personne ne l'avait suivi et ordonna aux gardes de maintenir toute personne étrangère à la famille à plusieurs mètres du camp. Puis il entra et se planta devant sa fille attendant ses explications.

__ Père, je suis désolée de vous avoir mis devant le fait accompli, mais je n'ai su que ce matin même que le Prince Edmund avait finalement décidé de m'aider.
__ Et pourquoi lui avoir demandé son aide plutôt que d'épouser Lorent ?
__ Bronn aurait pu annuler les fiançailles comme le mariage, il aurait fallu qu'il soit consommé, encore que je ne suis même pas certaine que cela l'aurait arrêté. Ni lui, ni personne ne me forcera à me marier à la hâte et à donner ma vertue en catimini sans qu'une cérémonie digne de ce nom n'ait eu lieu à Villevieille.
__ Et pourtant tu es déjà fiancée à Lorent, j'ai signé un contrat avec lui, il ne m'a encore rien dit, mais comme je peux justifier que tu aies pu être promise à un autre alors que nous nous sommes mis d'accord il y'a plusieurs semaines.
__ Ne t'inquiètes pas père, rien n'est remis en cause. Tu peux rassurer Lord Caswell sur l'avenir de cette union. Son Altesse Gargalen est au courant de la situation et il est prêt à annuler ses fiançailles quand je le désirerai tout en maintenant l'alliance. Tu conviendras, et lui aussi j'en suis sûre, que pour le moment officialiser les fiançailles avec lui est inenvisageable. Tant que Bronn est gouverneur du Bief, il peut s'y opposer et en annulant les fiançailles avec Damion je me retrouverais à nouveau à sa merci. Les fiançailles avec Lorent doivent absolument rester secrètes et n'être connues que des trois personnes concernées. Nous devrons donner l'illusion avec Damion que nos fiançailles sont bien réelles, je devrais donc me comporter comme sa promise aussi longtemps qu'il le faudra. Une fois Bronn éliminé de l'échiquier, j'épouserai Lorent.
__ Je n'ai qu'une parole, je me suis engagé auprès de Lord Caswell et tu l'epousera.

Elle sourit en opinant du chef et prit les mains de son père et chercha son regard pour y blottir le sien comme une sage et docile jouvencelle.

__ Le Prince Edmund voudrait s'entretenir avec toi. Il nous propose également son bateau pour aller à Lancehélion et nous séjournerons au Palais Vieux le temps de célébrer le mariage et de faire connaissance avec mon fiancé et ma belle famille.

Baelor parut convaincu par les explications de sa fille et plutôt satisfait qu'elle n'ait pas, une fois de plus, rejeté l'idée d'un mariage avec Lord Caswell. Quelque peu étonné également et il n'était pas naïf au point de croire qu'elle se soumettait gentiment à son choix, aussi il garderait un oeil sur elle et continuerait de se méfier. Mais elle avait raison sur bien des points et elle avait développé une stratégie en conséquence, chose qu'elle maîtrisait à la perfection. Elle n'avait pas voulu le doubler ni le tromper ou le trahir. Il suffirait certainement d'une petite entrevue avec le sire de Pont l'amer pour éclaircir la situation et éviter tout conflit ou dispendieuse demande de réparation. Le paternel profiterait des prochains jours pour voir Edmund et Lorent afin d'aplanir définitivement la situation.

Willos n'était toujours pas réveillé après plusieurs jours d'inconscience suite à son accident lors des joutes. Malgré l'optimisme des Mestres, sa blessure à l'abdomen était très grave et avec tout le sang qu'il avait perdu, une fièvre pourrait toujours l'emporter en quelques heures. Aelinor était donc décidée à lui donner un petit coup de pouce en faisant appel aux Dieux et à certaines forces occultes que les guérisseuses invoquaient depuis plusieurs millénaires quand les soins ne suffisaient pas. Les hommes de science se gardaient bien de révéler à tous qu'ils gardaient cette connaissance ancestrale écrite de leur main quand là culture Andal avait rencontré les premiers hommes et les enfants de la forêt. Pourtant une partie de leur médecine était basée sur ces savoirs et si la magie, nommée sorcellerie par certains était souvent mal considérée au sein de la citadelle. L'ordre établi par la religion des Sept avait peu à peu relégué cette science au second plan, la considérant comme une hérésie et la majorité des Mestres avaient suivi ce mouvement. Mais il était toléré que certains continuent à la pratiquer et à l'enseigner, à des hommes de science bien sûr. Qu'une jouvencelle de haute naissance s'y adonne serait certainement scandaleux. Pourtant la Hightower était pieuse, elle avait foi en les Sept et suivait leur enseignement à la lettre, ou presque. Elle prenait, il est vrai, quelques libertés quant à la place des femmes et aussi quant à la magie.

S'assurant que personne ne rentrerai ou n'écouterai aux portes durant le rituel, elle attendit le clair de lune pour commencer. Elle commença par se déshabiller entièrement et rincer son corps à l'eau froide, puis elle enfila, une longue chemise sans manches en lin blanc d'une grande finesse qui laissait voir sa silhouette en transparence. Ses longs cheveux ondulés descendaient en cascade jusqu'au bas de son dos. Elle dessina au sol, au centre de sa chambre, une étoile à sept branches avec du sel. Puis elle alluma une première bougie.

__ Par le Père d'en Haut, donnez moi le pouvoir de la miséricorde.

Elle plaça cette bougie à l'une des pointes de l'étoile et en alluma une deuxième.

__ Par la Mère d'en Haut, donnez moi la protection de la compassion.

Fit elle en posant la bougie à l'extrémité suivante avant d'en allumer une troisième.

__ Par le guerrier, donnez moi le courage de combattre le mal.

Posée au bout de la troisième branche, puis une quatrième, jusqu'à ce que chaque pointe se termine par une flamme qui en appelait aux Sept divinités.

__ Par la jouvencelle, préservez la pureté de mon âme. Par le Ferrant, donnez-moi la force de forger la destinée. Par l'aïeule, éclairez mon chemin dans l'obscurité. Par l'étranger, protégez-moi de la mort quand je traverserai la vallée des ombres.  

La brune aux yeux céruléens s'agenouilla au centre avec un petit bol en métal ciselé, les plantes récoltées dans le Bois-sacré, fougère, bruyère, armoise, datura et une allumette. Elle ferma les yeux et se mit à méditer en silence un long moment, puis elle les rouvrit pour mettre les plantes dans le bol craquer l'allumette et les enflammer avec.

__ Willos Farman, toi qui erres dans la vallée des ombres, m'entends-tu ? Je suis Aelinor Hightower et je viens te chercher pour te ramener dans le monde des vivants. Suis la fumée et rejoins moi.

Avec des gestes lents, elle envoya la fumée vers les quatre points cardinaux, puis elle fit sonner le bol avec une petite baguette et joignit ses mains avant de reprendre.

__ Par le Père d'en Haut, puisses Willos être jugé avec miséricorde. Par la Mère d'en Haut, protégez Willos et guérissez son corps. Par le Guerrier, donnez lui le courage de combattre la mort. Par la Jouvencelle, préservez la pureté de son âme. Par le Ferrant, donnez-lui la force de traverser la vallée des ombres. Par l'Aïeule, éclairez son chemin vers le monde des vivants. Par L'Étranger, protégez-le et ramenez le nous. Willos Farman, je viens te chercher, suis la fumée et rejoins moi.

Répétant l'opération Sept fois en faisant sonner le bol après chaque litanie, elle attendit que tout le contenu du bol ait été réduit en cendres. Puis elle se replongea dans une longue et profonde méditation. Puis elle mit fin au rituel en récitant une nouvelle prière avant de souffler la bougie correspondant au Dieu invoqué.

__ Merci Etranger, d'avoir protégée Willos de la mort et de nous avoir permis de ressortir de la vallée des ombres. Merci Aïeule, d'avoir éclairé notre chemin dans l'obscurité. Merci Ferrant, de m'avoir donné la force de forger la destinée de Willos. Merci Jouvencelle, d'avoir préservé la pureté de nos âmes. Merci Guerrier, d'avoir donné à Willos le courage de guérir. Merci Mère d'en Haut, de nous avoir protégé et offert ta compassion. Merci Père d'en Haut, puissiez vous nous juger avec miséricorde.

Une fois la litanie terminée, la Hightower de leva et sortit de l'étoile en prenant soin de ne pas la détruire, puis elle s'agenouilla à l'extérieur de l'étoile pour ramasser le sel et le mettre dans le bol avec les cendres. Elle se déshabilla pour rincer son corps à l'eau claire, puis elle cacha le bol dans un de ces coffres avant d'enfiler sa chemise de nuit et de se coucher.

La nuit était tombée sur le Donjon Rouge et Aelinor s'apprêtait à faire ses prières avant de se coucher lorsqu'un des hommes de son père vint la prévenir que Baelor voulait la voir immédiatement dans ses appartements. Elle enfila une robe de chambre de velours gris doublée de brocart argenté par dessus sa chemise de nuit de lin blanc brodée aux détails en dentelle et enfila des chaussons en peau de lapin pour rejoindre son géniteur.

__ Aelinor, assieds-toi

La jeune femme s’exécuta. Elle s’attendait à se prendre un savon pour sa venue intempestive à Port-Real la veille du Procès opposant Edmund et Baelor à Bronn alors que le Hightower le lui avait formellement interdit. Mais étrangement le Sire de Villevieille  ne semblait pas énervé, plutôt… tourmenté. Elle remarqua que la pièce était vide, aucun serviteur à l'horizon, et que les gardes devant la porte étaient parmi les plus fidèles soldats de son père. Mais sur le coup, elle n'y prêta pas attention.

__ Quelqu’un m’a demandé ta main.

Elle était fiancée, quel homme digne de ce nom pouvait bien faire une proposition de mariage dans ses conditions ? A moins que… A moins que ce soit quelqu’un qui n’en avait rien à faire de ses fiançailles, ou quelqu’un qui savait qu’elles étaient factices, ou quelqu'un qui n’était pas au courant, ou la seule personne qui pouvait avoir reçu son appel à l’aide. Mais elle n’y pensa pas. Elle pensa à Bronn, à Lorent, à Jonas, mais pas à Aegon. Avec tous ses voyages, elle n’avait pas reçu sa missive, elle ignorait même qu’il était encore en vie. Et pourtant.

__ Qui ?
__  @Aegon Targaryen.

Son cœur rata un battement, peut-être plus.  Il était vivant ! Et il avait demandé sa main ! Sa tête lui tourna, alors oui, heureusement qu’elle était assise, sans quoi elle serait certainement tombée à la renverse. Elle mit les mains sur sa bouche et se mit à pleurer de joie. Mais Baelor reprit sans lui laisser tellement le temps d’encaisser la nouvelle.

__ Il dit te connaître, tu peux m’expliquer ?

Aelinor mit du temps à se remettre de ses émotions, mais elle tâcha de raconter à son père toute la vérité au sujet de sa rencontre avec Griff Le Jeune, de leur longue relation épistolaire, de son présent, de la façon dont elle avait appris son identité et dont elle lui avait demandé confirmation. Elle lui avoua qu’elle lui avait plus ou moins promis le soutien de la Maison Hightower dans sa reconquête de Westeros, en vertu des alliances passées entre les deux familles et parce qu’elle ne voulait épouser personne d’autre afin de devenir Reine. Baelor connaissait les ambitions de sa fille, mais il prit alors conscience qu’elles étaient bien plus hautes que ce qu’il avait jamais envisagé, enfin en tout cas depuis la grande guerre. Il comprit aussi qu’elle préparait son coup depuis un moment et que c’était une sacrée cachottière. Il n'était pas très content, mais il tâche de garder son calme. A son tour, il exposa ce qui l'empêchait de répondre favorablement pour le moment. Le fait qu’il était seulement le général de la Compagnie Dorée et qu’il ne la laisserait pas le suivre à Essos pour vivre au sein d’une compagnie de Mercenaire et qu’elle ne tiendrait pas une semaine dans ces conditions. Qu’une telle alliance mettant tout Villevieille en grand danger si elle venait à être découverte et qu’il n’était pas en mesure de devenir Roi de quoi que ce soit en l'état actuel des choses. Et enfin qu’il n’était pas certain de son identité.

__ Il en a les cheveux et les yeux.
__ Cela n’est pas une preuve suffisante.
__ L’éducation. Il parle couramment Haut Valyrien et est doté d’une grande culture.
__ Je vois, mais ne nous laissons pas berner par tout cela.
__ Oui père. Mais qu’il le soit ou non importe peu, si tout le monde le croit, nous pourrons le mettre sur le trône et je serais sa Reine.
__ Certes. Mais c’est loin d’être gagné, surtout après ce qu’il c’est passé avec Daenerys et Jon.
__ Je sais père. J’ai conscience qu’il est bien trop tôt pour dévoiler cette alliance, j’ai également conscience du risque que je prends à vouloir épouser un homme qui n’a que peu de chances d'accéder au trône et aucune sans notre soutien. Mais c’est ce que je veux.
__ J’entends. Mais tu n’iras pas le rejoindre, si tu quittes Westeros pour le rejoindre, je ne lui octroierai jamais le soutien des Hightower. Tiens toi le pour dit.

Baissant la tête elle ravala ses larmes. Elle avait tellement envie de le revoir que savoir que ça ne serait pas pour tout de suite lui brisait le cœur. Mais elle désirait être Reine à ses côtés, pas seulement sa femme, elle ne pouvait pas se permettre de perdre le soutien de son père.

__ Oui père. De toute façon, je lui suis plus utile ici.
__ Qu’entends-tu par là ?
__ Je prépare son retour.
__ Comment ça ?
__ Le chaos père, la guerre. Ce sera son chemin vers le Trône de Fer.
__ Ca n’est pas si simple ma fille.
__ Je le sais. Et il faut que nous soyons prudents. Vous restez dans la lumière fidèle à la couronne, ne tentez rien, tenez vous prêt. Et moi j’aiguise les haines et les conflits pour que le royaume se délite peu à peu. Puis, quand Westeros aura assez souffert, il se présentera comme le sauveur, l’artisan d’une paix durable et prospère.

Père et fille étaient animés de l’ambition éternelle des Hightower et Baelor devait reconnaître que le plan n'était pas mauvais, bien que très dangereux, bien plus en tout cas que ce qu’il aurait pu envisager de risquer. Mais depuis le Grand Concil, il ne pouvait pas prétendre que la position de la famille était à la hauteur de ses aspirations, pas même à la hauteur de ce qu’elle devait-être. Encore moins avec Bronn à la tête du Bief.

__ Tu as pensé à tout.
__ Comme toujours père.
__ As-tu pensé aux risques ?
__ Ne faut-il pas se donner les moyens de ses ambitions ?
__ Si tu es découverte, tu tomberas seule.
__ Je sais. Cela vaut mieux de toute façon.
__ Oui, cela vaut mieux. Il a promis sa protection. Si tu peux fuir, rejoins-le.
__ Je le ferais. Et je tâcherais d’écarter tout soupçons de vous. C’est pourquoi vous devez me laisser faire, seule.
__ Oui. Mais sois prudente.
__ Ne le suis-je pas toujours ?
__ Non, pas toujours Aelinor.

Un sourire en coin se dessina sur ses lèvres et elle hocha la tête. Peut-être pas toujours. Baelor lui tendit la lettre d’Aegon qui lui était destinée, elle était arrivée avec la demande en mariage par coursier sur le chemin de Port-Real quelques jours seulement après le départ de Baelor. Elle décolla soigneusement le sceau et la lut attentivement, se figeant à l’évocation des dangers qu’Aegon avait dû traverser. Elle termina les larmes aux yeux, touchée par les preuves d’affections dont elle était truffée. Elle colla le parchemin contre son cœur et ferma les yeux un instant dans une prière silencieuse pour qu’il reste en bonne santé et qu’il entende, par delà les mers et par delà le temps, qu’elle l’aimait. Puis, elle se leva et attrapa la demande en mariage qui était toujours posée sur la table. Elle les mit dans le cheminée et y mit le feu à l’aide d’une torche, puis elle les regarda brûler jusqu’à ce qu’elles soient toutes deux réduites en cendre.

__ Souviens toi, Aelinor, si tu le rejoins, tu peux dire Adieu à l’armée et à la flotte de Villevieille.
__ Je serais patiente père. Et prudente.
__ Très bien, alors va au lit. En rentrant à Villevieille, nous reparlerons de ta présence ici malgré mon interdiction et de la punition appropriée. Mais puisque tu es là, tu assisteras au procès et assumera ta venue en agissant pour notre victoire. Saches seulement que si Bronn t’impose de l’épouser ou d’épouser Damion, je n'empêcherai rien. Et si tu fuis, je te renierais.
__ Oui père.

Répondit Aelinor en baissant les yeux avant de se lever et de quitter la pièce après avoir docilement embrassé son père. Une fois dans sa chambre, elle ne parvint pas à trouver le sommeil, se tournant et se retournant dans son lit pendant des heures en tripotant son pendentif avec frénésie, passant du rire aux larmes, réfléchissant à comment convaincre son père d'accepter. Le lendemain, il fallut bien des artifices pour lui faire retrouver un visage moins fatigué, mais Jenny savait y faire, heureusement, le manque de sommeil restait tout de même visible quand elle prit le chemin des jardins.

Suite à ce moment, somme toute agréable, passé avec Treyvir, Aelinor ne ressortit pas des ses appartements, elle pleura longuement et prit son dîner seule et à vrai dire, en laissa une bonne partie. Il lui avait fait peur en s'immisçant dans son espace vital, mais surtout, elle s’était fait peur parce qu’elle avait un instant hésité. Un instant elle avait eu envie de l’embrasser. Puis elle s’était souvenue de ce qu’avait fait Jonas à Lancehélion après son premier baiser. Non, elle ne pouvait pas l’embrasser. Elle n’avait pas le droit de craquer, elle n’avait pas le droit de pêcher, elle était la Jouvencelle personnifiée et elle devait combattre ce sentiment étrange qui l’avait envahie alors.

Elle pria jusque tard dans la nuit et prit la décision de se retirer dans le Septuaire de Hautjardin pour méditer en silence plusieurs jours. Mais d’abord, elle devait déciderai du sort des prisonniers.Alors, au matin, elle enfila une robe de brocart grise et argentée avec des motifs floraux, plissée sur les hanches, lacée dans le dos avec un sage décolleté. Elle envoya Gladys et Moira chercher des tissus et trouver un tailleur qui sache travailler bien et vite et leur laissa quelques croquis de ce qu’elle voulait. Elle se rendit dans la salle du trône et reçu les prisonniers un à un. Elle leur demanda tour à tour ce qu’ils pouvaient faire pour se racheter, L’une deux décida de devenir septon, ça n’était pas pour lui déplaire, un autre voulut entrer dans la garde de Hautjardin, elle refusa mais lui dit qu’une fois accomplie une mission pour elle, il le pourrait s’il avait prouvé sa loyauté. Beaucoup voulurent la servir et à tous elle proposa la même mission.

La mission était simple, ils devaient intégrer les campements de fanatiques et lui faire parvenir des informations. Évidemment, tous n’étaient pas lettrés, mais l’un d’eux savait lire et écrire. Ce serait lui qui centraliserait les informations et les lui apporterait toutes les deux semaines. S’ils se faisaient prendre, ils ne devaient en aucun cas mentionner son nom, s’ils mourraient en ayant gardé le silence, elle mettrait leurs familles à l’abri du besoin. Tous acceptèrent et quittèrent Hautjardin avec un baluchon et quelques provisions. Tous sauf un. Son sort fut laissé entre les mains de Mestre Lomys. Quant à celui qui avait eut les mains coupées, il était toujours vivant, mais pour combien de temps ? Nul doute que ses blessures s’infecteraient et qu’il finira ses jours dans cette geôle sombre et humide comme il avait failli tuer la brune aux yeux céruléens dans une cave sombre et humide. Puisse le père le juger équitablement et la mère lui accorder miséricorde.

Après ça, elle alla assister à l’office au Septuaire du village et distribua le pain aux nécessiteux depuis la première fois depuis son agression. L’escorte avait été renforcée et les mesures de sécurité étaient drastiques. Tout se passa pour le mieux dans le Septuaire, mais elle sentait une certaine tension cependant et en discutant avec les habitants qui venaient prendre le pain généreusement offert, elle apprit que c’était la présence de Lord Cendregué et de son armée qui faisait peur aux gens. Elle en toucha deux mots à son oncle pendant le retour et alla déjeuner. Ensuite, sa camériste et deux septa la lavèrent soigneusement, puis lui enfilèrent une humble tunique de toile de bure blanche, épaisse et rèche et par-dessus, un surcoût de laine brune. Elles lui couvrirent la tête d’une coiffe blanche qui couvrait sa gorge et ses cheveux. C'est ainsi qu'elle traversa le château et les jardins pour rejoindre le Septuaire privé des Tyrell. Là, elle fit vœu de silence pour 7 jours devant les deux Septa et le Septon et commença ses prières intérieures et son expiation personnelle par un jeûn et un longue marche, pieds nus, dans les jardins jusqu’au soir où elle dormit sur une simple paillasse dans une humble cellule. Le lendemain, elle fut réveillée avant le jour et s’agenouilla devant le Père et y resta jusqu’au dîner. Elle mangea seule dans dans la cellule, un repas frugal de gruau et de bouillon avec quelques légumes avant de retourner en prière devant le Père jusqu’à minuit. Au troisième jour, elle pria devant la Mère, toujours à genoux, toujours tête basse, toujours en silence, de l’aube à tard dans la nuit. Au quatrième jour, ses genoux écorchés avaient laissé des tâches de sang sur sa tunique. Elle resta devant la statue de l’Aïeule Puisse l'Aïeule éclairer ma voie pour que j’éclaire celle du royaume.. Le cinquième jour fut celui du Guerrier. Elle avait mal partout et commençait à sentir le contrecoup de son unique repas quotidien et de ses nuits courtes et inconfortables. Au sixième jour elle entra dans un état second et médita devant l’autel du Ferrant jusqu’à la nuit. Aux septième jour, elle alluma des cierges sous la statue de la Jouvencelle et pria jusqu’à ce qu’elle s’écroule d’épuisement. Le soleil était couché sur les jardins quand elle les traversa, tellement affaiblie et amaigrie qu’elle fut aidée par les deux Septa pour regagner ses appartements. Les genoux en sang et le visage émacié, elle grelottait de froid et de fatigue. On la plongea dans un bon bain chaud et après une bonne nuit de sommeil dans la soie et les plumes d’oies retrouvées, Mestre Lomys vint s’assurer qu’elle n’avait rien de grave.

__ Elle a perdu du poids, mais elle s’en remettra Ser.

Dit-il à Gunthor Hightower, qui attendait derrière sa porte, inquiet. Il entra et elle le rassura avant de lui expliquer la situation. Il ferait ce qu’il faut. Quand elle reparut en public à l’heure du déjeuner, elle portait une robe de laine grise aux motifs géométriques blancs dotée d’un col officier, près du corps mais sans l’ombre d’un décolleté. Par dessus, elle avait un serre taille de cuir noir. Les manches ajustées descendaient en point sur ses mains.

__ Sainte Jouvencelle, ô fontaine de pureté. Préserve moi du pêcher, je t’en conjure, puisse ma vertu rester intacte. Permets que ma grâce soit, aussi chaste que la tienne. Sainte Jouvencelle, ô force des vierges. Soutiens-moi dans ce combat.  Daigne apaiser le désir et calmer la tentation. Enseigne-moi les voies de la pudeur.

Fut sa prière du soir et le resterait jusqu’à son mariage.