Chain me up ✧ Brynden Nerbosc

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Les rires, les chants, les bruits de chopines qu’on entrechoque. Brynden se plaisait dans cette ambiance de fêtes, et il ne se sentait jamais plus à sa place que dans une taverne. Ainsi, durant son séjour à la capitale, c’était ici qu’il se ressourçait. Il réchauffait son corps et son cœur de bon vivant dans la chaleur des parties fines d’auberges de la capitale, ici au moins, on savait s’amuser. Il beuglait en chœur les chants et levait sa chope avec plaisir, et quand sa chope était vide, il en resservait aussitôt une nouvelle. Il dilapidait son argent dans ces sauteries dont il se faisait l’organisateur.

Ici l’alcool coulait à flots et les putains dansaient, lascives, affichant des sourires immenses qui appelaient à des baisers et plus d’or.

— Bryn, Bryn !

Il se retourna en râlant. Flanqué de Tywin Mouton, son écuyer, son cadet Hoster venait de débarquer dans la taverne. D’un geste, un seul, il désigna le bordel ambiant d’un air scandalisé. L’Ours lui répondit d’un sourire badin tandis que son jeune frère le rejoignait.

— Tu n’as pas les moyens d’organiser ce genre de… de sauterie !
— Allons, l’Raton, je ne suis que le mécène du plaisir ! rit grassement Brynden.

Et l’Ours commença à lister tous les bienfaits de ce genre de fête : il apportait de la joie et de la chaleur, consolait les cœurs et… Et il ne finit pas sa phrase puisqu’une putain s’était assise sur ses cuisses et qu’Hoster repartait déjà en l’insultant. Brynden n’en sourit que plus, parce que la belle fleur installée sur ses genoux lui plaisait bien. Il la chassa le temps de se resservir une chope – et encore une autre – et il ne les compta bientôt plus, ivre mort.

C’est alors qu’une femme à l’exotisme inégalable s’approcha de lui. Il voyait flou, presque double, mais apprécia tout de même son charme. Son sourire se creusa, animal et enfiévré, tandis qu’elle effleurait la peau de sa nuque. Sa chope était vide.

— Mon seigneur va remplir plus que votre chope ! lâcha-t-il dans un rire gras.

Il tenta de l’aider dans sa détresse, remplissant le contenant de bière, il la fit mousser, en renversa la moitié… Puis lui tendit la chope d’un geste maladroit en lorgnant sur ses seins.

— Je suis curieux de connaître vos méthodes de… remboursement.

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La demoiselle, le sourire charmant creusant ses lèvres, s’installa sur ses genoux et Brynden ne put que laisser sa main libre se balader un peu sur ses hanches. Esclave de ses bas instincts, trop ivre et aussi trop naïf pour déceler l’hypocrisie de sa jeune compagne, il se laissait seulement guider par ses bas instincts. Plus encore quand elle susurra à son oreille, la voix langoureuse, et lui qui n’était pas le plus riche des nobles aurait salivé s’il avait été un chien – la nuit serait gratuite.

Il en fallait peu pour contenter l’Ours, généralement : un chope de bière, des rires, des chants, des gens qui gueulent, et une paire de seins, et le voilà au paradis.

— J’ai hâte de voir ça, baragouina-t-il de sa voix, à peine audible, d’homme ivre.

Alors il prit sa main, pas méfiant pour un sou, lui emboîtant le pas avec plaisir malgré ses jambes chancelantes. Il songea alors, quand il éructa entre ses lèvres pincées d’un sourire béat, qu’il avait beaucoup trop bu. Puis en lorgnant sur les fesses qui se trémoussaient devant lui, il trancha sur la question : ce n’était pas bien grave. Oui, certes, il devait normalement quérir l’aide de la Couronne pour rétablir la situation fâcheuse de sa maisonnée.

Mais bon, si Tytos devait encore passer une journée de plus dans les geôles froides de Vivesaigus, était-ce si grave ? Avec un peu de chance, ça lui apprendrait la diplomatie et il cesserait de traiter son fils aîné de crétin. Celui-ci ricana dans sa barbe en y songeant. Ils entrèrent dans une chambre de la cave et la jeune femme le poussa contre le lit. Brynden l’accueillit avec plaisir sur lui et puisqu’elle descendait le long de son corps, il passa un bras derrière sa nuque et afficha le plus immense des sourires.

L’instant était parfait… Il ferma les yeux. Il ne devait pas s’endormir, non plus, alors il les rouvrit et hoqueta de surprise. Un poignard contre sa gorge, Brynden se mit à penser à toute allure. Des pensées qui se bousculaient dans un capharnaüm parfaitement indicible. Il avait la sensation que sa tête allait exploser et alors, il ne sut que soupirer avant qu’un coup contre son crâne ne le libère de toute inquiétude : il plongea dans un profond, très profond sommeil.


Il cilla. Sous son postérieur, il sentait le sol de bois qui mouvait, et cela ne lui disait rien qui vaille. Ses souvenirs étaient flous et il se demandait si la belle sirène au poignard avait réellement existé ou si, un peu trop bourré, il l’avait imaginée. Dans l’obscurité et avec ses yeux épuisés, il ne voyait rien, alors il voulut se lever. Prenant conscience que ses mains étaient attachées dans son dos, Brynden sursauta. Merde ! Il hésita sur ce qu’il devait faire. Parce que le tangage sous lui était celui d’un navire et qu’il n’avait aucune foutue idée d’où il était, de ce qu’on attendait de lui et…

Il songea à sa famille : que deviendraient-ils sans lui ? Enfin, en soi, il était sans doute l’un des pires seigneurs du Conflans et Hoster serait bien meilleur à sa place, mais… mais ils n’allaient tout de même pas le laisser là, hein ? Non ?

…Si ?

Alors Brynden commença à s’agiter, tirant comme il le pouvait sur ses liens en espérant parvenir à se libérer. Parce qu’il craignait que ses cons de frères ne fassent rien pour lui – puisque lui-même ne foutait pas grand-chose pour eux. Des grognements bestiaux entre les lèvres bougonnes, il tirait et tirait dans l’espoir de pouvoir juste s’enfuir et puis… Et puis, arrêter de boire autant, sans doute.

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Quand quelqu’un approcha, l’esprit encore embrumé de Brynden songea à user de sa force pour peut-être le faire tomber. Mais quand il vit un colosse, comme lui, il grommela brièvement. Une main immense attrapa ses cheveux, l’Ours ronfla un peu – les effluves de l’alcool embrumaient encore son esprit, et surtout il se sentait humilié d’être attrapé ainsi, comme une poupée de chiffon. Habituellement, c’était plutôt lui qui s’amusait à outrager les autres par de multiples petites humiliations. Il trouvait ça drôle, il lui suffisait de poser une grosse main menaçante sur quelqu’un pour que celui-ci craigne pour sa vie, et cette fois-ci, la position était inversée.

Il détestait ça. L’autre voulait lui refaire la face ? Quelle journée de merde. Une autre voix éclata parmi l’obscurité, et Brynden la reconnut après quelques secondes : c’était la catin qui l’avait piégé. Catin qui lui sauva le cul, donc peut-être pas tant une catin que ça… L’autre colosse, Orrick a priori, le lâcha pour se retourner. Tandis que les deux couillons s’engueulaient, Brynden tenta encore de tirer sur ses liens, mais rien à faire.

Orrick se retourna de nouveau vers lui, le détacha et le releva. L’Ours réfléchit – un coup de poing dans la gueule pouvait peut-être lui offrir la liberté ? Ses pieds maladroits sur le bois du navire le rappelèrent à une triste réalité : il n’avait aucun foutu équilibre sur un navire. Il resta docile, à contre-cœur. D’autant plus tandis que la jeune catin lui expliquait qu’ils se trouvaient en pleine mer.

Il réprima un soupir, suivant docilement ses geôliers jusqu’à une cabine. Là, on lâcha Brynden. Le colosse ayant disparu derrière la porte refermée, l’Ours se retrouva cerné par trois paires d’yeux. Il les regarda un à un, les dévisageant en évaluant ses chances de fuir. Aucune chance…

Celui qui l’apostropha lui rappela le coup porté à son crâne, faisant ressurgir sa migraine par sa simple évocation. Brynden se laissa tomber dans le fauteuil qu’on lui proposait – cette situation l’emmerdait royalement. Il laissa l’autre parler – il parlait beaucoup trop, merde – et quand ce fut son tour, il commença par un profond soupir.

— Qu’est-ce que j’ai fait ?

Ce fut la première chose qui lui vint à l’esprit. Est-ce que Hoster avait payé ces gens pour qu’ils lui apprennent à se saouler ainsi ? Ou peut-être avait-il oublié de payer le tavernier dont il avait retourné l’établissement ? Brynden était connu pour ses frasques – alors se retrouver ici ne le surprenait pas tant que ça. Ça l’emmerdait, mais il n’était pas outré. Il se passa une main sur le visage.

— Je sais pas quel connard vous a payés pour faire ça, mais si c’est le tavernier, il faut avouer que sa bière était vraiment dégueulasse. C’était lui rendre service que de lui dire qu’elle avait un goût de pisse.

Nonchalant, pas si inquiet puisqu’il songeait à une mauvaise blague ou une leçon de ses frères, il haussa les épaules pour appuyer ses propos. Il massa ensuite ses tempes.

— Du coup, qui c’est qui vous a embauchés ? Hoster ? Nan, trop sage. Laissez-moi deviner, c’est ce petit connard de Desmond. Il va m’entendre çui là.