Re: [Port-Réal] [FB] Les embruns de la colère | Megalis Farman

❛m❝les embruns de la colère❞

303 | lune 3 | semaine 3 | jour 5

ft yara greyjoy

Si Megalis parlerait assurément de sa rencontre avec Yara à sa famille, espérant retrouver leurs bonnes grâces, elle n’évoquerait pas l’idée qu’elle avait posé sur la table. C’était une carte qu’elle gardait bien au chaud dans son esprit, car Sebaston serait bien le seul à comprendre ce qu’elle voulait faire. Les autres, l’esprit étriqué et trop froid, rechigneraient à s’unir aux Fer-Nés. Mais elle savait ce qu’elle faisait et était sûre d’elle. Pourtant, elle réfléchissait : qui vendrait-elle à l’ennemi ? Cette question restait en suspens dans son esprit. Willos ou Criston ? Le premier était plus malléable, en soi… L’autre haïssait bien trop les insulaires. Ainsi, son frère jumeau devenait le choix le plus évident, à première vue.

Heureusement pour elle, la suzeraine des Îles de Fer ne refusa pas. Au contraire, elle souleva l’audace dont faisait preuve l’ouestienne. Le cœur de celle-ci enfla sous l’orgueil et un pâle sourire creusa ses lèvres. Les Farman et autres Belle-Islois pouvaient le renier autant qu’ils le souhaitaient, l’histoire les liait étroitement aux Fer-Nés.

— L’histoire dit que les truites prennent leurs origines chez les poissons de fer, peut-être est-ce là la raison de cette audace ?

Le rictus soulevant une commissure se durcit, elle planta son regard dans celui de la Fer-Née qui semblait vouloir poser ses conditions. Évidemment. Megalis acquiesça calmement.

— Dites-m’en plus sur votre sens, que nous puissions accorder nos filets.

Pour sûr, la Greyjoy restait attachée à son nom, et si l’ouestienne ne se trompait pas, elle était la dernière à le porter. Le seul espoir de le transmettre. Elle réfléchit profondément à l’issue de son plan, si tout fonctionnait, la pérennité du nom Farman serait de toute manière assurée. Une entente devrait être aisée à trouver : union matrilinéaire ou simple accord concernant la descendance, l’idée était que leurs deux familles demeurent alliées. Et si cela était possible, la côte ouest de Westeros leur appartiendrait. Une idée qui la régalait. Elle sourit encore en coin, d’un air frondeur, lorsque Yara se fit plus charmeuse. Elle pouvait bien vanter l’audace de Megalis, elle n’était pas en reste.

— Peut-être un jour, dame Seiche, répondit-elle d’un ton frôlant l’effronterie. Mais il vous faudra me convaincre de votre bonne foi d'abord.

An 303
Lune 3, Semaine 3, Jour 5
@Megalis Farman

Les embruns de la colère

Dans un coin de sa tête, Yara listait les conditions non négociables qui s’imposeraient dans le cadre d’un mariage. Si elle ratait le coche, les Farman risquaient de prendre l’ascendant dans cette alliance qui se profilait, ce qui se retournerait tôt ou tard contre elle. La truitesse qui se tenait en face d’elle, dissimulée dans la foule par ses vêtements de médiocre qualité, n’était qu’un jeune poisson mais elle démontrait d’ores et déjà une ardeur politique surprenante. Dans son entourage se tenait au moins une autre personne dotée du même esprit retors dès qu’il était question de complots, et ce mentor avait l’expérience de l’âge à son avantage.

A l’inverse, Yara était seule. Les Fer-Nés préféraient l’action à la multiplicité des complots et aux coups bas. Ils grimpaient à bord de leurs navires, choisissaient leur cap et menaient leurs assauts sans nul autre pareil. Quelques stratégies politiques s’immisçaient de temps à autre dans la vie des insulaires, mais elles concernaient avant tout les alliances matrimoniales, liées aux enjeux derrière les noms de telle et telle famille. L’objectif derrière n’était pas la chasse à la baleine ; et encore moins la quête du Trône de Fer. A la différence des continentaux, les Fer-Nés choisissaient leur suzerain. Si l’hérédité entrait en ligne de compte, elle n’était qu’un argument au milieu des autres. Yara s’était hissée à cette place avant tout parce qu’elle méritait, et non uniquement parce qu’elle était une Greyjoy.

— Le nom de la seiche, voilà mon exigence première. Mais des œufs de truite ne sont pas à exclure, en gage de sympathie.

Yara aurait pu exiger de conserver le nom des Greyjoy au cours de ce mariage, et imposer ce nom à tous les enfants qu’elle engendrerait. Elle aurait pu, mais elle savait aussi que faire un geste bienveillant envers les Farman améliorerait leurs relations. Elle se montrait ainsi capable de mettre de l’eau dans son vin malgré son caractère bien trempé. Elle se montrait ouverte à la discussion, capable de tourner la page du passé. Elle n’était pas son père, trop vieux pour ouvrir les yeux et accepter le changement.

Toutefois, elle admettait apprécier l’idée qu’un Farman épousât le nom Greyjoy pour le succès de cette alliance.

— La truite rejoindra la seiche, car la seiche ne quitte jamais son corail.

Un Farman élirait domicile à Pyke. Il vivrait à Pyke, aux côtés de sa future épouse si le mariage se concrétisait. Yara ne quitterait pas les Îles de Fer pour le bon vouloir de cette alliance sous prétexte qu’elle était une femme.

— Pour le reste, ce seront des arguments à discuter avec la truite en personne.

Des discussions, peut-être des accords à tisser avec le futur époux pour que leur ‟couple” ne battît pas de l’aile avant même de naître.

Un rire accompagna son sourire face à l’effronterie de la truitesse. Dans la rue ou dans un bouge miteux, elle demeurait noble et droite dans ses bottes, le masque imperturbable. Son mentor des intrigues politiques avait de toute évidence encadré son apprentissage avec une rigueur accrue.

— Vous êtes venue dans un bouge miteux sur mon invitation et sans garde rapprochée, et pourtant, vous repartirez saine et sauve, sans la moindre frayeur. Je suis moi-même venue seule alors que je n’avais aucune garantie de votre part. N’est-ce pas une belle preuve de bonne foi de ma part ?

Yara ne souhaitait pas sa présence à bord de son navire pour la capturer et faire d’elle une otage. Elle préférait côtoyer la dame truitesse dans l’intimité des draps, plutôt que dans une cale derrière des barreaux.

emme

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La première condition tomba, et ce ne fut nullement une surprise. Évidemment, le nom Greyjoy devait survivre. Tout comme le nom Reyne, au final. Megalis était particulièrement compréhensive sur ce point-là, elle acquiesça donc franchement, acceptant sans peine. Elle songea qu’elle-même, le jour où elle se marierait, aimerait garder son nom de naissance. Parce qu’elle refusait de plier face à un homme et ses lois, qu’elle refusait de se détacher de qui elle était – une Farman de Belle-Île, et pas d’ailleurs. La suite, bien que logique, la plongea dans des réflexions plus profondes – celui qui épouserait Yara, si cela se faisait, rejoindrait Pyke et s’y installerait. Megalis songea à son frère jumeau, qu’elle aimait plus que tout, et qu’elle songeait vendre aux Fer-Nés. S’en sortirait-il, là-bas ? Dans ses souvenirs, il était un arrogant, un petit con, un futur chevalier de tournoi. Elle se demanda s’il avait obtenu son navire pour ses seize ans, comme tous les Farman – et comment il l’avait nommé. Étant enfant, il songeait au nom de « Cabotin », qui lui irait comme un gant. Elle ne put s’empêcher de sourire tendrement à cette pensée.

Mais effaça bien vite cette émotion de son visage, se recentrant sur sa conversation avec le Kraken. Elle discuterait du reste avec la truite en personne. Megalis lui cacha qu’elle ignorait encore quelle serait cette truite. L’époux serait choisi le moment venu, entre Willos et Criston. Elle hocha de nouveau la tête et afficha un sourire de circonstance.

— Vos conditions me paraissent tout à fait acceptables. La seiche gardera son nom et la truite rejoindra son corail.

Elle se permit un sourire plus sincère, mordant comme une dague, lorsque Yara évoqua sa bonne foi. Megalis arqua un sourcil rieur.

— Tentez-vous de me convaincre de monter sur votre boutre, dame Seiche ?

Sa langue claqua dans une expression joueuse tandis qu’elle passait un regard vif sur la clientèle de l’établissement. Pour sûr, la Truite sauteuse n’était pas un lieu pour elle, mais elle s’affairait d’étouffer ses craintes pour n’afficher que son masque imperturbable. Elle reposa calmement ses yeux clairs sur la Greyjoy, sans se départir de son sourire.

— Peut-être un jour, reprit-elle la voix plus suave.

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Les embruns de la colère

Aucun accroc ne se frayait un chemin dans leurs négociations. Au milieu du brouhaha ambiant du bouge de la Truite Sauteuse, les deux femmes s’accordaient sur les conditions de cette potentielle alliance avec une sérénité surprenante. Difficile de croire que leurs deux familles s’écharpaient entre elles depuis des décennies alors qu’elles parvenaient à convenir d’un partenariat fort, même si la décision reposait entre les mains du patriarche Farman. Pour Yara, sa décision était déjà en grande partie prise, même si elle comptait en discuter plus amplement avec Corneille, voire avec son oncle pour croiser les différentes opinions. Une telle alliance apporterait son lot de changements, et à terme, l’indépendance tant convoitée par les Îles de Fer.

Sa choppe de bière vide, et les conditions de cette possible alliance posées sur la table, Yara n’avait désormais plus rien à faire ici. Son regard coula vers Megalis, jeune et resplendissante avec ses boucles blondes qui tombaient en cascade sur ses épaules. Yara ne mentirait pas - à quoi bon ? -, la ouestrienne était des plus agréables à regarder, et l’attirer dans ses draps ne la dérangerait pas. Toutefois, elle savait vouloir ferrer là un trop gros poisson pour sa petite barque. La question de la confiance s’interposait avec ses envies, et se précipiter ferait fuir sa proie, rien de plus. Elle devait voir plus grand. Avec la perspective de cette alliance, elle reverrait la douce truitesse, et avec en sa possession cette fois une meilleure preuve de sa bonne foi.

Le regard suggestif, elle se pencha sur la table, regretta un instant ses vêtements qui ne laissaient rien entrapercevoir de sa poitrine, puis souffla quelques mots à la seule attention de la Farman.

— Peut-être.

Yara esquissa un sourire enjôleur, puis se redressa. Elle gardait en tête ce petit jeu pour leur prochaine rencontre, lorsqu’elles se retrouveraient avec le reste des Farman pour discuter plus amplement de cette alliance - et surtout, la concrétiser. Elle comptait bien entraîner Megalis dans ses filets, mais pour l’heure, elle jetait ses appâts.

Elle se leva finalement, repéra du coin de l’œil le mouvement de tête de Corneille qui se fondait dans le décor, puis contourna la table pour se rapprocher de la jeune femme. Yara posa une main sur son épaule, puis combla l’espace qui les séparait pour susurrer à son oreille.

— J’y compte bien un jour.

Le sourire aux lèvres, elle déposa alors un baiser contre la joue de la truitesse avant de se redresser comme si de rien n’était.

— J’attends de vos nouvelles, ma chère truitesse !

Et elle abandonna là Megalis Farman, au milieu de la Truite Sauteuse, avec des rêves d’alliance et de retrouvailles plus intimes.

emme

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ft yara greyjoy

Megalis ne put empêcher un sourire acéré de mordre ses lèvres tandis que Yara se penchait vers elle, elle tentait donc de la séduire, c’était là un jeu aussi dangereux qu’il était intéressant. La Fer-Née posa finalement un baiser contre sa joue avant de la saluer, elle attendrait de ses nouvelles. L’ouestienne répondit d’un simple hochement de tête bienséant et resta quelques secondes encore, assise à la tablée, pour songer à cette rencontre bien étrange. Ses doigts tapotèrent légèrement le bois de la table et elle sut qu’il était temps pour elle de partir. Elle se leva et se fraya un chemin parmi la foule pocharde, abandonnant derrière elle son affreuse bière au goût rance. Elle tâcha de ne croiser aucun regard, avançant la tête basse pour ne rien laisser voir de son attitude trop noble pour ce lieu. Elle retrouva bientôt la fraîcheur de la nuit et les senteurs du port.

Ses pas se pressèrent à mesure qu’elle retrouvait les quartiers plus nobles de la capitale, jusqu’à la mener au Donjon Rouge. Elle parvint à retrouver ses appartements et un sommeil songeur – elle rentrerait chez elle au lendemain. Le bonheur de retrouver son père et son jumeau faisait palpiter son cœur, mêlé à une profonde appréhension de revoir les autres. Que penseraient-ils d’elle après toutes ces années ?

Peu importait, au final. Elle était une Farman. Le resterait toujours. Et était porteuse d’une nouvelle alliance, et sans doute la plus puissante qu’elle ait pu trouver.