[HAUTJARDIN] L'amour est une fumée faite de la vapeur des soupirs ft. Desmera Redwyne

Il sourit en réponse à la question naïve de la demoiselle au sujet du maître d'armes et de Colin-Maillard. Son innocence était partie intégrante de son charme, « Ser Balwer dit que c'est bon pour apprendre à réagir à l'instinct et attraper de bons réflexes en combat. Il dit qu'en combat on n'a pas toujours l'usage de ses yeux... A cause des heaumes et de la fumée. Donc, on a des épées de bois, des clochettes aux chevilles et un bandeau sur les yeux pour s’entraîner. Je suppose qu'ensuite on combattra avec du vrai matériel et sans clochettes... » Mais pour l'instant les pièces d'armures étaient encore trop grandes et trop lourdes pour lui ; et il n'était pas prince pour avoir un harnois complet à sa taille à son âge.

Elle observa ses mains, alors qu'il les lui présentait, il arqua un sourcil inquisiteur, «  La raison d'être des bâtards n'est-elle pas  de servir leur Maison et de la protéger ?! » Il ne se voyait pas d'autre destin.  Il ne voulait pas l'offenser, simplement énoncer une vérité qui était gravée en son coeur. Il n'osa ajouter que Desmera aurait aussi bien pu faire partie de sa famille, elle comptait tant pour  lui, alors même qu'il ne la connaissait guère. Mais il l'aimait, c'était indéniable. Pouvait-on trouver demoiselle plus charmante dans tout le Bief ?! Dans tout le Royaume ?!

Elle le questionna sur son amour de la pâtisserie, et il lui répondit sincèrement. Il fut un peu déçu quand elle refusa qu'il lui présente un plateau de friandises... Sa mère était-elle si sévère ?  Peut-être était-il chanceux de ne point avoir de mère ! Mais ils avaient au moins la myrtille en commun. Il saurait s'en souvenir.  Et nota qu'il devait se méfier de dame Redwyne, concernant les sucreries. Il servit un verre de jus d'abricot pour Desmera et le lui présenta avant d'aller s'occuper du manger.

"Désirez-vous autre chose?"  Par égard pour la demoiselle, Duncan laissa là l'assiette de sucreries qu'il avait composée et pris un autre plat dans lequel il s'abstint poser quoi que ce fut de sucré, se contentant de salé. Il avait toujours eu bon appétit, mais il se servit une petite assiette.

Il allait en proposer à Desmera quand un mouvement derrière elle attira son attention. Dame Redwyne arrivait, accompagnée de deux autres femmes dont Duncan ignorait les noms. Il se sentit tout de suite très nerveux. D'après ce qu'en avait dit sa fille, dame Redwyne avait l'air terrible.

Duncan haussa légèrement les épaules. Dangereux, les combats ? Sans doute, mais c'était là que résidait le plaisir. Quel gloire y avait-il à tirer d'un combat facile ? Aucune, certainement.

« Les combats sont... avez-vous déjà chevauché un cheval au grand galop ?  Ou peut-être dirigé un bateau avec le vent dans vos cheveux et le sentiment d'être vivant ? D'être là où vous devez être ? C'est cela les combats, pour moi. » Il ne serait jamais seigneur, mais il pourrait être un excellent guerrier.

Il était reconnaissant à Desmera d'avoir eu la gentillesse d'oublier ses origines, car lui ne les oubliait jamais. A vrai dire, il n'avait rien à faire dans la bonne société. Il avait simplement eu la chance d'avoir un père aimant. Il hocha la tête en signe d'assentiment et alla lui servir à boire. C'est alors qu'il aperçut des dames s'approcher d'eux, et l'une d'entre elle, à la robe mêlant les broderies de raisins et de roses, devait être la terrible mère de la demoiselle. Elle était magnifique et possédait la grâce et la prestance d'une princesse de sang royal. Le jeune écuyer recula instinctivement d'un pas, et déposa l'assiette  qu'il avait en main avant d'essuyer ses mains sur le revers de sa tunique. S'il avait pu, il se serait fondu dans le décor. Desmera s'éloigna quand sa mère l'appela, avant de venir le chercher sur ordre de Dame Redwyne.

Il espérait sincèrement ne pas se faire sermonner, ou pire faire honte à Cendregué. Où était son frère quand on avait besoin de lui ? Un regard circulaire lui montra Jansen en grande discussion avec d'autres jeunes en livrée Tyrell, les écuyers de Messire Mace, sans doute et leur Père, le seigneur Cendregué. Il envoya un regard à son frère digne du lapin qui a sa patte prise au piège alors que le renard approche, avant de carrer ses épaules et de montrer une contenance un peu plus sûre de lui.

Le plaisir d'avoir la demoiselle à son bras rivalisait avec la crainte de la rencontre à venir. Elle le lâcha bien trop vite et il s'inclina profondément devant Dame Redwyne et ses compagnes. Elle le remercia d'avoir protégé sa fille, alors même que Duncan avait peur qu'elle ne lui reproche de l'avoir mise en danger en l'éloignant des musiciens... Il releva les yeux, sans oser la regarder en face, néanmoins. Elle continua en le félicitant de ses prouesses martiales. Il ne put s'empêcher de bomber légèrement le torse en répondant maladroitement,

« Ah ! Je... euh... Merci, ma Dame. » Il chercha la chose polie à répondre, « Mon épée est à votre service ma Dame,... mesdames... » corrigea t-il en regardant brièvement les dames de compagnie et Desmera. Et en s'inclinant devant elles également, « J'ai encore beaucoup de travail à faire avant d'égaler les chevaliers du Bief. »

Il pouvait voir d'où la demoiselle tenait son charmant sourire, celui qui lui donnait tellement l'impression d'être stupide et empoté, et qui semblait connaître tous ses secrets. Il ne savait trop que répondre de plus, quand Jansen finit par le rejoindre. Il salua Dame Redwyne et les autres dames avec une grâce et une assurance que Duncan lui enviait infiniment. Après quelques compliments joliment tournés, il finit par parvenir à s'adresser à Duncan, « Père te demande. » Duncan entendit la tristesse dans la voix de son frère, et ... un peu de peur ? « Les chevaux sont prêts. » Ah. Duncan hocha la tête en signe de compréhension, son frère allait devoir rester seul ici alors qu'eux repartaient à Cendregué. Comme il le comprenait. Mais il l'enviait un peu aussi. Il s'approcha des dames pour les saluer, en espérant se montrer un peu plus doué que pour leur arrivée. « Mesdames, merci pour votre charmante compagnie, j'espère vous revoir bientôt. » Il pensait certes plus à la fille qu'à la mère en le disant, mais ce n'était pas elle qu'il regardait. « Père me fait demander, et je dois m'occuper des chevaux... » Il vérifiait toujours le travail des valets ou des palefreniers avant que son père ne monte en selle ; question de sécurité. Il leur lança un dernier sourire avant de suivre Jansen en direction des écuries. Il espérait que le porc avait bien été rattrapé.