[Port-Réal] L'épouse du Dornien ♛ pv Edmund

l'épouse du dornien

megalis & edmund

an 305, lune 8, semaine 1, jour 2

Les bras croisés, Megalis observait d’un œil critique les trois serviteurs qui s’affairaient à préparer les tables. Dans un coin reculé des jardins, profitant de la douceur des températures, elle avait ordonné que l’on dresse le couvert et qu’on l’agrémente de divers produits dorniens et ouestiens. Ainsi, sur un napperon finement brodé d’ancres bleues, l’on avait disposé divers bolées de purée de pois chiches, d’olives, de fromages, mais également des assiettes de tourte, de lard et de pain. Inspirée malgré elle par Aelinor, la lady Belle-Isloise avait intimé que des dattes soient amenées. Elle avait demandé tant de garnitures qu’une seconde table avait été nécessaire. Elle regarda la tablée avec sérieux tandis que l’un des domestiques achevait le dressage en déposant deux bouteilles de vin, un cru dornien et un autre, de miel épicé, venu de Port-Lannis. Elle fit le tour de l’espace qu’elle avait pris soin de réserver, postant deux hommes Farman et son oncle Yoren pour s’assurer que son intimité soit préservée, et fronça légèrement les sourcils.

— Je vais aller me changer. Lorsque je reviendrai, je veux que ces deux tables soient interverties. Les couleurs sont mal assorties.

Sans un mot de plus, Megalis tourna les talons et, n’emmenant que Yoren avec elle, elle retourna rapidement à ses appartements. Sur le chemin, son oncle et épée-lige se permit un léger rire, qu’il prit à peine le temps d’étouffer. La dame lui lança un regard rieur, il devenait trop familier, mais elle le lui permettait pour le nom qu’il portait. Seuls les Farman et leurs alliés Clifton méritaient sa confiance. Seuls les Belle-Islois valaient la peine qu’elle baisse sa garde.

— Qu’est-ce qui vous fait rire, mon oncle ?
— Vous avez été parfaitement odieuse, dit-il dans un sourire.
— C’est un jour déterminant, lui souffla-t-elle. Pour moi, et pour l’avenir de la maison Farman.

Les lèvres du chevalier s’ourlèrent dans un air compréhensif. Ils n’étaient pas du même rang, pas du même nom, évidemment, il ne pouvait comprendre. Il n’avait pas grandi dans le faste de Belcastel, lui avait dû se contenter du manoir de Castel-Hydre. Mais il semblait s’accoutumer aisément au luxueux mode de vie de sa protégée. Elle le laissa à la porte des appartements où logeaient les Farman, où elle trouva Luthor seul, penché sur un livre.

— Déjà revenue ? demanda-t-il.
— Je n’ai pas encore vu le prince.

Elle rentra dans sa chambre privée pour s’y changer, troquant sa robe contre une toilette à la fois plus simple et plus légère. Alors qu’elle était occupée à enfiler sa parure, la voix de Luthor lui parvint.

— Et alors ? Comment comptes-tu convaincre le prince de Dorne que ton désir d’épouser son ennemi juré est sincère et dénué d’arrière-pensée ?
— Allons donc, je ne suis qu’une dame innocente. Quelles arrières-pensées pourrais-je bien avoir ? souffla-t-elle d’un ton mièvre.
— Tu n’as rien d’une dame innocente.

Elle sourit en entendant le rire qui se cachait derrière les mots de son aîné. Ils se connaissaient trop bien, loin de leurs nombreuses querelles, Megalis et Luthor s’aimaient sincèrement. Et la chute de Willos n’avait fait que les rapprocher alors que tous deux craignaient pour la vie de leur frère. Celui-ci s’était réveillé, la veille au soir, pendant quelques minutes – puis s’était assoupi de nouveau. Les mestres préconisaient encore du repos, et qu’on le laisse tranquille. Alors, à contre-cœur, la jeune femme obéissait. Achevant de lacer sa robe, ce qui fut aisé, contrairement à ses toilettes habituelles, elle soupira en s’observant dans le miroir. Le fin tissu blanc était brodé de dorures, loin de sa tendance habituelle à se jouer des convenances, le décolleté n’était pas plongeant, la taille plutôt relâchée par rapport aux corsets qu’elle portait chaque jour. Elle acheva sa tenue en posant contre ses cheveux ondulés un léger voile blanc et or qui retombait sur ses épaules et le long de son dos. Si la toilette était des plus simples dans sa forme, le détail des dorures et l’évidente richesse de ses bijoux trahissaient sa noble naissance.

— Comment je suis ? demanda-t-elle à Luthor.

Il leva le nez de son livre et sourit en coin.

— Dornienne ?
— Parfait. À tout à l’heure, alors.

Ponctuant sa phrase d’un sourire satisfait, Megalis quitta les appartements pour retourner aux jardins, retrouvant l’espace qu’elle avait privatisé. Les tables avaient été défaites puis dressées à nouveau, exactement comme elle l’avait demandé. Elle remercia les serviteurs de son plus beau sourire et s’approcha du garde-fou qui bordait les deux tables, dardant ses yeux clairs sur l’océan. Puis, entendant des pas qui approchaient, elle se retourna pour voir le prince Gargalen approcher. Levant le menton, accrochant à ses lèvres un sourire ravissant, elle s’approcha légèrement avant d’incliner le buste.

— Votre Altesse, je suis ravie que vous ayez pris de votre temps pour répondre à cette modeste invitation. Prenez place, je vous en prie.

(c) DΛNDELION

L'EPOUSE DU DORNIEN

305 - Lune 8 - Semaine 1 - Jour 2Feat Megalis Farman

- Donc tu n’as vraiment rien à me dire ?

La scène était particulière, un Edmund enfoncé dans un fauteuil de ses appartements regardait sans même cligner des yeux un jeune Zandren visiblement terrorisé. Quelques heures, plus tôt, un émissaire des Farman était venu à la rencontre d’Edmund. Il était invité par une certaine Megalis à venir déjeuner avec lui pour discuter d'affaires d’ordre privé. L’audace de la jeune femme avait piqué la curiosité du Prince, il avait bien mieux à faire, mais son intuition couplée à certains bruits de couloir concernant Ulwyck le Justicier lui permettait de trouver enfin une excuse pour se soustraire à ses tâches.

- Si je comprends bien… Tu décides de cacher la vérité à ton Prince ? Dit-il avec les deux sourcils relevés.

Il vit instantanément le jeune Wyl changer de couleur, passant du rouge à l’écarlate. Edmund se retenait de rire, il aimait le garçon et était content qu’Ulwyck en ait fait son écuyer. Mais à cet instant précis, il savait des choses qu’Edmund ignorait. Et s’il devait utiliser l’intimidation pour le faire craquer, il le ferait.

- Que sais-tu de Megalis Farman ?

Zandren écarquilla les yeux à l’écoute du nom de la jeune femme, au moins, Edmund avait la confirmation qu’il avait ce qu’il cherchait. Le pauvre garçon devait être tiraillé entre rester loyal à son maître ou obéir à son Prince. Mais la pression étant devenue trop grande, le jeune garçon baissa la tête avant de prendre la parole.

- Je sais juste que Lady Farman et Ser Ulwyck passent beaucoup de temps ensemble. Ils ont l’air de beaucoup s’apprécier, mais je n’en sais pas plus. Je prie Son Altesse de bien vouloir me croire et de ne rien dire à Ser Ulwyck.

Le Gargalen avait donc vu juste, son vieil ami était donc lié à tout ça. Il se leva de son fauteuil pour arriver à la hauteur du jeune garçon et poser sa main sur son épaule. Au fond de lui, il regrettait de s’être comporté de la sorte. Mais il devait s’avouer qu’il s’était aussi beaucoup amusé de la situation. Zandren était loyal à Ulwyck et cela le rassurait que le garçon ne donnerait pas si facilement des informations sur le Scorpion lorsque des personnes bien moins intentionnées lui en demanderaient.

- Tu peux partir sans craintes, tu n’es jamais venu ici. Dit-il avec un sourire.

Le Wyl s’inclina avant de sortir en trombe des appartements du dornien. Edmund était déjà dans ses pensées, qu’est ce que ce fou était encore en train de manigancer ? Il finirait bien par tout savoir, avec un peu de chance Megalis lui racontait toute l’histoire.

Edmund se mit en route des jardins privatisés par la Farman suivis par ses infatigables gardes, toujours à le suivre à surveiller la moindre personne osant s’approcher à moins de vingt pas de leur prince. Le Gargalen se demandait si lui et Ulwyck étaient aussi opressants lors de leur venue à Port-Real pour protéger Oberyn Martell.

Megalis Farman était en vue, encore une femme exquise à se demander si la noblesse de Westeros était capable de produire une femme au physique ne serait-ce que moyen. Mains derrière le dos, il fit un signe de la tête en guise de remerciement pour son accueil. Juste avant de prendre place à l’endroit indiqué.

- Je vous remercie pour cette invitation, tout déjeuner qui me permet de sortir de mon bureau est une bénédiction. Votre émissaire a mentionné une affaire personnelle, mais je me dois de vous demander d’abord comment votre frère se porte. Je vous mentirais si la scène m’avait choqué, mais ne me réjouis jamais d’une blessure d’un autre chevalier. Que disent les mestres ?

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megalis & edmund

an 305, lune 8, semaine 1, jour 2

Le prince prit place et s’enquit immédiatement de l’état de Willos. Megalis peignit à ses lèvres un sourire un peu triste, s’asseyant à son tour face au dornien. Elle le regarda curieusement, tentant de le sonder. Qui était-il et les rumeurs disaient-elles vrai ?

— Je vous remercie de votre sollicitude. Mon frère vivra, c’est ce que disent les mestres. Il s’est réveillé hier soir, brièvement, il n’a pas su parler et s’est rendormi presque aussitôt… Mais il s’est réveillé, termina-t-elle dans un soupir soulagé.

Il était revenu à lui assez vite, et les soigneurs avaient affirmé qu’il ne devrait souffrir d’aucune séquelle. Un miraculé. Il garderait au ventre une belle cicatrice, mettrait évidemment quelques temps à se remettre, mais il pourrait reprendre une vie sereine par la suite. Megalis en était profondément rassurée, maintenant, elle ne rêvait qu’à son réveil définitif et qu’ils reprennent leur vie là où ils l’avaient laissée. Elle voulait se tenir à nouveau à son bras, dans ces mêmes jardins, et qu’il lui raconte toutes les histoires qu’il avait entendues – qu’il la fasse rire à gorge déployée, encore, comme lui seul savait le faire. Mais là n’était pas la question. Pour l’heure, l’ouestienne se trouvait face à un prince, et son hôte avait probablement soif, ou faim. Elle pointa d’un léger geste les deux tablées.

— Je me suis permis de faire amener divers mets de Dorne et de l’Ouest, au cas-où vous ayez envie de retrouver un peu votre maison, ou d’explorer une autre contrée. Souhaitez-vous du vin ? Il y a un cru de Dorne et un autre de Port-Lannis.

Elle avançait à tâtons, pour l’instant. Il y avait quelques bruits de couloir sur le prince de Dorne, évidemment, comme sur chaque personne qui se trouvait à la cour. Mais ce que l’on racontait le plus était l’histoire, celle qu’il avait contribué à écrire. Et Megalis, qui faisait en sorte d’être toujours la plus informée possible sur ses interlocuteurs, comptait bien jouer sur cette carte-là.

— Il y a bien des histoires à votre propos, prince Edmund. Tout particulièrement celle qui conte votre lutte contre les Dothrakis. Une victoire écrasante. Elle eut un sourire acéré. Khalakka Khadokh, c’est bien cela ? Mais, inutile de vous le rappeler, l’Histoire déforme toujours la réalité – quelle est la vôtre ?

Elle était curieuse de savoir ce que lui avait à raconter sur ces événements qui l’avaient propulsé au rang de prince de Dorne. La jeune femme avait le regard planté dans le sien, se jouant comme elle le faisait si souvent des convenances – entre la politesse et la délicatesse affichées se glissait un regard bien trop affirmé pour une dame.

— Vous devez sans doute vous demander pourquoi cette invitation, surtout venant d’une inconnue de l’Ouest. Pardonnez-moi si la manière dont j’ai amené cette rencontre vous a parue cavalière, mais je tenais réellement à discuter avec vous. De l’avenir, plus précisément – du mien, mais aussi de nos régions respectives.

Megalis ponctua sa phrase d’un sourire délicat, croisant ses mains sur ses genoux, elle jeta un œil aux hommes qui gardaient l’espace où ils se trouvaient. Aux deux hommes de la maison Farman et Yoren Clifton, s’étaient greffés les soldats dorniens. Avec une telle garde, il était certain qu’on ne les dérangerait pas. Et surtout, que cette conversation demeurerait secrète. Megalis projetait de grands espoirs dans son union future avec Ulwyck, mais pour amener ce sujet avec le prince Gargalen, elle préférait prendre les devants. Elle croyait en le Uller, mais commençait à le connaître, il était d’un caractère bien plus emporté qu’elle. Sa mesure, combinée au fait qu’elle soit extérieure à la querelle des deux vieux amis, devrait lui ouvrir plus de portes que si son époux s’en était chargé. Il ne lui en tiendrait pas rigueur.

(c) DΛNDELION

La situation de Willos semblait s’améliorer et Edmund était content pour Megalis, il avait lui-même eu un proche souffrant pendant plusieurs années. Une situation qu’il ne souhaitait que pour peu de monde. Le Prince de Dorne acquiesça à la réponse avec un sourire compatissant.

Le Gargalen observa les deux tables lorsque Megalis lui présenta les mets qu’elle avait fait amener. Une bien agréable attention d’avoir demandé de la cuisine dornienne, Edmund espérait cependant qu’il ne s'agissait pas du chef qu’il avait lui-même renvoyé de Lancehélion, il avait encore la gorge brûlée rien qu’à repenser au porc aux dix épices qui lui avait été présenté comme “le sommet de son art”. Edmund buvait, plus par habitude et coutume que par plaisir pur, mais il n’était jamais contre la découverte de quelque chose de nouveau. Imeah l’avait bien compris à l’époque où ils étaient tous les deux de l’autre côté du détroit.

- Volontiers, je me laisserais bien tenter par le cru de Port-Lannis. Nous sommes plutôt chauvins niveau alcool à Dorne et ne consommons que peu de produits extérieurs.

Edmund avait bien l’intention de changer cela, notamment avec son alliance avec Aelinor qui lui ouvrirait plus facilement les portes de ce que le grenier de Westeros pouvait produire. Le Prince rigola doucement alors que Megalis aborda l’histoire des Dothrakis, c’était déjà la troisième ou quatrième fois qu’on la lui demandait depuis son arrivée à la capitale. Elle avait donc réellement fait le tour du continent.

- Effectivement, il y a beaucoup d’histoires et certaines ne sont plus dans mes mains depuis un moment. Mais celle concernant la horde reste encore relativement véridique, une victoire écrasante mais qui nous a coûté la vie de nombreux soldats. Je me rassure cependant en me disant qu’ils sont mort pour protéger leur foyer et non pas pour les ambitions d’une reine folle qui n’était pas la leur.

Edmund posa délicatement ses couverts avant de s’enfoncer un peu plus dans son siège. Il entendait une nouvelle fois son fameux titre, un qu’il n’aimait pas beaucoup. Titre trouvé par son ami Nyméros Antarion et adopté par bon nombre de ses soldats, ce vieux renard connaissait quelques mots de Dothraki et avait réussi à construire ce sobriquet ridicule. Compliqué de promouvoir la paix lorsque vos hommes vous surnomment le Prince des Cadavres.

- Hum oui.. Le Prince des Cadavres, un titre même pas trouvé par un sauvage mais par un ami… Bien que sauvage à sa manière lui aussi. Dit-il avec un sourire.

La dernière partie de la question de la Farman était intéressante. Quelle était son histoire à lui ? Un homme lâche qui maintenant ne pouvait plus fuir ? Un homme amoureux contraint de feindre des sentiments pour une autre ? Un fils qui avait déçu son père et qui maintenant était à une place qu’il n'aurait pu imaginer ? Il était beaucoup de choses, mais peu à la fois, paradoxalement.

- Pour mon histoire… Je dirai que je ne suis qu’un homme qui se bat pour la paix dans un monde où beaucoup la sacrifiaient pour un peu plus de pouvoir avant de comprendre que ce n’est qu’une amère illusion.

Une grande phrase pour ne pas dire grand-chose en soi. Mais elle reflétait parfaitement le sentiment d’Edmund, prisonnier de sa position, mais ne pouvant l’abandonner sous peine de voir sa propre région exploser à cause de prétendants trop ambitieux. La conversation tourna au sujet de cette entrevue, la fameuse “ affaire personnelle”. La Farman tournait autour du pot, lui parlant d’avenir aussi bien pour elle que pour l’Ouest et Dorne. Il fallait être un idiot pour ne pas faire le lien, et Edmund se félicita d’avoir pensé à interroger Zandren, il allait pouvoir abattre une carte qui aurait son petit effet. Peut-être que pour une fois quelqu’un verra la menace qu’Edmund peut être en tant que Prince, il avait côtoyé la roublardise d'Oberyn après tout.

- Donc finalement, tout ceci pour m’annoncer vos fiançailles avec Ulwyck ? Ou alors peut-être avez-vous besoin de mon accord pour les officialiser ? Dit-il tout en plongeant son regard dans les yeux de la ravisante Megalis.

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305 | lune 8 | semaine 1 | jour 2

ft edmund gargalen

Tandis que le choix du dornien se portait sur le cru de Port-Lannis, Megalis n’eut qu’à esquisser un regard vers un serviteur pour qu’il débouche la bouteille et en serve deux verres. La jeune femme poussa doucement la coupe d’Edmund vers lui tout en levant la sienne, trinquant d’un geste léger, déployant son cou gracile en levant légèrement le menton. Un sourire trop aimable aux lèvres, les yeux luisant d’une douceur qu’elle avait appris à manier comme un couteau, elle répondit de sa voix toujours mesurée.

— Trinquons : à vos fiançailles, tout d’abord, mes sincères félicitations. Sachez que je suis ravie de vous faire goûter ce cru. C’est un vin de miel épicé, très réputé dans l’Ouest. Je vous aurais bien fait goûter celui que nous produisons à Belle-Île, hélas, il est introuvable à Port-Réal…

Elle ponctua sa phrase d’un sourire sincèrement déçu, elle appréciait le vin de chez elle mais devait admettre qu’il ne pouvait rivaliser avec celui de La Treille. En revanche, il saurait sans doute faire concurrence à celui de Port-Lannis, mais il fallait dire que Sebaston n’avait pas été très porté sur le commerce… Avec l’aide de son frère, désormais seigneur, Megalis tentait de trouver des partenariats commerciaux pour permettre à Belle-Île de s’étendre et de s’imposer sur le marché ouestrien. Cela leur réussissait plutôt bien, ils avaient même réussi à étendre leur commerce jusqu’aux Îles d’Été, échangeant entre elles et la maison Hightower des produits manufacturés, mais avant tout des minerais, contre leurs produits exotiques. C’était d’ailleurs dans une soie importée de l’Orient qu’était faite sa robe, faite sur-mesure pour elle, à l’instar de chacune de ses toilettes. Mais celle-ci était l’une de ses plus récentes tenues, cousue pour crier au monde qu’elle serait bientôt l’épouse d’un dornien. Ne restait qu’un détail à régler.

Dardant sur Edmund son regard clair, elle écouta avec attention ce qu’il avait à dire sur son histoire. Rien de plus que ce qu’elle avait entendu, jusqu’ici – le Prince des Cadavres, œuvrant pour la paix. Elle hocha sobrement la tête, ne se départant pas de son aimable sourire.

— J’ai été dame d’atour de la reine Cersei, dit-elle d’une voix qu’elle s’efforça de garder paisible malgré les souvenirs qu’elle remuait. À dire vrai, j’étais plutôt son otage… Mais peu importe. J’ai pu la voir sombrer dans ses ambitions démesurées, plongeant Westeros dans la guerre au nom d’une couronne qu’elle voulait sienne. Megalis but une gorgée de vin, fronçant les sourcils tout en posant ses yeux sur l’horizon. J’ignore si elle s’est rendue compte, une seule seconde, de tous les morts traînés dans son sillage… L’histoire nous a démontré une fois de plus que le pouvoir, ce qu’il apporte, n’est au final qu’une chimère.

Elle sourit amèrement en songeant à cela. Peinait à se rendre compte elle-même de ce qu’elle sèmerait si jamais elle continuait sur sa lancée. Mais la machine était enclenchée. Et incessamment talonnée par ses pairs, par ceux qu’elle nommait famille sans réellement les connaître, Megalis continuait encore et encore. Elle irait au bout de ses ambitions, mènerait sa barque et mènerait sa guerre. Tout cela pour un nom. Pour une vengeance vieille de plus de quarante ans. Ils ne feraient que remuer des cendres, et pourtant, elle se laissait faire. Bon chien dressé par la dernière Reyne, Megalis ne se rendait même plus compte que ses ambitions n’étaient pas les siennes.

Quittant ses réflexions profondes pour revenir au prince de Dorne, Megalis retrouva de sa douceur, mais fut prise de cours par Edmund tandis qu’il évoquait Ulwyck et leurs fiançailles. Un instant, la stupeur s’inscrit sur les traits de la Belle-isloise, avant qu’elle ne retrouve en sérénité. Ses lèvres s’ourlèrent d’un sourire amusé et son regard s’alluma d’une lueur joueuse.

— Vous êtes bien plus informé que je ne l’aurais cru, admit-elle dans un léger rire. Devrais-je me méfier de vous ?

Son sourire éclata à son visage, se faisant plus acéré alors qu’elle s’autorisait une gorgée de vin. Elle eut l’impression de sentir le miel couler sur sa langue avant que les épices ne lui picotent la bouche et savoura ce goût particulier avant de reposer sa coupe et d’incliner légèrement la tête.

— Si vous avez vu juste, sachez qu’il y a un autre point que je souhaiterais aborder avec vous. Je sais qu’Ulwyck et vous êtes en mauvais termes, que le temps vous a éloigné… ainsi que son arrogance. Son sourire se fit mutin alors qu’elle plongeait dans le regard du prince. C’est pour cela, surtout, que je désirais m’entretenir avec vous. Je ne veux pas que mon avenir soit entaché d’ombres et d’ambitions délétères. J’ai hélas vécu déjà bien trop d’horreurs, je ne rêve qu’à une vie paisible et prospère.

Peu à peu, le visage de Megalis s’était adouci, et ses yeux clairs s’emplirent d’espoir alors qu’elle reprenait, la voix gorgée de tendresse.

— Je ne saurais expliquer exactement ce qu’il s’est passé, mais dès notre rencontre, j’ai vu en Ulwyck une beauté que peut-être vous lui avez connue, lorsque vous étiez amis. Il est quelqu’un de bien, je le sais au plus profond de moi, et je serais la plus heureuse des femmes si jamais j’avais la chance de partager cette vie avec lui.

Elle baissa un instant les yeux, rit légèrement d’elle-même, puis releva un regard plus franc vers Edmund.

— Je ne souhaite pas vous parler de lady à prince. Je désire vous parler d’humain à humain. Vous expliquer que ce mariage dépasse le politique. Outre la position enviable qu’il m’offrirait à la cour, cette union serait… Elle hésita avant qu’un sourire trop sincère ne perce ses lèvres. La promesse d’un avenir heureux.

Les propos de Megalis étaient véraces, depuis qu’elle et Ulwyck se fréquentaient, depuis que les Farman avaient accepté les fiançailles, elle vivait dans la crainte qu’il n’en soit pas de même du côté de lord Uller. Qu’il refuse de lier son frère et héritier à une dame de l’Ouest, pire, une ancienne suivante de Cersei… Oh, les Uller avaient la dent dure, tout comme les Farman. Ils pouvaient s’entendre, mais les dorniens le voudraient-ils ? La jeune femme n’en était pas certaine. Et si le suzerain d’Ulwyck se mettait entre eux, alors le prince de Dorne compterait un nouvel ennemi. Pourtant, malgré toutes les émotions qui agitaient son intérieur, Megalis garda un frêle sourire à ses lèvres et, accompagnant ses mots d’un regard profond, elle souffla à Edmund.

— Je suis certaine que vous avez déjà connu cela, cette envie folle de se tenir aux côtés de quelqu’un, de passer sa vie à son côté… N’avez-vous jamais aimé, prince Edmund ?

Edmund leva son verre avec entrain à la déclaration de Magalis et but quelques petites gorgées. Il était habitué au vin épicé mais la touche de miel amenait une douceur qu’il ne pouvait qu’apprécier. Il écouta ensuite l’histoire de la Farman, elle se décrivait comme une otage des Lannister et de Cersei plus précisément. Le Gargalen n’était pas manichéen, mais il n’avait que très peu exploré la possibilité que toutes les maisons de l’Ouest pouvaient être autre chose que des pantins des lions d’or, il était donc intrigué par son récit. La nouvelle de l’explosion du septuaire était arrivée à Dorne et Edmund ne pouvait qu’imaginer la terreur qui régnait à la capitale après le couronnement de son commanditaire.

- Le pouvoir corrompt, c’est une certitude. Dit-il solennellement.

Le Prince de Dorne afficha un sourire satisfait face à la stupeur bien que temporaire face de la Farman. Il se félicita intérieurement d’avoir questionné Zandren à ce sujet, bien qu'avoir vu le couple ensemble lui avait déjà mis la puce à l’oreille.

- Cela ne fait peut-être que deux ans que je suis Prince, mais j’aime penser que j’apprends plutôt vite. Je me dois de savoir beaucoup de choses. Et je ne pense pas avoir besoin de dire à une personne vivant à la capitale tout en entretenant une relation avec un membre du conseil restreint que l’on surnomme “Le Scorpion” qu’il faut effectivement se méfier de tout le monde.

La conversation divergea nécessairement au sujet de son ancien ami, et même frère si Edmund était sincère avec lui-même. La Farman cherchait résolument à ne pas trop attirer l’attention et les foudres du seigneur de son futur mari.

- Ma position vis-à-vis d'Ulwyck est très claire. Je vous dis la même chose que je lui dirai lorsque j’en aurais l’occasion. Dorne est sur le chemin de l’unification et il en est un des derniers réfractaires. C’est sa position au conseil restreint et l’ancienne nature de notre relation qui me pousse à tenter de lui faire entendre raison. Tant que ses actes iront dans le sens de la paix et de la prospérité pour Dorne, vous pourrez me compter comme l’un de vos soutiens. Mais à partir du moment où il œuvrera contre moi et sa région natale, il ne pourra être considéré que comme un traître envers Dorne et envers la Couronne.

Le message était clair, Edmund ne se laissait plus marcher sur les pieds par Ulwyck. Déjà que son comportement dès la nouvelle de sa nomination était risible, aller pleurnicher auprès du Roi pour une position qu’il n’avait rien fait pour obtenir frôlait le ridicule. Il pouvait déjà s’estimer heureux d’avoir récupéré une place au Conseil Restreint, ce qui ne faisait et ne fait toujours pas les affaires d’Edmund d’ailleurs.

La tentative de Megalis pour attendrir un peu le Gargalen fonctionna. Il ne détestait pas Ulwyck, mais avait à coup sûr de la rancœur. S’il se présentait devant lui en lui proposant de tout oublier et de se ranger de son côté, il ne pourrait en être que ravi.

- Je ne saurais dire si Ulwyck est quelqu’un de bien, c’est une notion trop subjective. Mais il y a une chose dont je suis sûr, c’est qu’il est capable d’aimer et d’un amour bien plus flamboyant que la plupart des hommes. Quitte à se brûler lui-même avec sa propre passion.

Edmund marqua une pause pour boire une gorgée avant de reprendre avec un sourire.

- Vous ne le savez peut-être pas, mais nous avons un dicton à Dorne au sujet des Uller. « La moitié des Uller est à moitié dingue et l'autre moitié est pire. » et je n’ai pas encore pu déterminer dans quelle partie notre cher ami pouvait être rangé.

Tout mariage était politique et la Farman pouvait l'enrober autant qu’elle le voulait de mots mielleux, il fallait être idiot pour ne pas en voir la nature profonde. Peut-être qu'elle était sincère et qu’elle avait de réels sentiments pour lui, mais elle avait bien plus à gagner qu’un simple avenir heureux. On n'invitait pas le Prince de Dorne à manger par simple recherche du bonheur, tout ici dégoulinait de politique et de manipulation. Et conforta Edmund dans sa méfiance.

La tentative de la Farman de faire le parallèle avec sa propre vie sentimentale était louable. Mais Imeah était bien trop précieux à ses yeux pour ne pas suggérer son existence, malheureusement pour lui Ulwyck avait déjà eu vent de cette dernière et Megalis finirait bien apprendre la vérité.

- J’ai certes aimé, mais il y a plusieurs années de cela. Mais je compte bien découvrir de nouveaux sentiments avec ma promise Elia Dayne. Notre union est certes politique, mais vous n’êtes pas les seuls à avoir le droit au bonheur. Même si je dois avouer que le chant d’hier est une sacrée première épreuve pour votre future union. Dit-il en levant sa coupe en direction de la Farman.

Il ne pouvait décemment pas venir bloquer cette union, Ulwyck était un membre du Conseil Restreint et celà lui permettait une meilleure protection vis à vis d’Edmund. Le Prince de Dorne était donc contraint à l’observation. Qui sait, peut-être que tout ceci ne servirait qu’un rapprochement entre Dorne et l’Ouest ?

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305 | lune 8 | semaine 1 | jour 2

ft edmund gargalen

Megalis ne put que hocher la tête aux mots d’Edmund. Le pouvoir corrompait, oui, c’était une certitude. Elle-même avait vu sa propre famille rongée de l’intérieur par l’ambition, sacrifiant jusqu’à son humanité. Quand elle observait sa grand-mère, voyait-elle une once de compassion dans ses yeux ? Son regard luisait-il seulement d’un semblant d’âme ? Non, Eddara était taillée dans le marbre, elle n’était que glace et avait tenté d’entraîner toute sa famille dans son sillage. Loin de la chaleur d’un foyer, Belcastel était devenu une grande salle de conseil de guerre – un abri froid dans lequel régnait la peur. Elle savait ce que faisait le pouvoir. Elle savait ce que faisait l’ambition. Sans doute mieux placée que quiconque pour être au fait de tout cela. Pourtant, elle afficha un léger sourire, avant que ne vienne le sujet d’Ulwyck.

Ses lèvres se retroussèrent un peu plus alors que le prince évoquait le surnom qu’on donnait au Maître des Lois. Le Scorpion. Oh, il le portait bien, elle savait bien qu’il pouvait être homme dangereux, venimeux à souhait. Mais elle était aussi consciente de sa propre nature. Le Scorpion ne l’effrayait nullement. La demoiselle pouvait bien se parer de ses sourires les plus doux, de ses regards les plus innocents, elle n’avait pas froid aux yeux. Pourtant, elle acquiesça.

— Je suis au fait du surnom qu’on lui donne. Et, après avoir passé des années à la cour, me croyez-vous naïve ? Le Scorpion, répéta-t-elle d’une voix teintée d’ironie. Ulwyck peut être homme dangereux, probablement l’est-il, mais cela ne suffit pas à m’effrayer. Je suis certaine d’avoir vu juste le concernant.

Elle demeura souriante alors qu’Edmund exposait à la jeune femme sa position. Bien sûr, il agissait pour la paix – la paix de Dorne. Megalis opina, si par sa naissance, elle n’était pas destinée à connaître la paix, son vécu lui criait le contraire – en tant que personne, si on l’avait laissée se constituer normalement, peut-être en aurait-elle été une partisane ? Mais elle était née Farman de Belle-Île, pire, issue de l’ambition immuable des Reyne. Elle était née pour devenir une arme de guerre, élevée en tant que telle. Taillée à la perfection pour devenir le dragon du cyvosse. Malgré son sourire, son regard se durcit sous la détermination. Sa voix se fit solennelle.

— Ainsi nous sommes deux à lutter au nom de la paix. La guerre m’a beaucoup trop pris. À moi, à ma famille. Et à Ulwyck aussi, j’en suis sûre. Croyez-vous vraiment que je désire replonger dedans ? Que je désire risquer de perdre ce qu’elle a épargné la première fois ?

Dans ses mots coulait une franche sincérité, pourtant, Megalis avait le cœur gonflé de peur. La guerre. Voilà qui la terrifiait. Et voilà ce vers quoi elle fondait. Mais que le prince de Dorne ne s’inquiète pas, ce n’était pas vers Dorne que la Farman dirigerait sa colère. Les guerres à venir se joueraient dans l’Ouest, loin de la portée d’Edmund.

Megalis sourit quand son interlocuteur évoqua l’amour, la passion d’Ulwyck. Et ses lèvres s’ourlèrent plus encore quand il en vint au dicton dornien. Oh, il ignorait sans doute qu’elle aimait la compagnie des livres, qu’elle trouvait plus chaleureux que les membres de sa propre famille. Elle s’informait de tout ce qu’elle pouvait, se plaisait à grappiller chaque petite information qu’elle pouvait découvrir, et avide des langues et de leur subtilités, elle appréciait découvrir les adages des autres régions, peut-être trop lasse d’entendre tous ceux qui évoquaient les lions.

— J’ignore également dans quelle catégorie le ranger, dit-elle en prenant une gorgée de vin, un sourire mutin aux lèvres. Mais pour sûr, une fois que je l’aurai découvert, je vous en ferai part.

Il avait donc aimé, par le passé. Espérait que viendrait l’amour avec celle qu’il épouserait bientôt. Elle le lui souhaitait. Mais la suite des mots du prince firent se soulever le cœur de Megalis. « Votre future union », dit-il. Était-ce l’approbation à laquelle elle aspirait tant ? Megalis ne put se réjouir bien longtemps tandis qu’il évoquait le chant de la veille. Le sourire de la jeune femme se crispa.

— Et quelle épreuve, répondit-elle d’un ton plus grinçant qu’elle ne l’aurait souhaité. J’en connais beaucoup qui auraient coupé la langue à un barde aussi présomptueux. Une chance pour lui que les mœurs Port-Réalaises soient plus douces qu’ailleurs, et que je ne sois pas si susceptible. Elle haussa les épaules. Mais qu’importe. Après la tempête toujours vient l’accalmie. Et que ce soit pour vous ou pour moi, j’espère que nous aurons droit à des unions heureuses. Et qu’elles aillent bien au-delà de la politique.

Megalis ponctua sa phrase d’un sourire sincère, puis but une autre gorgée de vin. Levant sa coupe, elle plongea son regard dans celui du prince. Dans un ultime demande d’approbation.

— Puis-je donc lever mon verre, aux unions heureuses – mais aussi à la prospérité de Dorne, mais aussi de l’Ouest, et de toutes les Six Couronnes ?

- Comme je viens de vous le dire, non, je ne vous pense pas naïve. Puissiez-vous voir en lui quelque chose en lui que je ne suis pas ou plus capable de voir.

Cette dernière phrase était remplie de rancœur et de tristesse. Ulwyck avait beau dire qu’il ne comprenait plus Edmund, mais l’inverse était tout aussi vrai. Deux hommes qui étaient comme des frères et qui sont maintenant rivaux, car l’un et l’autre n’ont pas voulu se faire confiance et se suivre. Et tout cela en deux petites années seulement.

Le discours sur la guerre ne prit pas sur Edmund, Dorne avait sa propre vision de la perte et elle n’appelait jamais à la paix dans la région des sables. Les perdants cherchaient la vengeance ayant peu à perdre désormais alors que les gagnants eux désiraient la paix. Il en était l’illustration parfaite, en se tenant loin des conflits la maison Gargalen avait été en grande partie épargnée en dehors de l’assaut Dothrakis. Et il était très certainement aujourd’hui le plus grand avocat pour la paix chez lui alors que des Uller ou des Daynes bien plus affaiblis demandaient du sang.

- Je suis en désaccord avec vous sur ce point, bien que je ne remette pas en doute votre volonté profonde de paix. Ceux qui ont beaucoup perdu n’ont plus grand-chose à perdre et seront ceux qui auront le plus soif de conflits. Cherchant la justice pour ceux qui se bercent d’illusion et la vengeance pour ceux qui se regardent dans un miroir. Et j’entends le mot vengeance bien trop souvent à mon goût à Lancehélion.

Edmund fit un léger signe de la tête lorsque Megalis lui dit qu’elle préviendrait quand elle aura découvert la vraie nature d’Ulwyck. Malheureusement, le prince de Dorne songeait déjà à le ranger dans la catégorie des “encore pire”.

Le Gargalen rigola à la réponse de la blonde sur le chant du barde, effectivement lui aussi connaissait des gens qui lui auraient fait couper la langue. Il ne serait d'ailleurs pas plus étonné d'apprendre un jour que ce soit le cas. Zandren était parti bien précipitamment après avoir apporté l’arc et les flèches à son chevalier. Edmund aurait pu lui poser la question ce matin, mais avait oublié ce détail.

- Oui je ne doute pas qu’Ulwyck le justicier saura faire appliquer la loi, celle du Roi ou la sienne, c’est ici que réside la question. Dit-il avec un sourire. Les Dorniens ont le sang chaud, et je ne souhaiterais pas être à la place de ce barde.

Edmund accompagna la Farman pour son toast en honneurs de leurs unions heureuses – mais aussi à la prospérité de Dorne & de l’Ouest. Il le souhaitait sincèrement.

- Pour nos unions et la paix du roi. S’exclama-t-il, pointant la blonde de sa coupe avant de reprendre. D’ailleurs, aurons-nous le plaisir de vous voir à nos noces vous et Ulwyck ? Vous êtes évidemment les bienvenus et je pense que revoir sa famille et les maisons Dorniennes unies lui ferait le plus grand bien.

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305 | lune 8 | semaine 1 | jour 2

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Megalis sourit, un peu tristement, en sentant toute la rancœur que pouvaient exprimer la voix et le visage d’Edmund. Leur querelle avait visiblement laissé en eux une sale balafre, et si elle avait pu le remarquer depuis le début chez Ulwyck, elle le distinguait maintenant tout autant chez le prince de Dorne. Elle ne répondit pas, se contentant de hocher doucement la tête.

Les mots qui suivirent la firent repenser à sa propre famille. Oui, ceux qui n’avaient plus rien à perdre étaient sans aucun doute les plus hargneux. Elle-même avait vu les siens, défigurés par l’ambition, prêts à se jeter dans la bataille, mener leur propre guerre pour se venger d’un premier coup porté quarante ans plus tôt. Le temps passait et Megalis sentait le lien entre sa grand-mère et elle s’effiler doucement, la Reyne perdait en influence sur elle et la Farman commençait à songer à d’autres horizons. Elle entrevoyait la possibilité d’une vie plus sereine. Pourtant, perdue entre deux eaux, elle avait contacté Yara Greyjoy. Elle balaya ces pensées d’un sourire charmant, les yeux rieurs.

— Personne ne souhaiterait être à la place de ce barde.

Elle ignorait ce qu’il était advenu de lui, mais elle ne l’avait plus entendu chanter après son coup d’éclat au tournoi. Ulwyck s’en était-il occupé ? Ou ce pouvait tout aussi bien être Eddara… Megalis pouvait encore sentir la pression de la main de la vieille sur son menton, lui intimant de mieux se tenir, la jugeant responsable de cette horrible chanson.

Alors qu’ils levaient leurs verres, les mots d’Edmund la firent sourire, avec un peu de déception. Elle aurait aimé se rendre aux noces princières, mais d’autres affaires la préoccupaient et son regard devait se tourner pleinement vers l’Ouest – là-bas, dans les mers où personne ne pourrait l’entendre, kraken et lion rouge s’allieraient pour faire tomber le lion d’or.

— Je ne pourrais hélas pas venir, mais je vous remercie sincèrement pour votre invitation. D’autres affaires m’attendent à Belle-Île. Mais peut-être Ulwyck viendra-t-il, si ses responsabilités de Maître des Lois le lui permettent.

Edmund avait de réels doutes au sujet de la présence d’Ulwyck. Les invitations n'étaient d’ailleurs pas encore parties, impossible de savoir qui serait présent. Mais il commençait à connaître le spécimen, avec un poste de maître des lois et le fait que les membres de Denfert seraient présents, il avait toutes les excuses du monde pour rester à Port-Réal. Le Prince était mitigé face à cette éventualité. D’un côté, son absence éviterait très certainement des problèmes mais au fond de lui il espérait que ces événement les feraient mûrir et qu'ils pourraient mettre ces deux années derrière eux. Mais il n’en sera rien de tout ça.

- Denfert sera là, c'est une certitude. En revanche, pour ce qui est d’Ulwyck, je serais surpris mais pas déçu de le voir faire le voyage pour celà.

Mais le Gargalen avait une autre carte dans sa manche pour tenter de montrer patte blanche au Scorpion. Il ne pourrait peut-être pas le faire avant plusieurs lunes, mais il finira bien par mettre un pied dans la capitale un jour ou l’autre.

- Est-ce que par hasard Ulwyck aurait mentionné une certaine Loreza ? Demanda Edmund avec un léger sourire.

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Elle sourit un peu tristement aux mots du prince. Il ne semblait pas s’attendre à voir Ulwyck à son mariage, et elle trouvait malheureux que ceux ayant un jour été frères se soient scindés à ce point. De ce que lui disait son époux, ils avaient été proches comme s’ils avaient été de la même famille, du même sang. Megalis tentait d’imaginer ce que cela lui ferait si elle se brouillait définitivement avec Aelinor, qui était probablement son amie la plus précieuse. L’idée lui fit l’effet d’un pincement au cœur et elle chassa cette idée de son esprit, espérant que cela s’arrangerait entre elles. Qu’elles retrouveraient leur lien et leur complicité, ignorant alors que cela se ferait plus tôt que ce qu’elle pensait. Elle hocha doucement la tête.

— Je ne peux vous l’assurer, mais j’espère qu’il fera le déplacement. Au moins par égard pour l’amitié que vous avez partagé durant des années.

La suite des mots du prince l’intrigua. Pourquoi Edmund lui parlait-il de Loreza ? Megalis connaissait ce nom. Si ses souvenirs étaient exacts, elle était la plus jeune des filles d’Oberyn, l’une des petites nièces d’Ulwyck. Se parant d’un sourire charmant, l’ouestienne but une gorgée de vin avant de planter ses yeux dans ceux d’Edmund.

— Bien sûr, il me parle souvent de sa famille. Pourquoi cela ?

Elle ignorait où le prince souhaitait l’emmener, mais demeurait prudente. Elle savait qu’Ulwyck, plus que tout, craignait que l’on s’en prenne aux siens. Et Megalis le comprenait : après tout, c’était au simple nom du sang, seulement pour son nom, qu’elle se préparait à la guerre.

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Seul le temps pourra confirmer si l’homme de Denfert fera le déplacement pour son mariage. Le doute était permis, mais Edmund n’irait pas mettre de pièces sur sa présence. Ce qui ne manquera pas de décevoir Loreza malheureusement. La jeune aspic était venu le voir avant son départ pour la capitale et le tournoi du Donjon Rouge pour lui demander de les accompagner. Et il n’avait pas accepté ne voulant pas prendre le risque de ne pas pouvoir assez veiller sur elle à cause de l'effervescence amenée par le tournoi. Et à l’époque, il pensait encore que le Maître des Lois accepterait de venir à Lancehélion.

Edmund ne savait pas combien de temps, il resterait à Lancéhelion après ces noces, mais il pouvait parier sur le fait qu’il reverrait tôt ou tard la capitale. Cette future opportunité sera parfaite pour l’emmener avec lui et il pourrait garder plus facilement un œil sur elle. Même si faire plaisir à Loreza était l’objectif premier, le Prince de Dorne avait pour espoir que l’attention touche Ulwyck et que cela rapproche les deux hommes. Il y avait bien sûr la possibilité qu’il s’en plaigne par pur principe, qu’il aurait dû la laisser à Lancehélion, car elle courait peut-être un risque trop grand en parcourant le Donjon Rouge et les rues de Port-Real. Ce qui évidemment contrariera Edmund qui pourra lui rétorquer qu’il est à la tête des Manteaux d’Or et que la responsabilité de la sécurité des habitants lui incombait. Et que s’il ne pouvait s'acquitter de cette tâche, il pouvait tout de suite déposer ses rêves de devenir le Prince de Dorne, n’ayant pas les épaules pour.

- Ulwyck manque à Loreza. Elle me fait penser à ma propre petite sœur, cela me peine un peu. Elle voulait se joindre à nous pour le voyage, mais cela n’aurait pas été sage. Elle doit traîner dans les pattes de mon frère Damion à l’heure qu’il est. Edmund marqua une pause pour boire une gorgée de ce succulent vin. Je ne sais pas quand sera ma prochaine visite à la capitale, mais je compte bien l’emmener cette fois-ci et faire la surprise à Ulwyck. Pouvez-vous garder un secret ? Demanda-t-il accompagné d’un clin d'œil destiné à la belle blonde.

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Les mots d’Edmund la rassurèrent aussitôt : il n’y avait aucune malhonnêteté derrière son inclusion de Loreza à la conversation. Plutôt une faveur faite à Ulwyck. Megalis eut un sourire, apaisée et contente de la tournure des choses. Cette main tendue du prince à son époux la ravissait, car même si l’idée de devenir princesse de Dorne un jour pouvait paraître séduisante à la jeune femme, son regard était pour l’heure pleinement tourné vers l’Ouest – puis elle voulait voir son époux heureux, et l’idée qu’Edmund lui ramène sa petite nièce était bonne. Buvant une gorgée du vin de Port-Lannis, elle se pencha légèrement vers le prince, un sourire mutin aux lèvres en réponse à son clin d’œil. Ses sourcils se froncèrent à peine, comme elle se plaisait à le faire dans son attitude rieuse.

— Je devrais y arriver... je suppose, répondit-elle la voix joueuse.

Puis se redressant en souriant plus franchement, elle porta un instant son regard sur la mer qui rugissait en contrebas.

— Ulwyck en sera ravi. Je vous remercie d’avoir cette attention à son égard. Peut-être cela vous permettra-t-il même de vous rapprocher de nouveau ?

Sa voix était gorgée d’un espoir sincère : elle était fermement attachée à l’idée que son époux soit heureux. Et était persuadée que l’amitié des deux dorniens n’était pas définitivement morte. Peut-être était-ce sa naïveté qui la poussait à le croire, après tout, elle restait encore jeune.

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Edmund souria et fit un léger signe de la tête aux mots de Megalis. La surprise serait gâchée si elle venait à lui dévoiler, au moins avec ce petit jeu, il pourra déterminer s’il peut lui accorder la moindre confiance. La blonde avait très bien compris là où il voulait aller avec Loreza, loin de lui l’idée de l’utiliser comme un simple pion, mais elle était bel est bien une tentative du Prince de Dorne pour renouer avec son vassal. Il sourit avant de se lancer dans sa réponse.

- Tout à fait Megalis. Cette dualité n’a que trop duré et Ulwyck est la pièce finale pour unifier une bonne fois pour toute nôtre région. Dorne a relevé la tête depuis ces deux années et celà sans son aide à cause de son départ pour réclamer réparation. Ce qui évidemment n’a pas été vu d’un bon œil par ceux qui jugeaient que nous aurions dû tous nous unir pendant ces temps troublés. J’aime cependant penser que son rôle de maître des lois permet à Dorne d’avoir dû pouvoir à la capitale, chose qui n’était plus arrivée depuis la mort d’Oberyn Martell.

Edmund marqua une pause dans sa tirade pour boire un peu de vin et s'humidifier la bouche.

- Je ne suis pas dupe, Ulwyck aurait préféré être nommé Prince de Dorne à ma place, comme beaucoup d’autres d’ailleurs. Mais je pense qu'au-delà du pouvoir, c’est le fait de ne pas pouvoir assouvir sa soif de vengeance avec toute la force de la région qui était le plus contraignant. Il savait d'emblée que je ne le suivrais pas, tout comme la première fois. Mais forcé de constater qu'aujourd'hui personne n’est mort, peut-être a-t-il trouvé une nouvelle cause plus grande, un devoir envers la couronne ou encore que sais-je ? Peut-être qu’il s’agit de votre arrivée dans sa vie, la raison m’importe peu à vrai dire. Il est plus que temps de laisser ca dernière nous et je connais l’homme, ce n’est pas lui qui tendra sa main le premier.

Le Gargalen resta silencieux quelques secondes, se redressant dans sa chaise.

- Ulwyck a été comme un frère pour moi, et cela bien plus longtemps qu’il n’a été un rival. Et même s'il est certain que nous ne le redeviendront jamais, je ne permettrait pas que l’inverse devienne vrai. D’autant plus qu’avoir un Uller contre soi lorsque l’on est Prince n’est jamais de bonne augure, ils ont peut-être le régicide dans le sang. Conclut-il avec un rire amer et un soupir tout en écoutant la possible réponse de Megalis et se délectant de ce qui pouvait lui faire de l'œil.

- Mais enfin, assez parlé de Dorne et de nos histoires internes. Parlez-moi de vous, de Bel Ile ou Belcastel, je m’excuse, je confonds toujours les deux. Demanda-t-il avec le sourire

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Elle n’avait aucune intention de dire quoi que ce soit de la potentielle venue de Loreza à Port-Réal à Ulwyck, du moins, pas si cette surprise ne cachait pas des aspirations moins nobles. S’il s’agissait d’une tentative d’intimidation ou même d’une menace, elle en avertirait aussitôt Ulwyck afin de se préparer au mieux à la suite. Mais pour l’heure, Edmund semblait juste vouloir faire plaisir à son ancien ami. Même si les mots qui suivirent déplurent grandement à Megalis. Son sourire planant toujours sur ses lèvres, elle écouta ce qu’il disait.

Oui, Ulwyck souhaitait se venger. Parce que les Lannister avaient assassiné Elia Martell avant de tuer Oberyn à son tour, même si cela s’était fait dans le cadre d’un duel judiciaire et qu’il était dur de les en blâmer, c’était sur le territoire des lions que la Vipère Rouge avait trouvé la mort. Puis avait suivi Ellaria, Tyerne. Si les positions des Uller pouvaient sembler extrêmes, elle pouvait les comprendre. Elle aussi, brûlait d’une rage qui ne la regardait pas vraiment. Elle se battait pour un nom qu’elle n’avait jamais porté, pour la perte d’un fief que ses pieds n’avaient jamais foulé.

Mais c’était un devoir – celui de rendre la justice.

Armée d’un sourire poli et d’un regard incisif, elle inclina légèrement la tête. Le prince avait énuméré des faits. Mais se basait sur des suppositions. Et si Ulwyck le trahissait ? Et s’il avait le régicide dans le sang ? Et si ?

— Vous supposez ? demanda-t-elle. Avec des si, le cours des choses aurait pu être tout autre, prince Edmund. Avec des si, les dothrakis auraient pu percer les rangs dorniens, massacrer vos soldats et piller vos fiefs. Elle haussa les épaules, sans se départir de son sourire trop courtois. Avec des si, le monde n’aurait pas le même visage.

Edmund lui demanda alors de parler de sa demeure, elle sourit plus sincèrement. Très attachée à son île natale, Megalis devait pourtant admettre se sentir tout autant, si ce n’est plus, chez elle à la cour. C’était à Port-Réal qu’elle avait grandi. À Belcastel, elle avait connu les coups de sa grand-mère et son ombre pesant constamment sur elle – mais aussi la douceur de Willos, ce jumeau dont elle était inséparable dans l’enfance. Elle se passa de retracer l’histoire de Belle-Île, tout intéressante soit-elle, elle préférait éviter d’en évoquer les origines Fer-Nées.

— Ce n’est pas bien compliqué : Belle-Île, c’est l’île, et Belcastel, le château, dit-elle dans un léger rire. Que dire ? La vie y est paisible et les paysages superbes. Je n'imagine pas me marier ailleurs que chez moi. Je suis très attachée à cette île, et à l’Ouest en général, en réalité, je pourrais vous en parler des heures durant. Mais rien de bien intéressant. Elle balaya ce sujet d’un sourire et but une gorgée de vin. Pour ce qui est de moi, hé bien, j’ai eu une classique vie de lady, rien qui ne vaille la peine de s’épancher.

Volontairement peu loquace quant à elle-même face à qui n’était pas son allié, Megalis esquiva son temps passé en tant qu’otage des Lannister. Elle l’avait déjà évoqué plus tôt dans la conversation et cela n’avait pas fait tiquer le prince Gargalen, tant mieux, elle préférait éluder à ce sujet-là. Pas qu’elle s’en cache, loin de là, mais le souvenir de Cersei lui était toujours pénible. Elle avait été loyale à cette reine, toute lionne d’or soit-elle, et s’épanchait rarement à son sujet ou quant aux années passées à son côté. Elle avait été la honte de sa famille.

— Mais vous, mon prince. Vous étiez héritier de Salrivage, si je ne me trompe pas ? De simple lord à prince, ça a dû être un sacré bouleversement. Dites-m’en plus.

Sans le quitter des yeux, elle piocha une olive parmi les bolées et but une gorgée de vin, l’invitant à lui en dire plus sur lui.

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