crossroads (Megalis)

Crossroads

Tytos et Megalis

La blonde jouvencelle regardait le paysage avec un sourire emprunt du ravissement de la découverte, comme si c'était la première fois qu’elle posait les yeux sur les arbres et les collines de l’Ouest. Tout lui semblait si merveilleux et de plus en plus fabuleux à mesure qu’ils s’éloignaient des côtes de de la menace des Fer-Nés et s’approchaient de leur festive destination. Rowena ne voyageait pas souvent et chaque sortie était une occasion inespérée de sortir un peu de chez elle. Elle avait hâte de retrouver la capitale qu’elle n’avait pas vue depuis son enfance. Le tournoi promettait de réunir du beau monde et elle espérait y rencontrer plein de nouvelles personnes, pouvoir papoter, et bien sûr danser ! Les joutes en revanche, elle se serait ben passé de les observer si ses frères n’y avaient pas participé, mais Edarra ne la laisserait pas manquer à son devoir de se montrer à la tribune et sa mère avait insisté. Alors elle ferait ce qu’on lui ordonnait, même à contre cœur, pour la famille.

Megalis, comme à son habitude, ne faisait rien comme tout le monde et elle était perchée sur la colline à regarder son petit monde se prosterner à ses pieds. La cadette aurait bien voulu monter aussi, mais au lieu de ça, elle haussa les épaules et posa son menton sur ses bras sur le rebord de la voiture. Elle ne resta pas comme ça bien longtemps, les tressauts du chemin manquèrent de lui fêler une dent. Elle soupira, malgré ce qu’elle avait dit à sa sœur, elle l’enviait toujours, elle grimaça, parce que la jalousie était un vilain défaut et qu’elle devait cesser de ressentir cela pour un membre de sa famille. Mais elle était belle, là haut, cheveux au vent, sur sa sombre monture dans le contre-jour, personne ne pouvait le nier. Seulement Rowena ne voulait pas devenir comme elle. Bon, certes, même si elle l’avait voulut elle en aurait été bien incapable, elle n’avait pas sa volonté sans faille et son caractère de feu. Mais elle ne souhaitait pour rien au monde devenir de glace, elle ne voulait pas non plus être en colère tout le temps. Elle ne voulait ni couronne, ni gloire, ni pouvoir, elle voulait seulement des enfants avec un homme gentil, bien né, si possible beau et jeune, et bien sûr, qui conviendrait à une alliance pour la famille.

__ Oh, regarde mère comme le ciel est magnifique, on dirait qu’il est en feu !

S'écria-t-elle lorsque le jour déclina dans des tons chatoyants. Elle ne remarqua l’écuyer venu à la rencontre des bannières aux trois navires que lorsque la colonne fit halte le temps de lui parler. Elle en reconnut les couleurs sans trop de mal et se demanda ce qui se tramait plus en avant. Une fois le convoi repartit, il suivit le jeune cavalier qui les mena tout droit au campement de Lord Fléaufort où l’on apercevait les oriflammes au mystérieux homme encapuchonné entouré de flammes. Ce blason était effrayant, encore plus quand il flottait dans la brise d’un crépuscule aux ombres grandissantes. Mais partager un repas avec un ouestien ne pouvait qu’être gage d’une agréable soirée. C’est donc avec enthousiasme que Rowena descendit de la voiture et se dirigea vers la tente du seigneur. Elle était vêtue d’une robe de velours bleue ornée de galon tissé de motifs géométriques rouge et jaune et de bateaux argenté. La large encolure arrondie était ornée de perles, tout comme les manches ajustées et les cheveux dorés de la jouvencelle tombaient en cascade dans son dos, elle ne portait pas de bijoux, mais elle avait couvert ses épaules d’un boléro de fourrure blanche car la fraîcheur du soir était tombée brusquement lorsque l’astre du jour avait disparu derrière la colline. C’est d’ailleurs ce qui la fit entrer dans le pavillon, un peu après sa sœur, malgré le refus catégorique d’Eddara de participer à cette soirée et la volonté de leur mère de ne pas laisser la vieille vipère seule.

L’innocente perle de Belcastel ne savait rien des tractations et des fiançailles qui avaient jadis lié Megalis à Robar Fléaufort. Elle entra donc après les autres et le regard du nouveau seigneur lui glaça le sang, elle profita d’une petite révérence pour baisser les yeux puis, en se relevant, chercha dans ceux de sa sœur un peu de réconfort. Quelle idée, bien sûr qu’elle n’en trouva pas une once. Elle aurait voulu, à cet instant, disparaître et elle dut inspirer profondément pour se ressaisir. Mais elle parvint à se forcer à ne pas fixer ses pieds comme une idiote, elle ferait une nouvelle fois honte à son nom. Elle déglutit et reporta ses prunelles noisettes sur Tytos, simulant un sourire crispé. L'ambiance générale était bien trop pesante pour elle et elle ne trouva rien de mieux que de briser le silence d’une voix qu’elle voulait affirmée et qui n'était que trop forte pour la circonstance.

__ Bonsoir Lord Fléaufort, merci pour votre invitation.

Crossroads

Tytos et Megalis

Rowena ne comprit rien à ce qui suivit son entrée, ni la réplique de Luthor à l’encontre de Megalis, ni la réponse cinglante de son aînée qu’elle trouva tout au contraire très agréable et très juste. Mais de quels liens voulait-elle parler, cela restait un mystère. Et pendant que tout ce beau monde discutait dans une langue que la jouvencelle de Belcastel n’avait pas apprise, Tytos ne trouva rien de mieux que de se défaire de ses frusques. Elle se demanda un instant s’il n’avait pas l’intention de dîner nu. C’eut très très gênant, mais il avait longtemps vécu à Essos et tout le monde savait que de l’autre côté du détroit les mœurs étaient différentes et plus légères. On disait que les Lysiens vivaient presque nus à longueur d’année. Il ne fallait pas juger ce qui était différent, chacun sa culture et tout est respectable. Mais elle espérait tout de même ne pas être obligée de faire de même. Heureusement, les autres gardèrent leurs vêtements, seules les armes furent déposées et ainsi elle fut rassurée.

Elle ne saisit à nouveau les enjeux de la conversation que lorsque le Fléaufort présenta ses condoléances pour Sebaston, mais pourquoi diable parler de quelque chose d’aussi triste. La blessure était encore vive pour la sensible perle de mer, c'était cependant gentil de la part du jeune homme, elle le savait, mais repenser à la mort de son père lui serrait le coeur et d’autant plus parce qu’elle s’était comportée en gamine esseulée e t capricieuse tout ce temps, laissant ls autres faire face à la situation et se contentant de pleurer et de passer des jours seule dans sa chambre. Le chagrin mêlé de honte se lisait sur son visage sans peine, elle ne savait pas faire semblant, pas comme Megalis la magnifique.

__ A père.

Willos et Rowena répondirent en cœur en levant leur coupe de vin, le jeune homme en but une bonne partie tandis que la jeune fille se contenta d’y tremper les lèvres et de baisser les yeux pour que personne ne voit qu’elle n’était pas loin de pleurer. Elle apprit cependant que sœur n’avait pas eu la chance de connaître suffisamment feu Robar, frère du Lord actuel. Elle se souvenait du jeune homme, et elle leva sur Tytos un regard plein de compassion. Avait-il cette mine glaciale à cause de cette perte ? Dans ce cas, elle pouvait comprendre pourquoi il se montrait si froid et elle pouvait tout lui pardonner, parce que même si elle n’avait pas été aussi froide à la mort de Sebaston, elle s’était renfermée sur elle-même et n’avait pas été très avenante alors. La mort d’un proche abimait même les âmes les plus pures. Elle ajouta donc tout naturellement :

— A Robar.

A la question du nouveau Lord, Willos se tourna vers son frère et répliqua :

__ Allons Luthor, nous nous sommes entrainés ensemble, tu as toutes tes chances.

Se tournant vers Tytos il répondit avec enthousiasme.

__ Je défendrais les couleurs des Farman et j’espère les honorer. Je compte aussi collectionner les rubans des plus belles jouvencelles du royaume pour la postérité.

Sûr de lui et de ses chances, tant avec les lances qu’avec les femmes, il se mit à rire et leva sa coupe pour boire une bonne rasade de vin. Rowena demanda, un peu inquiète qu’il s'intéresse plus aux autres Dames qu’à elle alors qu’elle n’avait aucune chance de voir qui que se soit porté ses rubans tant Megalis accaparait toute l’attention ne lui laissant aucune place pour que le moindre preux chevalier lui demande ses couleurs et trop timide pour les offrir à quelqu'un.

__ Tu porteras mes couleurs aussi ?
__ Bien sûr petite sœur.

Après avoir demandé si l’une des sœurs lui accorderait une danse, Megalis répondit sans hésiter avec un sourire. Rowena voulut faire de même, mais lorsqu’il posa ses yeux d’acier sur elle, elle perdit ses moyens et se mit à rougir. Elle adorait danser et c’était peut être la seule chose qu’elle faisait si ce n’était mieux que sa sœur, au moins aussi bien. Mais elle ne devait pas répondre avec trop d'enthousiasme tout de même, elle devait faire preuve de retenue et de pudeur, surtout après son intervention précédente, alors elle hésita un instant. Elle regarda sa sœur pour savoir quoi répondre, et l’ordre fut clair et net, tellement limpide qu’elle eut l’impression de recevoir un seau d’eau glacé sur la tête. C’est ainsi qu’un petit miaulement sortit de sa bouche :

__ Oui.

Fit elle d’un ton étouffé avant d’ajouter avec légèrement plus de souffle et une feinte d’assurance presque crédible.

__ Avec plaisir Lord Fléaufort. Quelle…

Soudainement arrivée à bout de l’air dans ses poumons, elle fut obligée d’inspirer profondément avant de reprendre.

__ Quelle est votre danse préférée ?

Maintenant qu’elle était sur un terrain qu'elle maitrisait et appréciait, elle se trouvait un peu soulagée. Un sourire timide se dessina sur son visage.