De l'aride à la verdure

Aelinor avait fort à faire avec la préparation du Concile de Hautjardin, mais elle ne boudait pas son plaisir de recevoir Sara Gargalen. Elle était excitée comme une puce depuis qu’elle avait appris qu’elle allait venir à Villevieille et avait demandé à son père de lui proposer de la rejoindre ici. Quand elle la vit approcher avec deux gardes dorniens et un seul garde Hightower, elle se dit que son père avait vraiment joué les rapiats. Cela dit, il était vrai que Hautjardin comptait nombre de soldats, que la région était apaisée grâce aux patrouilles et que jusqu’aux frontières de Villevieille des armées attendaient pour que rien ne puisse arriver à personne sur la route.


La jouvencelle portait une robe de lin gris avec un col brodé d'entrelacs de fils d’argent remontant sur son cou et formant deux épaulettes avec une tour sur chaque épaule et une sur sa gorge. Ses cheveux étaient tirés et formaient un épais chignon orné de perles sur sa nuque. Bien que très travaillée et près du corps, la robe n’avait rien à voir avec ce qu’elle avait pu porter, ou même enlever quand elle était à Dorne. Quand elle vit son amie mettre pied à terre, elle ouvrit les bras, balayant le protocole et la politique. Le deuil qu’elles partageaient était bien plus important que cela, même si Edmund représentait bien plus pour Sara que pour Aelinor, les liens du sang, une enfance en commun, toute une vie en vérité. La brune avait de la compassion pour la sœur du Prince, seul un gros câlin pouvait l'empêcher de pleurer. Un gros câlin ou la phrase de la dornienne qui la prit au dépourvu. Elle devint écarlate et baissa les bras.

__ Hum… Mer.. Ci… Dame Sara, je suis ravie de vous revoir également.


Serrant finalement son invitée dans ses bras elle lui murmura :

__ Je vous en supplie, ne faites plus de commentaire sur ma silhouette, c’est trop gênant.  


Elle s’écarta, toujours rouge et suppliant la jeune femme du regard :

__ Je peux compter sur vous pour taire ce que nous avons fait à Lancehélion ?  


C’était réellement très gênant. Elle ne saurait même plus dire si finalement ce hammam entre femmes avait été agréable ou non. L’eau la vapeur, sans doute, mais les regards sur son corps et les réflexions de Sara l'avaient quelque peu empêché de se détendre totalement. Non finalement, c’était très bien qu’elle ait changé toute sa garde robe pour des tenus plus sages et pudiques. Elle s’en voyait soulagée.


Ordonnant aux garçons d'écurie de s’occuper des chevaux, elle proposa à Sara de la conduire à ses appartements qu’elle avait fait décoré pour son invitée avec des fleurs, évidemment, mais aussi des tentures et du linge aux couleurs des Gargalen.

Aelinor sourit à son tour lorsque Sara lui donna sa parole que leur hammam commun resterait entre elles. Il n’y avait rien de mal à tout ça, mais c’était un souvenir gênant pour la brune et la Gargalen n’avait pas la même vision des choses. La preuve, leurs regards radicalement opposés en cet instant, comme il l’avait été sur la nudité partagée dans ce lieu. La vitesse avec laquelle s’étaient déshabillées les dorniennes en disait long sur leur absence de pudeur, en tout cas entre femmes. Alors que même sans regard masculin, la Hightower avait mis un certain temps et avait dû se faire violence pour se dénuder. Pourtant c’était elle qui avait choisi cette activité cliché à souhait, elle aurait pu s’attendre à ce que dans des bains elle doive se mettre à nu, mais non elle pensait pouvoir garder un drap autour d’elle ou ses sous-vêtements. Et elle pensait également que cela ne la gênerait pas tant que ça devant des femmes. Mais elle avait été rattrapée par sa pudeur presque maladive et mise à mal par les compliments de Sara sur son physique. Et pourtant ce souvenir avait quelque chose de léger et de doux quelque part. C’était avant le procès, avant la mort d’Edmund, avant les fanatiques. Un moment de grâce avant le chaos.

__ Hélas, si nous avons évité que les fanatiques n’étendent leur influence sur les terres de Villevieille et de nos vassaux. Nous n’avons fait que pacifier en surface les territoires où ils étaient déjà implantés. Je ne sais pas encore où cela risque de nous mener, certaines familles ont embrassé leur cause, d’autres veulent les anéantir. Nous, nous essayons de nous positionner au-dessus de ce conflit qui n’a aucun sens si les nobles occupent leur juste place de protecteur et de guide et cessent de se comporter comme des manants. Mais il n’y a à mon sens qu’une seule personne qui se comporte ainsi et il n’est pas là en ce moment.

Fit la Hightower d’abord sérieuse et grave avant de tourner la tête vers Sara avec un sourcil relevé d’un air entendu.

__ D’ailleurs ils sont bien implantés à Hautjardin, tu dois faire attention à ce que tu fais et ce que tu dis tant que le problème ne sera pas réglé. J’espère malgré tout que tu trouveras ici la paix dont tu as besoin pour guérir de ton chagrin.

Dit-elle enfin en prenant les mains de son amie avec un sourire de soutien sincère.

Étonnant effectivement qu’Elia recentre Dorne sur la question religieuse, cela dit, c'était une Andal d’origine, de ceux qui avaient apporté la religion des Sept à Westeros. Cela pouvait faire sens qu’elle ne veuille pas que la Principauté s’attire les foudres des Septons malgré le fait qu’elle bénéficie des largesses de la religion des Rhoynar et d’une certaine tolérance.


A dire vrai, la brune aux yeux céruléens ne s'attendait pas à ce qu’un campement soit trouvé aux abords de Hautjardin et encore moins que les fanatiques aient des liens au sein même de la forteresse après tous les efforts fournis pour mettre un terme à leurs agissements en douceur. Il lui arrivait parfois de se dire qu’elle ferait mieux de suivre Treyvir sur la voie de la violence, mais l’enjeu était bien plus grand que ces pauvres gens qui avaient besoin de se raccrocher à quelque chose. Puisse la paix suivre à tout ça.

__ Lord Gendry ? Que veux-tu dire ? Il y a des fanatiques dans l’Orage ?


Demanda-t-elle sans trop comprendre ou Sara voulait en venir. Peut-être que la Gargalen bénéficiait d’informations qu’elle n’avait pas. Concernant l’Orage, cela ne serait pas étonnant, même si la tentative de rapprochement entre les Maisons Gargalen et Barathéon avait lamentablement échoué.


La brune serra le bras de son amie et regarda au loin, l’épargnant de son regard en voyant qu’elle était touchée. Quelle terrible perte que celle d’un frère, d’un homme comme Edmund. Car Aelinor avait beau se moquer de lui et de son absence de talent pour la négociation, elle l'appréciait sincèrement. Après tout, il l'avait sauvée. Et puis c’était un homme droit, et c’était assez rare pour être souligné en ce bas monde.

__ Aucune bataille n’est jamais gagnée d’avance. Mais nous avons des alliés, effectivement. Cela dit, ce n’est pas contre Bronn que mon père se présente, mais pour le Bief. Il n’a jamais été question que de cela, le Bief, son avenir, son essor, sa prospérité.


Fit-elle avec un sourire et attendant qu’elles ne soient plus que toutes les deux dans les appartements de la dornienne pour lui reprendre la parole.

__ Au fait, je ne sais pas si tu es au courant, mais Lord Cendregué est ici. Je peux te jurer que quand je l’ai vu débarquer devant les portes avec deux fois plus d'hommes que moi, j’ai bien cru à une ruse de La Nera pour mettre à terre la Maison Hightower. Mais il semblerait qu’il ne porte pas le reître dans son cœur plus que nous.