[PORT REAL] L'oisillon tombé des toits | Ft Bronn La Nera [Terminé]

Bronn lui propose vraiment d’apprendre l’escrime.

Ombeline se redresse sur sa chaise, des étoiles dans les yeux et les mots coincés dans sa gorge. Elle n’aurait jamais imaginé un homme lui dire ça un jour, encore moins son suzerain ; elle remercie silencieusement Tyrion Lannister d’avoir mis l’homme à la tête de Hautjardin. Elle ne sait comment le remercier et lui dire à quel point cela compte pour elle.

Seuls sa famille proche a tout fait pour lui permettre de survivre. Savoir que quelqu’un d’autre estime que les femmes doivent pouvoir se défendre a quelque chose d’apaisant.

— J’aime vous imaginer avec une aiguille entre les doigts.

Sa voix déraille ; elle plaisante pour cacher son émotion et le tremblement de son sourire, avant de replonger le nez dans sa tasse. Comment est-elle censée le remercier ? Comment pourrait-elle le remercier ? Bien sûr que son aide n’est pas unilatérale et qu’il attend quelque chose en retour de sa part, mais il n’empêche qu’Ombeline a l’impression que Bronn est plus généreux qu’il ne l’aurait pu.

Elle devrait se méfier. Vraiment.

— Je n’ai pas éliminé la possibilité que je ne sois qu’un pion sacrifiable dans vos plans. Prudence est Mère de sûreté.

Bronn dit aujourd’hui qu’il la protégera et la veut en vie, mais rien ne lui assure que ce sera le cas demain. Sa mère lui a toujours dit qu’en politique, la seule chose de certaine c’était que les autres ne pensaient qu’aux intérêts des autres si cela servait les leurs. À partir du moment où elle ne sera plus utile, son suzerain pourrait sans doute se défaire d’elle ou la marier au premier venu qui la tuerait en quelques mois pour s’en débarrasser.

Ombeline tient à garder le pire en tête.

— Et oui, je sais, je dis ça avec mes activités nocturnes.

Elle roule des yeux et esquisse une moue agacée. Elle a conscience d’être un peu hypocrite avec elle-même, mais ses évasions nocturnes ne sont pas la même chose. Elle n’est jamais tombée ; son oncle l’a déjà détruite parce qu’elle n’a pas été assez prudente, parce qu’elle a préféré nier la vérité que l’affronter. Si elle avait hurlé au meurtre en voyant son oncle pousser sa mère et réveillé les domestiques, est-ce que Morren aurait pris la fuite ? Est-ce que le cauchemar de ces dernières années aurait pu être évité ?

Ombeline ne devrait pas se poser ces questions. Elles ne la feront que souffrir d’autant plus. D’autant plus que Bronn lui apporte une solution sur un plateau d’argent.

— Nous avons un accord !

Ombeline acquiesce vigoureusement, avant de prendre une gorgée de vin. Il y a des nœuds dans son estomac qui se sont défaits, alors qu’elle se sent enfin en sécurité. Elle n’aura pas à rentrer à Cendregué avant longtemps. C’est dommage pour sa relation avec son jumeau, mais au moins, elle restera en vie, libre et hors d’atteinte de Morren.

— J’en remercierai presque ce foutu pigeon. Presque.

La jeune femme sait pertinemment qu’elle ne doit pas entièrement faire confiance à Bronn, qu’elle doit garder à l’esprit qu’il peut la manipuler pour ses propres plans sans se soucier de sa vie. Mais elle a envie de le croire, parce qu’il n’est pas de ces culs bien poudrés qui l’énervent tant. Alors l’immense sourire qu’elle lui adresse est rempli de soulagement, alors qu’elle retourne à son verre de vin en humant doucement une chanson paillarde.

Si quelqu’un lui demande, c’est la faute de Meryan.

Ils trinquent au con de pigeon et un rire joyeux échappe à la jeune fille.

— Merci à vous aussi. Pour le verre.

Pour tout.

Ombeline ne le formule pas, mais elle espère que Bronn capte le message tout de même. Elle ne sait pas comment lui montrer sa reconnaissance, même si elle reste méfiante. Il lui offre tout ce que son frère et elle s’acharnent à trouver depuis des mois. Une porte de sortie à leur enfer.

Elle ne s’est pas sentie aussi légère depuis la mort de sa mère.

— Pour votre offre… Quand vous aurez un endroit où on peut pratiquer sans être vu, faites passer un mot par ma camériste. J’y serais le soir même.

Le sous-entendu devrait passer sans peine ; Ombeline n’ira nulle part s’entraîner avec Bronn sans qu’au moins une personne soit au courant. Un mot de Merry et Duncan accourra sans attendre en cas d’absence prolongée ou inquiétante. Il y a peu de chances que Bronn lui veuille du mal, considérant sa position précaire au sein du Bief, mais elle ne peut pas se permettre de jouer avec plus que sa propre vie.

Si Bronn s’attaque à elle, ce sont ses frères qui seront à nouveau touchés. Elle le refuse. Une fois lui a suffi. Une fois a été celle de trop.

Ombeline lui sourit tout de même alors qu’elle termine son verre, avant de se relever de sa chaise, consciente qu’elle ne devrait pas trop tarder si elle souhaite dormir plus que quelques heures cette nuit. Tout aussi consciente qu’elle n’est pas aventureuse au point d’escalader avec un verre dans le nez, elle penche la tête sur le côté.

— Vous me raccompagnez ? Je préférerai ne pas jouer avec ma vie en rentrant par mes propres moyens.

Elle se démerdera autrement s’il refuse, mais elle doute qu’il le fasse. Pour l’instant, il a besoin d’elle en vie.