[LA TREILLE] Plutôt mourir que de te voir souffrir | Desmera

La Redwyne était terrorisée, toujours perdue. Il pouvait le voir dans son regard, dans ses gestes, il pouvait le sentir sur sa peau et dans ses cheveux. Elle si belle et désirable était réduite à une petite chose apeurée par de mauvais rêves. Elle n’en était pas moins belle, ni moins désirable, mais elle était tellement plus que ça que ça lui brisait le cœur de la voir comme ça et de ne pas pouvoir l’aider d’avantage.

__ Peut-être Desmera, peut-être. Mais personne ne peut arrêter de dormir, donc il va te falloir les affronter pour retrouver le sommeil.

Humfrey resserrera le châle posé par Sarah sur sa poitrine.

__ Je vois. Tu me raconteras quand tu seras prête, mais à mon avis, ils sont bien réels, en tout cas ils te hantent. Parler d’eux pourrait aussi bien les aider à partir et à trouver le repos eux aussi.

Le chevalier sourit et mit son index sous le menton de sa fiancée pour lui relever le visage.

__ C’est normal ma Mie. Ce que tu as vécu, ce que tu as vu. Ce ne peut pas être sans conséquences. Aelinor a subi bien moins que toi et pourtant, quand elle est rentrée de Port Réal, elle était au plus mal. J’ai veillé sur son sommeil et je veillerais sur le tiens.

Il regarda Sarah et ajouta.

__ En tout bien tout honneur, si vous le permettez et si Ma Dame le souhaite bien sûr.

Le Hightower lui laissa un peu d’espace pour qu’elle puisse relever ses genoux et s’assura que la couverture la protégeait bien du froid en remettant les bords autour d’elle correctement.

__ Je crois que tu es bien plus forte que tu ne le pense. Mais si aujourd’hui tu n’en as pas la force, alors je peux te tenir compagnie.

Humfrey caressait les cheveux de la rousse jouvencelle qui avait posé sa tête contre son torse. Le calme était revenu en apparence et pourtant il semblait que dans l’esprit de Desmera, les fantômes la harcelaient encore. Le jeune homme se sentait bien impuissant face à cette détresse, mais il avait appris que, lorsqu’on n’avait pas le pouvoir de changer les choses, il fallait simplement faire preuve de patience et savoir se taire. Alors il n’ajouta rien, il se contenta de respirer doucement et de la serrer dans ses bras, de lui caresser les cheveux.

__ Je comprends.

Finit-il tout de même par répondre à sa supplique. Il comprenait effectivement qu’elle ne voulait pas que ces images atroces deviennent la réalité de ses souvenirs de sa famille. Il était certain qu’ils n'étaient pas comme cela en vrai, de leur vivant. Il se demanda pourquoi ils l’étaient devenus en mourant, pourquoi leurs cadavres hantaient Desmera en essayant de l'entraîner dans les limbes. Aucun d’eux n’aurait voulu ça pour elle. Mais peut-être était-il trop tôt pour le lui dire et lui faire prendre conscience que se taire et garder ces horreurs enfouies en elle n’aidait personne, ni elle, ni même eux. Ne finirait-elle pas par croire qu’ils lui voulaient véritablement du mal à force de subir leurs assauts à chaque moment de répit bien mérité ? Il inspira profondément avant de parler à nouveau, les yeux dans les yeux avec sa dulcinée. Il proposa de veiller sur son sommeil et elle répondit qu’elle aimerait dormir dans ses bras. Il n’y voyait pas d'inconvénient, mais à priori, Sarah n'était pas du même avis. La servante proposa cependant une solution alternative intéressante.

__ Oui, c’est une bonne idée.

Dit-il en serrant Desmera qui se recroquevillait contre lui un peu plus en silence. Deana était une gamine, il n’était pas certain qu’elle serait à même de rassurer la Redwyne, mais peut-être que cela l’aiderait néanmoins et il comprenait que Sarah voit d’un mauvais œil qu’il dorme avec la belle, pas tant qu’ils n’étaient pas mariés.

__ Mais nous n’allons tout de même pas la réveiller en pleine nuit. Nous verrons cela dès demain. Alors pour le moment, je reste.

N’avait-il pas promis à sa fiancée de veiller sur elle et sur son sommeil ? De rester aussi longtemps qu’il le faudrait ? Il avait dit cela d’un ton doux, mais cependant sans appel. En aucun cas il ne la laisserait seule cette nuit, en aucun cas il ne laisserait Sarah le mettre dehors. Les jeux de tout à l’heure étaient loin maintenant, il ne pensait plus à cela du tout, il ne pensait qu’à son bien être et elle semblait être bien là, blottie au creux de ses bras. Alors il ne bougea pas.

__ Te souviens tu de notre balade à Port-Real. Nous avions parlé de résilience. Cela me fait penser que j’ai la nette impression que votre dernier entraînement au tir à l’arc commence à dater un peu. Demain nous pourrions reprendre là où nous nous étions arrêtés, qu’en pensez vous ? Si vous n'êtes pas trop fatiguée ni trop occupée bien sûr. Ah… et je ne vous ai pas raconté le fin mot de l'histoire avec Aelinor.

Il rit doucement.

__ Son malaise n’était que comédie pour éloigner Bronn qui est venu se mêler bien maladroitement des affaires familiales. Elle est incorrigible. Par contre, celui qu’elle a fait quand vous premier le thé était bien réel celui-là.

Il parlait de tout et de rien, d’une voix aussi douce il lui racontait de nouvelles histoires en somme.

__ Je reste Desmera.

Répondit Humfrey d’un ton calme avant de murmurer à l’oreille de sa dulcinée pour ne pas que la servante entende.

__ Je crois bien que Sarah voudrait me voir sortir au plus vite, mais si toi, tu veux que je reste, alors je reste, ma Mie.

En tout cas jusqu’au lendemain. Car en jetant un coup d’oeil à Sarah, il la vit le regarder d’un oeil noir et se satisfaire que la Redwyne accepte de dormir plutot avec Deana. C’était légitime, pour la réputation de la Dame de La Treille, il était vrai. Mais sans cela, il n’aurait même pas accepté le compromis. Cela ne l’aurait pas dérangé de dormir avec Desmera tout habillé sans la toucher pendant les lunes qui les séparaient de leur mariage, mais ça risquait effectivement de ne pas passer auprès des Septon et les fanatiques en feraient leurs choux gras. Cependant, pour cette nuit, il resterait. Il refusait de laisser la rousse jouvencelle toute seule avec ces cauchemars.

__ Elle s’en est remise, ne t’inquiètes pas. Ça lui arrive parfois de perdre connaissance, mais ce n'est jamais rien de bien grave, selon les Mestres, c’est les nerfs.

Les nerfs, les nerfs. La brune avait des nerfs d’acier valyrien, cette histoire de nerfs était une vase blague, mais il préférait les laisser croire qu’elle faisait partie du sexe faible et qu’elle tombait dans les pommes pour un oui ou pour un non. Lui il savait pourquoi, et franchement, tout guerrier qu’il était, il ignorait s’il aurait mieux vécu ce qu’elle avait subi. Il caressa les cheveux de Desmera un fois de plus et y déposa un baiser. Si Aelinor avait été si traumatisée par ce qui s’était passé à Port-Real, qu’en était-il de la Redwyne qui avait vu et vécu bien pire probablement. Il comprenait mieux pourquoi elle angoissait tant quand elle était à la capitale et se demanda comment la Hightower avait pu y retourner et y vivre pendant des années après le drame. Il comprenait aussi pourquoi la rouquine ne mangeait presque rien et pourquoi elle dormait si peu. Il se demandait comment régler tout ça, car il détestait la voir souffrir ainsi.

__ Promis.

Fit-il en riant à sa remarque.

Fort heureusement, le lin de la chemise du Hightower était solide et elle était lâche, de plus les lacets qu’il avait déjà défaits plus tôt empêchaient Desmera de la déchirer malgré toute l'énergie qu’elle avait mis à la serrer. Mais elle aurait bien pu la réduire en lambeau aussi que le torse du jeune homme. Il ne l’en aurait pas empêché. Quelle s’accroche à lui autant qu’elle voulait, il pouvait être la bouée dont elle avait besoin en cet instant et pour leur vie entière s’il le fallait. Il voulait l’aider à surmonter ces visions cauchemardesques qui la hantaient, mais s’il ne pouvait faire que ça, la laisser se blottir contre lui et serrer sa chemise, alors qu’il en soit ainsi.

Humfrey comprenait tout à fait que Sarah voit d’un mauvais œil sa présence. Cela aurait été plus simple avec Aelinor ou avec Deana, ou même Rohanne à son chevet, c’était certain. Mais c’était lui et il n’y avait personne d’autre à part la servante, pour l'empêcher de faire ce dont elle avait l’habitude. Se relever, travailler jusqu’à épuisement, aller se balader dans la nuit fraîche et risquer d’attraper froid. Pour le meilleur ou pour le pire, c'était lui et cela le resterait jusqu’au jour de leur mort. Elle râlerait moins demain, et elle n’aurait plus à les surveiller une fois qu’ils seraient mariés.

Peu à peu elle parut se détendre, en tout cas elle le lâcha pour reposer son dos sur les oreillers. Le chevalier serra ses mains entre les siennes avec un sourire. A son tour, la Redwyne raconta un souvenir. Un souvenir heureux avec ses frères. Humfrey sourit en écoutant cette douce histoire de temps révolus. C’était ce genre d’image qu’elle devait garder en tête avant de dormir, pour chasser les horreurs avec la lumière de ces grandes balades et le goût sucré des raisins.

__ Ta passion pour le raisin était déjà sans limite.

Rit-il doucement avant de raconter une histoire à son tour.

__ Quand j’étais petit, Gunthor, Aelinor et moi étions inséparables. Nous allions nous balader dans la lande et nous faisions la course sur la plage. On rentrait trempés jusqu’aux os et maculés de sable. Tu aurais vu la tête de Leyton et Baelor. Mais évidemment en véritable gentleman nous disions que c’était de notre faute si elle était sale, et c’est toujours nous qui avons pris le bâton. De toute façon, Baelor n’aurait jamais battu sa fille chérie et il n’aurait jamais toléré que Leyton le fasse. Mais elle s'est rapidement assagie, et nous aussi, un peu plus tard. J’espère que la première fois qu’elle viendra, nous pourrons faire la course sur la plage, comme avant, sans peur de nous salir et sans personne pour nous punir.

Humfrey regarda le montant du lit recouvert de grappes de raisin, et reposa ses yeux sur Desmera avec un sourire. Il avait bien noté pour le blason, c’était d’ailleurs pour cela que c'était si drôle, mais n’ayant d'yeux que pour sa dulcinée, il n’avait pas fait attention aux meubles de la pièce. Heureusement cependant que les Hightower ne s’étaient pas mis à manger des tours, c'était bien moins digeste que le raisin.

__ Je l‘aime déjà.

Répondit-il simplement en hochant la tête.

__ Elle n’a pas toujours été aussi sage qu’elle en a l’air. Mais c’est vrai que quand on la voit maintenant, rien ne dépasse.

Il rit doucement et à son tour, regarda les étoiles par la fenêtre.

__ Une nuit, nous irons tous les deux, si tu veux bien m'y emmener.

Ainsi il n’y aurait rien à craindre pour Desmera, elle ne serait pas seule. Humfrey la regarda en levant un sourcil quand Sarah dit qu’elle leur avait déjà fait assez peur. Il pouvait aisément imaginer la panique qui avait éclaté dans la forteresse devant l’absence de la petite fille en pleine escapade nocturne. A moins que cela ait eu lieu quand elle était déjà Seigneuresse des lieux ? Le chevalier ne savait pas, mais en tout cas, il espérait qu’elle ne le refasse pas sans prévenir, car il serait le premier à paniquer. Mais peut-être que maintenant, il savait où me trouver. Soit au kiosque dans le jardin privé, soit là-bas, sur cette grève dont il ignorait l’existence et l’emplacement, mais Dandelion probablement savait. Elle semblait plus mélancolique en évoquant ce souvenir, mais était-ce un mal ? Évidemment, le jeune homme n’avait aucune idée de ce qu’il se passait dans sa tête, que cette grève était intrinsèquement liée à ses frères et à leur disparition soudaine. Mais qu’est-ce qui, à La Treille, pouvait bien ne pas rappeler à la rousse jouvencelle les souvenirs de ce passé joyeux, de sa famille, et de la tragédie qui l’avait réduite presque à néant. Il allait falloir qu’elle apprenne à vivre avec ces fantômes, parce qu'elle n’allait jamais quitté cet endroit.

Le Hightower la serra dans ses bras tandis qu’elle venait s’appuyer contre lui. Lui aussi avait hâte que la date du mariage soit arrêtée et qu’Aelinor vienne pour aider Desmera. Les deux jeunes femmes s’entendaient bien et cela faisait plaisir à voir. Peut-être que cela redonnerait un peu d'énergie à la Redwyne.

__ Je porterais tes couleurs avec fierté, ma Mie.

Prendre son nom ferait jaser dans les chaumières, mais en épousant la Seigneuresse de La Treille, il acceptait d’épouser l’Île, sa manière de vivre, ses coutumes et de montrer chaque jour son attachement profond envers sa femme et même une certaine soumission. Il aurait pu vouloir prendre l’ascendant, mais il n’en avait pas besoin pour se sentir homme et il n’en voulait pas, Desmera était la plus légitime à cette place et cela ne devait en rien changer. Au contraire, si quelqu’un osait remettre cela en question, il serait le premier à le combattre, que ce soit par les mots ou par l’épée. Et si on se moquait de lui, il répondrait d’un sourire, car celui qui a besoin d’écraser les femmes pour se sentir viril n’est qu’un faible et un idiot. Il savait la force qu’elles avaient, il savait trop bien de quoi elles étaient capables et il était persuadé que si le monde était gouverné par les femmes, il n'en serait que meilleur. Être un second couteau destiné à les protéger sans les reléguer au rang de poules pondeuses lui allait très bien. C’était probablement parce qu’elles étaient plus intelligentes et plus clairvoyantes, qu’elles étaient si dangereuses et effrayantes. Les Dieux avaient bien choisi qui doter de ce pouvoir quasi mystique de donner la vie. Et les hommes, se sentant, devant cette puissance, apeurés et inutiles, avec leur volonté parfois fragile et leur tendance à la luxure facile, avaient dû faire appel à la violence pour les réduire au silence et se faire une place dans le monde. Parce qu’ils ne savaient pas trouver leur place autrement que dans l’opposition et la soumission de l’autre. Le Hightower voulait trouver cette place sans tomber dans la caricature, ni dans un sens, ni dans l’autre. Il voulait montrer au monde qu’il était temps de laisser les femmes exister d’égale à égale sans chercher à les museler et que de cette égalité naîtrait un ordre nouveau riche d’une vision multiple faite des apports de tous qui ne pouvait qu’être meilleure.

Humfrey se mit à rire à la remarque de Desmera sur sa nièce. Elle avait bien raison, nul n’était plus têtue qu’Aelinor, même si la Redwyne savait se montrer entêtée également, surtout pour tout ce qui concernait le travail et le fait de ne pas prendre soin de sa santé. Mais contrairement à la brune qui pouvait parfois se montrer autoritaire, elle ne haussait que rarement le ton. Elle n’en inspirait pas moins le respect et la loyauté, c’étaient là deux manières de faire différentes, la Hightower était plus froide, mais pas moins sensible pour autant. En tout cas, si elle était sage en apparence, tout comme la rousse jouvencelle, les deux n’étaient pas des petites femmes fragiles dont les hommes pouvaient se servir, elles étaient des femmes de pouvoir dont le nom, sans doute, résonnerait dans l'histoire. Et le chevalier blanc, les aimaient toutes deux pour cela, chacune avec leurs qualités et leurs défauts, chacune avec leur style propre.

__ Oui. Après le mariage.

Sourit-il en humant les cheveux de sa fiancée avant de l'envelopper de douces caresses. Son cœur battait lentement dans sa poitrine, le calme qui régnait dans la pièce, la femme de sa vie tout contre lui, il était bien, il ne voulait rien d’autre en cet instant. Il sentit Desmera s’abandonner dans ses bras, se relâcher et se laisser prendre par le sommeil, mais elle se réveilla presque en sursaut et posa une question à laquelle il ne s'attendait pas. Il rougit et répondit, faisant fi de la présence de Sarah même s’il aurait préféré qu’elle n’assiste pas à ce qui allait suivre.

__ Oui. Et si je n’avais déjà la réponse, je pourrais te demander si toi aussi, tu as connu d’autres hommes, parce qu’il est foncièrement injuste que la société te juge et pas moi. Les Sept interdisent toute relation sexuelle hors mariage, mais je crains que cette loi ne s’applique hélas qu’aux femmes dans la réalité. Nous les hommes sommes plutôt encouragés par les autres à coucher à droite et à gauche. Si nous ne le faisons pas, on remet en cause notre virilité, voir on nous accuse d’homosexualité. Saches que je n’ai jamais aimé une autre femme que toi, mais que grâce à ces expériences, je me suis nettement amélioré sur le plan sexuel. La sexualité des femmes est tellement plus mystérieuse et complexe que ce qu’on envisage la première fois que je ne regrette pas d’avoir pu m'entraîner avant notre nuit de noces. J’espère que tu ne m’en veux pas et que je suffirais ainsi à satisfaire tous tes désirs.

Humfrey éclata de rire à la vision d’Aelinor et Sarah ensemble à refaire toute leurs gardes robes respectives en coordonnant leurs tenues. Le pire, c’est que c’était tout à fait crédible et que la Hightower serait bien capable de leur imposer leur tenues pour ne pas qu’ils fassent de faux pas. Il ne voulait pas cela et fit non de la tête, craignant un peu ce que cela pourrait donner mais s’amusant de l’idée.

__ Non, ne les laissons pas trop ensemble.

Il n’avait cependant pas l’intention de changer toute sa garde robe, il aimait aussi ses propres couleurs et souhaitait les mêler à celles de Desmera et pas les abandonner tout à fait. Il fallait qu’il réfléchisse à la chose et qu’il fasse faire quelques tenues dans un premier temps, avec les armoiries des Redwyne. Il se demanda si Sarah pouvait aider, mais il n’avait jamais eut tellement besoin de l’aide d’une femme pour être élégant et choisir ses vêtements. Cela lui semblait étrange de faire appel à elle, mais ça serait peut-être l'occasion de discuter avec elle qui était probablement la personne la plus proche de la belle rouquine. En l’entendant glousser, il semblait évident que cela lui ferait plaisir et comme elle connaissait les goûts de Desmera, il se plierait à l’exercice. Lui avait toujours eu le temps d’aller chez le tailleur et de travailler son apparence, il n’avait pas les mêmes responsabilités qu’elle et s’il passait le plus clair de son temps à s'entraîner, il fallait bien qu’il se repose un peu de temps en temps.

Humfrey avait déjà connu plusieurs femmes, pas des centaines, ce n’était pas franchement un coureur de jupon, mais pas une seule, parce qu’il n’avait jamais réussi à s’attacher suffisamment à l’un pour rester avec elle. En cela, Desmera serait toujours la seule et unique à avoir réussi à voler son coeur, la seule qu’il aimerait jamais. Il n’en aurait pas voulu à Desmera si elle avait été amoureuse avant lui, ni même si elle n’avait pas été vierge. Mais il savait qu’elle l'était, sans quoi Sarah ne serait pas aussi regardante des traditions. Elle dit une phrase avec laquelle il ne pouvait pas être d’accord. Une fois de plus on en revenait aux hommes et à leur place, la raison pour laquelle la loi des sept était appliquée ainsi pour les femmes, c’était que les maris voulaient s’assurer qu’ils étaient bien les pères de leurs enfants et que nul bâtard n’hériterait de leur titre. Hélas, porter la vie était donc un pouvoir extraordinaire, mais aussi une malédiction qui bridait la sexualité des femmes à cause de ce risque d’enfanter un bâtard. D’ailleurs, si un certain nombre de seigneurs en avait tout une flopée sans que leur épouse ne puisse les répudier, les femmes qui faisaient de même se devaient de garder le secret sous peine de perdre leur statut et parfois même la vie. Alors oui, tout cela était bien injuste.

Il se mit à rire quand elle les compara à une porte.

__ Si nous sommes une porte, alors j’espère qu’elle est grande ouverte pour laisser entrer la lumière et la joie, ma Mie.

Il hocha la tête approuvant ses dires à propos des prostituées, lui-même y avait eu recours une fois, pour essayer. Mais il n’avait pas aimé, il avait du mal avec l’idée d’acheter une femme, son désir et son corps, avec l’idée qu’elle ne pouvait pas véritablement dire non parce qu’elle avait besoin de son argent. Il avait l’impression de se servir d’elle, de lui manquer de respect et d’être moins attentif à son bien être à elle. Ce n’était pas ainsi qu’il envisageait de faire l’amour, mais il n’aurait jamais insulté ou maltraité l’une d’elle et Desmera avait raison, il y avait de la demande. Elle lui posa une question et évoqua le fond du sujet, la raison de tout cela. Il la regarda en réfléchissant.

__ Non. Tu es une femme exceptionnelle et tu l’es quel que soit le nombre d’homme que tu as connu. J’aurais été bien idiot de te laisser filer pour si peu ou de moins te considérer et alors, je n’aurais pas mérité ton amour. Mais tu as raison, le problème c’est qu’aucun homme ne veut prendre le risque de transmettre ses richesses à un enfant qui ne serait pas le sien. Sauf que le tabou n’engendre que le mensonge. Imagine que tout le monde soit libre de faire l’amour avant le mariage et que les enfants nés de ses unions soient acceptés mais n’entrent pas dans les héritages. Personne ne serait obligé de mentir et, une fois mariés, certes, la fidélité serait obligatoire, pour les deux époux, mais au moins chacun aurait vécu des expériences avant et saurait ce qu’il aime ou non. Je crois que si les hommes veulent être les seuls, c’est parce qu’ils ont peur que leur épouse ait connu mieux. C’est dire, hélas, le peu d’effort dont ils sont capable pour satisfaire le désir de quelqu'un d'autre.

Pour sûr, les Sept n’allait pas apprécier ce discours, mais plus il y pensait plus il se disait que c’était triste qu’on effraye les jeunes filles et qu’on pousse les jeunes hommes. Comment s'épanouir dans le mariage en tant qu’amants avec une elle disparité de vision, Comment les femmes pouvaient se sentir libre d’exprimer leur désir et de vivre sereinement leur plaisir avec cette chape de plomb posée sur leur sexualité. Comment les hommes étaient sensés comprendre les femmes et apprendre à les satisfaire si l’unique objectif de tout acte sexuel était de faire une démonstration de leur virilité avec l’assurance de ne jamais avoir de concurrence. Tout le monde ne serait-il pas plus heureux ainsi ?

__ Je suis bien d’accord. Je crois que le monde serait nettement plus sain si c’étaient les mères qui transmettaient le nom, les terres, les titres et les richesses. Il n'y aurait plus de doute possible et les hommes pourraient se faire une nouvelle place dans la société sans que les femmes aient à subir leur domination ni leur violence.