[BRAAVOS] “ The brightest flame casts the darkest shadow ” ❃ Henosha [TERMINÉ]

Confuse ? Non, elle ne l'était en effet pas vraiment, mais l'esprit était tout autant une chose aisément manipulable qu'un manipulateur hors paire. Vous pouviez vous autant convaincre de quelque chose, pourvu que vous y croyiez fort, très fort, et que vous vous refusiez à vous ouvrir à tout ce qui entrait en opposition et en contradiction avec votre certitude. De la même façon, votre propre esprit pouvait vous perdre dans des méandres qui ne devraient pas avoir lieu d'exister, vous tourmentant encore et encore, la nuit et le jour, se faufilant insidieusement en vous sans vous laisser un seul instant de répit. Le tout était sans doute de trouver un équilibre, un point de tension où aucun des deux plateaux de la balance n'en viendrait à l'emporter sur l'autre. Ce n'était pas toujours compliqué, mais ce n'était pas non plus une tâche éternellement aisée. En la circonstance, Nesaleah savait ce qu'elle faisait, ou tout du moins avait-elle conscience du fait qu'elle n'était pas confuse, et qu'elle tentait de se manipuler elle-même. C'était une bonne chose, sans doute, ou peut-être était-ce même pire, puisqu'elle agissait en toute connaissance de cause sans vouloir visiblement faire machine arrière : elle ne pourrait donc rejeter le blâme sur qui que ce soit ou quoi que ce soit d'autre qu'elle. “ Vous trouvez ? ” Ça alors ... Étrange, très étrange ...

Fut-ce le poids de l'adversité venant brusquement tomber sur ses épaules, ou les prières promises par la prêtresse de R'hllor eurent-elles aussi leur incidence ? Quoi qu'il en était, c'était comme ouvrir les yeux sur le fait que le mensonge allait devoir tenir bon, car il était hors de question que Nesaleah en vienne à révéler à qui que ce soit qui était le père de son enfant à venir. Ou qui R'hllor semblait désigner pour père. Cela reviendrait à devoir tenir la distance, dans un travail de longue haleine, avec une vigilance éternelle, et ... Et le fait de devoir cacher la vérité en regardant Rhysand droit dans les yeux. Rhys', pour commencer, et puis tout le monde. Et ce bébé, aussi, quand il serait né. Mais il n'était pas question qu'il puisse en être autrement, la jeune femme ayant tout à y perdre et presque rien à y gagner. Et par delà tout cela, il y avait les deux familles concernées, la sienne, évidemment, qui se trouvait également être celle de son frère, bien entendu, mais également celle des Antaryon. Celle de Nymeros. En un instant où la flamme de vie de Ferrego, Seigneur de la Mer, n'était pas sans chanceler, encore et encore, Nesa' se refusait à offrir quelque force de frappe au creux des mains de Belicho pour faire taire les siens ou s'enorgueillir d'une nouvelle fierté qui n'était pas directement la sienne.

Alors les larmes menacèrent quelque peu de poindre dans les yeux de la jeune femme, qui les chassa rapidement du bout des doigts. “ La fumée ... ” Oui, bien sûr, la fumée ... La fumée et rien d'autre. D'autres questions, elle en avait plein le crâne, mais elle ne saurait pas où commencer, s'il fallait d'ailleurs vraiment commencer. Elle craignait que cela ne soit comme ouvrir une valve qu'elle ne saurait ensuite plus refermer ... Pour autant ... “ Y survivrais-je ? ” Cela pouvait tout autant être perçu comme en rapport avec sa grossesse, puis l'accouchement, en eux-même, que métaphoriquement. Survivrait-elle au fait de devoir mentir à son frère, à son amant, à l'autre partie d'elle-même ? Survivrait-elle au chaos qui pourrait bien exploser s'il apprenait, un jour, qu'elle le bernait ?

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Visiblement, elle ne dupait pas son interlocutrice, loin de là, puisque celle-ci lui réaffirmait combien elle ne semblait pas confuse du tout, contrairement à ses dires. D'ordinaire, Nesaleah était bien plus douée pour la duplicité, ou tout du moins pour ne jamais montrer ce qu'elle ne souhaitait pas montrer. Certains appelaient ça de la manipulation et du mensonge, ce qu'elle trouvait être des morts forts sans pour autant nier le fait qu'elle était experte en la matière. Quoi que ... Sous certains aspects, la dissimulation n'était en rien du mensonge. Pou autant, présentement, elle n'y était pas du tout si la prêtresse de R'hllor était loin d'être dupe. Ce qui pouvait être mis au compte de la surprise ou bien du choc qu'offrait la réalisation qui était née dans un coin de son esprit et qu'elle tentait d'ores et déjà d'étouffer et de faire taire. D'ici à annoncer cette grossesse à Rhysand, et absolument pas à Nymeros évidemment, elle aurait bien le temps de forger une carapace inviolable autour de la vérité, et d'affûter son esprit pour se convaincre qu'elle agissait pour le mieux. Et que le fait que R'hllor semble indiquer que son cousin était le père du bébé n'était qu'une possibilité, et en rien une confirmation, lui permettant donc de s'engouffrer dans la brèche de l'incertitude pour l'agrandir au maximum et faire que rien d'autre que la paternité de son frère ne puisse être la vérité.

Pour autant, il y avait de ces choses allant au-delà de la préoccupation de savoir qui entre ses deux amants étaient parvenus le premier à lui faire un enfant. Il y avait la bonne santé du bébé jusqu'à l'accouchement, sa bonne santé à elle, aussi, le fait que l'accouchement se passe bien pour tous les deux, que ce soit sur le moment ou dans les jours qui s'en suivraient. Un nombre d'autres préoccupations devaient s'ajouter à la liste sans qu'elles ne lui viennent pour autant immédiatement à l'esprit. Et d'autres préoccupations qui ne le lui effleureraient jamais et qui n'en viendraient pas à la concerner. Elle avait déjà eu un enfant, une petite fille, prénommée Nileah, elle connaissait donc la marche à suivre et les chemins de traverse qui seraient empruntés pour justifier l'arrivée d'un nouvel enfant au sein de la Famille Prestayn. Pour sûr, Rhysand le ferait également passé pour sien et uniquement sien, aux yeux du monde s'entendait, et la mère ne serait ni nommée ni clairement identifiée. Ce qui, dans les faits, ne poserait aucun cas de conscience à la jeune femme, car l'essentiel était que, tout comme Nileah, ce bébé aurait une mère, la vraie, auprès de lui. Toutefois, dans la perspective où R'hllor ne se trompait pas dans son signe, cela reviendrait à dire que les parents officiels et les parents officieux de ce bébé ne seraient absolument pas les mêmes ...

Préférant se focaliser sur des préoccupations ne lui posant aucun cas de conscience, la jeune femme ne se sentit pas particulièrement sereine quant à la réponse que lui offrait son interlocutrice. “ Je survivrais ... ” Elle se le répétait dans le vide, un peu pour elle-même, percevant alors le fait qu'une nouvelle fois, elle allait avoir la preuve qu'enfanter était un labeur non sans danger pour les femmes, surtout quand, comme elle, on souffrait de certains troubles de coagulation du sang ... Mais tout avait un prix, et lorsque Nileah était née, toutes les épreuves et angoisses qu'elle avait pu traverser s'étaient immédiatement envolées dès lors qu'elle avait tenu sa fille dans ses bras. Pour sûr, cette fois encore, ce serait la même chose, ce qui ne signifiait en rien qu'elle se réjouissait déjà du périple à venir. Il était en tout cas étrange, en elle, de se laisser convaincre par ces dires là tout en rejetant les précédents, comme si elle se permettait de choisir ceux qui, dans les signes de R'hllor, l'agréaient, tout en ne voulant tenir compte des autres ... “ J'ignore s'il est possible pour vous de percevoir quoi que ce soit concernant mon enfant, mais ... Mais espérons que cette flamme que vous me dîtes ressentir en moi sera suffisamment puissante pour nous deux. ” Être enceinte ne fonctionnait pas toujours du premier coup, et les aléas pouvaient également survenir en route, elle le savait. Mais elle prierait, Nesa', elle prierait autant de dieux qu'il leur faudrait, même sans en être une fidèle, pour que son bébé n'est rien.

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Nul n'avait encore su lui expliquer pourquoi les labeurs revenant à la gente féminine s'avéraient plus lancinants et douloureux au quotidien. Ou tout du moins personne ne lui avait encore livré la moindre réponse qui ne la satisfasse ou ne lui convienne totalement, puisqu'elle n'apportait que peu de crédit et d'importance à toute explication teintée ne serait-ce que d'un peu de machisme et de misogynie. Certes, certains lui avaient déjà objecté que les trajectoires guerrières, souvent apparats des hommes, n'étaient en rien paisibles et fort peu douloureuses, mais à ses yeux, il ne s'agissait jamais que d'une voie fort peu commune à tous les hommes, une grande partie en étant exemptée. Là où les femmes, quelles que soient leur classe sociale, la richesse des leurs ou leurs origines;, étaient toutes logées à la même enseigne, tout du moins sur le font. La forme pouvait varier, elle, sans qu'il n'existe nulle réelle logique. Nesaleah en était la preuve : elle avait beau être née Prestayn, avoir grandi dans la richesse, le prestige et l'influence, cela ne l'empêchait nullement de souffrir de ce fameux souci de santé se rapportant à son sang. De la même façon, sa mère était née Otherys et s'était mariée à Irrano Prestayn, et pourtant, toute la fortune de ces deux Maisons n'avaient en rien été suffisantes pour lui éviter de manquer de perdre la vie durant son troisième et ultime accouchement. Des aléas qu'elles avaient connu en tant qu'aristocrates et qu'elles partageaient sans doute avec certaines des plus pauvres hères de la Cité qu'était Braavos. Alors, oui, il n'existait nulle réelle logique et nulle réelle exemption facilement prédestinée. Preuve s'il en était que toutes les femmes partageaient des maux du quotidien, plus ou moins exacerbés, là où les hommes qui voulaient se tenir à l'écart de tout risque pouvait sans doute aisément le faire ...

La jeune femme estimait donc qu'elle ne dramatisait en rien les choses en s'inquiétant déjà de cette grossesse en cours, de son devenir, de la façon dont elle-même la traversait et sur l'issue qui pourrait en résulter, pour elle comme pour son enfant à venir. Elle ne cherchait en rien à se donner une importance qu'elle n'était pas censée avoir, ou à prétendre qu'en tant que Prestayn, sa destinée était forcément moins fade et banale que celle d'une jeune femme du peuple. L'avantage dont elle bénéficiait, cependant, était de ne pas mener une vie où le labeur risquait d'accentuer toute difficulté étant sienne. Si elle avait besoin de repos, elle en aurait facilement, n'ayant en rien à travailler pour subvenir à ses besoins, et pouvant compter sur une domesticité suffisamment nombreuse pour se délester sur elle de ses tâches quotidiennes. De la même façon, elle savait que sa mère tout autant que sa sœur, et même son père, seraient heureux de s'occuper pour elle de Nileah si elle avait besoin de dormir durant la journée ou plus longtemps en matinée. Évidemment, elle n'oubliait pas Rhysand, mais elle n'aurait jamais besoin de le lui demander, à lui : il saurait et il comprendrait sans qu'elle ne bouge les lèvres. Un simple regard serait amplement suffisant pour que leurs psychés entrent en connexion, dans cette synergie perpétuelle entre eux. “ Je comprends. Il y a en effet une différence entre ceux qui foulent déjà cette terre et ceux dont la venue s'annoncera progressivement. Du moins je le pense ... ” On lui avait appris le concept, du temps de l'enfance, entre la réalité et les suppositions, entre le concret et les ambitions. Rien n'empêchait de vouloir se projeter et de d'ores et déjà vouloir avancer ses pions, mais il ne fallait pas négliger de prendre en compte ce qui existait déjà, et ne pas non plus se perdre dans des conjonctures reposant sur de trop nombreuses probabilités échappant à l'emprise et à la maîtrise. “ Je méditerais sur votre proposition, ou plutôt sur vos propositions, merci. Je ne veux en rien me montrer trop alarmiste, non par manque de prudence, mais parce que lors de ma première grossesse, on m'a maintes et maintes fois répété combien le stress et l'inquiétude ne facilitaient en rien le chemin. Les nuages noirs ne s'amoncellent pas encore au-dessus de ma tête, tout du moins pas à ce sujet, mais si tel doit être le cas, alors ... Alors je réfléchirais. ” Mais en attendant, elle allait croire en elle, et placer son énergie dans la bonne conduite de sa grossesse. Et dans le bon contrôle de ce que ses lèvres refuseront de verbaliser, tout autant concernant sa relation avec Nymeros que concernant cette écrasante probabilité qui demeurait quant au fait qu'il soit le futur père en question, et non Rhysand.

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Certaines personnes, pour sûr étrangères à Braavos, pouvaient voir en ses habitants des profiteurs, de par le fait qu'ils n'étaient pas toujours fidèles à un seul panthéon, et qu'il n'était pas dérangeant pour eux de naviguer entre les différents cultes, en fonction de leurs besoins ou bien de leurs opportunités. Ceux-là avaient sans doute l'esprit bien trop fermé pour comprendre à quel point tout ceci correspondait à une certaine tolérance au sein de laquelle les enfants de la fille bâtarde de Valyria évoluaient depuis leur plus jeune âge, et qui allait au-delà du simple domaine de la religion et des croyances. Nesaleah n'était pas peu fière d'être de leur nombre, d'autant plus puisque cela permettait aux siens de pouvoir commercer avec un peu tout le monde, ce qui contribuait à un enrichissement et à un gain de prestige constants. Il fallait bien savoir jouer dans la Cour des grands lorsque d'autres familles, telles que les Antaryon et les Fregar, étaient sur les rangs à chaque instant. Et puis cela permettait de s'offrir une palette de choix assez imposante, de quoi se permettre de jeter son dévolu sur certaines choses et d'en délaisser d'autres. N'était-ce après tout pas ce qu'elle était en train de faire, à l'instant même, concernant ces différentes interrogations et préoccupations qui l'assaillaient concernant l'enfant qu'elle se découvrait tout juste attendre ? Ce n'était ainsi pas parce qu'elle avait jusqu'à maintenant suivi le Culte des Chantelunes qu'elle n'accordait aucun crédit à ce que le Maître de la Lumière pouvait bien communiquer à sa prêtresse concernant les questions que la jeune femme posait à cette dernière. “ Je ne souhaite en rien vous forcer la main en quoi que ce soit. Laissons donc à R'hllor la primauté de ses connaissances. ” Nesa' choisit de partir du principe que si le dieu avait vu une issue funeste concernant son enfant, alors il aurait su en avertir sa prêtresse dès maintenant. C'était mieux que de penser qu'elle devait d'ores et déjà se préparer à verser un flot de larmes.

Certaines jeunes femmes, dans sa situation, auraient sans doute prier pour qu'une fausse-couche survienne, mais pas elle. Aucun des deux potentiels pères n'était un homme abjecte et infâme, laid et pourri de l'intérieur comme du dedans. Elle les aimait tous deux, à sa façon, et différemment, et ce même si Rhysand avait plus que ses faveurs et l'emportait sur Nymeros. Sans doute un peu moins haut la main qu'auparavant, mais toujours majoritairement. Et si le malheur devait s'abattre, elle conserverait nombre d'options pour atténuer les choses, n'est-ce pas ? Elle possédait une petite fortune à son propre nom, et même si Rhys' devait en venir à découvrir que ... Elle se refusait de songer à cette option, maintenant qu'elle devait s'auto-convaincre qu'il était le père. Quoi qu'il en était, elle ne manquerait pas de cordes à son arc, et en ajoutait même en quelque sorte une nouvelle, via la proposition de la prêtresse. Dardant son regard sur son interlocutrice, sans doute tenta-t-elle d'établir une connexion muette entre elles, une sorte de compréhension mutuelle : son potentiel secret serait en sécurité en ces lieux, où elle ne serait pas jugée, et où, visiblement, on lui offrait déjà la paix et la protection en cas de nécessité future. Loin de pouvoir quitter ce Temple aussi légère qu'une plume, il n'en demeurait pas moins qu'elle ressentait tout de même rassérénée, à défaut de pouvoir se dire totalement apaisée. Elle avait eu réponses à certaines de ses angoisses, maintenant, il lui revenait de naviguer au mieux au milieu de tout ceci, et ce en la direction qui lui serait la plus favorable. La plus profitable. Déjà, elle songeait à ce qu'elle aurait à dire à Nymeros pour faire taire toute revendication ou toute volonté d'ébruiter ce qui ne devait pas l'être. Ce n'était pas tant que son cousin était une pie jacasse, mais elle savait combien Rhys' et lui pouvaient mutuellement se taper sur les nerfs, au point de ne pas toujours faire ressortir le meilleur en chacun d'entre eux, pendant qu'elle, elle se tenait au-dessus de la mêlée et tentait au mieux de jouer les médiatrices. S'il fallait lui promettre monts et merveilles pour qu'il garde ses jolies lèvres fermées, et bien, soit ... Ou en tout cas cela serait négociable. Son esprit était alors tant ici que déjà ailleurs. Tant dans le présent que dans le futur. “ Je vous remercie. Vraiment. Sans trop savoir comment je pourrais me montrer concrètement reconnaissante, ne souhaitant nullement me montrer offensante. ” D'ordinaire, personne n'avait rien contre de l'argent sonnant et trébuchant, mais la jeune femme doutait fortement que cela puisse convenir en ces lieux. “ Je ne me suis même pas présentée ... Vous pouvez m'appeler Nesa'. ” Une façon comme une autre de ne point trop en dévoiler tout ne mentant pas. C'était ainsi qu'on la surnommait, après tout.

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Toute sa vie durant, Nesaleah avait tout autant voulu mener sa vie comme elle l'entendait que honorer les siens, et en particulier son père et sa mère. Nul doute qu'elle occupait une place particulière pour eux, sans avoir à attendre que Rhysand soit porté disparu pour que cela devienne une réalité effective. Elle était leur première fille, et tout autant que Rhys' elle avait fait d'eux de jeunes parents connaissant leur première expérience en la matière. Une double dose de plaisir et de joie, venant combler du premier coup ce "choix du roi". Un garçon, aîné de quelques minutes, et puis elle, une petite fille. Au moins Irrano et Neserah n'avaient pas eu trop de deux paires de bras pour serrer leurs bébés tout contre eux, et aucun ne s'était non plus trouvé lésé à devoir attendre son tour pour câliner son enfant ! Bien sûr, ils avaient pu faire des différences dans leur éducation, à son jumeau et à elle, mais uniquement pour leur assurer au mieux une réussite future et pour leur donner les meilleures armes possibles, celles qui leur seraient le plus utile par rapport à leur genre et à ce que la société serait amenée à leur opposer. Se sentant alors aimée et appréciée à sa juste valeur, Nesaleah avait alors voulu les rendre fiers, leur prouver qu'ils avaient su faire les bons choix, qu'elle était armée pour ce monde et qu'elle saurait contribuer, à son échelle et selon ses compétences, à faire flotter bien haut les emblèmes et couleurs Prestayn. Que diraient-ils, aujourd'hui, s'ils savaient ce qu'elle avait fait et ce qu'elle s'apprêtait à faire ? Ils la protégeraient, à n'en pas douter, et ils ne la renieraient pas, tout du moins elle l'espérait. Mais ils ne pourraient pas non plus tourner le dos à Rhysand, leur fils chéri et héritier, alors que ... Tout comme R'hllor visiblement, ils sauraient se montrer miséricordieux, mais à eux non plus, il ne fallait pas forcer la main. Ce serait là une situation sans nul doute inédite que de les placer en position de devoir se trouver entre leurs jumeaux, et mieux valait que cela ne survienne pas. “ Je suppose qu'il ne vaut mieux pas chercher à connaître le bornage précis posant les limites ... ” Une réflexion intérieure et personnelle qu'elle verbalisait et qui devait bien tout autant valoir pour ses propres parents que pour le Maître de la Lumière autoproclamé ...

On lui avait appris à rendre la pareille lorsque cela était nécessaire ou mérité, et encore plus lorsque c'était nécessaire ET mérité. Une façon de n'être nullement débiteuse plus que de raison, et de tenir au clair et à l'équilibre les comptes. Agir ainsi évitait en effet de devoir se sentir avec une épée au-dessus de la tête, menaçant à tout instant de vous tomber dessus parce que vous ne vous étiez pas encore acquitté d'une rétribution due. Cela évacuait la possibilité de devoir subir des moyens de pression qui pouvaient placer dans l'embarras tout en contraignant et en forçant à devoir s'exécuter, obéir ou courber l'échine. Nulle volonté de la part de la jeune femme, donc, de vouloir graisser la patte de la prêtresse ou de chercher à acheter son silence. Elle était venue en ces lieux désireuse de quelque chose qu'elle avait obtenu, que la réponse lui plaise ou non, il était donc normal pour elle de se montrer reconnaissante. Toutefois, la réponse qu'elle reçut ne fut pas forcément celle à laquelle elle s'attendait, la poussant alors à se montrer quelque peu songeuse et loin d'être empressée. Cela méritait réflexion, une telle décision ne se prenant pas à la légère. Encore une fois, si elle n'était pas au nombre des adeptes de R'hllor, elle ne le respectait pas moins et ne souhaitait en rien se montrer moqueuse ou désinvolte à son encontre. “ Je ne ferme pas la porte à cette proposition, qui mérite toutefois que je m'y attarde. Votre dieu mérite le respect et la déférence qui lui sont dus, c'est pourquoi je ne prends pas tout ceci à la légère. Ce n'est toutefois pas un refus de ma part, mais plutôt une preuve du sérieux avec lequel j'envisage tout ceci. ” Elle ne tentait donc nullement de noyer le poisson. Pour ce qu'il en était de la suite ... “ Je n'y manquerais pas. Ce temple est ... L'on s'y sent bien et protégé, loin du tumulte de la vie et des réalités avec lesquelles il faut composer. ” En d'autres termes, ici, elle n'avait pas été jugée, malgré ses réponses, et personne ne viendrait l'en extraire pour lui régler son compte. À Braavos, il était défendu d'entrer armé dans le moindre lieu de culte, que l'on soit ou non fervent croyant de la divinité à laquelle celui-ci était dédié. “ Merci. Sincèrement. ” Elle tenait à le dire comme cela lui venait, naturellement et logiquement.

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Le courroux divin, venu de quelques divinités que ce soit, ne s'était semble-t-il pas encore abattu sur la jeune femme, quoi qu'elle avait pu entendre d'autres points de vue sur la chose. Lorsque son petit frère Nakeo avait été assassiné, certains s'étaient permis de parler d'une rétribution due aux ambitions et arrogances d'Irrano, mais Nesaleah n'en avait jamais cru un traître de mot. C'était là médire de son père, ce qui n'était et ne serait jamais acceptable à ses yeux. Elle mettait donc de tels propos sur le compte des jaloux et des envieux, incapables d'arriver ne serait-ce qu'à la cheville de son géniteur, et condamnés à demeurer dans leur ignorance et incompétence crasseuses jusqu'à la fin de leur existence, rêvant de destinées ensoleillées mais pataugeant dans le marasme des canaux et de la lagune de Braavos. Ces persifflages n'avaient donc eu aucune emprise sur elle, bien qu'ils aient quelque peu pu provoquer sa ire, sa véhémence et sa fureur. De quoi nourrir ses envies de réussir et de rendre fiers ses deux parents et, plus largement, tous les Prestayn. Toutefois, si elle n'avait encore jamais senti la moindre affliction divine lui tomber dessus, elle ne souhaitait en rien en faire l'expérience en titillant un peu trop R'hllor. “ Nous voilà bien d'accord ... ” Elle en convint effectivement, hochant alors la tête de haut en bas, d'un air tout à la fois déterminé que quelque peu résigné.

La vie à Braavos était semblable aux eaux de la lagune au milieu de laquelle on avait bâti la Cité. Les choses suivaient leur cours comme elles auraient suivi le cours de l'eau, entre vagues, tumultes et régularité, sans que le moindre raz de marée ne semble réellement menacer. Toutefois, les flots n'étaient pas calmes, limpides et aussi plats qu'une mer d'huile. Les gros poissons naviguaient et progressaient, tout en se faisant également pêcheurs ne souhaitant rien de moins que de ferrer les meilleures prises se présentant à eux. Présentement, la santé du Seigneur de la Mer, qui n'était pas sans décliner de jour en jour, ne manquait pas de commencer à faire s'aiguiser harpons et couteaux, affûtant également les langues et les esprits dans une quête de devenir et d'ambitions. Si Nesaleah se tenait à l'écart de ces jeux-là, elle s'y intéressait tout de même, parfaitement consciente que les Prestayn ne devraient pas être maintenus loin de tout renversement ou bouleversement de situation. En de telles perspectives, les Temples étaient des entités immuables et intouchables, offrant effectivement protection et accueil pour qui serait menacé ou voudrait se couper d'un monde en trop grand changement.

Se redressant à la suite de son interlocutrice, Nesa' épousseta sa robe, non sans s'apprêter à relever la capuche de sa capeline. Le tourbillon du dehors ne tarderait pas à ressurgir, et elle n'avait aucune intention de d'ores et déjà devoir faire face à la moindre question concernant sa sortie du Temple du Maître de la Lumière. Mais elle se stoppa, refusant d'agir alors même que la prêtresse lui présentait une ultime requête. Si la jeune femme avait besoin du temps de la réflexion avant de rendre réponse concernant le potentiel baptême de son futur enfant en ces lieux, les choses lui semblaient moins compliquées et conséquentes concernant une bénédiction, qui n'engageait en rien. “ J'y consens, bien sûr. ” Une nouvelle fois, elle inclina positivement la tête, non sans offrir un doux sourire, poli et engageant. Si cela pouvait lui permettre de pouvoir profiter des largesses protectrices de R'hllor, pourquoi refuser ? Le Culte des Chantelunes n'exigeait en rien une exclusivité, dans la droite ligne de la tolérance et de l'ouverture d'esprit religieuses dans lesquelles baignait toute la Cité de Braavos. Toutefois, Nesaleah étant loin de connaître la marche à suivre, elle s'en remettait à sa vis à vis.

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Serait-elle une femme neuve, en quittant l'enceinte de ce Temple ? Ou se sentirait-elle identique à celle qu'elle était avant d'en franchir les portes ? Quels seraient le degré et l'amplitude des changements qui la traverseraient ? À quel point se sentirait-elle transformée, et quelle serait l'influence sur sa psyché et sa vie quotidienne des instants passés en ces lieux ? Répondre dès maintenant serait trop s'avancer et choisir la voie des supputations et des prédictions, sans réalité concrète sur laquelle encore pouvoir s'appuyer. Sans doute fallait-il alors choisir de prendre les choses telles qu'elles viendraient, en n'oubliant pas de s'en tenir à la droite ligne qu'elle entendait bien suivre. Nulle réponse claire, nette et sûre ne pourrait lui parvenir concernant la réelle paternité de son enfant jusqu'à la naissance de ce dernier. Et encore : les deux potentiels pères partageant une paire de grands-parents, cela pourrait bien rendre les choses complexes ... Mais quelle que soit la vraie vérité, jamais Nesaleah ne devrait dévier du fait que seul Rhysand pouvait être le père, que cela soit une réalité ou non. Pour le reste ... Pour le reste, elle allait devoir garder assurance et contenance, sans se préoccuper plus que de raison de se préparer à toutes les issues possibles lors d'une grossesse : le stress n'engendrerait rien de bon, et la vision que pourrait bien avoir eu R'hllor de tout ceci s'en trouverait alors perturbée.

Suivre la prêtresse dans sa bénédiction était la chose à faire, sans doute. Une façon de conclure leur entrevue tout autant que de refermer le chapitre qu'elles avaient toutes deux ouvert sur l'instigation de Nesaleah. Bien qu'elle n'ait jamais entendu dire que le Maître de la Lumière s'offusquait de ceux qui quittaient son Temple sans y mettre les formes, une légère superstition était née à ce sujet dans l'esprit de la jeune femme. À moins que cela ne relève plutôt de sa volonté habituelle de clore les choses proprement. Déjà, toute petite, elle avait à cœur de bien finir le chapitre qu'elle était en train de lire avant de refermer son livre et d'accepter de faire ce qu'on voulait qu'elle fasse, comme aller manger, ou aller se coucher. Il en était allé de même lorsqu'elle dessinait et coloriait, rangeant tous ses crayons, un par un et par couleur et nuance, avant d'aller se laver les mains. C'était là des habitudes, ou peut-être des manies, elle n'en savait rien, mais comme cela ne l'avait jamais desservie, elle les enseignait à sa propre fille. Il n'était pas question de lecture ou de dessins, actuellement, mais la logique demeurait la même : Nesaleah acceptait toute bénédiction du Dieu avant de quitter son lieu de culte, de sorte à ne pas partir telle une voleuse ou une ingrate. Et si elle sentit bien la chaleur de l'huile appliquée sur sa peau, elle sut rester stoïque ou en tout cas suffisamment maîtresse d'elle-même pour supporter la chose sans protester ou s'insurger. Il serait mal venu de porter quelque critique alors qu'elle n'avait en rien son mot à dire sur ce genre de choses.

Des propos murmurés par la prêtresse, elle ne comprit pas tout, tant son esprit était tout autant ici que déjà au-dehors. De plus, le haut valyrien était un vrai langage étranger pour elle, et elle serait bien incapable de s'aventurer à tenter de reproduire ce qu'elle avait cru entendre pour qu'on lui explique ou lui traduise. L'être tout désigné pour cela aurait été, en premier lieu et de loin, son propre frère jumeau. Hors, étant donné les circonstances et raisons de sa présence en ces lieux, Nesa' se voyait mal faire usage de ses capacités à lui, car cela serait aller au devant de questions auxquelles elle n'aurait pas eu envie de répondre. Autant éviter d'allumer un feu qu'elle souhaitait elle-même ne jamais voir s'embraser. Subitement, elle réalisa qu'elle avait fermé les yeux, comme pour pleinement s'immerger dans la bénédiction que pour s'enfermer dans une bulle en dehors du temps et de l'espace. Cela n'avait duré qu'un bref instant, et elle ignorait exactement ce qu'elle avait bien pu vouloir faire au juste. Posant alors le regard sur la prêtresse se tenant face à elle, elle retint avec justesse la réplique qui lui brûla les lèvres. Instinctive, celle-ci tenait bien trop des usages en cours au sein du Culte des Chantelunes, ce qui serait donc fort peu à propos et quelque peu déplacé, aussi. Elle opta donc pour autre chose, en se reprenant. “ Qu'Il en soit remercié. Et vous également. ” Inclinant le chef, ses doigts vinrent toutefois s'appuyer fugacement tout contre ses lèvres pour ce qu'il en était de son index et de son majeur droits. Un geste instinctif, hérité d'âges immémoriaux et censé se protéger de tout parjure. Finalement, ses mains vinrent de nouveau se saisir de la capuche de sa capeline, que la jeune femme avait précédemment relâchée, afin de s'en couvrir la tête. Entamant alors le chemin en sens inverse vers l'extérieur du Temple, elle sentait peser sur ses épaules une grande solennité tout autant qu'une certaine libération, sensation paradoxale s'il en était. Maintenant, il allait lui falloir ne s'en tenir qu'à une seule version et une seule possibilité, sans laisser se créer la moindre brèche. Sans doute le plus dur allait-il commencer, à moins que cela ne soit le plus déchirant pour son cœur ... Et alors que ses mains poussèrent l'une des portes menant au dehors, elle sentit sa résolution se raffermir, à l'instant où les rayons du dehors éclairaient de nouveau son visage. Béni soit R'hllor s'il ne s'était pas trompé en lui révélant ses réponses, car il lui offrait alors un temps d'avance pour tout garder sous son contrôle.

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