La Perle de Mer et l’Aiguille Dorée | Elissa

Être lavée de frais. Voilà un véritable bonheur, parmi tant d'autres dans la vie de château. Et même si elle ne goûtait pas au grand luxe réservé aux véritables invités de la noblesse, Elissa ne pouvait pas se plaindre. Après la longue chevauchée et son entrevue avec dame Bethany, elle avait découvert avec ravissement la chambre qui lui avait été allouée. De part le statut de son frère, chevalier, elle n'était pas tenue de dormir avec les autres serviteurs de Corneilla. Elle avait même eut le droit à un beau lit avec un vrai matelas ! Ce qui avait pourtant excité le plus la marchande c'était le baquet d'eau froide qui l'attendait. Le plaisir de se décrasser avec les savons et autres huiles parfumées lui rappelait les heures passées aux bains et thermes de Lys. La quête de propreté des Cités Libres, tout du moins de celle-ci, était si agréable. Elle s'était même permise de se mettre une touche de parfum, une concrète mélange de ciste labdanum, rose et - luxe absolu - bois de santal venu des jungles de Sothoryos.

Elle avait également pu faire installer les coffres de cèdre qui l'accompagnaient dans cette aventure. Le chariot était arrivé peu après Harlan et elle, aussi elle avait demandé à les faire monter directement dans sa chambre. Ils seraient à l'abri avec elle, surtout avec son frère dormant dans la chambre adjacente. Ouvertes, ils dégorgeaient de milles étoffes, de la plus rude à la plus riche mais également plusieurs modèles de robe crées par ses couturières. Elle mettait rarement la main à cette affaire mais Elissa voyait sa fortune dans le contrôle de la mode. En moins de sept ans, tant de courants vestimentaires avaient émergé pour mieux s'éteindre dans les flammes de la guerre. Le continent était prêt à vivre ce changement. Elle avait même fait monté dans un coin de la pièce un mannequin revêtu de la dernière création de Maître Elias. Osée, et pourtant respectueuse des conventions westerosi. Pour l'heure, elle se contentait de brosser ses longues boucles dorées, à peine vêtue d'une sous robe de coton blanc descendant à mi cuisse et plus qu'indécente. Assise sur son lit, détendue, elle songeait au maquillage à s'appliquer pour faire face à Bethany mais également les autres membres de Nerbosc.

Du moins le croyait elle. Elle fut interrompue par un battement contre la porte. Persuadée de voir son frère entrer, elle ne fit pas attention à la voix féminine à travers le battant et dit à la personne de rentrer. Elle comprit son erreur lorsque, levant les yeux, elle aperçut une jeune femme faire irruption dans sa chambre. Avec un petit retard, Elissa laissa choir sa brosse et jeta un regard autour d'elle pour essayer de trouver quelque chose pour la couvrir. En vain. Fort heureusement, la nouvelle venue était seule. Refusant de rougir pour si peu, Elissa releva son menton et rejeta sa gorge en avant pour se lever et saluer la dame d'une révérence parfaite. Malgré sa tenue peu appropriée, elle réussit même à pincer un coin de son vêtement dans un salut presque parfait.

Pardonnez ma tenue, je croyais que mon frère arrivait. Un plaisir de vous rencontrer, madame.

Tout à ses propos, Elissa se creusait l'esprit pour essayer de se rappeler du nom de la jeune femme. Elle était presque sûr l'avoir entendu se présenter, même si elle n'y avait pas prêté attention. Plissant les yeux d'un air légèrement inquisiteur, elle se souvint: Farman. Du prénom, impossible de s'en rappeler mais c'était quelque chose des plus surprenant. Elissa eut un sourire plus chaleureux :

Je connais votre sœur. J'ai l'honneur de l'avoir eue parmi ma clientèle.

Elle n'osa s'aventurer plus en détails. L'audace de la cape portée par Megalis Farman à son mariage avait suffisamment fait jasé. Elissa jubilait encore de cette prise de choix mais elle ne savait pas l'avis du reste de sa famille concernant le courage de la mariée.

Comment puis je vous aider ?

Le malaise de la jeune Farman était flagrant même aux yeux d'Elissa. Baissant les yeux sur son corps en partie dénudé, ses seins apparaissait presque à travers sa tenue, elle pouvait comprendre mais elle aurait cru une dame plus apte à cacher son malaise. Sans se laisser démonter, Elissa garda un grand sourire tout en sautant sur ses longues jambes avec grâce. Elle marcha jusqu'à un coffre qu'elle ouvrit du bout du pied. Se penchant, elle le fouilla avec énergie et en sortir jupons, chemise, robe et corset. Les étalant sur son lit, Elissa jeta un coup d'oeil en coin à son interlocutrice qui venait de la complimenter sur son parfum. Elle sourit avec plus de chaleur cette fois et hocha la tête :

Ce sont des huiles odorantes de Lys madame. J'ai eu le plaisir d'être initiée à cet art pendant les quelques années où j'y ai vécu. Rien de comparable aux merveilles qui doivent vous parvenir d'Outre Orient à Belle Île...

Initiée, Elissa l'avait été. Aux secrets de l'amour principalement tant Taelish était un amant infatigable. Elle avait découvert des choses dont elle n'avait entendu parlé qu'à voix basse, et encore par des filles de petite vertu. Bien des voies du plaisir, aussi bien pour elle que son homme, s'étaient dévoilées à elle. Puis entre deux étreintes, le maître qu'était Taelish lui avait effectivement fait découvrir le monde des parfums. De la délicate bergamote dont les notes florales lui rappelaient le thé jusqu'à la civette et son odeur insolente et fécale qui rappelait la fragrance animale que dégageait son homme au plus profond de sa bestialité, elle adorait cet univers. Loin d'elle de s'imaginer un jour parfumeuse, elle se complaisait à les porter et pouvoir en discuter.

Je voyage beaucoup et je passe souvent par Port-Réal en effet. Votre soeur a eu besoin de mes services quelques jours à peine avant son mariage. Cela a été un véritable honneur d'habiller une telle dame. Nul ne saurait insulter la beauté de Dame Megalis. Vous n'avez rien à lui envier non plus. Evidemment vous pouvez toucher. Cette robe est doublée en cachemire de Yi-ti sur une base de coton et mousseline. Elle convient parfaitement à un printemps chaud.

Les mots étaient dits sur un ton distrait, presque du bavardage plus que des flatteries sans queue ni tête. Les mots pesaient lourds dans une conversation mais la manière de les prononcer faisaient réellement pencher la balance dans un sens comme dans l'autre. Affectant de ne pas voir son invitée impromptue s'émerveiller de ses prodigues, Elissa s'habilla rapidement. Même sans camériste elle était capable d'enfiler jupons, chemise et robe brocardée sans hésiter. Les premiers étaient d'un blanc éclatant, presque pur tandis la dernière pièce était d'un bleu profond, dit du roi dans certaines régions. Il allait de pair avec le corset d'une nuance plus claire de la même couleur. Elissa l'enfila avant de se tourner vers la dame Farman.

Des vêtements pour nos hôtes ? Ce serait avec plaisir de vous accompagner dans cette merveilleuse idée. Accordez moi un instant madame.

Agrippant les lacets du corset, elle les tira avec énergie, faisant remonter sa poitrine et affinant sa taille déjà fort mince. Avec un soupir, Elissa réprima un gémissement tandis que les bords du velours frottait le long de ses côtés. Elle profita de ce répit pour réfléchir à ce qu'elle pouvait offrir comme idées à son invitée. Pour Dame Bethany, la question ne se posait pas et plusieurs vêtements avaient été mis de côté la veille après avoir rencontré son hôtesse. Cependant, pour ses frères, Elissa ne s'était pas réellement posée la question.

Je crois savoir ce qui conviendrait à Dame Bethany. Quant à Sers Brynden et Desmond, j'ai de quoi vous satisfaire. Vous êtes mieux à même de savoir ce qu'il leur ferait plaisir. Tenue de chasse, de cour ou même vêtements pour les cérémonies au septuaire, je devrai vous proposer quelques costumes propre à ravir leurs yeux si ce n'est leur coeur.