[LA TREILLE] Plutôt mourir que de te voir souffrir | Desmera

En se levant ce matin-là, comme presque tous les jours, Humfrey était parti s'entraîner aux aurores et, son cheval étant trempé de sueur, il avait décidé d’aller le faire marcher un bon moment dans les champs de vigne. Il n’était donc rentré prendre son petit déjeuner que bien plus tard. C’est alors qu’il fut informé que Desmera était partie sous escorte pour discuter avec les fanatiques. Il avait voulu la rejoindre, mais on l’en avait dissuadé, empêché était un mot plus juste. Bien qu'inquiet et passablement énervé que la Redwyne ne l’ait pas inclus parmi ses gardes, il ne voulait pas faire d'esclandre ou déclencher une bagarre. Et puis, elle n’était pas seule tenta-t-il de se rassurer. Il avait passé les heures suivantes à tourner comme un lion en cage dans le hall avant de retourner s'entraîner pour arrêter de tourner en rond et se calmer. Il se défoulait donc sur la lice quand un palefrenier vint l'avertir que Desmera était rentrée et qu’il y avait eu un incident, une bousculade, des blessés et même des morts.

Humfrey se précipita dans le château, fonçant vers la chambre de Desmera où elle n’était pas. Il courut ensuite dans son bureau, tout plein de sable et de transpiration qu’il était, n’ayant pas pris la peine de se débarbouiller. En effet, quand le garçon d’écurie avait parlé de blessés et de bousculade, son cœur avait manqué un battement et il craignait le pire pour la jolie rousse. Il s’en voulait terriblement de ne l’avoir pas rejointe, de n’avoir pas été là et son cœur battant la chamade lui rappelait qu’il avait manqué à son devoir et que si elle avait été blessée dans l’incident, il ne se le pardonnerait jamais. Bref, il était dans tous ses états quand il parvint devant la porte du bureau de la Dame de La Treille, dont la porte était précédée par deux soldats. Il s’avança, espérant entrer sans encombre, mais les deux gardes lui barrèrent le chemin. Ce geste lui fit encore plus peur, comme s’il avait besoin de ça.

__ C’est ma fiancée ! Laissez-moi entrer immédiatement !

Fit-il d’un ton bien plus autoritaire que ce qu’il n’avait jamais employé envers des hommes qui n’étaient pas à son service. Et évidemment ils refusèrent sans lui donner plus d’explication. Il pensa qu’ils lui barraient l’entrée pour lui cacher son état, ne l’avait-elle pas déjà fait concernant ses malaises quand elle était à Port-Réal ? Pour autant, il trouvait étrange, si elle se faisait soigner, qu se soit dans son bureau, alors il devait certainement s’agir d’autre chose à la réflexion. Mais il s’inquiétait de son état malgré tout. Il avait le choix entre forcer le passage et déclencher une bagarre qui n’avait aucun sens ou attendre devant cette porte et continuer de se faire un sang d’encre. Il hésita, son nom et son statut le lui interdisait, tandis que son amour et son instinct de protection le lui ordonnait. Il finit par reculer d’un pas, mais ne pouvait pas rester sans rien faire, il cria à nouveau, cette fois à l’intention de sa belle :

__ Desmera ! Dis moi au moins si tu vas bien, je t’en supplie !

Son ton était adoucit alors, plus terrifié qu’autre chose, mais la colère refit rapidement surface et se tourna vers ceux qui avaient fait ça. Il demanda aux gardes.

__ Qui a osé s’en prendre à elle ? Vous les avez arrêtés ? Où sont-ils ? Je vais aller leur faire passer l’envie de toucher un seul de ses cheveux !

Fit-il en grognant presque, largement audible par les personnes rassemblées dans le bureau et dont il ne savait rien.

Humfrey se calma quelque peu lorsque le Mestre sortit pour le rassurer sur l’état de Desmera. L’homme de science disparut aussitôt dans le bureau sans le laisser entrer hélas, ainsi continua-t-il de tourner en rond devant la porte, mais au moins, il se tût. Il aurait quand même bien aimé savoir où étaient ceux qui avait osé s’en prendre à sa dulcinée, mais ils ne perdaient rien pour attendre. Il en parlerait à Dandelion, il comprendrait lui. Ou peut-être pas. L’épée lige de la Redwyne lui était fidèle et il ne laisserait pas son fiancé l’approcher si elle ne le désirait pas, or, il était très bon bretteur et puis de toute façon, le chevalier blanc ne comptait pas se battre contre lui, il était même enclin à le laisser faire son travail tranquillement en vérité, mais là, se sentir ainsi impuissant alors qu’elle avait été attaquée, il ne comptait plus la lâcher d’une semelle. Il ne était pas le jeune homme pour responsable de ce qui s’était passé, il était bien conscient que même lui ne pouvait dissuader la belle rousse de

L’attente fut bien trop longue à son gout, pourtant, pas tant que cela, mais il brulait de la voir et de la serre dans ses bras. Alors quand les autres sortirent et lui dirent qu’il pouvait entrer, il les bouscula presque pour entrer. Dans le sourire de Desmera, il put constater qu’elle était secouée, mais ne souffrait d’aucune blessure. Il s’arrêta un instant à la porte pour s’en assurer, puis il fit un pas vers elle avant de faire demi-tour pour fermer la porte sur son ordre. Suite à quoi, il s’approcha à grand enjambées pour l’enlacer et déposer un baiser sur ses cheveux.

__ J’ai eu tellement peur pour toi.

Il la serra plus fort et la relâcha pour l’embrasser tendrement sur la bouche.

__ Les Sept soient loués, tu es sauve. Mais qu’est-ce qui t’a pris de partir au devant de ses fanatiques ? Et sans m’avertir en plus.

Il prit son visage entre ses mains.

__ Ne refais jamais ça Desmera. Ne me laisse pas à l’écart, s’il t’arrivait malheur tandis que je ne suis pas là pour me mettre entre toi et le danger, je… je…

Il la serra à nouveau dans ses bras et caressa ses cheveux en humant son parfum.

__ Tu dois me jurer que tu seras plus prudente à l’avenir, mais surtout, si tu prends des risques, laisses-moi t’accompagner.

S’écartant un peu, il plongea son regard dans celui de sa promise.

__ A partir d’aujourd’hui et jusqu’à ma mort, je te protégerais et je resterais à tes côtés tout le temps, nuit et jour Desmera. Je sais que tu dors mieux depuis notre retour, mais tu m’as déjà tenu à l’écart à Port-Real quand tu étais malade. Je ne sais pas ce que j’aurais pu faire, mais savoir que tu as souffert sans m’en parler me terrifie. Je veux être là pour toi, dans la santé comme dans la maladie, dans la joie comme dans la peine. Je suis ton fiancé, si je ne peux te soutenir et prendre soin de toi, te chérir et te protéger, alors dis-moi, à quoi je sers ?

__ Je suis soulagé.

Répondit Humfrey à Desmera qui lui assurait qu’elle allait bien. Il ne voulait pas remuer le couteau dans la plaie, aussi se garda-t-il de lui dire qu’elle avait dû avoir peur. Il voyait bien qu’elle était secouée par cette histoire et ême s’il avait une forte envie de mettre des baffes à ceux qui avaient essayé de s’en prendre à elle, il voulait surtout être présent pour sa future femme.

__ Je suis désolé. J’aurais dû être là, mais on m’a bien fait comprendre que je n’avais pas à te rejoindre. Je sais que tu n’étais pas seule, heureusement, et tes hommes sont compétents, je le sais, surtout Dandelion, mais j’aurais dû être avec toi.

Le Hightower la serra à nouveau dans ses bras alors qu’elle lui assurait ne pas avoir voulu le tenir à l’écart, seulement qu’elle devait agir vite. Il s’en voulait d’être allé s'entraîner, mais elle aurait pu le faire appeler, il n’en aurait pas eu pour plus de quelques minutes pour la rejoindre et partir avec elle. Alors si elle n 'avait pas voulu consciemment le mettre à l’écart elle n’avait simplement pas pensé à lui, pas pour l’accompagner et la protéger.

__ Je sais, c’était inattendu, mais tu aurais dû me faire appeler, et aussi me laisser entrer dans cette pièce, ce soir.Tu ne veux peut-être pas me mettre à l’écart, mais c’est pourtant ce que tu fais. Je sais que c’est toi la Seigneuresse de La Treille, mais je veux être à tes côtés, je dois être à tes côtés.

Dit-il. Il ne pouvait pas être un simple amoureux transi dans tout cela, il allait devenir son époux et le père de ses héritiers. Il devait pouvoir participer à ce qu’il se passait, être présent à ses côtés et pas seulement pour lui conter fleurette. Finalement, au-delà de cet incident terrifiant, il y avait un tas d’affaires dans lesquelles elle ne l’incluait pas. Si jusqu’ici il l’avait accepté, il se rendait, à présent, compte qu’ils allaient devoir s’ajuster sur ce point. Il ne voulait cependant pas l’accabler dans un tel moment, alors il n’en dit pas plus et se contenta de lui caresser les mains lui aussi.

__ Je vais te voir vomir Desmera.

Fit-il en riant.

__ Et j’espère même pouvoir te tenir les cheveux quand tu auras tes nausées matinales. Je comprends que tu n’aies pas envie que je te vois dans un tel état, mais c’est aussi à ça que sert un conjoint, à te réconforter quand tu n'es pas bien, à prendre soin de toi quand tu es malade. Parfois, avoir quelqu’un sur qui compter est plus efficace que toutes les décoctions du monde. Et si quand je suis là, tu te sens bien, alors fais moi appeler quand tu te sens mal. JE dois te protéger, toi, tu as déjà ton île à protéger, alors ne t’inquiètes pas pour moi, je suis un grand garçon, je peux me gérer tout seul. Et surtout, surtout, ne me protège jamais de toi, de tes états d’âme et de tes maux, si à cause de cela, l’image que j’ai de toi venait à changer, alors je serais un bien piètre époux qui ne mériterait certainement pas une femme comme toi.

Même Aelinor l’avait vu, et sa nièce s’était bien gardée de le lui dire. La Redwyne lui avait très certainement interdit d’en parler pour qu’elle ne lui en touche pas un mot. Deux foutues têtes de mules que la rouquine et la brune, mais soit. Il releva doucement le menton de sa belle avec son index et lui sourit.

__ On a tous nos faiblesses Desmera, tu m’aides à surmonter les miennes, laisse moi compenser les tiennes. S’il te plait.

Humfrey avait souvent vu son frère, Baelor, douter de lui et de ses choix, se retrouver impuissant à régler certaines situations, il savait le poids de la gestion d’un fief. L’avantage de Villevieille sur ce point, c’est que le Seigneur était toujours très bien entouré, déjà par sa famille, et ensuite par les Mestres et des conseillers, intendants ou autres capitaines. Il se doutait bien que pour Desmera, jeune et esseulée, cela devait être très difficile. Il voulait lui montrer qu’elle n’était pas seule, elle avait Denyse, ses conseillers et lui.

__ Tu as raison, ma présence n'aurait probablement pas changé grand chose. Mais si tu avais été blessée en mon absence, je n’aurais jamais pu me le pardonner. Quant à Denyse et ses filles, elles sont en sécurité ici, le château est bien gardé et fortifié.

Répondit-il avec une certaine fermeté. Il était certain que les choses n’auraient pas été différentes s’il avait été présent, mais il aurait été là, à ses côtés, et c’est ce qu’il voulait, tout simplement.

__ Je sais Desmera, mais tu n’es pas seule et tu ne peux pas tout gérer toute seule.

Baelor aussi se couchait trop tard, travaillait trop, et quand il dépassait les bornes, Rhonda ne se privait pas de le remettre dans le droit chemin, de l’obliger à déléguer et à se reposer. Cela permettait également de prendre du recul sur les difficultés rencontrées, de sortir le nez du problème pour trouver de nouvelles solutions. Si besoin, toute la famille s'allie à son épouse pour l’obliger à lever le pied. La Redwyne vit peut-être besoin qu’on la secoue un peu, qu’on l’oblige à se reposer et que cela ne vienne pas d’un subalterne comme son Mestre, car la belle rousse était têtue comme une mule et il fallait certainement que cela vienne de quelqu’un de plus haut placé, et il faudrait certainement insister et répéter souvent pour qu’elle ne retombe pas dans ses travers une fois passée la prise de conscience nécessaire. Il semblait en cet instant qu’elle se rendait enfin compte de l’isolement dans lequel elle s’était elle-même mise et qu’il était temps de tourner la page. Mais Humfrey en toucherai un mot à Denyse pour qu’elle s’investisse davantage auprès de Desmera et qu’elle ne la laisse pas s’épuiser. La jeune femme se réfugia entre ses bras et il l’y accueillit avec tendresse.

__ J’espère bien !

Fit-il en riant doucement.

__ On ne peut pas tout contrôler, même quand on essaye de faire au mieux pour nos gens, parfois, ils se retournent contre nous. Tu n’y peux rien Desmera. L'échec fait partie de la vie, tout le monde échoue. Seule notre capacité à apprendre de nos erreurs et à s’en relever fait la différence. Aujourd’hui tu as connu un sale revers, demain, nous verrons ce qu’on peut faire pour y remédier, mais maintenant, tu dois dormir.

Sur ces mots, le chevalier déposa un baiser sur son front, puis il prit sa promise dans ses bras comme une princesse pour l'emmener à ses appartements.

Humfrey hésita un instant avant de répondre à la dernière réplique de Desmera. Il savait bien que sa réponse ne lui plairait pas, mais il était chevalier, il était son promis et il espérait bien devenir un jour le père de ses enfants. Alors il avait toutes les raisons de se sacrifier pour elle. Il espérait que cela n’aurait pas lieu d'être, mais il préférait mourir que de lui survivre, il préférait mourir que la voir souffrir.

__ Si, j’aurais pu donner ma vie pour sauver la tienne si cela s'était avéré nécessaire.

Il se mit à rire doucement quand la rousse jouvencelle lui dit qu'il allait s'entendre avec le Mestre. Mais il répondit d’un air grave.

__ Si tout le monde insiste, c’est peut-être qu'il y a une bonne raison.

Son sourire en coin était destiné à détendre l’atmosphère malgré le sérieux du sujet. Il la serra dans ses bras, conscient que tout cela n’avait rien de simple et qu'elle voulait bien faire. Il embrassa ses cheveux avec tendresse, toujours près à la soutenir et à la réconforter du mieux qu’il pouvait. Même s'il arriverait certainement qu’il ne puisse rien faire., notamment concernant le sentiment légitime qu'elle n’avait pas le droit d’échouer.

__ Peut-être, encore qu’il n’y a que toi qui te mets tant de pression. Mais surtout, tout ce qui arrive n’est pas ta responsabilité. Or on ne peut échouer que quand se sont nos actes qui ont mené à l’échec. Là, tu n’y es pour rien.

Il lui sourit avant de l’emmener dans ses appartements.

__ Tu pèses moins lourd qu’un moineau affamé.

Rit-il en cachant le fait que c'était presque inquiétant. Mais après l’avoir vue rire, elle aussi, il ne voulait pas gâcher ce moment. Pour rien au monde il ne souhaitait briser la magie de son sourire. Il ne devait pas l'inquiéter et encore moins lui mettre la pression. Il souleva un sourcil amusé à la question de sa dulcinée et répondit en gardant son visage tout près du sien.

__ Absolument. Si nous devons prendre des mesures, je viendrais sans hésiter t’enlever dans ton bureau. D’ailleurs à ce sujet, tu devrais dire aux soldats de La Treille de me laisser passer sans quoi je vais me vexer.

Il déposa un baiser sur la bouche de la Redwyne et reprit le chemin de ses appartements.

Il savait qu’elle ne le voulait pas, mais il aurait fallut qu’elle choisisse un couard si elle ne voulait pas que son époux s’interpose entre elle et le danger. Et Humfrey était tout sauf un lâche. Fort heureusement, c'était également un excellent bretteur et un chevalier hors pair. Il s'entraînait depuis son plus jeune âge et n’avait même pas eu d’amoureuse pour le détourner de la lice, jusqu’à Desmera en tout cas. Or pour elle, il préférait rester en forme plutôt que de trop se ramollir, surtout en ces temps troublés.

__ Trop, vraiment ? Je ne suis pas de cet avis.

Répondit Humfrey en posant sur elle un regard un peu sévère qu’il adoucit d’un sourire.

__ Avec plaisir Ma Mie, et je te donnerais la becquée s’il le faut.

Le Hightower se mit à rire, mais il était sincèrement ravi de partager un repas avec sa bien aimée. Il pourrait effectivement s’assurer qu’elle mangeait suffisamment et également passer du temps avec elle, temps qui lui était plus précieux que tous les diamants qu’il pourrait lui offrir. Cela lui fit penser que ce qu’il avait fait fabriquer pour elle après la demande en fiançailles qu’elle lui avait faite ne tarderait pas à arriver de Villevieille. Elle lui en voudrait certainement de ne pas avoir profité du savoir faire des artisans de la Treille, mais il voulait être certain que la surprise ne serait pas dévoilée par un habitant trop zélé. De plus, les joailliers de la cité blanche étaient parmis les meilleurs du monde et il fallait au moins ça pour la rousse jouvencelle de son cœur.

__ Merci.

Il était content qu’elle n’en profite pas pour se défiler et aller dire à ses hommes de le laisser passer plutôt que de se reposer. Ce je m’en occuperai demain était présure une victoire en soit, presque la preuve qu’elle avait écouté et qu’elle allait apprendre à prendre du temps pour elle. Lorsqu’ils croisèrent le Mestre avec ses tisanes qui se mit à rire en voyant Desmera rougir, il la regarda en se retenant de pouffer. Ils continuèrent leur chemin et le Mestre ne fut pas la seule personne qu’ils croisèrent malgré l’heure avancée. Les ordres de Desmera de renforcer la garde avaient bien été pris en compte et il y avait plus de soldats qu’à l’accoutumée. Tous regardaient les tourtereaux avec étonnement, leur fiançailles n’étaient plus un secret, mais une telle démonstration publique restait chose rare. Cela dit, si quelqu’un avait douté de l’amour du jeune homme à l’égard de la Redwyne, cela mettait les points sur les i. Ils approchaient de la chambre quand elle redemanda à son fiancé de manger avec elle. Ce à quoi il répondit à voix basse en la serrant contre lui.

__ Promis. Et je resterais avec toi jusqu’à ce que tu trouves le sommeil. Dandelion restera pour que personne ne jase sur ce qui aurait pu se passer, même si c’est bien mal me connaître que de croire que j’oserais te toucher avant la nuit de noces. Même si parfois l’idée de ton corps nu contre le mien me traverse l’esprit, je dois l’avouer.

A son tour Humfrey rougit.

__ Mon avis c’est que nous avons toutes les raisons de nous inquiéter pour ta santé, tu dépérit Desmera. Je veux dire, tu as reprit des couleurs depuis que nous avons quitté Port-Real. Mais avec tout ce stress, les fanatiques, je vois bien que ça ne va pas et je ne suis pas le seul. Tu passes des heures à travailler, même la nuit et je sais que tu fais des cauchemars.

Humfrey rit de bon cœur avec la Redwyne quand elle lui rétorqua qu’elle savait manger seule. Il le savait bien, mais c’était amusant de s’imaginer s'occuper d’elle comme d’un petit bébé. Cela dit, il n’irait probablement pas jusque là, il espérait en tout cas ne pas en avoir besoin. Mais oui, il était inquiet pour elle et avec ce nouveau revers, il craignait qu’elle ne fasse une rechute, les cauchemars et le travail acharné, les malaises et les nausées. Il ne voulait pas que tout ça l’affaiblisse à nouveau et ne la mette en danger, or, il n’y avait qu’un moyen d’éviter ça, qu’elle lève le pied et apprenne à déléguer. Il lui sourit pour ne pas lui monter à quel point il était inquiet. Ce devait aussi être le cas du Mestre, qui néanmoins n’ajouta rien. Quand aux gardes ils ne firent aucune remarque et ils avaient plutôt intérêt à se taire et à ne pas insulter l’honneur de sa promise ou le sien.

__ Sarah dans ce cas.

Fit-il sur un ton bien plus léger en s’amusant de la voir devenir écarlate à ces mots. Il avait envie d’elle depuis des lunes maintenant, mais en preux chevalier il attendrait le moment adéquat. Même s’il rêvait parfois de ce moment et que ses songes lui faisaient mouiller ses draps. Il pouvait passer des heures à repenser à leurs baisers et quand il fermait les yeux, il voyait son visage, son sourire, et se délectait de ses traits d’une beauté rare. Elle lui révéla alors qu’elle aimait le regarder torse nu sur la lice. Il approcha sa boche de l’oreille de Desmera et murmura

__ Ah oui ? Aaah… mais j’enlèverais ma chemise plus souvent alors.

Un large sourire sur les lèvres, il leva un sourcil amusé. Si elle aimait le reluquer, il lui en donnerait l'occasion à chaque fois qu’elle le désirerait. Lui ne pouvait qu’imaginer ce qui se cachait sous ses robes sages aux jupes amples, mais cela lui suffisait amplement. Et puis les nouvelles tenues qu’elle avait prises à Villevieille en montraient juste assez pour l'émoustiller tout en restant décentes et sans trahir le style de la Redwyne qui était loin des extravagances presque Dorniennes de sa nièce.

Ils arrivèrent et la rousse jovencelle fit ouvrir la porte d’une manière surprenante, ce qui fit rire Humfrey qui salua la camériste avant de poser délicatement sa promise sur le fauteuil avancé pour elle.

__ Merci Sarah.

Il s’agenouilla devant la Seigneuresse de la Treille et prit ses mains pour les embrasser.

__ J’espère que ce voyage vous a plu Ma Dame. Ce fut un honneur pour moi de vous porter jusqu’ici et ce sera un plaisir de partager votre repas.

Il enleva son gambison et le posa sur les genoux de la jeune femme pour lui tenir chaud et aussi pour ne plus rien avoir d'autre que sa chemise sur le torse.

Souhaitez-vous que je vous embrasse ?

Demanda-t-il.

Humfrey hocha la tête quand elle reconnut que ce qu’il disait n’était pas faux, un pas vers un peu plus de transparence de la part de la Redwyne. Il comprenait très bien ce besoin qu’elle avait de rester forte et de s’occuper de son île, il comprenait aussi la pression, la solitude, il était triste de ne pas pouvoir faire davantage, il voulait faire plus pour la soutenir, l’aider, la voir heureuse et en paix avec elle même.

__ Heureusement si non tu ne pourrais pas travailler et les Sept savent à quel point tu aimes travailler.

Répondit le jeune homme avec une certaine ironie, un peu grinçante même. Oh il savait bien qu’elle le devait, qu’être à la tête d’un fief et d’un commerce n’était pas une mince affaire dont on peut s'acquitter quand on est quelqu’un de sérieux et de responsable, ce qu'était Desmera, sans aucun doute possible. Mais entre se tuer à la tâche comme elle le ferait certainement si personne ne mettait le hola et les seigeurs qui n’en glandaiet pas une et laissait leur intendant tout gérer quitte à être evincé, il y avait une gouffre. Il ne comprit pas pourquoi elle parlait du Mestre et trouvait très étrange de l’inclure dans cette conversation, il pensa que l’homme de science n’approuverait pas une telle attitude de la part de la jeune femme, les gens de la citadelle était souvent grincheux et peu enclin à reconnaitre le droit des femmes à fantasmer. En plus, c’était tout à fait innocent et chaste et il était son fiancé, alors elle avait bien le droit de le déshabiller du regard autant qu’elle le voulait. En tout cas, l’information n'était pas tombée dans l’oreille d‘un sourd et s’il avait bien l’intention de se tenir jusqu'au mariage, il n’y avait pas de mal à s’amuser un peu et à émoustiller le désir de sa dulcinée.

Il n’eut même pas le temps de répondre qu’elle l’embrassa et il lui rendit son baiser tendrement, toujours à genoux devant elle. Elle le libéra et lui ordonna de se lever, mais il n'obéit pas, au lieu de ça, il attrapa une des mains de la rousse jouvencelle et la posa sur son torse pour qu’elle fasse ce qu’elle voulait tandis qu'il passait son autre main derrière sa nqe pour prendre sa bouche à nouveau avec passion. Une fois le baiser terminé, le Hightower n’avait d’yeux que pour Desmera et ne remarqua ni les parchemins ni les plumes brisées. En revanche, il remarqua qu’elle retira une de ses chaussures et comme il ne s'était toujours pas relevé, trop heureux qu’il était de profiter de son odeur, il se baissa pour lui enlever l’autre délicatement et lui effleurer le pied au passage et il lui souffla :

__ Je t’aime Desmera.

Quand elle parla de la vue, il se releva et se dirigea vers la fenêtre pour observer. Il faisait nuit alors la terre et la mer se fondaient dans l’obscurité, mais la lumière du phare se laissait deviner par intermittence.