[PORT REAL] Au pays des merveilles | Nymeros [Terminé]

Au pays des merveilles

Nymeros Antaryon

Rowena sourit, Nymeros avait le chic pour lui remonter le moral en toute circonstances, il était tellement gentil. Quand des mots sortaient de la bouche d’Eddara ou Megalis, c’était toujours pour la blesser, leurs mots étaient comme des lames acérées, leurs langues de vipères comme un poison qui lui faisait perdre toute joie de vivre. Heureusement, elle en avait à revendre et ne se laissait pas abattre si facilement, la joie revenait toujours, c’était son salut, sans cet enthousiasme qui faisait battre son cœur et qui lui donnait l’élan pour avancer, elle serait certainement déjà morte. Les mots du Braavien, à l’inverse, étaient comme une caresse, comme les plaisanteries de Willos ou l’amour discret mais immuable de sa mère. Cela faisait un bien fou et avec les histoires de contrées lointaines, elle l’aurait écouté parler des heures durant.

__ C’est peut-être dans le cœur, mais encore faut-il savoir naviguer. Voyez comme je suis gauche avec une barre entre les mains.

Elle soupira alors que l’Antaryon posait ses mains sur les siennes pour la guider. Cette sensation aussi était des plus douces et elle se prit à rêver de le suivre au bout du monde. Il n’était pas n’importe qui, elle pouvait espérer, mais au-delà de ces doux mots et de sa gentillesse, serait-il vraiment intéressé ? Elle en doutait, comment le capitaine d’un navire marchand qui avait visité les deux continents pouvait-il tomber amoureux d’une jouvencelle westerosi qui avait passé la majeure partie de sa vie dans sa chambre à Belcastel. Et si par hasard, cela arrivait, il lui faudrait encore convaincre sa propre famille de la laisser partir.

__ Persiâcre.

Répéta-t-elle pour se souvenir du nom et ne pas le prononcer n’importe comment à nouveau. Puis, émerveillée par l’histoire de ce vin venu d’ailleurs, elle s’exclama :

__ Astapor ? Ohhh.

Fit-elle enchantée de goûter une boisson venue d’aussi loin même si elle ignorait ce qu’était un kaki. Elle ne pouvait décemment pas étaler son ignorance devant un homme aussi cultivé, alors elle tût cette lacune et se retourna pour lui faire face avec un sourire malicieux.

__ Je veux bien goûter, mais un tout petit peu. L’alcool ne me réussit pas.

Sublime, oui, c'était le bon mot. Écoutant ses paroles et plongeant dans ses yeux océan, Rowena se sentait vivre plus fort que jamais, voyager plus loin qu’elle n’était jamais allée, et ce sur une mer d’un calme serein avec un douce brise sur son visage.

Au pays des merveilles

Nymeros Antaryon

Nymeros était vraiment trop gentil. C’était vrai, personne ne lui avait appris à naviguer, encore moins à diriger un équipage, mais elle ne s’en sentait pas capable. Pour commander il fallait un peu de caractère et d’autorité, elle n’en avait pas une once. Elle sourit néanmoins aux propos du jeune homme et préféra taire les raisons pour lesquelles elle n’y croyait pas. A quoi bon lui dire que sa famille l’avait ignorée des années durant, lui préférant sa sœur aînée, plus douée et plus belle en tout point. A quoi bon lui dire que Megalis et Luthor l’avaient martyrisée toute son enfance et continuaient encore à présent de lui envoyer des piques sur son manque de charisme, sur sa naïveté trop visible, sur sa bêtise et sur le fait qu’avec ce caractère trop doux, elle n’était pas une vraie Farman. Insinuaient-ils qu’elle avait été adoptée ? Repêchée dans la mer ou échouée sur les côtés de Belle-Île, elle n’avait en tout cas jamais eu l’impression de faire pleinement partie de cette famille. Mais le voulait-elle seulement, la rage qui habitait les résidents de Belcastel ne lui faisait pas envie, elle ne voulait pas devenir comme eux. Même si la solitude, parfois lui pesait plus qu’elle n’aurait voulu l’avouer.

Optimiste convaincue elle aussi, elle l’était plus pour les autres que pour elle, elle pensait que sa famille avait certainement de bonnes raisons d’être comme elle était, elle pensait que sa sœur se montrait méchante avec elle pour son bien, pour l’endurcir, qu’Edarra était cassante pour que tous donnent le meilleur d’eux même. Mais elle avait un espoir pour elle, se marier avec un homme aussi gentil qu'elle et qui saurait apprécier la tendre ingénuité de la blonde. Alors bien sûr, quand elle écoutait Nymeros, elle ne pouvait que voir la lumière qui émanait de lui, elle ne pouvait que s’émouvoir de la douceur dont il faisait preuve à son égard et elle ne pouvait que croire qu’il était celui qui la libérerait du sombre carcan familial et des desseins vengeur de la grand-mère. Et dans les regards qu’ils échangeaient, dans les sourires de la Perle de mer, il y avait cet espoir, et elle se sentait plus vivante que jamais avec les mains posées sur la barre de l’astucieux et celles de l’Antaryon sur les siennes.

C’est avec enthousiasme qu’elle posa gracieusement sa main dans celle du Braavien pour le suivre afin de goûter ce vin venu d’ailleurs. Elle ne connaissait pas grand chose, et moins encore que ses frères ou sa sœur parce que ses parents, bien qu’ayant pris grand soin de son éducation, ne la destinaient pas à un grand avenir comme pour Megalis. L’histoire du continuent Essosien et de ses traditions était un enseignement bien inutile pour une jouvencelle Westerosi, elle en connaissait cependant les grands noms et avait lu tout ce qu’il y avait à lire au sujet des Cités Libres dans la bibliothèque de Belcastel. Mais pour ses parents, elle devait plutôt se concentrer sur l’héraldique du continent et sur les cours de maintien, de danse, de musique, de broderie et de couture. Elle devait devenir une jolie poupée qu’on pourrait vendre pour sceller une alliance, une femme malléable et obéissante à merci. Et elle l’était. Sage, docile et manipulable. Pas un mot plus haut que l’autre. Le parfait pantin de la vengeance familiale. Pourtant sa soif de découverte et son amour pour la vie continuent d’animer la flamme dans ses prunelles.

__ Merci.

Fit-elle avec un grand sourire pétillant quand, une fois descendu sur le pont inférieur, Nymeros lui tendit une coupe en argent avec un fond de persiâcre. Elle goûta du bout des lèvres, plissa le nez et cligna des yeux. La boisson était bien trop acide pour elle. Elle secoua la tête.

__ Non ce n’est… ce n’est pas mauvais mais… ce n’est pas ma tasse de thé.

Cela n'empêchait pas que, si elle avait eut accès aux finances de sa famille, elle lui aurait acheté tout le chargement juste pour avoir le loisirs de se perdre un peu plus longtemps dans ses yeux. Mais heureusement pour les Farman, elle n’avait que quelques sous en poche, même pas de quoi payer un tonneau. Elle se rendit compte qu’elle fixait le jeune homme depuis un peu trop longtemps et regoûta pour se donner une contenance, et pour être sûre. Même moue et même impression que la première fois. Cette boisson était absolument immonde, mais elle ne l’aurait jamais formulé ainsi.

Dans le ciel, le soleil commençait à décliner, elle devait rentrer sinon, ils finiraient par remarquer son absence et peut-être même par s’en inquiéter. De toute façon, si elle restait plus longtemps avec le charmant Braavien, il allait finir par remarquer qu’elle papillonnait des cils et se perdait un peu trop souvent dans ses yeux bleus.

__ Il se fait tard. Je dois y aller. Merci pour cette visite et… pour la dégustation. Au plaisir de vous revoir Sire Antaryon.

Elle allait quitter le pont, mais avant de monter sur le ponton, elle se retourna.

__ Vous faites escale à Port-Réal combien de temps ?

Demanda-t-elle dans un souffle espérant de tout son cœur le revoir avant son départ.