[BRAAVOS] “ The brightest flame casts the darkest shadow ” ❃ Henosha [TERMINÉ]

Que venait-elle faire ici ? Que venait-elle rechercher en ces lieux qu'elle n'avait encore pu et su trouver ailleurs ? Du courage, peut-être ? Non, c'était tout bonnement impossible, car du courage, Nesaleah n'en manquait point, tous ceux qui la connaissaient le reconnaitraient en un rien de temps si on le leur en demandait confirmation. Pour ainsi dire, sans doute nombreux étaient ceux qui la trouvaient trop courageuse, voire même trop arrogante, orgueilleuse et éhontée. Mais qu'y pouvait-elle donc ? Elle était persuadée que, depuis sa venue au monde, peu de choses étaient en mesure de venir la menacer, pour la simple et bonne raison qu'elle était issue de l'élite braavienne, de celle que les turpitudes et préoccupations du quotidien ne viennent même pas effleurer. Et puis elle avait la certitude et l'assurance que l'on veillait sur elle. Ses parents, en premier lieu, la Famille Prestayn, plus largement, mais Rhysand encore plus particulièrement. Rhysand surtout. Et c'était là que le bât blessait. Pas parce que son jumeau s'était défait des prérogatives qu'il exigeait comme sienne, mais parce que, justement, c'était face à lui que, soudainement, elle perdait de sa superbe. Parce qu'il ne pouvait pas dénouer le nœud du problème, en étant lui-même au cœur sans même le savoir. Et sans même encore savoir qu'elle attendait un enfant.

Cela faisait quelques jours maintenant qu'elle tournait et retournait les choses dans son esprit, dans l'espoir de parvenir à y voir plus clair, ce qui n'était finalement guère le cas. Cette grossesse qui s'annonçait et qu'elle avait pressenti était bel et bien réel, et non née d'une hallucination de son esprit. On pourrait penser qu'elle s'en réjouissait, mais les choses étaient bien plus complexes que cela. Elle qui n'était pourtant ni la plus pieuse ni la plus dévote de tous les citoyens de Braavos, elle s'était confondue en de multiples prières ces dernières jours, clairement formulées, quoi qu'à la dérobée, ou répétées avec lancinante à l'intérieur de son propre esprit. Elle avait prié pour recevoir un signe qui viendrait balayer ses craintes quant à l'identité du père de cet enfant. Elle avait prié pour qu'il ne puisse s'agir que de son frère, et non point de leur cousin. Elle s'était presque mise à prier pour que si c'étaient des œuvres de Nymeros qu'elle était enceinte, alors il fallait qu'on la délivre. Non sans se flageller d'avoir pu songer à une telle horreur, en dépit de la situation et du cataclysme qui pourrait bien s'abattre s'il s'avérait que ses calculs n'étaient pas erronés. Car elle pouvait penser ce qu'elle voulait, se morfondre ou non face aux conséquences de ses actions, mais elle avait pris la décision de fréquenter la couche de son cousin en pleine connaissance de cause, et non en étant soumise à la moindre contrainte ou à la moindre obligation. Et elle ne doutait point qu'il en était allé de même pour l'Antaryon. Mais rien n'était sorti de ses visites au Temple des Chantelunes. Alors, par dépit autant que par désespoir, et par curiosité et refus de se fermer la moindre possibilité, peut-être, voilà qu'elle passait les portes du Temple de R'hllor. Bien incertaine quant à la nature de ce qu'elle pouvait bien y chercher, mais convaincue que dans le pire des cas, cela ne reviendrait qu'à frapper un grand coup dans l'eau.

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Sans chercher à trahir son identité, la jeune femme n'avait pas non plus choisi de se départir du type d'atours qui faisait la caractéristique des hautes familles aristocratiques de Braavos. Moulée dans une tenue d'un bleu nuit des plus profonds et tirant presque sur le noir, la capeline qu'elle avait enfilé par dessus n'avait été destinée qu'à protéger sa chevelure et son visage du vent. Braavos était une Cité tout à la fois minérale et aquatique, scindée de nombreux canaux et constituée de nombreuses rues et ruelles serpentant entre les différents édifices. Les zéphyrs, quand ils s'y engouffraient, parvenaient souvent à dessiner d'étranges arabesques à la surface de l'eau, quand ils n'en venaient pas à s'entrechoquer encore et encore contre la pierre du bâti, gagnant en force brusque quand ils heurtaient une surface plus vivante, faîte de chair et de sang. Gracieuse, sensuelle et féminine, on aurait pu en venir à croire que la jeune femme tenait à être magnifiée à chaque instant, y compris dans ceux qui apparaissaient comme étant les plus futiles. Or, il n'en était rien : cela était une seconde nature chez elle, fruit d'une exigence de chaque instant depuis son enfance, de sorte à ce qu'elle n'avait aucun effort à fournir sur ce point là, désormais. Mais il était évident que si son but avait été d'obtenir quelque compliment sur sa beauté et son paraître, ce n'est absolument pas au Temple de R'hllor qu'elle serait venue. Alors, décidément, sa présence en ces lieux était due à une toute autre raison. Une raison qui, en réalité, lui échappait quelque peu ...

Si la possibilité qu'elle se soit égarée était véridique, alors la voix de la jeune femme qui s'adressait à elle serait venue éclaircir la situation sur ce point. Mais il n'en était rien. Si elle ignorait encore ce qu'elle pouvait bien venir chercher en ces lieux, elle s'y était en tout cas délibérément rendue de son plein grès. Tout de même quelque peu prise au dépourvu quant l'instant fut venu de spécifier sa présence en ces lieux, la jeune femme posa instinctivement une main sur son ventre, qui commencerait sous peu à réellement s'arrondir. Tant par réflexe qu'instinct de protection, sans doute. “ À vrai dire, je ne sais trop ce que j'espère ou vient rechercher ... ” Prenant une respiration, elle tenta de faire le vide dans son esprit tout autant que de se recentrer sur cette angoisse lancinante, intimement liée à ce nouvel enfant qu'elle se découvrait porter. “ Sans doute suis-je en quête d'une réponse ou d'un signe qui ne me sont pas encore parvenus, malgré mes prières et suppliques au Temple des Chantelunes durant ces derniers jours ... ” Serait-elle plus chanceuse ici ? Elle l'ignorait. Mais, encore une fois, la pire des finalités ne saurait être semblable qu'à une tentative avortée et sans grande conséquence.

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Entendre l'appel de R'hollor ? Peut-être, si tant était que ce fameux Maître de la Lumière était parvenu à s'insinuer dans son esprit et à y placer une petite graine censée la faire songer à envisager de se rendre dans son temple suite à ces signes demandés et non obtenus. Ou peut-être était-elle tout simplement arrivée au bout de sa patience, tout en souhaitant mettre le maximum de chances de son côté. À Braavos, les religions cohabitaient et coexistaient les unes avec les autres sans que cela ne fournisse réellement la moindre excuse pour s'entredéchirer dans les rues et ériger des feux de joie alimentés par la combustion de soit disant impies et autres hérétiques. Comparé aux siens, Nesaleah avait bien peu voyagé en dehors de Braavos, mais à ce qu'elle en savait et à ce qu'elle avait pu en voir, sa Cité natale faisait quelque figure d'exception. Ce qui n'était pas sans la satisfaire et lui convenir. Elle ne picorait pas à tout va, tout du moins, pas religieusement parlant, mais elle ne se fermait pas de portes non plus. Surtout quand, à situation désespéré, quête non moins désespérée ! Pour autant, elle se gardait bien d'ouvrir les vannes et de laisser sa langue se délier dès la première question. Il y avait de ces choses qui ne devaient ni ne pouvait être étalées à tout vent, surtout quand il se trouvait que votre patronyme était plus que bien connu et que certains échos ne devaient absolument pas revenir aux oreilles de qui que ce soit. Et certainement pas de votre frère !

Nesaleah ignorait ce que ses parents pourraient bien penser de tout cela s'ils étaient mis au parfum, mais elle savait qu'ils connaissaient Rhysand tout autant qu'elle, ce qui la poussait à se dire qu'ils feraient alors tout leur possible pour ne fournir aucun alibi à leur fils d'aller casser deux trois dents, voire plus, à un certain Antaryon. Mais pourquoi résonnait-elle ainsi, alors que, pour le moment, aucun signe ne lui était justement parvenu pour confirmer ou infirmer sa crainte profonde ? Se résolvant à ne point paniquer par anticipation, elle inclina doucement le chef face à la proposition que lui formulait la prêtresse rouge, non sans lui emboîter le pas jusqu'au petit banc de pierre qui finissait par lui être désigné. Et alors que ses doigts gracieux venaient ôter de sa tête la capuche de sa capeline, elle s'éclaircit la voix, non sans tenter de faire de même avec ses pensées. “ Je suis enceinte. De nouveau. Mais cette fois-ci, les choses sont bien moins évidentes. Alors, je suis en quête d'un signe. Un signe qui me permettrait de savoir lequel, entre deux hommes dont je fréquente la couche, s'apprête à devenir père, d'ici à quelques mois. ” En d'autres termes, qui, entre Rhysand et Nymeros, l'avaient engrossée le premier. Une formulation bien plus triviale qu'elle refusait toutefois de verbalement exposer ainsi.  “ Je suppose que votre dieu n'est en rien spécialisé dans ces choses là, mais cela ne doit être guère la première fois que l'on vous expose une telle problématique. ” De cela, Nesaleah était sure, sans avoir réellement besoin qu'on le lui confirme.

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Nesaleah avait appris, très jeune, qu'elle ne pouvait se contenter d'être celle qu'elle était, et de profiter des facilités et avantages qu'apportait le patronyme des Prestayn. Elle se devait d'être intelligente, avec un esprit suffisamment affuté pour ne pas se montrer trop perdue dans ce vaste monde, et surtout pour ne point être aisément manipulable. Le fait d'être fort agréable à voir n'était, finalement, qu'un atout de plus dans sa manche, qu'une donnée à utiliser à son avantage, mais sur laquelle il ne fallait pas tout miser. Certes, sa propre mère était la preuve vivante que la beauté ne s'étiolait pas forcément bien vite, mais Neserah étant un être d'exception ... Loin d'avoir déçu ses parents, Nesaleah avait l'esprit et l'ambition des Prestayn, les charmes et les atouts physiques des Otherys, le tout sans avoir grandi et vécu dans l'ombre de son frère jumeau. Si elle se tenait à ses côtés depuis toujours, c'était par choix et non parce que c'était la seule opportunité qu'elle avait. Toutefois, cela ne l'empêchait pas de fauter, ou de se montrer quelque peu démunie, comme actuellement. “ Je n'ai personnellement encore rien vu dans les flammes, si ce n'est de la cendre, quelques volutes de fumée, et un nuancier de couleurs des plus étoffés. ” Nulle volonté d'offenser ou de minimiser ce que R'hllr pouvait bien représenter, mais le simple constat d'une incapacité personnelle la concernant.

Contemplant un instant la paume de sa main, elle finit par secouer la tête, un certain rictus réprobateur sur les lèvres. “ S'ils sont tous deux mes amants, aucun n'est mon époux. Je ne suis pas mariée. ” Et ce statut de célibataire n'était pas du tout un regret pour elle, bien au contraire, d'où la légère réprobation sur ses traits : ses parents avaient bien tenté le coup, une fois, pour essayer de la faire entrer dans la danse des alliances matrimoniales, mais elle s'y était tout bonnement refusée. Et puis Rhysand avait fini par faire son retour parmi eux, à ses côtés, aussi, peu avant qu'ils n'embrassent tous deux l'étendu paroxysmique de leur relation, ce qui avait dû refroidir toute volonté parentale de remettre ce genre de sujet là sur le tapis. Satisfaite et heureuse de la situation, celle-ci lui permettait de n'avoir de compte à rendre à personne d'autre qu'aux siens, qui fermaient d'ailleurs volontairement les yeux sur bien des choses la concernant. Rhysand, lui, n'exigeait aucune justification de sa part, parce qu'elle n'était censée rien avoir à lui cacher. C'était aussi ça, qui la préoccupait grandement : la certitude que, si elle venait à trop changer ou à adopter une attitude lui étant inhabituelle, son limier de frère finirait par sentir le piège, aussi peu naturel que cela puisse être au sein de leur relation.

En entendant la prêtresse continuer de s'adresser à elle, Nesa' ne put s'empêcher d'en rire tout autant que de se tendre. Un corbeau et un renard ... Voilà qui était visé bien juste. Devait-elle s'inquiéter d'une telle perspicacité ? “ On pourrait presque jurer qu'ils sont aussi semblables que le jour et la nuit ... Cependant il y a tout de même bien plus dissemblables qu'eux. ” Ces deux benêts avaient beaux se sauter au cou dès qu'ils se voyaient, il coulait autant de sang Prestayn dans les veines de l'un comme de l'autre. Mais ce n'était pas non plus comme si celles de Nymeros faisaient également battre un sang valyrien qui ne saurait mentir ... “ Pour le moment, je me suis bien gardée d'en parler à qui que ce soit. Y compris concernant le fait que je sois enceinte. Mais cela se verra, bientôt, et je ne pourrais plus me cacher derrière mon petit doigt. ” Restait à savoir si elle pouvait être assurée de ne point mentir à Rhys' en lui annonçant qu'ils allaient de nouveau être parents. Ensembles. Plissant brusquement les yeux et se raidissant, dans toute la splendeur bravache qui la caractérisait, sa réponse se fit plus incisive et déterminée. “ Non, ce n'est pas ce que je souhaite, non. Cet enfant ... Cet enfant est le mien. De cela, au moins, je peux être sure. ” L'une de ses mains vint s'abattre sur son ventre, déterminée à protéger ce nouveau bébé qu'elle attendait. Contre le monde entier, s'il le fallait. Sans exception.

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La piété de la jeune femme avait ses limites, en grande partie parce qu'au cours de sa vie quotidienne, elle n'avait point à adresser de nombreuses suppliques à quelque divinité pour obtenir ce qu'elle désirait. Son existence était des plus luxueuses et confortables, cela allant au-delà des simples considérations matérielles et financières. Le prestige et l'ancienneté de sa lignée lui assuraient des jours à venir sécurisés et sécuritaires. Certes, tensions et ambitions s'entrechoquaient à Braavos tout autant qu'ailleurs, mais on ne renverse pas en un claquement de doigt l'ordre établi depuis des décennies déjà. Un ordre au sein duquel les Prestayn avaient plus que leur place, sans qu'ils ne l'aient usurpée en quoi que ce soit. Alors la jeune femme n'avait pas à passer ses journées à prier pour avoir de quoi manger le soir, ou pour être assurée de dormir dans un bon lit douillet avec un toit au-dessus de la tête une fois la nuit venue. Tout ceci lui était amplement assuré. D'un autre côté, elle avait également appris que nul prestige n'est plus grand que celui obtenu à la sueur de son front, ou à la vivacité de son esprit. La fortune, la gloire et le prestige des siens se devaient d'être chaque jour entretenus, renouvelés et étoffés, par des actes, des décisions, des desseins, sans se contenter de prier en espérant que la pièce tombera du bon côté, lancée par les dieux. Ce qui n'empêchait toutefois en rien d'y goûter, de temps en temps, pourvu que l'on ne mise pas tout là-dessus.

Nesaleah ne se sentait donc en rien honteuse, sur l'instant, de requérir à cette méthode, en venant quelque peu sonder R'hllr et ses prétendus présages. Le bât blessait ailleurs, dans la raison et le motif, et non dans l'option choisie. En tout cas, à en entendre la prêtresse se tenant près d'elle, elle n'était en rien une exception quant au fait que les flammes ne lui parlaient pas, à elle. “ Cela m'est sûrement arrivé, oui. Comme tout un chacun j'imagine, en des instants de peu d'importance. ” Un instant, elle s'apprêta à quelque peu hausser les épaules, avant qu'une fulgurance ne lui traverse l'esprit. Son regard, alors, se perdit quelque peu dans le vide, dans un point de chute indéterminé, un peu au-dessus de l'épaule de son interlocutrice. “ Je l'ai fais. À chacun de nos anniversaires ... Pendant tant d'années. Trop d'années ... ” Le tout pouvait paraître quelque peu cryptique, sans explication supplémentaire, mais la jeune femme s'était perdue dans des souvenirs qui lui déchiraient le cœur et lui vrillaient les intestins, encore aujourd'hui. Elle se revoyait, assise par terre, devant la cheminée de sa vaste chambre, cheveux flottants sur le dos et uniquement vêtue d'une chemise de nuit si fine qu'elle sentait le sol contre ses fesses. Rhys' ... Elle s'était perdue, chaque année, à pleurer son absence, regard perdu dans les flammes, sans que rien ne change. Secouant finalement la tête, elle reprit corps à la réalité. Tout ceci n'était plus qu'un pan de sa vie passée. Son frère lui était revenu, et tout avait repris son cours, passée la période durant laquelle elle lui avait fait payé tout ceci. Ils s'étaient retrouvés, ils avaient fusionné, ils ...

S'intéressant de nouveau à l'instant présent, un fin sourire s'arqua à la commissure de ses lèvres, entre ironie et réelle fierté. “ J'en connais aussi de nombreuses. Surtout que j'ai d'excellents goûts. ” Et d'excellents amants, aussi. Des plus doués, ardents et séduisants. “ Pas entièrement, non. ” Un instant, elle songea aux yeux de Rhysand et de Nymeros. À leurs cheveux. À la couleur de leur épiderme. À leurs mains. À leurs fesses et à la courbure de leurs reins ... Elle s'égarait. “ Rien qui ne puisse sans doute tout trahir de la duplicité de mes relations, sauf si le brassage génétique ne vient mettre son grain de sel. ” Parlons surtout des fichus gènes valyriens de son cousin ! Tendue par ses pensées puis par la proposition qui lui avait formulé quant à prendre en charge son bébé, elle ne se surprit à soupirer qu'au contact de cette main venant se poser sur la sienne. Non sans conserver l'autre sur son ventre. “ Ils font partis de ma vie, tous les deux. ” De sa famille, aussi, mais elle se garda bien de le préciser. “ L'un d'eux n'est pas censé être le père, l'autre est déjà celui de mon premier enfant. Je ne peux dissimuler ma grossesse et ne veux la vivre seule. Mais ... ” Elle expira longuement, les mots à venir lui brûlant déjà les lèvres. “ Je veux savoir si je vais devoir mentir et cacher la vérité au père de ma fille, ou si je me peux me sentir libérée et insouciante. ” Savoir si elle allait devoir faire passer l'enfant d'un autre pour celui de Rhysand, sans qu'il ne sache rien de cette duplique manipulation.

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Accepter les échecs était chose concevable, si et seulement si on ne se résolvait pas qu'à une seule tentative, et si l'on en tirait un bénéfice, un apport, une information ou une certitude permettant d'étoffer sa palette de compétences et de connaissances. Pour ne pas en ressortir appauvri, pour ne pas en ressortir dans un statu quo ne vous ayant rien apporter. Toutefois, certains échecs n'en étaient pas réellement,ou bien alors on ne les percevait et ne les identifiait qu'a posteriori. Quand, finalement, il n'en était pas du tout. Ainsi, à l'époque, le fait de ne percevoir aucune réponse ni aucun changement dans sa vie, les fesses au sol et assise devant la cheminée, n'avait jamais été perçu comme un échec par l'adolescente d'alors. Pour la simple et bonne raison qu'elle avait agis inconsciemment, se perdant dans les flammes comme elle se serait perdue dans les flots bordant Braavos. Elle n'avait pas été en quête de la moindre interaction avec le feu, et encore moins avec R'hllr. Et le fait d'être demeurée toujours démunie face à la situation dans laquelle elle se trouvait ne l'avait pas poussé à jurer que, jamais plus jamais, on ne la reprendrait à laisser son regard se fondre avec le rougeoiement caractéristique des flammes. Preuve en était, aujourd'hui, bien qu'elle laissait une telle interaction à quelqu'un d'autre qu'elle. Après tout, c'était là le pain quotidien de la prêtresse aux atours pourpres : elle, elle devait savoir comment s'y prendre et avoir de l'expérience en la matière.

En ce qui concernait les amants et le domaine charnel, en revanche, la jeune femme se disait qu'elle devait bien être la plus qualifiées et expertes d'entre elles ! Quoi que ... “ Ma vanité et mon orgueil aimeraient sans doute vous répondre par l'affirmative, mais en dépit de la situation dans laquelle je me trouve actuellement, mes charmes, dans leur plus pur intimité et à leur paroxysme, seuls deux hommes les avaient connus. ” Deux hommes seulement, donc, qui figuraient dans l'équation actuelle. Il ne fallait pas s'y tromper, mais malgré la problématique présente et sa complexité, Nesa' n'avait rien d'une courtisane ou d'une débauchée. Certes, elle avait pu se livrer à certains jeux et passe-temps avec d'autres, mais jamais rien qui ne soit comparable à ce qu'elle avait pu faire et faisait avec Rhysand et Nymeros. Tout le reste, cela n'arrivait même pas à la cheville de leurs étreintes. Au cœur de la confusion, donc, il y avait eu ces coïts successives, quoi qu'espacés. Du moins, d'un amant à l'autre. “ Je ne saurais trop dire ... Du moins ... Mes lunes ne sont pas toujours régulières, tant dans leur récurrence que dans leur abondance, et je dois bien avouer que je n'y ai pas forcément prêté autant attention que j'aurais dû le faire. Cela m'amène à ne pouvoir exclure ni une hypothèse ni une autre. ” Si on partait du principe d'un report exceptionnel de cycle, alors Rhysand était presque assuré d'être le père. Mais si les calculs basés sur la norme étaient avérés, alors l'option Nymeros s'imposait pratiquement toute entière ...

Pourquoi était-ce toujours aux femmes qu'incombaient la responsabilité de nombre des choses primordiales dans la vie ? Le fait qu'il était préférable de demeurer vierge jusqu'à son mariage, afin que son époux n'ait point à douter de sa paternité de tout enfant engendré ? Le calcul des lunes ? La prise d'avortifs et de contraceptifs ? La surveillance des gestes que l'on faisait et des mots que l'on prononçait, afin de ne laisser à aucun homme la possibilité d'arguer que tout acte charnel qui résulterait serait cherché, consenti, réclamé ? Dans le fond, la jeune femme était plutôt chanceuse de ne pas avoir à gérer tout ça, car il n'y avait nul mariage en vue pour elle pour l'instant, qu'il n'était pas question de contraceptif dans sa relation avec Rhysand, et qu'aucun homme n'avait encore osé outrepassé ses droits avec elle. Son frère aurait refait le portait de tout imbécile de son genre, et elle était sure que les autres hommes Prestayn n'auraient pas été en reste non plus si Rhys' leur avait laissé des miettes. Mais peut-être que, concernant les contraceptifs, elle aurait quand même dû s'y mettre, fut-ce en toute discrétion pour ne pas éveiller les soupçons de son jumeau. Et peut-être n'aurait-elle pas dû entamer la moindre relation charnelle avec son cousin, en tout premier lieu, mais Nym' était si ... C'était si différent d'avec Rhys', si euphorisant, aussi, et ... Et si elle en venait à devoir faire une introspection sur les raisons qui l'avaient poussée à tout commencer avec lui, ou sur le fait de savoir si oui ou non elle regrettait ou devait éprouver des regrets ... Ce n'étaient pas là des sujets primordiaux à ses yeux, du moins, pas maintenant. “ À défaut de me rassurer ou de m'apporter quelque sérénité, cela me permettrait au moins de savoir que j'ai de bonnes raisons de mentir, que je dois mentir. Je saurais alors que je n'aurais pas à chercher dans les traits de mon enfant le moindre indice qui m'aiguillerait sur l'identité de son père. Je vivrais dans la crainte, à coup sûr, que la vérité ne soit révélée, mais non plus également dans le doute et l'incertitude. ” Sans doute, alors, la balance pourrait être entièrement déséquilibrée dans un sens seulement, amenant l'intégralité du poids à porter sur un seul plateau.

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Peut-être ne devait-elle s'en prendre qu'à elle-même. Peut-être d'autres qu'elle, dans sa position, en viendraient à voir ici un signe des dieux, justement, qui qu'ils soient, une preuve, s'il en fallait une, que chaque action a des conséquences, et que l'on ne peut pas éternellement prétendre que ce n'est pas le cas. Mais elle n'était pas dans cet état d'esprit là. Car cet enfant, qui qu'en soit le père, n'était ni une malédiction ni un poids mort. La jeune femme étant attachée à ses deux amants, à des degrés différents, et pour des raisons différentes, aussi, elle n'en jetterait aucun des deux aux orties. Ce n'était pas comme si elle avait un doute sur le fait qu'elle était enceinte des œuvres de son frère ou de celles d'un parfait inconnu qu'elle avait croisé une fois dans une ruelle sombre et à qui elle avait permis de lui faire son affaire. Nymeros était tout, sauf ça. Et, encore une fois, Nesaleah s'accrochait au fait qu'à la force de la comparaison, les deux jeunes hommes étaient tout autant Prestayn l'un que l'autre, ou tout du moins pour moitié du sang qui coulait dans leurs veines et de leur patrimoine génétique. En quelque sorte, cela restait dans la famille ... Que cet enfant soit de Nymeros ou non n'allait pas le faire sortir de sa vie, même si cela compliquerait énormément les choses et promettait de lui causer de sacrés migraines et des cas de conscience bien complexifiés. “ C'est ce que je crains, oui. ” Sans rejeter la faute sur cette particularité sanguine qui causait quelques perturbations dans ses lunes, du fait d'une mauvaise coagulation, la jeune femme savait que cela jouait. Et, d'une certaine façon, c'était un élément brusquement bien plus pénible que le fait de subir des risques de complications supérieurs à la moyenne lors de l'accouchement. ... Zut.

Elle savait, Nesaleah, qu'elle n'était pas au meilleur endroit, loin de là, si elle souhaitait informations, renseignements et explications concernant ce à quoi consistait une grossesse, quels étaient les aléas et difficultés quotidiens à prévoir, quels étaient les facteurs de risque à surveiller, ou bien encore comment fonctionnait le corps d'une femme, purement et simplement. De par l'argent de sa famille et leurs relations, la jeune femme ne manquait pas d'avoir accès aux meilleurs spécialistes de toute la Cité, en plus de pouvoir déjà compter sur le fait qu'elle avait déjà donné la vie et donc connu et mené une grossesse à terme. Mais puisque ce n'était pas le sujet actuel de ses préoccupations, sa présence en ces lieux n'était pas hors de propos. Elle voulait un signe, quel qu'il était, pas une consultation médicale ou pré-natale. Et si elle était bien consciente du fait qu'être enceinte aujourd'hui n'indiquait en rien qu'elle le resterait jusqu'à terme, elle se refusait de laisser les semaines s'écouler sans songer dès maintenant à se préoccuper de l'incertitude qui la rongeait. Toutefois ...

Toutefois, même lorsque le couperet sembla tomber, lui coupant la respiration pendant un instant, ce fut comme si une partie d'elle-même se refusait à l'hypothèse que R'hllr avait été plus magnanime que le culte des Chantelunes en accédant à sa requête. “ Le plus joyeux et le plus lumineux ... ” Se contentant, un instant, de ne faire que répéter ce qu'elle voulait entendre, la jeune femme se laissa leurrer par la certitude qu'après tout, cela pouvait bien correspondre à l'un comme l'autre, non ? Nymeros correspondait en tous points à cette description, certes, mais Rhysand savait aussi être des plus joyeux et lumineux, quand il le voulait, ou en toute intimité. Il n'y avait qu'à le voir avec leur fille, qu'il inondait de bonheur et nimbait d'amour. Et puis, aucun prénom n'avait clairement été prononcé, alors, tout était encore possible, n'est-ce pas ?! ... N'est-ce pas ? ... “ Si vous dîtes vrai, si vous avez bien vu, l'un d'eux semble s'imposer plus que l'autre, mais ... ” Mais ce n'était pas ce qu'elle aurait voulu entendre, ou comprendre, n'est-ce pas ? “ La seule chose rassurante, en l'instant, est que je n'ai pas eu tord de me préoccuper de tout cela. Dès maintenant. ” Ce qui avait au moins le mérite de lui faire comprendre qu'elle ne s'était pas égarée dans des inquiétudes infondées.

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Il avait toujours existé une certaine dualité en elle, une certaine propension à être plusieurs choses à la fois. Paradoxale ou multi-facettes, le label dépendait du degré d'inclinaison que l'on avait à son égard, mais la résultante était la même : loin de pouvoir être enfermée dans un carcan et de correspondre à une seule règle unique, Nesaleah était une jeune femme pleine de contrastes. Et pleine de surprises, aussi. Une façon comme une autre, sans doute, d'avoir voulu, dès le plus jeune âge, ne pas être que l'ombre d'elle-même, le début d'un petit quelque chose sans que cela ne soit abouti. Elle était venue au monde auprès d'un frère jumeau ne manquant ni de saveurs ni de caractères. Une autre partie d'elle-même, complémentaire, nécessaire et quasiment vitale. Mais cela ne signifiait pas qu'elle n'était que cela, qu'une partie de Rhys', ou même pire, qu'une pâle copie, un ersatz féminin. Elle était certes née Prestayn, et elle était certes la sœur jumelle de Rhysand, héritier des leurs, mais elle était également Nesaleah. Sans doute plus raisonnable, plus contrôlée et plus prudente que son aîné. Mais toutefois dotée d'un sacré caractère, elle aussi. Elle connaissait son frère par cœur, pour avoir partagé sa vie dès le premier jour, au sens le plus propre et véridique du terme. Elle savait qui il était, ce qu'il était, aussi, et elle ne saurait ne voir en lui que ce que les autres voyaient. Parce que lui aussi était empli de paradoxes, et parce que lui aussi ne pouvait pas rentrer dans une seule case, et ce même de force.

Alors sans doute fut-ce cela qui la laissa un instant bien hésitante quant à la marche à suivre guidée par la prêtresse de R'hllor. Par crainte de ce qu'elle pourrait voir, tout comme par crainte de ce sur quoi cela pourrait déboucher. “ Essayons ... ” Toutefois, ce fut plus facile à dire qu'à faire. Elle sentait comme son coeur battre au bord de ses lèvres, alors que ses paupières tremblaient quelque peu, comme réfractaires au fait de se fermer. Et pendant un instant, ses deux mains vinrent se crisper sur le rebord du banc sur lequel elle était assise, alors qu'elle se sentait emplie d'une lutte intérieure. Une lutte intérieure la laissant bien réfractaire à suivre la première pensée qui lui venait à l'esprit en songeant à la luminosité et à la joie, comme l'y encourageait pourtant la prêtresse de R'hllor. Parce qu'elle savait à quel point Rhys', son Rhys', amenait de la joie dans sa vie, la joie la plus extrême, même. Elle savait aussi à combien il lui suffisait de poser le regard sur lui, de le voir entrer dans une pièce ou de l'entendre lui parler, de le sentir tout contre elle, ou de sentir son regard sur elle pour immédiatement être envahie de l'envie de lui sourire de toutes ses dents et de tous ce qu'elle en savait. Pourtant ... Pourtant ses oreilles furent comme assaillies par le rire de Nymeros, si franc, si sincère, si plein de chaleur, de ces rires qui vous saisissent à la gorge et vous obligent à rire vous aussi. Ce rire qu'elle lui avait déjà entendu à plus d'une reprise, parfois même la concernant, comme lorsqu'elle avait pu se battre avec un fruit bien juteux et malheureusement l'éclater de ses ongles, projetant du jus sur son visage et ses vêtements. Et il y avait cette lumière, cette chaleur, dans le souvenir presque vivant de ses mains sur sa peau, ses courbes, ses reins. Et le souvenir vivant de sa bouche sur ...

Rouvrant brusquement les yeux, Nesaleah sut. Elle sut, sans doute, mais elle refusa d'y croire. Purement et simplement. “ C'est confus ... ” Ce n'était pas confus du tout, mais son cœur et son esprit entraient en opposition l'un avec l'autre, se contredisant même eux-même, virevoltant entre une conviction puis une autre, totalement opposée. Elle était venue en ces lieux à la recherche d'un signe, mais sans doute que celui-ci pouvait n'être interprété que comme celui de R'hllor ? La prêtresse elle-même l'avait reconnu, mais le Maître de la Lumière n'était pas spécialiste de la question. Il pouvait donc se tromper, non ? Et puis, oui, elle se refusait de croire que les gênes Prestayn n'étaient pas assez forts pour contrer à tout. Cet enfant, tout comme Nileah, serait pour moitié Prestayn, quoi qu'il arrive. Les gênes Otherys et Antaryon ne viendraient tout compléter que pour un quart chacun, ce qui était amplement suffisant pour ... Pour se laisser duper ? Pour duper son monde ? “ C'est tout ce que je souhaite Tout ce que je lui souhaite. Il y aurait en effet là une bien belle destinée. ” Préférant jouer la garde de l'assurance et de la légère arrogance concernant sa beauté et ses charmes, elle adressa un sourire en réponse à celui qu'elle reçut. “ R'hllor a parlé, donc ... ” Il avait parlé, oui, donnant ses faveurs à Nymeros ...

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