Poulet-Dragon et Flèche de feu ➹ pv Edmund

poulet-dragon et flèche de feu

bronn & edmund

an 305, lune 7, semaine 4, jour 7

Un profond soupir, et le sire de Hautjardin s’étira de tout son long. Que la vie était douce ! Et le soleil à peine levé, il avait déjà fini sa besogne du jour. Il remercia la putain d’un hochement de tête alors qu’elle s’écartait de son entrejambe, puis remonta ses braies tandis qu’elle se détachait de lui pour aller chercher la bourse qui l’attendait sur la table de chevet. Bronn ne resta pas longtemps assis, il bondit sur ses pieds et se dirigea vers un pichet de vin. Il ne servit qu’un verre et jeta un œil à la fille, elle était encore jeune et ne connaissait visiblement pas encore très bien les ficelles du métier. Pas que lui soit un expert en tapinage, mais il avait fréquenté assez de putains pour savoir que la discrétion était de mise dans ce métier. Et s’il se fichait bien que le Donjon Rouge tout entier soit au courant des allers-retours des filles dans ses appartements, il devait reconnaître que la pauvre fille qui se tenait bêtement au milieu de sa chambre n’avait aucune idée de ce qu’était la discrétion. Celle qu’elle devait avoir vis-à-vis de lui. En partant, par exemple.

— Puis-je faire autre chose pour vous satisfaire, monseigneur ?

Il tendit simplement sa coupe vers elle pour trinquer dans le vide, lui indiquant d’un geste la porte. Sur les lèvres du Grand Argentier se plaqua le sourire de gentilhomme qui lui était si familier, et la jeune fille partit en emmenant avec elle son or. Bronn vida sa coupe d’une traite, et libéré de ses responsabilités pour la matinée, il songea à se recoucher. Il restait encore quelques heures avant le début du tournoi… Et pour une fois qu’il pouvait ronfler comme il le voulait… Il eut à peine fait un pas vers son lit défait qu’on toqua à la porte.

— Quoi ? râla-t-il.
— Messire Bronn, le prince de Dorne souhaiterait s’entretenir avec vous.

L’ancien mercenaire arqua les sourcils, et il hocha simplement la tête face au page. Il l’envoya quérir le prince pour que celui-ci le rejoigne dans un salon privé du Donjon Rouge. Retirant sa chemise qui puait le vin et peut-être un peu le stupre, il la troqua contre une autre, plus noble et faite sur-mesure pour sa personne. Il fallait dire qu’il était devenu quelqu’un, et pas n’importe qui ! Il était le putain de Grand Argentier, en plus du seigneur suzerain du Bief. Et peu lui importait que ses vassaux grognent après lui, les chiens les plus bruyants sont rarement ceux qui mordent.

Vêtu plus richement que jamais, Bronn quitta ses appartement de sa démarche chaloupée, qu’il avait héritée de ses années en mer et de mercenariat. Sur son chemin jusqu’au salon, le vieux loup apprécia les courbettes des serviteurs et autres courtisans, tous les « messire Grand Argentier » qu’on lui servit comme autant de coups de lèche sur les couilles, et un sourire satisfait coula sur ses lèvres à mesure qu’il avançait. Il sillonnait ces couloirs chaque jour, mais peinait toujours à s’y faire : il avait été taillé pour les fonctions qu’il avait obtenues, c’était certain. Arrivé dans le boudoir qu’on avait préparé en un tour de main, Bronn n’attendit pas son invité pour prendre place dans un luxueux fauteuil, se servir une nouvelle coupe de vin et commencer à la déguster. On avait jamais rien gagné à force de politesse, ce qu’on voulait, il fallait le prendre.

Il savoura le cru de La Treille, très en vogue à la capitale, quand il entendit des bruits de pas approcher de la porte. Dans un geste brusque, une coulure de rouge tâcha sa chemise de soie verte, venant dégueulasser la flèche qu’il avait pour emblème. Et merde. Boh, il en avait d’autres. Il se leva pour saluer le prince de Dorne, un sourire aux accents insolents peint aux lèvres, et lui offrit une courbette rapide et bâclée lorsqu’il eut mis un pied dans le salon. Il lui tardait de découvrir le fameux poulet-dragon qui avait conquis Dorne.

(c) DΛNDELION