[PORT REAL] Venue fâcheuse, Prince fâché | Edmund Gargalen

Aelinor passa les portes de Port-Real après plusieurs semaines à cheval à marche forcée, selon elle, à marche normale selon ses gardes. Malgré le confort d’Ombre, la jument dornienne noire offerte par Edmund, elle avait incroyablement mal au cul, et partout d’ailleurs. Mais évidemment, elle avait pris le temps de faire une halte dans une auberge pour prendre un bain et se refaire une beauté avant de passer les portes de la capitale. Hors de question qu’elle ressemble à une souillon. Déjà que ses robes devaient être toutes froissées d’avoir voyagé empaquetées sur un cheval, il fallait qu’elle les fasse laver et repasser d’urgence par sa servante et quelques lavandières du Donjon Rouge. Pourtant, malgré ses efforts, absolument tout sentait le cheval, ses effets, ses cheveux, elle même jusqu’à la pointe de ses ongles. Par les Sept ! Elle en avait cassé au moins deux au cours du voyage et venait de s'apercevoir qu’ils n’étaient pas correctement limés.


Une halte fut marquée dans une bonne auberge pour que certains hommes de sa garde y prennent leurs quartiers, se fut cependant difficile de trouver assez de place, le procès semblait avoir rameuté beaucoup de monde. Hors de question cependant de loger ses gardes à Culpucier, et ils devaient être proches du Donjon Rouge pour assurer les relèves, mais évidemment les établissements de la rue Principale étaient bondés. Elle trouva finalement un arrangement avec un aubergiste de la rue Croche pour récupérer des chambres d’autres clients contre une copieuse avance sur l’hébergement et un dédommagement pour lesdits clients. Un fois cela fait, elle reprit la direction du Donjon Rouge et grimpa la colline d’Aegon en compagnie de trois de ses gardes. Elle passa la lourde porte de bronze, se présenta à la latérale et franchit la herse


La brune aux yeux céruléens mit pied à terre dans la cour. Elle portait sa robe verte au large décolleté carré en coton damassé avec une ceinture de bronze et de grenat. Par dessus, un long manteau de laine verte aux fins motifs géométriques dans un vert à peine plus foncé et aux larges manches relevées sur ses épaules et doublées de taffetas d’un bronze sombre. Il était fixé par un col en laine verte unie qui partait des cotés au niveau de sa poitrine et se resserrait par un lacet de cuir avant de monter sur quelques centimètres autour de son cou. Comme elle avait grand hâte de se débarrasser de cette odeur tenace d’équidé, se détendre les orteils et étaler de l’onguent sur son fessier endolori, elle laissa ses gardes amener les chevaux jusqu'aux écuries qui se trouvaient dans l’autre cour et envoya Gladys et Freya demander qu’on lui prépare un bain.

Aelinor allait traverser la cour pour rejoindre ses appartements quand elle vit Edmund planté au milieu, visiblement énervé par sa présence. Hum, ça n'était pas étonnant, elle avait délibérément désobéi. Enfin plus exactement elle s'était ravisée. Secouée par la missive de Bronn et par le baiser de Jonas, elle avait un peu perdu les pédales à Lancehélion et avait donc accepté sans broncher de se retirer de la partie sur la demande de son père en accord avec le Gargalen. Mais sa longue traversée en mer lui avait permis de réfléchir et de se rendre compte que c’était une énorme connerie. Ensuite, son entrevue avec Yara, sa nouvelle alliance avec les Fer-Nés et les Farman, ses manigances avec Luthor, voilà autant de raisons de ne surtout pas se retirer de la partie. En bonne joueuse de Cyvosse, elle espérait bien avoir quelques coups d’avance sur son adversaire. Mais son adversaire était Bronn, par le Prince de Dorne, même si elle ne pouvait bien évidemment pas tout lui révéler. La brune aux yeux azur offrit au Gargalen un large sourire et, comme s’il n’avait pas oublié toute forme de politesse, elle répondit :

__ Prince Edmund, quelle joie de vous voir également. Comment se porte votre frère, mon fiancé ?


Devant l’impatience du dornien et ne souhaitant pas lui chauffer le sang plus avant, elle s’expliqua, accusant au passage un homme qu’Edmund n'appréciait que peu d’être la cause de son revirement histoire de se dédouaner.

__ Je vous rassure Père n’a pas oublié de me dire que je ne devais pas venir, mais le plan a changé. Tandis que j’étais à Belle-Île Lord Uller m’a fait prendre conscience que je ne pouvais pas rester loin de ce procès, et alors que je quittais Belcastel pour Villevieille, j’ai préféré accoster à Castral Roc pour venir ici. Voilà. Vous savez tout !


Ok elle avait désobéi, mais tout de même, ça n’était pas si grave.

__ Cher ami… il n’y a pas de quoi en faire une “Montagne Rouge”.


Un trait d’humour n’était pas superflu pour détendre l'atmosphère. Edmund avait l’air véritablement remonté.

Aelinor fit de gros yeux en entendant le début de phrase d’Edmund qui semblait être tout près de faire une boulette en plein milieu de la cour du Donjon Rouge.

__ Je sais que je dois soutenir mon fiancé !


Le coupa-t-elle avec force conviction, mais le dornien, furieux, lui ordonna de quitter Port-Real dans la journée. Elle recula d’un pas pour se mettre hors de portée d’une baffe, parce que ce qu’elle allait bientôt lui répondre n’allait certainement pas lui plaire du tout.

__ C’est très clair, mais je vais devoir décliner, votre Altesse.


Elle continua en plongeant son regard céruléen dans celui du Prince, décidée à faire entendre sa voix, tant maintenant que lors de ce procès. Si la décision de la tenir à l’écart de tout cela lui avait semblé bonne au départ, plus elle y réfléchissait et plus elle trouvait que c’était de la folie de laisser entre les mains d’autres personnes l’entière responsabilité de son destin, qui plus est entre les mains de personnes qui n’avaient ni son habitude du Donjon Rouge, ni ses contacts à Port-Real. Alors oui, elle avait changé d’avis et elle se trouvait au cœur de l’action, comme elle avait l’habitude de l’être. Que cela plaise ou non à Edmund, elle comptait bien y rester.

__ C’est mon avenir qui se jouera lors de ce procès, mon mariage, ma vie. Je ne fuirais pas. Je veux pouvoir regarder Lord Lannister et Lord La Nera dans les yeux, je veux pouvoir me défendre et défendre l’honneur de nos deux familles. Si Lord La Nera gagne et qu’il m’oblige à l‘épouser, je veux que la cour m’entende dire que la nuit de noces ne sera ni plus ni moins qu’un viol. J’ai conscience du risque, des risques. Je sais que vous vouliez me protéger en m’éloignant de la capital lors de ce procès et je vous en sait gré. Mais de grâce, permettez moi de participer activement à ma propre protection en étant ici, avec vous. Ne m’obligez pas à me tenir éloignée du lieu où quelques hommes décideront du reste de ma vie.

Il y avait tant de choses que la Hightower ne pouvait pas dire au Gargalen, ici, devant tout le monde. Tant de choses dont elle aurait aimé pouvoir lui parler pour la rassurer et lui montrer que derrière cette décision qu’elle cachait sous les atours féminins de l’émotion et d’une désobéissance ingénue, se cachait une véritable réflexion. Sa présence était dûe au fait qu’elle avait bien plus de contacts à Port-Réal que n’en possèdent son propre père ou encore Baelor. De plus, elle connaissait les affaires qui les avaient mené ici bien mieux, leurs forces, leurs failles, les lois, les partis, Bronn compris. Le risque était minime, en tout cas si Bronn forcait le mariage avec Damion, hé bien, soit, elle l’épouserai et tâcherai de le rendre heureux. C’était aussi simple que cela, et elle l'appréciait suffisamment pour penser une telle chose tout à fait possible. Mais, si elle se débrouillait bien lors de ce procès, il n’y aurait aucun conflit, peut-être même plus le moindre conflit entre le Bief et Dorne, même si la prudence était de mise dans cette histoire dont l’issue était loin d'être écrite.

__ Je gagne toujours votre Altesse, vous devriez l’avoir compris depuis tout ce temps.


Sourit Aelinor avait un air espiègle en s’approchant de lui. Elle posa la main sur sa joue avant de reprendre, sincèrement peinée de le voir si fâché contre elle. Certes elle avait désobéi, mais tout de même, elle ne s’attendait pas à une telle réaction. Pas de la part d’Edmund en tout cas, plutôt de son père. De quoi avait-il donc peur ? Que Damion se voit contraint de l’épouser ? Elle était persuadée qu’il ne serait pas véritablement contre.

__ Je suis navrée de vous avoir mis en colère, cher futur beau frère.


Dit-elle avant de déposer un baiser sur la joue du Prince. Savait-il à quel point elle l’aimait ? Et pas uniquement parce qu’elle adorait jouer avec ses nerfs, c’était certes très amusant, mais ce qu’elle aimait, c'était son cœur en or. Elle aurait préféré pouvoir s’en faire un ami plutôt qu’un simple allié qui, au fond, la détestait, mais peut-être étaient-ils trop différents pour s’entendre réellement. S'écartant un peu, elle ajouta :

__ Et… ne craignez rien pour mes arrières, je m’en suis chargée.


Fit la brune aux yeux azur avec un léger sourire, car elle avait pris quelques assurances vie entre temps. On ne déplace pas sa Reine sans avoir placé ses fous pour la préserver au prochain coup. Si Edmund avait partagé ses craintes quant au devenir de son frère, elle aurait même pu lui proposer une place à ses côtés dans l’extraction prévue pour elle. Elle n’avait, en revanche, pas encore trouvé de solution pour lui sauver la vie à lui. Mais si, bien avant cet instant, elle était déjà décidée à le préserver de tout risque, ainsi que Damion, Erena et Sara, auxquels elle était également attachée, elle se promit, en le regardant dans les yeux, de ne pas le laisser mourir dans la rébellion qu’elle préparait.

Aelinor voyait bien que ni son baiser ni ses excuses ne suffisaient à redonner le sourire au Prince de Dorne. Elle se surprit à penser qu’elle aimerait bien le faire sourire plus souvent, mais il ne semblait jamais vraiment ravi de la voir. Peut-être l’avait-elle bien cherché, après tout, et ce depuis le début de leur relation qu’on ne pouvait pas qualifier de véritablement amicale. Pourtant, elle l’aimait bien et elle lui aurait offert toutes les graines de la terre pour le voir sourire. Songeant à cela, aux nombreuses erreurs qu’elle avait commises et aux erreurs qu’elle commettrai certainement encore, elle soupira en détournant le regard.


Quand Edmund proposa de marcher, elle fit oui de la tête et lui emboita le pas. Ce n’est qu’alors qu’elle remarqua les regards tournés vers eux. Elle n’avait pas oublié que la cour du Donjon Rouge n'était pas un endroit pour parler stratégie, mais elle avait un peu oublié que ce n’était pas non plus le bon endroit pour embrasser son beau frère. Elle émit un petit rire en pensant que des rumeurs sur une pseudo ambiguïté de leur relation pourraient naître de cet instant. Si certains ignoraient qu’elle n’était pas femme à coucher avec le frère de son fiancé, ni avec personne d’ailleurs, avant son mariage, c’étaient leurs moeurs qu’il fallait questionner. Beuark, quelle horreur. Pas que l’homme qui se tenait à côté d’elle en silence ne soit pas à son goût, mais elle ne ferait jamais un tel affront à son futur époux, ni ne prendrait un tel risque pour sa réputation et celle de sa famille. Les Hightower ne faisaient pas de telles choses. Fauter, coucher avant le mariage, l'adultère et tous ses péchés de luxure étaient tout simplement dégoûtants.

__ Je n’en ai pas encore, je dois enquêter. Mais j’ai quelques informateurs à Port-Real qui sauront me renseigner.


Elle ne savait même pas encore si elle comptait gagner ou perdre ce procès, alors la stratégie de défense était loin d’être construite. Mais elle savait vers qui se tourner pour obtenir de la matière.