Depuis Port-Réal avant leur départ, Baelor avait envoyé une missive à Villevieille afin d'affréter un navire pour leur retour dans le Bief après le mariage. Il devrait arriver à Lancehélion d'ici quelques jours et leur permettrait à tous de rentrer à Grand Tour. Humfrey et Denyse, eux, avaient raccompagné Desmera avec la majeure partie de l'escorte Hightower. Ils devaient la suivre sur La Treille et rester avec elle autant qu'elle le désirerait. Peut-être que les maisons Redwyne et Hightower auraient, eux aussi, une noce à annoncer une fois de retour. En attendant, ils n'avaient pas eu beaucoup de temps pour choisir et faire fabriquer les présents du mariage princier.


Après plusieurs semaines de traversée dans une embarcation certes imposante mais néanmoins commune et limitée, la situation avait été éclaircie. Baelor avait appris toute la vérité sur l'union de sa fille avec Damion et il avait remercié Edmund pour le service rendu. Si le secret demeurait pour tous les autres membres des deux familles impliquées, en tout cas à sa connaissance, chacun avait appris à se connaître et à s'apprécier ou à se supporter selon les cas. La brune aux yeux céruléens notamment s'était considérablement adoucie et s'il lui arrivait encore d'envoyer quelques piques à Edmund en compagnie d'Elia Dayne, elle se montrait gentille la plupart du temps. Cela n'avait pas empêché les deux hommes de s'accorder sur le fait qu'Aelinor était une immense chieuse qui avait un peu trop l'habitude de mener son petit monde à la baguette à grand renfort de viles manipulations et qu'elle mériterait une bonne leçon. Mais le sire de Villevieille ne voulait pas la jeter par dessus bord.


Lorsque Lancehélion fut en vue, Aelinor se retira dans sa cabine pour faire sa toilette et se changer. Le soleil mordant de dorne avait déjà fait sortir les tâches de rousseur de sa peau d'albâtre. Elle enfila une robe de soie verte sans manche brodée d’entrelacs argentés sur le buste ajusté au décolleté en V plongeant. Ourlant ses yeux de khôl et se parant d'émeraudes, elle sortit fin prête à rencontrer son fiancé. Elle observa la magnifique capitale de Dorne s'approcher, pas d'imposante tour, un tout autre style bien plus exotique, mais la cité n'avait rien à envier à Villevieille. Elle eut un pincement au cœur de se dire qu'elle ne regnerait jamais dessus, le titre de Princesse et toute cette beauté lui échappaient. Elle aurait pu, pour Lancehélion, abandonner l'antique cité blanche où elle avait vu le jour se dit-elle depuis la poupe en embrassant la ville d'un regard envieux. Elle ne s'en détourna qu'une fois le navire amarré au quai et se dirigea vers le ponton. Derrière son père et sa mère, elle avançait avec un port altier et posa son regard sur celui qui venait de faire une accolade à Edmund. Ce devait être lui. Elle lui offrit un léger sourire, plissant les yeux dans la lumière aveuglante de Dorne. Une fois à terre, Baelor répondit à la révérence de Lord Damion d'un signe de tête respectueux tandis que Rhonda s'inclinait. Le seigneur de Salrivage salua Baelor et lui remit un pli.

__ Merci pour votre accueil Lord Gargalen. Je ne doute pas que les splendeurs du Palais Vieux sauront nous ravir tous.


Par souci de confidentialité et de bienséance, il se garda de l'ouvrir et attendrait d'être installé dans les appartements prévus pour eux. Il le glissa donc dans la poche de son surcot gris aux flammes brodées d'or dénué de manches. Comme le Sire de Villevieille, les soldats Hightower avaient troqué leurs armures de plates pour des tenues plus légères, simples gambisons sur chemises et pantalons sans protection. Ils avaient cependant repris leurs armes pour l'arrivée tandis que le voyage avait rimé avec détente.

__ Je vous présente votre fiancée, Lady Aelinor Hightower, ma fille.


Cette dernière se fendit d'une gracieuse révérence. Elle s'inclina aussi bas que ses jambes le permettaient en écartant du bout des doigts le fin tissu qui recouvrait sa peau. Elle garda le buste presque droit et le regard fièrement planté dans les yeux du dornien. Son sourire, léger, se fit énigmatique lorsqu'un des coins de sa bouche se leva un peu plus que l'autre.

Durant la traversée, Aelinor avait discuté avec Edmund de la rencontre entre Lord Caron et Sara. Ou plutôt de ce qu'il en attendait, essayant de percer à jour son objectif réel au-delà d'une alliance maritale avec l'Orage. Elle n'avait que peu de contact avec Gendry et sa relation avec Jonas était quelque peu compliquée, mais elle ferait tout son possible pour aider son nouvel allié à obtenir ce qu'il voulait. Tant que cela n'entrait pas en conflit avec ses propres intérêts bien sûr. Elle lui avait également parlé de Nymeros, envisageant une alliance commerciale avec Braavos et ayant, dans ce but, besoin de passer du temps avec lui après le mariage pour faire plus ample connaissance.


Baelor avait, de son côté, éclairci la situation avec Edmund concernant les fiançailles et, pour installer la confiance, il lui avait révélé qu'elle était déjà fiancée à Lord Caswell. Il espérait que son frère ne soit pas trop déçu par la rupture des fiançailles, mais remercia le Prince d'avoir sauvé sa fille d'un mariage avec Bronn et d'une nouvelle humiliation de la maison Hightower. Gladys Mullendor, elle, se fit discrète, évitant autant que possible de croiser le regard du prince ou de sa fiancée.


Aelinor avait aussi passé du temps avec Elia, discutant de la robe de soie orange, de l'alliance commerciale et du mariage. Comme la brune aux yeux céruléens appréciait beaucoup la Dayne, elle décida d'attendre d'être loin de Lancehélion pour mettre la deuxième robe, faite à l'identique. Elle avait également comploté avec Sara pour organiser une soirée entre femmes la veille du mariage. Erena était conviée, mais elles garderaient le secret jusqu'au moment où elle débarqueraient dans sa chambre. La sœur du Prince devait, pour l'occasion, prêter une tenue typique de Dorne à la Hightower. Qui sait ce qu'elle lui réservait pour une sorte de bizutage d'entrée dans la famille.


Une fois tout ce beau monde à quai, Edmund reprit les rênes des mains de Damion, donnant ses ordres pour que les Hightower soient conduits à leurs appartements et que leurs soldats trouvent place dans un baraquements. Il réservait au Sire de Villevieille et à sa famille un accueil grandiose. Damion précisa d'ailleurs qu'ils étaient les bienvenus aux Jardins aquatiques. C'était effectivement une destination incontournable et contrairement à Lancehélion que Baelor, comme sa fille avaient déjà eu l'occasion de voir depuis le port, comme depuis le large, ni l'un ni l'autre n'avaient vu les jardins aquatiques.

__ Merci Mon Seigneur. Nous comptions y passer quelques jours après les noces si cela est possible.


Fit le Sire de Villevieille avant de présenter sa fille.

__ Le plaisir est partagé Lord Gargalen. C'est un honneur pour moi et ma maison de lier nos familles, nos régions, nos flottes et nos commerces. Puisse cette alliance être Sept fois bénie.


Le prince prit le chemin du palais avec le reste de la troupe et après une nouvelle révérence, Aelinor se retrouva seule avec Damion, son épée lige veillant discrètement sur elle et quelques soldats dorniens laissés par Edmund. Sans répondre à la plaisanterie, Aelinor adressa un léger sourire à Damion en le fixant de son regard aussi bleu que la mer de Dorne. Puis elle accepta sans hésiter le bras de Damion en posant délicatement sa main dessus. Elle attendit qu'ils soient en marche, un peu éloignés des oreilles indiscrètes pour répliquer sur un ton des plus stoïques et sérieux en apparence.

__ Votre frère m'a dressé un portrait de vous si peu flatteur qu'il m'a assuré que notre partenariat ne serait pas affecté si je renonçais aux fiançailles. Mais vous me voyez rassurée, je vois que vous n'avez pas les ongles crochus.


Dit-elle en passant les doigts de sa main libre sur ceux du dornien.

__ Vous n'avez donc point de sixième doigt de pied j'imagine.


Elle avait dit tout cela de sa voix suave avec un air tellement sérieux que cela pouvait sembler vrai. Mais quand elle se tourna vers Damion avec un sourire en coin et son regard azur des plus espiègles, l'évidence de la plaisanterie sautait aux yeux.

__ Je n'ai entendu que du bien de vous, je déduis donc de votre crainte que vous avez quelque chose à cacher.


Fit-elle en soulevant un sourcil. Mais la petite visite de la cité contée par Damion était bien plus passionnante que toutes les blagues du monde. Aelinor observait les bâtiments, les portes, les murailles avec grand intérêt écoutant attentivement le Gargalen lui donner les grandes lignes historiques qu'elle connaissait, mais également des faits nettement moins connus. La brune buvait ses paroles et quand elle ne regardait pas un détail d'architecture ou une belle perspective, elle ne pouvait pas s'empêcher de le regarder lui.


Les effluves mélangées du fumier et du cheval émanant les écuries princières indiquèrent bientôt à la jouvencelle leur destination. Elle avait suivi Damion en toute confiance sans se poser de question et ignorant ce dont lui et Edmund avait parlé. Son sourire s'élargit en imaginant la raison de cette visite. Elle suivit le jeune homme dans les ombres du bâtiment et après la lumière brûlante de la ville, ses yeux mirent un certain temps à s'habituer à l'intérieur si bien qu'elle s'arrêta un instant avant de se diriger vers les boxes. Maintenant que ces yeux étaient habitués à la fraîcheur sombre des lieux, elle put apprécier toute la beauté des deux coursiers. Plus elle les observait, laissant le silence s'installer, plus elle pouvait voir la perfection de leurs lignes, leur petite tête expressive, leurs membres fins. Et plus son sourire s'élargissait, sourire qui en disait long sur sa satisfaction et sa passion. Elle n'avait écouté le dornien que d'une oreille distraite si bien que si les informations concernant les chevaux étaient plus ou moins passées, la subtilité chronologique concernant le débourrage du mâle blanc ne l'avait pas fait tiqué. Elle pensait donc toujours que Damion savait que leurs fiançailles étaient un simple arrangement et qu'il donnait le change pour mieux faire illusion devant le monde.

__ Ils sont magnifiques. Je n'aurais pu rêver meilleur choix. Merci infiniment Lord Damion. Ces cheveux sont sans aucun doute les plus beaux cheveux du monde.


Sifflant tout doucement, elle appella la jument noire en tendant la main pour pouvoir la caresser. Aelinor finit tout de même par reposer les yeux sur Damion.

__ J'ai hâte de l'essayer sur son terrain de prédilection. M'accompagnerez-vous aux jardins aquatiques ?

C’était bien Erena pourtant qui avait fait l’éloge de son frère, peut-être sans en avoir conscience, elle avait dépeint le fiancé parfait à Aelinor, sauf peut-être les cheveux bouclés, mais finalement, cela n’enlevait rien à son charme, elle devait bien le reconnaître. S’il n’y avait pas eu Aegon et des enjeux bien plus grands qu’un simple mariage entre deux nobles lignages, elle l’aurait bien gardé. Pourtant, elle comprenait parfaitement les avantages stratégiques de l’union avec Lorent, même si elle refusait catégoriquement de les reconnaître. Mais le Dragon allait devoir se hâter de passer à l’offensive, elle ne pourrait plus attendre indéfiniment, elle en avait pris conscience en voyant son père envoyer les invitations pour le tournoi et le bal donné en l’honneur de son vingtième anniversaire.Qu’elle le veuille ou non, elle devrait se marier bientôt et si elle pouvait faire patienter son père quelques temps sous prétexte que Bronn s’opposerait au mariage, elle ne pouvait pas se permettre de prendre de l’âge sans la moindre garantie. Peut-être que son oncle avait raison et que tout cela n’était que folie.

__ Tout au contraire, Lord Gargalen, je devrais certainement me taire sur ce point, mais j’avais hâte de faire votre connaissance. D’ailleurs, je me demandais… Jouez-vous au cyvosse ?


Aelinor ouvrit d’abord de grands yeux sans comprendre pourquoi il parlait de cheveux. Puis, elle comprit que c'était elle qui avait appelé les chevaux des cheveux, et éclata de rire.

__ Ma langue a fourché. Vos boucles me désarçonnent.


Rit-elle sans savoir si son jeu de mot capilo-equin ferait mouche.


Damion accepta de l’accompagner aux Jardins Aquatiques, elle sourit, ravie de pouvoir passer plus de temps avec lui, qui plus est à cheval. Il lui demanda si elle avait déjà réfléchi à leur nom et c’était le cas, mais elle n'était pas pour autant parvenue à se mettre d’accord avec elle-même. Elle réfléchit une seconde et deux noms lui virent. Feu Noir & Blanche Tour pensa-t-elle d’abord, gardant pour elle ces noms qui pourraient éveiller trop de soupçons. Ils étaient bien trop parlants pour qui connaissait l’histoire, et elle se souvenait avoir tripoté la flamme autour de son cou devant Edmund. Si les deux frères venaient à se parler, ils pourraient bien comprendre quel homme se cachait en réalité derrière le pendentif et à qui elle destinait la jument noire.

__ Ombre et Lumière.


Lança finalement la brune aux yeux azur.

Le sourire d’Aelinor s’élargit lorsque Damion dit que la hâte était partagée avec son petit sourire enjôleur. Il avait beaucoup de charme à n’en pas douter et il jouait au Cyvosse. Décidément, ils étaient faits pour s’entendre. Elle jouait un tantinet plus souvent que lui, mais elle était une jouvencelle de haute naissance et elle n’avait, en théorie et si on excluait tous ses secrets, que ça à faire, n’était pas adepte de la broderie et laissant aux tailleurs le soin de confectionner ses robes. Elle sourit à l’évocation de Feu Lord Gargalen à qui elle aurait aimé pouvoir se mesurer, mais Damion et Sara seraient des adversaires intéressants, plus que la plupart de ses coéquipiers habituels. La brune aux yeux céruléens hocha la tête quand le jeune homme lui demanda si elle jouait également.

__ J’espère que nous aurons l’occasion de faire une partie.


Aelinor se mit à rire doucement, non seulement il avait compris la plaisanterie, mais il rebondissait dessus avec beaucoup d'esprit. Ce petit jeu l’amusait follement. Damion était aussi charmant qu'intelligent et elle se plaisait à passer du temps avec lui dans les effluves doucereuses de l’écurie royale.

__ Vous m’en voyez rassurée, je préfère effectivement rester en selle que de me retrouver couverte de sable. J’ai ouï dire que les cavaliers du désert se couvrent la tête avec des tissus qu’ils enroulent de manière complexe, vous me montrerez ? Ma peau, hélas, n’est pas faite pour le soleil, j’ai intérêt à faire attention si je ne veux pas brûler et me retrouver aussi rouge que votre Cocatrix.


Fit-elle en lui souriant d’un air malicieux. Pour la peau, elle ne mentait pas, rien qu’avec la traversée, elle avait déjà pris des couleurs et pourtant elle avait tout fait pour rester le plus possible à l’ombre. Alors pour s’aventurer dans le désert, elle allait devoir se couvrir. Après un moment de réflexion, elle donna le nom des chevaux. Elle ne connaissait pas encore leur caractère, aussi, elle devait se contenter de leurs particularités physique pour leur trouver un nom. Elle sourit à nouveau lorsque Damion évoqua la flamme de Grand Tour.

__ Oui, aussi immaculée que ma robe le jour de mes noces.


Répondit-elle alors en caressant Lumière à son tour tout en observant Damion passer la main dans ses boucles. Elle avait déjà longuement réfléchi à sa robe de mariage et si elle n’était pas encore faite, elle en avait fait faire le modèle précis chez son tailleur préféré à Villevieille. C’était un secret bien gardé entre elle et Emile, mais elle pouvait bien en révéler la couleur à son faux fiancé.

Aelinor sourit avec douceur en plongeant son regard azur dans celui de Damion.

__ Peut-être même trois…


Répondit-elle dans un murmure laissant la suite en suspens sur ses lèvres entrouvertes. Ils auraient du temps pour jouer, mais pas hélas tout le temps qu’elle aurait désiré. Elle ne pouvait finalement pas rester autant qu’elle l’avait souhaité au départ, le mariage de Megalis l’appelait dans la Baie du Fer-Né, bien loin du cruel soleil de dorne mais sous des latitudes non moins inhospitalières peuplées de barbares avides de sang. Pourtant, elle n’avait pas le choix, elle devait s’y rendre pour son amie et elle devait assister à ses noces à Belle Île, pour pouvoir discuter loin de Port-Réal et de ses espions, loin de Lancehélion et de ses scorpions, loin de Villevieille et de sa tour. Elle baissa les yeux et soupira.

__ J’avoue être plus coutumière des velours et des brocards que des tissus légers dont vous faites usage. La robe que je porte aujourd’hui fait partie des plus légères que je possède.


Dit la Hightower en lissant la soie verte sur ses hanches.

__ Je comprends de mieux en mieux la mode dornienne qui veut que même les dames les plus respectables portent des vêtements des plus légers. Heureusement, il fait assez chaud à Villevieille en été et j’ai quelques tenues adéquates qui feront bien l’affaire, en revanche, pour me couvrir, je n’ai que de la laine et des fourrures. A moins que…


Elle fit mine de réfléchir et esquissa un petit sourire en coin. Elle avait fait la robe orange offerte à Elia en deux exemplaires et celle-ci comportait une large capuche brodée et incrustée de pierres semi précieuses qui l’aiderait à garder couverte sa tête pour se protéger du soleil. Mais cela ne l'empêchait pas d’avoir envie d’apprendre, avec Damion, à se couvrir comme une dornienne pour traverser le désert, un petit bout tout du moins, car elle ne se voyait pas traverser Dorne à cheval, même avec Ombre. Cela lui semblait bien trop dangereux de s’aventurer sur ce terrain hostile où des armées entières s’étaient cassé les dents.


Suite à la réponse du Gargalen sur sa robe, elle hocha la tête. Il ne semblait pas être au courant que leurs fiançailles étaient un subterfuge destiné à échapper à Bronn La Néra. C’était… ennuyeux. Edmund ne lui avait donc pas dit dans ses missives, certainement pour ne pas laisser de traces écrites de leur accord secret, en cela il avait totalement raison. Et il n’avait pas eut l’occasion de le lui annoncer à leur arrivée. Elle se refit la scène et comprit qu’il y avait bien trop de monde alors, sur le quai. Elle comprit dans le même temps que le Prince craignait suffisamment la réaction de son frère pour ne pas lui annoncer devant témoins, à moins qu’il ne craigne les oreilles indiscrètes. Mais la mettait la jouvencelle dans l’embarras, devait-elle lui dire quitte à se mettre en porta-faux avec son allié ou attendre que son frère l’avertisse et se mettre en porta-faux avec le jeune homme. Elle sourit, préférant attendre, pensant que c’était à son aîné de lui dire la vérité, craignant de le laisser espérer et en même temps, cela avait quelque chose de grisant de se laisser séduire et de tenter de le séduire.


N'oublies pas tout de même que jouer à ce jeu avec un Dornien présente des risques. Se dit-elle en l’observant du coin de l'œil tandis qu’elle faisait mine de contempler sa nouvelle jument. Elle se rendit compte que, perdue dans sa réflexion, elle n’avait pas rebondit sur la dernière phrase de Damion, pourtant, fait intéressant, il n’avait pas l’air ravi du nouveau statut de son frère. C’est donc avec quelques minutes de retard qu’elle lui sourit, délaissant le cheval pour se placer à côté de lui.

__ Vous avez donc dû organiser un mariage Princier, tout en assurant, à vous seul, la gouvernance de Dorne et la bonne marche de Lancehélion alors qu’il paradait à la capitale au bras de sa fiancée…


Glissant sa main sous le bras du jeune homme pour la poser délicatement sur son poignet, elle leva les yeux vers le plafond, embrassant les lieux d’un geste de l’autre main.

__ Et pourtant ni les écuries royales ni la Principauté ne se sont écroulées. Et vous avez même pris le soin de me trouver deux magnifiques coursiers dorniens. Je suis admirative mon Seigneur.


Posant son regard céruléens le plus doux sur le Gargalen elle ajouta avec un sourire :  

__ C’est peut-être votre tour de parader au bras de votre fiancée.

Son sourire s’élargit, son regard soutenant toujours celui de Damion, quand il rétorqua qu’ils pouvaient aller très loin comme ça. Elle pouvait passer des heures à jouer, qui plus est contre un adversaire aussi agréable que le Sire de Salrivage, mais elle avait fort à faire en seulement quelques jours, notamment préparer la fête pour Elia, célébrer le mariage et visiter Lancehélion et les Jardins Aquatiques. Avait-elle eu tort de dire à Megalis qu’elle serait présente à son mariage ? C’était de la folie de faire ainsi le tour du continent en si peu de temps, mais elle n’avait pas le choix, il fallait qu’elles discutent entre des murs qui n’étaient pas pleins d'oreilles et d'yeux indiscrets. L’entrevue n’était donc possible nulle part ailleurs qu’à Belcastel. Elle soupira.

__ Je demanderais à Sara alors.


Elle tut qu’elle avait en vérité commencé à se constituer une nouvelle garde-robe, très succincte, cela dit, puisque constituée d’une seule tenue. Cela dit, si le tissus et la richesses des décorations du vêtement rendait la copie de la robe d’Elia digne d’une princesse, elle ne dévoilait certainement pas autant de peau que la majorité des tenues qu’elle avait pu voir sur les dorniennes de la Maison Gargalen ou même avant sur l’amante de coeur d’Oberyn. Elle n'était pourtant pas en reste au niveau des décolletés, mais elle n’était pas prête à dévoiler ses jambes ou son ventre. Tiens, c’était une idée intéressante pour la dernière journée de célibat d’Elia, la Dayne était certainement habituée, ainsi que toutes les autres invitées, à s’habiller de bien peu de tissus. Mais pour la brune à la peau d'albâtre, cela serait une première et elle avait bien envie d’essayer, entre femmes d’abord, avant de peut-être faire la surprise à Damion aux jardins aquatiques.


Comme Aelinor l'avait pensé en écoutant Erena lui décrire son frère, ce dernier avait trop de respect pour Edmund pour en dire le moindre mal. Elle avait sondé le terrain sur le ton de l’humour, cela ne coûtait rien après tout. Et puis c'était plus pour se donner une bonne raison de rester avec lui que pour fomenter le moindre complot, après tout, elle avait une dette envers le Prince de Dorne et ne comptait pas le trahir. La politique, la manipulation et les jeux de pouvoir avaient beau couler dans ses veines aussi sûrement que son sang bleu, elle savait faire la part des choses. Elle se mit à rire doucement à la remarque du jeune homme sur le fait que la Principauté survivrait même à un Gargalen.

__ C’est tout ce que je lui souhaite. Lady Dayne est un excellent parti, j’espère que ce mariage apportera union et prospérité à Dorne, avec notre alliance et… quelques autres, je gage que l’avenir sourira à la Maison Gargalen. Mais ne le laissez pas négocier, ni votre sœur Sara. Erena m’a dit que vous étiez coutumier des discussions commerciales, je ne saurais que trop vous conseiller de mettre votre talent au service de votre frère.


Aelinor se rendit cependant compte qu’elle en voulait au jeune homme de ne pas l’avoir choisie pour épouse, et d’autant plus avec ce que disait Damion sur sa gestion de la principauté, cela réveillait une pointe de jalousie. Elle était consciente que l’alliance avec la Dayne était plus utile à l’unité de Dorne qu’un mariage avec elle et puis elle aimait bien Elia, mais elle ne put cependant s'empêcher de penser à évincer cette dernière pour prendre sa place et le titre de Princesse. C’était trop tard, elle aurait dû lui écrire, insister. Et elle savait également pourquoi elle ne l’avait pas fait. Aegon. Maintenant elle n’avait plus d’autres choix que de devenir Reine des Sept Couronne, malgré le risque immensément plus important, malgré la possibilité non négligeable d’échouer, malgré les guerres que cela impliquait. Le seul titre qui aurait pu valoir le coup d’abandonner son nom serait bientôt pris, le seul homme qui aurait pu satisfaire son ambition première allait en épouser une autre. Elle chassa cette idée dans un soupir.

__ Vous avez raison, Dorne lui doit bien ça et il est probable que tout Westeros lui doit d’avoir évité quelques massacres. Je suis sûre qui saura apprécier, même si je pense qu’Elia sera plus sensible aux détails que lui.


Damion resserrera le bras d’Aelinor contre lui avec douceur et le sourire de la brune s’élargit.

__ Il est grand temps de découvrir le Palais Vieux mon seigneur.


Fit la brune aux yeux céruléens en inclinant la tête avec un sourire.

__ Allons parader ailleurs pour voir si les humains se montreront plus admiratifs que les équidés.


Rit-elle en faisant une dernière caresse à Ombre avec sa main libre, mettant l’espace d’un instant, son décolleté plongeant sous le nez du Gargalen.