An 305, Lune 7, Semaine 4, Jour 7 | Port-Réal —
« C’est un héritier mâle, il est déjà fort ! », c’est ce qu’a dit le mestre en me voyant. Haha ! Y voulait pas dire gras, c’est qu’mon père était du genre fier… Fallait pas l’vexer l’vieux Tytos Nerbosc. Fier et casse-burnes ! À douze ans, j’ai pris un baluchon, mon épée d’entraînement, et j’me suis vite cassé de Corneilla. J’étais pas un chiot obéissant, de nature, j’étais pas bien commode… J’écoutais rien, j’me suis mis à boire un peu trop tôt peut-être. Ou p’têt que je tiens ça de mon père. Il a la tête dure, ç’ui-là. J’ai fait le tour des Sept Couronnes – y’en avait sept, avant. Avant tout ça, là. Avant tout l’bordel des rois, des dragons et des Autres. Boh, pourquoi j’le précise… Z’êtes pas si jeunes, hein ! Haha !Il claqua les fesses d’une des prostituées installées sur ses genoux.
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Bref. J’suis revenu à Corneilla, deux ans plus tard environ… Hé, j’vous raconte pas la tête qu’a fait mon père – magique. Il a hurlé comme jamais. Un vrai porc qu’on égorge. On m’a envoyé à Beaumarché… Fallait que je rentre dans l’rang. Que je me « raisonne », comme y disait, l’autre vieux. Je suis devenu écuyer… Bah, vous savez, ça a pas duré ! Ressers-moi, murmura-t-il soudain.
L’une des femmes remplit sa coupe vide. Il la porta à ses lèvres et étouffa un rire qui éclaboussa de vin ses deux compagnes.
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Hahaha, écuyer…, rit-il.
Le lord Desdaings, ben il a pas réussi à me faire rentrer dans l’rang, haha ! Le jour où il m’a pris à essayer de courtiser sa femme… Hé, fallait pas la laisser traîner là, comme ça, sous mes yeux… J’étais jeune, pas aveugle. L’lord Desdaings, il m’a renvoyé à Corneilla avec un beau coquard. J’l’avais pas volé, haha ! Et le plus drôle… Ben c’est qu’mon père m’en a fait un deuxième, de coquard. « Raton laveur », qu’on m’a appelé. Mais bon, je suis peut-être allé un peu loin, parce que mon père y rigolait plus… Me déshonorer. Quelle idée à la con, nan ! Bah, j’ai b’en été forcé de rentrer dans le rang. J’ai t’nu deux ans, quand même ! Je buvais moins, j’étais présent à Corneilla et je… Bah, nan, l’mensonge c’est pas beau. J’étais pas devenu monogame pour autant, hahaha.Il écrasa une larme hilare qui coulait à son œil, rebut une goulée de vin.
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Bon, comme j’vous l’ai dit, j’ai pas tenu longtemps… Chassez le naturel, vous connaissez… Je suis retourné en vadrouille. J’ai voyagé un an à travers Westeros, c’que c’était bien. Mais fallait bien que j’rentre, hé, j’allais pas laisser mon couillon d’frère prendre ma place. J’ai un minimum de fierté. Et cette fois, j’suis resté longtemps ! Trois ans… J’ai appris comment on gérait un fief, comment on était seigneur – par tous les foutus dieux qu’c’était chiant ! Mais bon, un point positif : j’étais saoul la moitié du temps. Au tournoi de Castral-Roc, en… heu… 295 je dirais… J’ai remporté quand même deux ou trois joutes, hé ! Pas si mauvais l’chevalier. Bon en même temps, j’étais sobre, hahaha. Pendant trois ans, je vadrouillais à gauche et à droite, mais je repassais souvent par Corneilla pour dire à mon père que j’étais pas sérieux, mais qu’j’étais là ! J’ai été adoubé, aussi – je sais même plus pourquoi… ou comment, ou par qui… Mais j’suis chevalier, moi, mesdames !Il éclata d’un grand rire et tangua sur sa chaise.
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Vous êtes saoul, messire, souffla l’une des filles en riant.
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Ouais, ouais…Il caressa mollement sa joue, effectivement, il avait peut-être un peu abusé sur la boisson. Il ravala une gorgée de son vin et toussa en reprenant.
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L’pire, c’est en 298. J’essayais de me tenir tranquille, hé, j’vous le promets, j’ai presque r’en bu pendant au moins un mois ! Et là, t’as une femme qui se ramène aux portes de Corneilla… Une gosse de trois ans dans les bras. Et là, elle me dit « Voici Taela, votre fille… Taela Rivers. » Alors moi, j’ai cru à une blague, j’me retourne vers mon père, je pense qu’il me teste… Je me prends une torgnole ! Bah, j'l'ai reconnue hein...Il hurla de rire et s’étouffa dans son vin. L’une des prostituées le resservit encore, il la remercia d’un clin d’œil et pressa l’une de ses fesses de sa grosse main.
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Bon, autant vous le dire, j’étais dans de beaux draps… Alors je m’en vais. J’ai bien cru que mon père allait m’tuer. Du coup, j’ai encore pris la fuite. Je venais de partir, j’étais dans une auberge pas loin de Corneilla – j’avais soif – et là… Là, j’entends que les Tully ont levé leur ban. C’est la guerre. Je pouvais pas partir. Pas cette fois-ci. Alors je suis rentré, je me suis battu, j’ai connu la guerre, la mort. Puis pour le mariage d’Edmure Tully avec la fille Frey, là, la jolie, Rosalin ou j'sais pu… C’est mon frère, Lucas, qui est allé représenter ma famille. « T’en es pas digne », qu’il a dit, mon père. Vieux bouc qu’il était. On a vu c’que ça a donné les Noces Pourpres. Mon pauvre frère, Lucas. Il aurait fait un bien meilleur seigneur que moi et j’ai beaucoup regretté qu’on se soit tant méprisés. Mais bon, j’vais pas m’mettre à chialer pour des vieux fantômes. Et là… Du vin !On le resservit. Il rebut avant de reprendre.
—
Et là, alors que la guerre est finie, t’as ces putains de fils de pute de… Pardon, mesdames. Y’a ces putains d’enfoirés de Bracken qui viennent nous assiéger. Six mois. Six putains de mois. Et mon p’tit frère, le Robert, oh qu’il était frêle ce gosse. L’est mort pendant le siège.—
Il s’est fait tuer, messire ?—
Non, il a eu la chiasse !, éclata-t-il de rire.
Boh, je devrais pas en rire. Il était faible, ce marmot… Mais bon, j’y peux rien moi. Au bout de six mois de siège, y’a le Régicide qui se pointe avec sa main en moins, et qui exige qu’on ploie le genou. Je voulais pas, on aurait dû se battre jusqu’au bout, on aurait… Putain. Mon père a ployé le genou. Il a ouvert nos portes et m’a défendu de me battre. On a dû céder des terres, beaucoup de terres, à ces connards de Bracken. Puis mon frère Hoster a dû partir pour Port-Réal pour y être gardé comme otage par la Couronne. « En gage de notre respect » bande de…Il étouffa ses mots fleuris dans son épaisse barbe.
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Enfin bon, la guerre était finie. Alors je suis parti, pendant plus de deux ans – Westeros, Essos, j’ai vu beaucoup de choses. J’ai rencontré du monde. J’ai fait tous les bordels possibles, j’ai goûté à bien des vins et bien des bières. C’était l’bon temps. D’ailleurs, j’aurais p’tet dû rester à Lys, haha ! Mais bon, j’devais rentrer. L’héritage, le devoir, l’honneur… Mon père m’aurait maudit si je l’avais pas fait. Je suis revenu, encore. Mon père m’a encore menacé de me déshériter. Mais cette fois-ci, c’était du sérieux. Le vieux Tytos aurait tout fait pour préserver son précieux honneur. Alors j’ai dû faire mes preuves. Je suis parti pour le Nord, j’ai combattu les morts… Jamais r’en vu de si terrifiant. Enfin si, p’tet bien le dragon. Ce monstre affreux, là, j’voulais pas le voir plus longtemps. Puis leur guerre me concernait pas… Alors, je suis reparti. Encore. J’y pouvais rien : rester paisiblement à Corneilla, le cul vissé derrière mon bureau à faire les comptes et… Oh, j’ai mal au crâne rien qu’d’y penser, les dieux m’en préservent.Son visage s’assombrit soudain, il finit son verre d’une traite. Quelque chose avait changé, dans ses yeux. Ils ne pétillaient plus de leur éternel air rieur.
—
Quand j’suis rentré, c’est pas mon père qui m’a cueilli. C’est ma mère. Une grande baffe dans la gueule. Puis j’ai su. Mon père avait tué Jonos Bracken, son ennemi de toujours, et il pourrissait dans les geôles de Vivesaigues. Alors j’ai immédiatement pris un cheval et je suis parti à Vivesaigues réclamer justice. Je voulais juste la libération de mon père, mais cette tête de bite d’Edmure Tully a refusé net. « Votre père est coupable d’un crime » blablabla… Quel con ç’ui-là. Alors depuis, bah, j’suis forcé de prendre mes responsabilités.Il claqua les fesses des deux filles en même temps, tout en se levant. Elles rirent aux éclats pendant qu’il se rattrapait maladroitement à la table au centre de sa tente. Bon sang, mais combien de verres avait-il bu ?
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Et donc, messire ? gloussa l’une des filles.
Pourquoi nous racontiez-vous tout ça ?—
Oh, heu… J’suis plus sûr. J’étais un bébé dodu, voilà, je crois qu’c’était par rapport à ça !Se rendant compte de sa bêtise,
Brynden éclata d’un rire tonitruant. Il allait se resservir du vin quand quelqu’un ouvrit le battant de sa tente. Il reconnut son frère cadet, Hoster. Depuis la fin du règne des Lannister, il avait retrouvé sa liberté et désormais, il assistait
Brynden dans la gestion de leur fief. Il fallait dire qu’il était bien plus studieux que lui.
—
Qu’est-ce qu’y veut, l’raton ?—
Bon sang, Brynden ! Tu es attendu sur la lice. C’est à ton tour de jouter.Brynden tituba en avant pour saisir son casque. Il trébucha dans un cliquetis d’armure, maugréa quelques insultes dans sa barbe et, finalement, rit de lui-même. Si son père le voyait…
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