Le mariage c'est pas la mer à boire, mais le marié à avaler

Les mains d'Elissa se resserrèrent sur ses rênes. Le dos moulu, il lui semblait que ses cuisses étaient autant en feu que lors des longues embrassades de Taelish à Lys. Sa barbe teinte d'ors et d'argent avait le don de l'irriter, d'une certaine manière pour son plus grand plaisir. Pourtant, ni la monte d'amants, ni les longues marches propres à son métier ne l'avait jamais préparée à l'équitation. L'hongre élancé et docile sous ses jambes n'était pas la source de ses malheurs mais le manque d'entraînement. Elissa détestait grimper sur son dos et s'échiner à se briser la dite échine. Elle était une femme du peuple, aux hanches solides malgré leur finesse et prompte à marcher des heures sous les bois du Conflans. Verfuque, Bleufurque, peu lui importait d'y tremper ses bottes. Pourtant, elle devait bien avouer ne pas pouvoir critiquer l'utilité sans pareille des chevaux. Ils avaient passé en quelques jours à peine les lieues séparant Beaumarché du Val du Bois Noir.

Regardant autour d'elle pour oublier la douleur de ses cuisses en feu, Elissa regarda autour d'un air dubitatif. De bois, les champs et les moulins qu'ils croisaient n'en méritait qu'à peine le nom. De loin en loin s'étendaient la terre noire retournée par des générations de fermiers et non de forestiers, à peine dérangé par les coteaux de la région. Même les rares bâtiments s'élevant ci et là ne rompaient qu'à grande peine la monotonie du paysage. Pour autant, elle ne pouvait qu'être surprise par la capacité des terriens à se remettre des affres de la guerre. Là où il ne subsistait que des cendres et des champs retournés par les os et le sang, la nature dominée par l'homme reprenait son droit. Dans quelques années, qui sait le Val Nerbosc redeviendrait le paradis agricole qu'il était autrefois.

Car bien était leur destination. Les corbeaux dans le ciel ne mentaient pas, non plus la forteresse des seigneurs des terres et les ramures de leur gigantesque barral. Elissa sourit en apercevant enfin le rêve de la journée : pouvoir démonter. Elle se tourna vers leur maigre procession : trois gardes, un chariot mené par un vieux pilote et sa pupille assise à son côté et surtout son frère. Comme il était étincelant dans son armure. Le port fier, parfaitement éduqué par les chevaliers du Val d'Arryn, Harlan portait beau. Avec ses traits fins, ses cheveux dorés sans être de la paille, il avait l'air gouaille hérité de leur grand père Martyn là où Elissa ressemblait plus à leur mère, excepté ce nez qu'elle détestait hérité de son père. Il était le dernier survivant de leur lignée, officiellement l'héritier de la Compagnie de l'Aiguille Dorée. Il regarda Elissa, lui sourit puis se hissa sur ses étriers :

Nous arrivons. As tu hâte ?
J'ai rarement connu plus hâtive excitation.

Sauf peut être dans les bras de ses amants, Taelish en tête... Mais son frère n'avait pas à savoir le secret de ses pensées. Elissa se contenta donc de lui adresser son sourire le plus envoûteur puis claqua la croupe de son destrier pour partir au trot. Ils avalèrent ainsi les dernières lieues les séparant de Corneilla pour se présenter face à la forteresse. Avec des pierres des murs d'enceinte sont couvertes de mousses. Il était encerclé d'une douve humide, profonde et maçonnée. Deux tours carrées massives gardaient la porte principale, et plusieurs autres tours se dressaient aux angles de la forteresse. Si ce n'était pas la place forte la plus impressionnante donnée à voir à Elissa, elle n'en restait pas moins impressionnante.

Arrivés sur place, elle laissa son frère s'avancer et se présenter pour mieux observer les gardes Nerbosc.

Je suis ser Harlan "Muffle-en-deux" de la garde de Goëville. Voici ma soeur, dame Elissa de l'Aiguille Dorée.

Elissa ne put s'empêcher de sourire en coin à la mention de son titre inventé. Son frère avait décidément appris à s'exprimer et omettre les vérités parfois trop brutales.

Nous avons rendez vous avec Dame Bethany Nerbosc, elle nous attends.

Harlan comme Elissa furent pris en charge avec promptitude. Elle avait craint que Dame Bethany eut omis de prévenir les gardes et que ses derniers les renvoient à leur chemine ou s'entêtent à ne vouloir vérifier la légitimité de leur demande. Voir un chevalier errant, malgré la broche aux armes de Goëville à son manteau, et sa soeur signifiait généralement les débouter purement et simplement. Les règles de l'hospitalité étaient parfois à géométrie variable quand venait la frontière entre noblesse, chevalerie et roture. Elissa ne se faisait guère d'illusion quant à sa place en ce bas monde mais elle espérait bien tirer son épingle du jeu. Ou l'aiguille de la nasse.

Passant les portes de Corneilla, elle leva les yeux vers les hautes branches du barral mythique de la maison Nerbosc. Elle ne cessait de s'émerveiller des anciens dieux et de ceux qui pratiquaient encore leurs voies. Elevée dans la grâce des Sept, Elissa restait curieuse des autres religions. Culte de Rh'llor, Antique Voie, anciens dieux et autres divinités se partageaient les grâces des peuples d'Essos et elle s'y était intéressée. Elissa se demanda à quel point les Nerbosc se drapaient dans leur foi. Elle avait entendu tellement d'histoires sur leur mythique ascension et leurs seigneurs au manteau de plume de corbeaux. Tout à ses pensées, elle laissa son frère échanger avec les palefreniers et autres pages puis les gardes tandis qu'ils démontaient et étaient amenés dans une salle. Ser Harlan connaissait bien mieux qu'elle les conventions en place dans les places fortes. Lorsqu'elle découvrit la table dressée pour eux, Elissa hésita puis le temps passant finit par se servir, en retard sur son frère qui la pressait de manger. Elle se découvrit une grande faim après cette longue chevauchée et se délecta notamment d'oeufs, de pain et de jambon bien épais.

Elle finissait à peine son repas lorsque la porte s'ouvrit sur la maîtresse des lieux. A sa vue, Elissa vit son frère se redresser, le regard brillant et la bouche presque béate. Oh Harlan, voilà bien une douce dame à qui adresser tes faveurs effectivement pensa avec amusement Elissa. A vrai dire, elle ne pouvait pas nier la beauté de la jeune dame. Malgré ses airs encore adolescents, il lui manquait encore la beauté sculpturale que les rondeurs de l'enfance cachaient, sa silhouette fine et sa chevelure aux reflets de cuivre trahissaient déjà une certaine splendeur. La marchande se contenta elle de remarquer sa mise simple et le bas de sa robe tâchée. La jeune dame ne rechignait pas à la tâche et elle ne pouvait que monter dans son estime de cette manière.

Madame, c'est un plaisir de vous rencontre. Nous vous remer...

Avant même de pouvoir fini les salutations d'usage, Elissa fut interrompu par son frère qui se leva et s'inclina profondément. Aussi peu éduquée par l'étiquette de la noblesse, la marchande se doutait bien qu'il faisait bien plus que nécessaire. Cet imbécile heureux venait il vraiment de succomber aux airs de demoiselle en détresse de Bethany ?

Un honneur, Dame Bethany. Je vous suis grée de votre accueil, votre beauté n'égale qu'à peine votre générosité.

Elissa cilla et eut un sourire crispé. Qu'était ce là ? Ils s'étaient mis d'accord pour qu'elle mène les discussions. Jetant un regard peu amène à son frère, elle se tourna vers leur hôtesse et hocha la tête avec politesse à son intention.

La route a été longue mais sûre, les Sept et les anciens dieux en soient bénis. Dame Elissa pour vous servir. Et voici mon frère, Ser Harlan. Votre chevalier servant je crois bien. Souhaitez vous restaurer d'abord madame ? Je Jne voudrais pas rompre le plaisir de votre déjeuner avec les affaires.