De sombres souvenirs

Nymeros Antaryon

Lorsqu’elle avait appris qu’elle était invitée au mariage Princier entre Edmund et Elia à Lancehélion, Rowena avait suggéré à sa mère de voyager sur le bateau de Nymeros Antaryon. Elle lui avait présenté le jeune homme ainsi qu’à son frère, le Seigneur de Belle Île qui devait donner son accord pour une telle entreprise. Évidemment le Braavien s'était montré sous son meilleur jour, si tant est qu’il en ait un mauvais et depuis, la blonde était toute excitée à l’idée de voguer sur l’astucieux vers la capitale dornienne. C’était une sacrée aventure et elle se profilait merveilleusement bien en compagnie du beau jeune homme.

Quelques gardes accompagnaient les deux Farman et la jouvencelle ne put s’empêcher d’adresser une large sourire à son charmant ami dès qu’elle l'aperçut. Le voyant la saluer, elle lui rendit son geste informel en levant la main pour un discret, mais pas moins informel coucou de la paume. Elle portait sur son corset, une robe de damas bleue aux fins motifs floraux et au large décolleté carré qui découvrait la naissance de sa poitrine et ses clavicules. Ses cheveux tombaient dans son dos en une lourde tresse agrémentée de perles et de rubans bleus. Elle avait enfilé, par-dessus, un manteau de laine bleue ouvert devant, lacé sur la poitrine et qui remontait sur un col officier avec une boucle dorée et de larges manches en brocart assorti.

La Perle de mer posa le pied sur le pont et alla saluer Nymeros tandis que leurs malles étaient montées par quelques serviteurs aidés par les marins du Braavien. S’inclinant, elle répondit :

__ Tout le plaisir est pour moi, Lord Antaryon.

Mellara s’inclina également en présentant gracieusement sa main au jeune homme qu’elle salua et remercia d’avoir accepté de les prendre à bord.

__ Pouvez-vous nous accompagner à notre cabine, s’il vous plait, je préfère m’assurer que toutes nos affaires ont été chargées avant que nous appareillons.

Secrètement, Rowena espérait pouvoir passer du temps avec le capitaine de l’Astucieux, apprendre à mieux le connaître et faire en sorte que sa mère songe à un mariage. Elle ignorait tout du passé du Braavien et de sa perte tragique, tout ce qu’elle voyait, c’était son doux sourire et ses yeux océan. Elle ne put cependant que le trouver plus terne que lors de leur première rencontre. Pas qu’il ait perdu la moindre once de son charme, mais son optimisme semblait l’avoir quitté. En revanche, celui de la Farman était intact.

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Nymeros Antaryon

Mellara remarqua le sourire appuyé du jeune homme à sa fille, mais ne dit rien, se contentant de recevoir le baise main avec élégance. Les deux femmes suivirent le jeune homme jusqu’à leur cabine qui certes n’avait rien de comparable à Belcastel, mais qui n’était pas si loin de leurs cabines respectives sur leurs navires respectifs. La Lady douairière sourit et inclina la tête pour remercier le capitaine, puis elle se mit à compter le bagages pour vérifier qu’il ne manquait rien.

Pendant ce temps, Rowena suivit discrètement Nymeros sur le pont et l’observa donner ses ordres depuis l’encablure de la porte menant aux cabines avec un léger sourire sur les lèvres. Elle voyait tout ce monde s’agiter pour préparer le bateau à appareiller et son cœur s’emballait, imaginant qu’elle partait pour l’autre bout du monde dans une extraordinaire aventure, ses yeux brillait de cette même lueur qui gagne les prunelles d’un enfant quand la joie l’envahit. Ca n'était pas tout à fait faux, elles allaient à Lancehélion après tout, et c’était une cité nouvelle et exotique, pour la blonde jouvencelle en tout cas.

Sa mère ressortit et dit qu’ils pouvaient y aller et en remerciant le capitaine pour son hospitalité. Elle se dit également qu’elle devrait garder un œil sur sa fille pendant ce voyage. En effet, Rowena s’était mise à rire aux éclats à la plaisanterie de Nymeros, non seulement parce que c’était drôle, mais aussi parce qu’elle le retrouvait pleinement à travers ce trait d’humour et se faisait une joie de le voir ainsi heureux.

__ Rowena, un peu de tenue je te prie.

Rowena étouffa son rire et baissa la tête, croisant les mains devant elle, mais relevant un œil complice en direction du sourire joueur de Nymeros. Mellara retourna vers la cabine imaginant que sa fille allait la suivre bien sagement, mais la blonde préféra rester sur le pont pendant que le navire prenait le large. Elle hésita à aller la chercher, mais finalement elle la laissa profiter de la vue.

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Nymeros Antaryon

__ Je me porte à merveille, Sire.

Commença Rowena avec un sage sourire après les remontrances de sa mère. Trop émotive, trop expressive, elle était loin d’être comme sa sœur, capable de masquer ses émotions en toute circonstances et de se montrer distante et hautaine. Son regard s’éclaira et son sourire s’élargit tandis que Nymeros évoquait le voyage. Elle ne put s'empêcher de répondre avec un enthousiasme non dissimulé.

__ Je suis tellement excitée ! Vous vous rendez compte ? Lancehélion, le Palais Vieux. Quelques semaines de traversée et je poserais le pied sur les rivages de Dorne. Rien ne pouvait me faire plus plaisir, surtout en ce moment.

Ce voyage allait lui permettre de prendre un peu de distance avec les plans belliqueux de Megalis et la haine incessante d’Eddara. Si sa mère pouvait la brider dans l'expression de ses sentiments, ce n’était rien en comparaison de la grand-mère, une véritable teigne qui tuait toute velléité de joie de vivre dans tous les êtres qu’elle côtoyait.

__ Non, c’est la première fois.

Les mains posées sur le bastingage, elle regardait Port-Real s’éloigner au gré du vent dans les voiles de l'astucieux. Elle se tourna vers Nymeros.

__ Me ferez-vous visiter ?

Ses lectures allaient prendre corps enfin, dans ce voyage, son imagination ne serait plus la seule à pouvoir lui donner un échappatoire durant les longues journées de solitude à Belcastel, désormais, elle aurait des souvenirs, de magnifiques souvenirs, elle n’en doutait pas. La brise faisant virevolter ses vagues de cheveux blonds, elle se sentait l’âme d’une aventurière et aux côtés de Nymeros, le doux et gentil Braavien aux yeux azur, elle n’avait peur de rien.

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Nymeros Antaryon

Dès l'enfance, la Farman avait été destinée à se marier et à enfanter des héritiers pour un lord ouestrien qu’il plairait à son père ou à son frère d’ajouter à leurs alliés. Elle savait qu’elle serait vendue à une autre famille, à un homme, et que sa famille ne serait pas très regardante quant à sa personnalité. Pourtant, ils ne l’avaient toujours pas fiancée et Megalis allait se marier à l’homme qu’elle aimait contre l’avis d’Edarra, alors, elle pouvait garder espoir et l’existence de Nymeros, sa gentillesse, n’y étaient pas pour rien. Il était en tout point parfait, de bonne famille, à des milliers de lieux de Belle-Île, commerçant et navigateur, il plairait sans nul doute à Luthor, enfin ce qu’une telle alliance pourrait rapporter lui plairait, et le reste plaisait beaucoup à la blonde. Il y avait peut-être plus beau que Dorne, mais il n’y avait pas plus beau que l’Antaryon.

__ C’est ce que j’ai lu, mais j’ai hâte de le voir de mes propres yeux.

A l'évocation des jardins aquatiques, elle ouvrit de grands yeux encore plus émerveillés, elle en avait lu des descriptions et l’on disait beaucoup de bien de ce lieu. Et puis son histoire était si romantique. C’était certainement la cause du sourire rêveur de Nymeros. Elle fit une petite grimace.

__ Je crains que nous n’y soyons pas invitées. Et puis nous ne pourrons pas nous éterniser, il faut que nous trouvions un bateau pour retourner rapidement à Belle-Île.

Soudain, elle eut presque le souffle coupé. Il lui proposait d’aller aux Jardins, enfin non pas exactement il lui parlait des Jardins. Etait-ce une manière de lui dire qu’il l’aimait ? C’était tellement romantique. Pour ne pas fondre immédiatement, elle tourna la tête vers l'horizon et pour reprendre son souffle, elle ferma les yeux en inspirant profondément l’air iodé et en laissant le vent lui fouetter le visage et faire virevolter les mèches de ses cheveux échappées de la tresse autour de son visage.

Rowena reposa les yeux sur Nymeros pendant qu’il observait l'horizon avec ce sourire qu’elle aimait tant contempler. Elle fut ravie d’entendre qu’il tâcherait de se trouver un jour pour lui faire visiter Lancehélion et alors qu’il se tournait vers elle, elle rougit, mais ne baissa pas le regard, comme happée par les prunelles azur du Braavien. Confuse, elle déglutit avec peine et répondit :

__ Quelques heures devraient suffire… si vous n’avez pas le temps, je m’en contenterais.

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Nymeros Antaryon

Rowena remarqua que Nymeros la fixait quelque peu intensément. Elle se mit à rougir et détourna les yeux vers l’océan. Déjà que ses yeux d’azur la faisaient plonger en plein rêve et que son sourire enjôleur la faisait chavirer, ce regard la déstabilisa complètement. Elle ne savait pas trop quoi en penser, osant à peine imaginer qu’il puisse réellement s'intéresser à elle et pourtant, il le disait, il le montrait, il ne la trouvait ni idiote, ni laide, ni trop naïve, ni trop faible. Et si… à chaque fois que cette possibilité germait dans son esprit, son cœur s’emballait et elle avait envie de sauter partout et de pleurer en même temps. C’était vraiment terriblement étrange d’être dans cet état, elle se sentait pousser des ailes et en même temps la confusion régnait dans son esprit. Elle était bien incapable de réfléchir et quand il prononça en plus un nom compliqué et inconnu, elle se retourna vers lui avec un visage qui affichait son incompréhension. Elle mit un certain temps à remettre des idées en ordre, tout en le fixant à son tour, cela ne lui facilitait d’ailleurs pas la tâche et elle dut se mordre la lèvre pour revenir à la réalité et ne pas se laisser happer par le regard du jeune homme.

__ Non, cela ne me dit rien.

Pourquoi il demandait cela, elle n’en savait fichtrement rien et cela lui était totalement égal tant qu’il voulait bien continuer à lui parler ainsi, avec toute cette gentillesse et cette douceur qui émanait de lui et qu’elle aimait tant. Elle y était si peu habituée que rien que cela aurait pu suffire à la faire tomber sous son charme, le fait qu’il soit en plus avenant et un tantinet séducteur n’arrangeait rien. On lui avait pourtant dit que personne n’était parfait, sauf peut-être Megalis, elle n’était pas tout à fait d’accord sur ce point d'ailleurs, mais lui, il l’était, elle en était certaine. Et quand le soleil de son sourire éclaira à nouveau son visage et fit apparaître dans sa bouche la possibilité d’une visite aux Jardins Aquatiques, elle lâcha le bastingage, mit les deux mains sur sa bouche et étouffa un petit cri de joie.

__ Vous feriez ça ? Vous m’emmèneriez ?

Le fait d’avoir ou non le temps importait peu en cet instant, Megarra déciderait de toute façon, et viendrait peut-être, quoique la chaleur l’indisposait. Son cœur d'ingénue battait la chamade et ses grands yeux noisette paillonnaient d’amour. Elle avait l’impression que sa poitrine allait exploser de bonté tant celle de l‘Antaryon nourrissait la sienne. Elle avait envie, une folle envie, de faire quelque chose pour lui, mais elle ne voyait pas quoi, alors la Perle de Mer secoua la tête.

__ Mais Sire, vous êtes trop bon avec moi, je ne saurais jamais comment vous remercier. Vous m’avez fait visité votre navire, vous avez accepté de nous emmener à Lancehélion, vous m’avez fait goûter votre marchandise. Vous m’avez dit des choses que la plupart des membres de ma famille ne m'auraient jamais dites, vous êtes toujours tellement attentionné. Je me sens mal de ne pas pouvoir vous rendre le dixième de ce que vous faites pour moi.

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Nymeros Antaryon

Parce que son cœur était en train d’exploser de toute cette gentillesse que Nymeros lui donnait, elle en eut les larmes aux yeux et se jeta dans ses bras. Elle n’était pas certaine d’avoir de la valeur, en tout cas, dans sa famille être quelqu'un de bien, n’apportait rien, aucune reconnaissance et encore moins d’attention. Et puis, elle était aussi une voleuse, alors elle pouvait bien s’imaginer être une bonne personne, elle l'était sans nul doute aux yeux du Braavien qui ne connaissait pas ses sombres penchants, mais elle n'était pas si bien et ne méritait probablement pas d’être bien traitée. Pas tant que ça en tout cas. Mais peut-être mieux que sa famille ne l’avait jamais traitée. Elle se demanda et s’en voulut d’imaginer que sa famille ne l’avait pas traitée comme elle l’aurait mérité. C'était sa famille et quoi qu’il en soit, elle les aimait et ne leur tenait pas rigueur des méchancetés prononcées et faites à son encontre. C’était pour l'endurcir, elle le savait, et si elle ne comprenait pas très bien pourquoi il était si important pour eux qu’elle s’endurcisse et pourquoi ils s’étaient acharnés pour qu’elle y parvienne sans le moindre succès, à cause de son incapacité à l’être, dure, c’était pour son bien qu’ils avaient fait tout cela.

Mais n’avoir jamais reçu autant de bonté la rendait d’autant plus sensible à celle de l’Antaryon. Alors elle l’enlaça de ses bras et posa sa tête contre son épaule. elle était aussi grande qui lui, pourtant, elle avait l’air d’un enfant ainsi serrée contre lui. C’était tout à fait déplacé, et elle le savait, mais elle n’avait pas pu s'en empêcher. Quand elle reprit ses esprits et pleine possession de ses moyens, elle le lâcha et recula, tête basse, lissant sa robe.

__ Veuillez m’excuser. Je… je ne sais pas ce qui m’a pris.

Elle avait envie d’hurler : Je vous aime ! Elle avait envie de lui dire : Emmenez-moi avec vous, épousez-moi et vous ferez de moi la plus heureuse des femmes en me gardant loin de ma famille. Mais elle se tut. C’était une bien mauvaise pensée que de vouloir fausser compagnie aux Farman. Elle doutait fort qu’ils aient besoin d’elle, elle qui ne servait à rien dans leurs plans et qui étaient plus un fardeau qu’autre chose dans leurs manigances. Mais elle devait pourtant rester, pour épouser un homme qui leur apporterait quelque chose, lui. un jour. Elle prierait pour que ce soit Nymeros. Mais quand elle replongea son regard dans celui du Braavien, elle en doutât, se disant qu’elle ne le méritait certainement pas.

__ Vous me faites infiniment plaisir. Vous n’imaginez pas comme vous me faites plaisir. Vous me faites tellement plaisir que je ne sais plus me contenir. Je crois que je ferais mieux de retourner dans ma cabine si vous me le permettez.