[Donjon Rouge] Les fleurs de la vigne ft. Desmera

L'ambiance était fébrile dans le Donjon. Les serviteurs rasaient les murs, les nobles se lançaient des regards tantôt de connivence, tantôt de méfiance, chacun attendait ce qu'il ressortirait du procès du lendemain. Le bâtard n'échappait pas à la règle et lui aussi était nerveux. Cendregué avait jeté son lot avec celui de La Néra, et il n'était pas certain que le sieur Bronn ressorte victorieux de la bataille du lendemain. D'ailleurs Duncan en doutait, lui aussi. Mais Ombeline et Treyvir, eux, avaient pris le parti du nouveau suzerain du Bief ; pour des raisons qu'il pouvait comprendre, sans parvenir à les soutenir complètement. Mais on ne lui demandait pas son avis sur le sujet, et il préférait laisser la politique extérieure à la Maison aux seigneurs de Cendregué plutôt que de s'en mêler.

Le matin, il avait couru les rues à la recherche d'Ombeline, sans la trouver, tombant à la place sur une demoiselle mystère en quête d'aventures. Il était enfin rentré, et après un bref repas, avait décidé de descendre dans une des cours qui servait à l’entraînement des chevaliers. Cela aiderait à lui vider la tête un moment du moins, et à passer sa frustration sur d'autres de manière constructive. Il en avait besoin.

Il avait revêtu son armure, mais ne portait pas d'armes, les seules tolérées dans le donjon à part pour les cours d’entraînement étaient les lames des Manteaux Blancs de la garde. Gantelets à la ceinture, heaume sous le bras, il marchait dans l'allée couverte bordant la cour, cherchant des yeux un adversaire disponible, quand il aperçut une dame qu'il pensait reconnaître.

Cela faisait bien longtemps qu'il n'avait pas revu Dame Desmera Redwyne, mais il aurait pu la reconnaître parmi une foule. Elle était accompagnée par des dames de compagnie et paraissait observer la cour, elle aussi. Il s'approcha et les salua en s'inclinant poliment, un fin sourire aux lèvres. Il était heureux de voir qu'elle se portait bien. Elle paraissait remplir à merveille son rôle de Dame de La Treille, avec autant de grâce que sa mère jadis.

« Dame Redwyne, bien le bonjour... Mesdames, » ajouta-t-il en s'inclinant vers les demoiselles, mais moins bas que pour Desmera. Il avait fini par perfectionner l'art des convenances, même si cela n'était toujours pas sa discipline favorite. « Je ne savais pas que vous aviez fait le voyage jusqu'à Port-Réal, mais je suis heureux de vous revoir. » Il aurait bien ajouté que cela faisait trop longtemps, mais ça aurait pu paraître trop familier. Ils avaient bien grandi, tous les deux, et lui arborait maintenant une carrure impressionnante encore améliorée par son armure et une barbe taillée de près, ainsi que par une voix grave et profonde. Et un doigt en moins à la main gauche, mais il avait fini par s'y habituer et n'y pensait plus. « J'ai eu vent de l'infortune qui a frappé votre famille, veuillez accepter mes plus sincères condoléances. » Il avait bien pensé à envoyer une lettre, mais ça aurait clairement été déplacé. Si Ombeline n'avait eu besoin de lui... Les Fer-Nés ne perdaient rien pour attendre, et si un jour le chevalier se trouvait libre de ses serments, il se ferait un plaisir d'aller en massacrer quelques-uns.

« Vous êtes ici pour le procès ? » C'était sans doute la raison principale, mais elle pouvait tout aussi bien être présente pour affaires également.

Elle était magnifique vêtue dans les couleurs de sa Maison, et avec un raffinement parfait. Parfois, Duncan aurait aimé qu'Ombeline sache apprécier ce genre de belles broderies, mais c'était peine perdue. Elle avait d'autres qualités, qui étaient bien plus importantes, néanmoins. Dame Desmera le salua et il se réjoui de son sourire et de son air sincère quand elle affirmait que c'était un plaisir de le revoir.

Ils n'avaient pu discuter lors du tournoi, il répondit en riant à sa remarque, « J'étais trop occupé à manquer ma cible, j'en suis navré ! » Le Hightower était passé devant lui et il aurait voulu pouvoir faire mieux, mais qui dit doigt en moins dit handicap pour ce qui est du tir à l'arc. Il n'avait pas fini dernier, et c'était déjà un bel exploit. Il avait participé pour soutenir Ombeline, pas pour une victoire. Les tournois étaient des combats inutiles et sans raison. Une belle perte de temps qui ne servait qu'à faire le paon devant les dames.

En la voyant baisser la tête, Duncan se rendit compte qu'il venait sans doute de remuer un couteau dans la plaie. Il en était désolé, aussi accepta t-il de bon coeur le changement de sujet. Il dirigea lui aussi son regard vers la cour et les combattants, mais sans vraiment leur prêter attention,

« Je me porte bien, je vous remercie. » Mais était-il heureux ? Ça c'était bien plus complexe à déterminer. Satisfait, il l'était, indéniablement. Il était chevalier, avait prouvé sa valeur sur plusieurs champs de bataille et il contribuait à protéger sa famille. Il n'en avait jamais demandé plus... sauf quand le destin le mettait face à cette belle dame. Il se prenait alors à regretter la barre noire qui traversait les armes Cendregué sur sa tenue.

Il lui sourit un peu tristement, « Je suis... » Il chercha le mot un instant, « satisfait. » Il était chevalier, mais n'avait pu protéger son frère ; pas plus que son père. Il ne serait pas venu à l'esprit du bâtard de mentir à Desmera, ou de lui cacher la vérité, il la respectait bien trop pour cela. Et quand il la regardait, il se sentait... seul. Mais sans doute pas plus qu'elle ne devait l'être actuellement. Elle n'était toujours pas mariée, paraissait-il. Et elle avait perdu toute sa famille.

« La vie était tellement plus simple quand il me suffisait de sauver les demoiselles de cochons sauvages... Aujourd'hui... c'est bien plus complexe... » Il tourna la tête dans sa direction, « et vous ? Vous ne vous sentez pas trop seule ? » Seule sur une île, loin des terres où elle pourrait discuter avec d'autres nobles, d'autres familles...

Il rit doucement en réponse à la déclaration de Desmera. Il ne pouvait être bon dans tous les domaines... certes, il l'avait appris et parfois assez rudement. Mais il ne s'était jamais rêvé champion d'archerie. « Vous êtes trop indulgente envers moi, ma dame. Je ne mérite pas vos louanges. »

Elle lui demanda s'il aimait toujours autant les tartes aux myrtilles,

« Oui, je les aime toujours autant. Et vous, le caramel ? » Ces jours simples lui paraissaient appartenir à une autre vie. Et dire qu'il avait été tellement nerveux à l'idée de discuter avec cette noble dame !

Il lui demanda si elle n'était pas trop seule. Il n'aurait peut-être pas dû poser la question, le visage triste de la dame et sa voix, lui indiquèrent qu'il valait mieux éviter entièrement ce sujet. Il aurait pu se frapper pour son manque de délicatesse, et tenta d'adoucir le poids du passé.

« Je suis heureux de savoir que vous avez de la compagnie. » Il nota le nom de sa dame de compagnie dans un coin de a tête. Telanie ? Tel' ? Peut-être. Il ne creuserait pas, ne désirant pas mettre la jeune demoiselle dans l'embarras face à sa maîtresse. Mais il avait peut-être son nom. Si c'était la même personne, il était heureux d'avoir pu lui venir en aide plus tôt dans la journée. Elle aiderait certainement à distraire sa belle dame.

Desmera lui demanda de marcher en sa compagnie et il accepta avec un sourire, « Avec plaisir. » Après quelques pas en silence il déclara, sans la regarder directement,

« Il y a maintenant des hortensias qui fleurissent à Cendregué... J'avais demandé à Dame Andeline d'en faire planter... Elle s'est longuement interrogée sur l'origine de cette passion subite pour les fleurs, mais elle a fini par accepter. » Desmera lui avait parlé des jardins de La Treille, de leur aspect plus sauvage que ceux de Hautjardin et d'hortensia aux fleurs aussi grosses que sa tête... Et comme elle n'avait pas précisé la couleur, il en avait demandé de toutes celles qui étaient possibles. Andeline n'en avait jamais rien su, ou si elle avait percé son secret à jour, elle avait gardé le silence. « Je dois avouer que ces fleurs donnent un joli cachet au jardin... Mais je ne vous ai jamais demandé quelles étaient vos fleurs préférées. »

Elle lui désigna un des combattants, en ajoutant que son bouclier lige n'aimait pas les tournois. En cela ils étaient deux. Lui non plus ne trouvait guère d'intérêt à se montrer en lice et à faire le coq. Il avait participé seulement pour soutenir Ombeline et montrer la présence de Cendregué à Port-Réal. Il n'avait concouru qu'en mêlée et archerie, et c'était déjà une perte de temps suffisante. Si combat il devait y avoir un jour, il voulait garder ses bottes secrètes secrètes.

« La vraie valeur ne se mesure pas sur une lice. On pourrait tout autant applaudir les nains et autres pitres qui animent les banquets. » A la guerre, il n'y avait pas de quartier. L’entraînement était, bien sûr une autre affaire et une nécessité, mais les rubans, les hourras et les galanteries n'étaient que futilités. « Il combat bien. Vous avez bien fait de le lier à vous... » déclara le bâtard alors qu'il observait le chevalier combattre dans la cour. « Il a vraiment vaincu un lion à mains nues ? » Si c'était le cas, Duncan était heureux qu'il ait décidé de se lier à la dame, elle ne pourrait rêver meilleur protecteur.

Il lui demanda si elle aimait toujours les sucreries. Apparemment, elle appréciait toujours le caramel. Ainsi, elle n'avait pas trop changé et avait su rester elle-même, malgré les années et les tragédies.  Elle lui demanda de quelle couleur étaient ses hortensias. « Ils sont de toutes teintes que l'on puisse trouver... Blanc, bleu, lavande, rose... Le jardinier était enthousiaste. »  

De son côté, elle avait un faible pour les roses, glycines, hortensias, lilas... et les myosotis. Duncan se souvenait du tournoi et de la couronne de fleurs qu'elle y avait reçu... S'il y avait un rapport entre son nouvel intérêt pour cette fleur et celui qui lui en avait offert... Le Hightower avait intérêt à respecter et honorer la demoiselle, ou il lui en cuirait. Mais sans doute Duncan était-il trop protecteur et paranoïaque, voyant des complots où il n'y avait rien... Mieux valait ne pas y penser et profiter de ces moments d'amitié.

Elle lui demanda quelle était sa fleur préférée à lui. Question aussi épineuse qu'une rose.

« Le chèvrefeuille, pour son parfum. Les hortensias lavande. La violette... » Il sourit un peu tristement en ajoutant, « Mais les couleurs de Cendregué sont l'orange et le blanc, alors c'est ce qu'on trouve le plus à la maison. Honnêtement, le jardin n'est plus aussi bien entretenu qu'il l'a été, jadis. » Et lui était à Port-Réal depuis trop longtemps, depuis que La Néra avait pris Ombeline comme pupille ; alors il n'avait plus l'occasion de se promener dans les jardins du Bief.

« Je dois avouer que le Bief me manque. Ici, tout est tellement plus complexe... Et puant. » L'odeur une fois en ville était particulièrement forte, et cela ne sentait pas la rose. « Mais je ne dis pas cela pour vous... » D'ailleurs, il appréciait le parfum de la rousse.

Ses mots étaient peut-être malheureux, mais si le seigneur Main avait le temps de s'occuper  des dires d'un bâtard, c'est que le royaume prospérait et il pouvait mourir en paix. Il hocha la tête à la remarque de la dame sur les tournois en lice.

« Pour ma part, je pense qu'un bon combat est celui que l'on peut éviter... Tant que personne n'a à en souffrir par la suite. » Le combat était parfois nécessaire, mais bien souvent il s'agissait d'histoires de nobles où le peuple n'avait pas son mot à dire. Combien étaient morts pour la gloriole d'un lord ? Bien sûr, l'honneur se devait d'être défendu, mais il y avait une différence entre honneur et fierté mal placée. Parfois la réputation d'un lord pouvait sauver un village ou un domaine, s'il était digne de son titre. Mais combien de guerres avaient été menées pour les mauvaises raisons ?

Il posa une question sur l'épée-lige de la dame de La Treille. De nombreuses rumeurs couraient à son sujet, il se demandait lesquelles étaient vraies, mais il comprenait aisément l'utilité de sa réputation. Il hocha la tête quand Desmera montra sa nuque, en signe d'assentiment,

« Je verrai s'il me répond », acquiesça Duncan, pensant connaître déjà la réponse. Bien sûr l'autre laisserait planer le mystère, ils ne se connaissaient pas, il n'avait aucune raison de se confier.  

Il aborda le sujet des fleurs et plus particulièrement des hortensias... Il eut un léger reniflement de rire ; le jardinier qui avait été enthousiaste, cela avait été lui-même... Ne sachant pas quelle était la couleur préférée de la dame, il en avait planté de toutes celles qu'il avait pu trouver.  Il lui cita ses fleurs préférées, des fleurs au parfum d'été, qui lui rappelaient un passé plus heureux que ne l'avaient été les dernières années.

« Je n'ai jamais vu de roses oranges. Ce serait un plaisir de pouvoir en admirer à Cendregué. Merci. » Il observa la dame du coin de l'oeil. Elle était beaucoup plus triste que dans son souvenir. Elle avait tant perdu, c'était naturel ; mais cela n'en peinait pas moins le chevalier. « Vous faites passer vos gens et votre domaine avant vos jardins, c'est admirable. » Tout chevalier devrait être fier de servir une dame comme elle. Le bâtard espérait qu'elle trouve un lord qui soit à sa hauteur et qui la protège tout en lui laissant assez de liberté pour s'épanouir.

Il changea de sujet afin d'alléger la conversation et aborda le sujet du fumet peu alléchant de la capitale. Pas besoin d'excès de mélancolie en ce lieu, il rit alors à voix haute quand elle affirma qu'il n'avait pas pris l'odeur de la ville... pour l'instant... « Attendez que j'aie terminé quelques passes d'armes, et vous changerez peut-être d'avis à ce sujet ! »  Il était tout caparaçonné pour l’entraînement, mais heureusement il n'avait pas encore commencé à transpirer.

Il se tourna vers la zone d’entraînement, « Y en a t-il un que vous voudriez voir mordre la poussière ? » demanda t-il en désignant les combattants d'un geste de la main.

Duncan hocha la tête en réponse à la déclaration de Desmera. Elle avait raison, certains ne discutaient qu'à la pointe de l'épée.

Observant les chevaliers, il demanda si les légendes au sujet de l'épée lige de la dame étaient fondée. Elle n'aurait su le dire et se contenta de dire qu'il n'était guère bavard. Le Flowers comprenait et approuvait, « Il a raison de vouloir garder le mystère. »

Changeant de sujet, elle lui proposa de lui faire parvenir des boutures de roses, et même peut-être des hybrides aux couleurs de Cendregué.  « Merci. »

Il la complimenta sur son sens des responsabilités, et il se dit qu'il avait peut-être été trop loin. SI pour elle le bien-être de se gens était une évidence, ce n'était pas le cas pour tout le monde. Il le lui fit remarquer.

« Croyez-moi quand je vous dis que tous les seigneurs ne réfléchissent pas ainsi... Pour certains, la gloire est plus attrayante que la justice ou le bien-être de leurs gens. » En tant que bâtard, il se sentait plus proche du peuple que des nobles ; et trouvait que les jeux politiques ne servaient qu'à enrichir les riches. A ce genre de jeu, les petites gens perdaient toujours.

Elle blagua sur son odeur, et il sourit en l'entendant rire doucement. Elle était ravissante un sourire aux lèvres. Et lui était heureux de la voir oublier un temps ses préoccupations de lady. Il regrettait de ne pouvoir l'aider, mais n'y pouvait rien.

Observant les chevaliers, Duncan lui demanda qui elle aurait vu voir perdre les combats. Sa réponse ne le surprit guère ; bien entendu le bâtard n'avait aucune envie de tester Dandelion, la situation serait gênante quelle qu'en soit l'issue, L'un ou l'autre se trouverait humilié et ce serait fort dommage. Elle lui retourna la question et il répondit après un peu de réflexion,  

« Voyons... » Il observa les armes des chevaliers présents, afin de  décider qui défier amicalement. Il y avaient là dix hommes en armure, dont huit combattaient actuellement sous leurs yeux. Deux attendaient leur tour. Qui ne souhait-il pas voir gagner... ?

Il avisa un des combattants arborant un lion noir dormant sur champ jaune  affrontant un homme aux armes affichant Trois boucles de ceinture cuivrées sur champ bleu. Il le désigna d'un geste discret, « Celui-là... Ser Narbert Grandison. »

Il n'exposa pas les raisons qui l'avaient poussé à citer celui-là plutôt qu'un autre. Une défaite cuisante lors d'un des affrontements durant la guerre, le chevalier au lion était l'auteur d'une cicatrice qui barrait l'abdomen du Flowers et aurait pu le vider de ses tripes si ce dernier n'avait été assez rapide. La guerre était finie, mais Duncan  se méfiait toujours du chevalier. Chacun respectait la paix, mais une fois l'acier au clair, qui pouvait dire si un entraînement ne dégénérerait pas ? Duncan ne savait si l'autre l'avait oublié ou s'il le reconnaîtrait, mais une chose était sûre, le gaillard était doué, et les années de paix ne lui avaient rien fait perdre en force ou en précision.

Et avec le procès à venir... Combien de temps durerait la paix ? Contre qui aurait-il à se battre si la situation dégénérait ? A condition qu'on lui laisse l'occasion de se défendre...

Si c'était le mystère qui faisait tomber les dames en pâmoison, il devrait peut-être se mettre à imiter l'épée lige de la dame... Mais il n'était pas en position de réclamer quoi que ce soit de la seule qui faisait battre son coeur. Il se contenterait donc de ces moments de charmante discussion...

« Votre humilité et votre sens du devoir vous honorent, ma dame. Mais ce n'est pas le cas de tous les seigneurs – ou chevaliers, d'ailleurs, présents dans cet endroit. » Il avisa un homme de taille moyenne arborant les armes  de la Maison Brax, « Regardez-le, celui-là. A quoi peuvent bien servir les améthystes serties sur son gorgerin ? Alors qu'il ne s'agit ici que d'un entraînement ? Regardez comment il se tient alors qu'il parle à ses voisins... Pensez-vous qu'un tel personnage se soucie de sa charge, autrement que pour pouvoir paraître et se vanter ? » Ce genre de personne se reposait sur la gloire de ses ancêtres sans essayer de les égaler ou des imiter, sans se rendre compte de ses privilèges... et se plaignant des devoirs qui lui étaient échus. Un triste spectacle !

« C'est ce qui fait de vous un si bon seigneur, ma dame. La différence, c'est que vous êtes attentive et que vous vous souciez réellement du bien-être de vos gens. Une qualité rare, et une des plus hautes. »

Elle lui demanda qui il voulait voir perdre et il lui répondit par Ser Grandison. Il n'avait pas du masquer son antipathie suffisamment car la dame perçu qu'il y avait anguille sous roche.

« Oh, il n'est pas mauvais... Il est même très bon, à vrai dire. Tellement que j'en porte toujours la marque aujourd'hui. » Il cogna du poing son plastron au niveau de l'abdomen, avant de le reposer sur la balustrade qui faisait le tour de la cour. « Nous étions dans des camps opposés durant la guerre, voyez-vous... » Il soupira. « Il y a tant de tensions dans cette ville, dans ce château... Personne n'a oublié. » Le Roi et le Seigneur Main avaient pour l'instant fait un travail remarquable pour maintenir une paix relative, mais combien de temps pourraient-ils jongler sans qu'une balle ne tombe ? Se rendant compte qu'il était en train de ruminer de bien trop noires pensées, il se reprit, et demanda d'une voix plus légère, « Et à part votre chevalier, lequel voudriez-vous voir gagner ? »

Je continuais à marcher à pas lents proche du batard, ma Sarah derrière moi. Le devoir d'un seigneur était de protéger et veiller sur son peuple sur ses gens car sans eux ils n'étaient rien. C'était ainsi que j'avais toujours entendu mon père parler. J'inclinai la tête pour suivre l'indication de Duncan qui me montrait un Brax à qui je n'avais même pas fait attention.

" Je n'avais même pas prêté attention à lui preuve que cela ne fonctionne pas. "

Il se retourna vers nous et croisa mon regard. Il s'inclina aussitôt avec un large sourire avant de rouler sa moustache entre ses doigts. Je lui offris un simple sourire de politesse avant de poursuivre la conversation avec Duncan. Je souffrais légèrement à sa remarque

" Si j'étais bon seigneur, je pourrais réellement défendre seule mes gens. Et par moi-même. "

Et non pas ne même pas savoir manier une dague... ou un arc. Quoi que... Humfrey accepterait de m'apprendre à tirer à l'arc... Et il n'aimait pas le Grandissons. Je comprenais au vu de son geste. J'inclinai légèrement la tête.

" S'il a voulu vous ôter la vie je comprends que vous ne le portez pas dans votre coeur. Je crois que si les barbares de ferné avaient des chevaliers c'est eux que je n'aimerais pas voir vaincre. "

Quant aux tensions... je poussais un nouveau soupir.

" Dès que cette histoire ne demande plus ma présence je quitte cet endroit pour retourner à La Treille... je ne me sens bien que là bas. "

Quel chevalier j'aimerais gagner ? J'observais les silhouettes se battant avant de répondre.

" Oh je ne pense pas que vous le connaissez. Je l'ai rencontré quand j'étais enfant... cela remonte à des années. Il était jeune également mais déjà preux ! Il m'a sauvé la vie lorsqu'un cochon recouvert d'huile et avec un ruban a voulu me foncer dessus et il m'a également aidé à me recoiffer. Un humble chevalier que même mes frères ont reconnu ! Duncan Flower. Vous connaissez ? "

Je lui offris un sourire amusé.

« Preuve que vous avez du coeur, dirais-je plutôt. » Il lorgna en direction d'autres dames qui observaient elles aussi les combattants. Et certaines lançaient des regards jaloux dans leur direction en voyant le moustachu les saluer.

Sans le vouloir il avait blessé la belle dame, et il ne savait trop comment réparer cette erreur. Elle visait l'impossible, malheureusement. Et puis, si les dames étaient capables de se défendre sans les hommes, à quoi servirait-il, lui ? Il tenta de lui remonter le moral, de lui donner une autre perspective sur l'avenir.

« Il y a toujours des morts. Dans toutes les batailles. Vous avez été surpris. Vous reconstruirez en tenant compte du passé, et afin que cela ne se reproduise plus. Quant à ne pas devoir vous appuyer sur quiconque, je ne sais qui peut se le permettre aujourd'hui... Voyez les Hightower qui cherchent une alliance avec Dorne... Et ce n'est qu'un exemple. Les alliances entre Maisons de différentes contrées vont bon train. Pensez-vous qu'ils chercheraient mariage aussi loin, avec des gens aux coutumes si différentes s'ils n'avaient pas besoin d'aide, eux aussi ? Il en va de même pour tous les enfants des seigneurs, quelle que soit leur Maison. » Il se dit qu'il avait bien de la chance d'être bâtard et d'échapper ainsia u jeu des tractations politiques et des alliances fourbes.

Elle ajouta que si elle le pouvait elle aimerait voir les Fer-Nés défaits. Il était de tout coeur avec elle concernant ce dernier point. « Je regrette de ne pas avoir pu vous venir en aide. » Il avait appris la nouvelle trop tard. Il avait été bien trop loin pour faire une différence. Mais il aurait du se rendre à La Treille. Même s'il ne faisait aucun doute qu'il n'aurait pu faire la différence.

Elle avoua ne se trouver bien que sur son île. Il hocha la tête en signe de compréhension. Le Bief lui manquait. Cendregué lui manquait. Mais tant qu'Ombeline restait à Port-Réal, il devrait y rester, lui aussi.  

Le compliment caché sous une taquinerie qu'elle lui adressa lui alla droit au coeur. Il tenta de garder son sérieux, sans être certain d'y parvenir, « Je ne le connais guère. Mais s'il a votre faveur, je ne doute pas qu'il parvienne à se démarquer...  » La bâtard se mit à observer les chevaliers afin de se trouver un adversaire. Mais pas le Grandison. Si cela tournait au pugilat, elle ne le remercierait pas. Sans compter qu'il n'était pas sûr d'en ressortir entier. Le Brax ? Non, ce serait prétentieux de sa part, surtout après l'avoir fait remarquer à Desmera. « Et si un jour vous avez besoin d'une lame, je ne doute pas qu'il vous suffira d'envoyer un corbeau pour le voir accourir à grandes enjambées. »