[LA TREILLE] Plutôt mourir que de te voir souffrir | Desmera

Humfrey n’était pas au courant de l’action de relooking menée par Aelinor et Sarah dans la boutique de Villevieille, il savait seulement qu' être le moment où Desmera avait quitté Grand Tour et celui où elle y était repassée, des robes avaient été faites. A vrai dire, pour lui ce genre de choses était tellement habituelle qu’il ne s’était jamais soucié du pourquoi ni du comment. Il n’était cependant pas difficile de reconnaître dans ses nouvelles robes que Desmera avait porté quelques fois, la patte de la Hightower et le style de son tailleur préféré. Le chevalier savait également qu’elle entretenait avec ce commerçant une relation de longue date et qu’elle l'appréciait beaucoup ainsi que son travail et les tissus qu’il proposait. Ainsi après avoir soulevé un sourcil interrogateur, il comprit qu’elle avait encore joué les magiciennes en commandant des tenues à l’insue de la Redwyne. Cela le fit rire.

__ Oui, je connais la boutique où vous êtes allées, c’est un très bon tailleurs et je fais faire beaucoup de mes vêtements chez lui. Mais j’aimerais bien faire travailler un ou deux artisans de la Treille plutôt, Sarah saura très certainement m’indiquer les meilleurs. Et Aelinor ne les connaît pas, ceux-là.

Fit-il avec un clin d'œil à sa dulcinée avant de se tourner vers Sarah.

__ Nous irons demain après-midi, après l'entraînement si tu veux bien Sarah.

Aux mots de la rousse jouvencelle, il ne put refréner un baiser passionné, prenant son visage entre ses mains et embrassant ses lèvres avec gourmandise.

__ Non ma mie, ce monde n’est pas prêt à nous entendre, mais j’espère que nous pourrons être un exemple et que cela laissera une trace positive dans l’histoire, au moins pour La Treille, peut-être pour le Bief tout entier.

Un rêve, un songe. Une lignée matriarcale pour la Treille. Les lois étaient claires, tout s’opposait à cela, mais si cela était possible, alors tout ne l’était-il pas ? Même Aelinor serait outrée à les entendre, pourtant elle partageait certaines des réflexions de son oncle, mais sans aller jusqu’à changer l’ordre des choses qui pour elle était structurant et trop lié à la foi des Sept pour qu’elle puisse le remettre en question. Quand à la réflexion de Desmera sur le fait que les hommes devraient plutôt chercher à s’améliorer qu’à enfermer leur épouse, il ne pouvait qu'acquiescer, il hocha la tête avec un sourire et ajouta :

__ Et si un jour, je ne te donne pas assez de plaisir, fais-le moi savoir, je ferais en sorte de faire mieux.

Il rit.

__ Je sais, Desmera, je l’ai toujours su. Je ne me serais pas lié à toi si cela avait été un problème pour moi.

Le chevalier rit de plus belle quand elle dit qu’elle le laisserait choisir leurs prénoms, peut-être. Il espérait qu’ils les choisiraient ensemble, mais il rétorqua :

__ Laisse moi au moins en choisir un !

Elle se reposa sur son torse et il lui caressa les cheveux en priant que ce moment dure toujours et qu’elle s’endorme contre lui. Avec un peu de chances, Sarah ne remarque rien et il pourrait la garder ainsi et sentir sa chaleur son odeur encore un peu de temps.

Humfrey était un jeune homme élégant, à l‘image de sa famille et de sa nièce, ses tenues étaient soignées et à l’image de sa passion, elles étaient également fonctionnelles. Il n’avait jamais manqué de moyen pour s’offrir les plus beaux vêtements d’apparat et avoir dans sa garde robe des habits plus usuels pour le quotidien. Mais il n’était jamais négligé ou débraillé, sauf si Desmera le lui demandait, auquel cas, il enlevait le haut. Peut-être souffrirait-il assez mal que Sarah juge ses tenues, en revanche, faire les boutiques avec elle ne le dérangeait pas le moins du monde. Contrairement à Aelinor, ce n’était pas son activité favorite, mais il ne rechignait pas pour autant à un peu de lèche vitrine. Et puis que ne ferait-il pas pour plaire à sa belle et faire marcher, lui aussi, l’économie locale !

Le chevalier blanc ne put retenir un sourire lorsque Sarah se racla la gorge, il fallait s’y attendre. Il posa un regard malicieux sur la rousse jouvencelle et fit mine de ne pas avoir entendu la camériste. Cependant, il mit fin au baiser, à regret, mais ils devaient attendre, il ne perdait pas cela de vue. Il hocha la tête aux mots de sa dulcinée. Non, ils ne laisseraient personne les faire taire, il était tout aussi décidé que la Redwyne à laisser une empreinte positive dans la société. Il acquiesça donc avec un large sourire.

__ Très bien.

Répondit-il lorsque la jeune femme lui demanda de lui dire si elle ne le satisfaisait pas au lit. Il imaginait sans mal la couleur du visage de Sarah et à vrai dire, cela l’amusait en un sens. Allait-elle finir par exploser ? Mais au fond, il n’avait d’yeux que pour sa fiancée et se fichait pas mal de ce que la servante pouvait penser. Il ne voulait qu'une chose, le bonheur de la Dame de La Treille. Il espérait pouvoir y contribuer, même s’il savait d’avance qu’il ne serait qu’un des aspects de son existence et que la prospérité de son île jouerait également.

Ils rirent tous deux, car la Redwyne dit qu’il ne choisirait qu’un seul prénom et il savait bien qu’elle plaisantait. De toute façon, pour ça comme pour le reste, ils discuteraient et communiqueraient pour trouver un terrain d’entente. A priori, cela ne serait pas tellement difficile à l’image de cette conversation qui, depuis le début, aurait pu se transformer en dispute, mais qui n’était rien de si houleux. Un dialogue entre deux êtres qui s'aimaient et se respectaient. OH, il y aurait peut-être des tensions, mais Humfrey avait trop de respect pour la jeune seigneuresse pour lui imposer quoi que ce soit et elle, elle était suffisamment diplomate pour mettre de l’eau dans son vin si nécessaire.

Desmera finit par s’endormir dans ses bras et il ne bougea pas, la tenant contre lui aussi longtemps que possible jusqu’à ce que ses propres yeux se ferment et qu’il se décide à la remettre doucement sur ses oreillers et à se réinstaller sur son fauteuil en remontant les couvertures sur elle.