[Port-Réal] L'avenir du Bief ➹ pv Desmera (terminé)

Dans son bureau, Bronn souriait, ravi de ce début de journée. Il avait relu l’acte de cession de Solfoyer pour la dame de La Treille, rédigé de la main d’un mestre selon ses indications. Tout était parfait et se déroulait à la perfection. Il avait passé des jours et des jours à travailler son discours avant que le mestre ne le couche sur papier, plongeant dans des livres de droit dont il se fichait habituellement. Il devait jouer le jeu des nobles s’il souhaitait s’imposer, et c’était exactement ce qu’il faisait. C’était peut-être son habileté à l’épée qui l’avait emmené à sa place, il allait devoir jouer un tout autre jeu pour la conserver.

C’est avec assurance qu’il salua le Grand Septon qui entrait dans le cabinet, il le fit installer sur un siège confortable et, croisant les doigts sur l’acte de cession posé sur le bureau, Bronn se mit à guetter la porte. Dame Desmera – il avait découvert qu’elle s’appelait ainsi avec cette histoire de contrat – allait arriver, et il était prêt à l’accueillir comme une reine.

Sur le bureau, près de là où elle s’assiérait, il avait prévu un plateau débordant de raisins et un cruchon de vin de La Treille pour flatter l’ego de la dame. Il était prêt à la recevoir, et comme il se devait. Après tout, il se disait qu’elle allait devenir la dame de Solfoyer. Et par extension, sa plus précieuse alliée.

La dame de La Treille arriva, cachée derrière ses belles et riches parures. Bronn se leva, peut-être dans un geste un peu trop preste, il ne pouvait s’empêcher d’être impatient. Mais dans son sourire de complaisance, il salua sa vassale.

— Ma dame, c’est tout naturel. Je ne travaille que pour l’avenir du Bief.

Contournant le bureau, le sire de Hautjardin s’approcha du Grand Septon qui se leva à son tour. Puis il se tourna vers Desmera et tendit une main trop chaleureuse vers elle.

— Avant que nous ne passions au cas de Solfoyer, j’aurais une demande particulière à vous faire.

Ramenant sa main, Bronn invita le Grand Septon à prendre le livre sacré de L’Étoile à Sept Branches, posé sur un coin du bureau. Lorsqu’il s’en empara pour le présenter à la dame de La Treille, la couverture dévoila qu’il s’agissait plus précisément du Livre du Père. Le suzerain du Bief passa son regard de l’homme de foi à la dame.

— Je souhaiterais que vous prêtiez à nouveau votre serment de loyauté, sous l’œil des Sept. Vous n’y verrez aucun problème je présume ?

L’air sérieux de Desmera lui indiqua que malgré tout, elle se méfiait toujours de lui. Bronn ne s’en offusqua pas, et continuant de sourire, il la regarda prêter serment devant les dieux. Puis il hocha la tête, satisfait, lorsqu’elle se releva. Il tourna un regard entendu vers le Grand Septon.

— Merci, dame Desmera, Votre Sainteté Suprême. Je ne vous offre pas un verre, blagua-t-il.

Il reçut un regard un peu appuyé du maître de la foi avant que celui-ci ne quitte les lieux, ayant achevé sa mission. Il était temps de passer aux choses sérieuse. Le sire de Hautjardin désigna son bureau qu’il contourna pour se rasseoir, invitant d’un geste la dame de La Treille d’en faire de même. Une fois installé sur sa chaise, Bronn lui tendit l’acte de cession de Solfoyer, qui n’attendait que sa signature pour être valide.

Desmera prit le temps de lire l’acte de cession, plusieurs fois. Derrière son visage neutre, concentrée sur le parchemin, elle ne laissa passer aucune émotion, laissant Bronn dans l’incertitude de sa réponse finale. Puis elle la lui donna : elle acceptait les termes du contrat. Un bref sourire passa sur les lèvres de Bronn, qui à sa question, ouvrit un tiroir pour en tirer les deux autres exemplaires de l’acte. L’un irait à la dame de La Treille, un autre serait confié aux archives royales et il garderait le dernier. Il les déposa sur le bureau, prêts à être signés aussi. Puis approcha d’elle un morceau de cire coupé dans une cuillère et un bougie.

Bronn se pencha sur les deux autres exemplaires de l’acte de cession, il les signa aussi et apposa son propre cachet. Il prit la cuillère, versa la cire fondue et apposa son sceau sur les deux actes. Il reposa la cuillère à la portée de la dame, et attendit qu’elle ait terminé de son côté pour cacheter enfin le troisième exemplaire.

— Je suis ravi que nous ayons trouvé un accord, ma dame. Auriez-vous encore quelques minutes à m’accorder ? J’aimerais que nous discutions des détails de Solfoyer et de vos projets pour vos nouvelles terres.

Il lui offrit un sourire conciliant en reprenant place sur son siège.

Quand Desmera eut signé, elle parut déjà prête à mettre les voiles, mais rappelée par Bronn qui voulait poursuivre un peu, elle lui posa une question qui le laissa pantois. Pourquoi pensait-elle cela ? Il eut un léger sourire et haussa les épaules.

— Pourquoi voudrais-je que vous réclamiez l’entière propriété du fief ? Comme je vous l’ai dit il me semble, je ne souhaitais pas faire un échange, mais un cadeau.

Il l’écouta lui détailler son projet pour Solfoyer. Un port militaire ? Intéressant. Et fort utile, elle sécuriserait au mieux ses ports commerciaux du côté de Dorne. Bronn eut une pensée pour Noircouronne, qui se trouvant plus au nord-ouest, pourrait être un bon bouclier supplémentaire contre les Fer-Nés… Car même si ceux-ci avaient mis fin à leurs raids et promis à la Couronne de cesser, il demeurait méfiant vis-à-vis d’eux. Il repenserait à cette idée. Pour l’heure, il hocha sobrement la tête et se para d’un sourire.

— Ce sont de beaux projets, qui j’en suis sûr serviront le Bief. Je vous en remercie, ainsi que l’entièreté du Bief. Il se ravança un peu sur sa chaise. Comme promis, je financerai la moitié des travaux. Quand souhaiteriez-vous qu’ils démarrent ? Que je prépare la paperasse nécessaire et que je me penche dessus en temps et en heure.

Bronn se para d’un sourire conciliant, et se contenta d’agiter lentement la tête, indiquant à Desmera qu’il n’était pas là en négociateur. Seulement en généreux suzerain. Vint rapidement le sujet des Fer-Nés, par les sept enfers, il ne voulait plus entendre parler de ces connards sur leur rocher. Pourtant, il opina pour répondre à sa question.

— Si vous vous sentiez menacée, vous seriez tout à fait en droit de lever votre ban sur toutes vos terres, oui. C’est même plutôt recommandé. Mais si les côtes du Bief étaient attaquées de nouveau, soyez assurée que les forces des fiefs sous ma vassalité directe lèveront le ban immédiatement pour vous prêter main forte.

Une promesse sincère, il voulait rassurer ses vassaux. Tout ploucs soient-ils, il était temps de parler leur langage pour se les mettre dans la poche et ramener, enfin, l’ordre dans le Bief. Il tapa joyeusement dans ses mains.

— Très bien, alors. Je sais ce que j’avais besoin de savoir. Le Trésor du Bief financera comme convenu la moitié de la construction de votre port. Je vais de ce pas envoyer une missive à mestre Lomys, à Hautjardin, afin qu’il fasse le nécessaire.

Il inclina poliment la tête, son sourire acéré aux lèvres.

— Avons-nous fini, ma dame ?

Tout le monde rêvait de la paix, oui. Surtout lui, d’ailleurs. Il acquiesça à tout ce qu’elle disait, il n’avait que trop parlé politique ces derniers temps, avait encore quelques choses à régler, et il voulait faire un tour au bordel avant la fin de la journée.

— Ce sera très bien, répondit-il.

Puis elle lui confirma qu’ils avaient terminé, et… lui présenta sa main. S’attendait-elle à ce qu’il la baise ? Pour toute réponse, Bronn s’assit plus profondément dans son siège et étala un sourire, tant badin qu’acéré, sur ses lèvres. Étendant un peu ses jambes sous le bureau, il la salua d’un vif hochement de tête.

— Au plaisir, ma dame.