ruins & rising (larence)

chronologie indicative:

La naissance d'un bâtard n'était jamais réellement de bonne augure. Avec le temps, Larence l'avait compris. Car la haine de sa belle-mère, Donella Manderly, ne venait pas de nul part. Non. La bâtardise d'un enfant était la preuve directe de la traîtrise d'un époux. Et sa belle-mère le détestait pour un fait dont il n'était pas responsable, pour la faiblesse de son père qui avait batifolé avec une putain de bas étage dans un bordel. Halys ne s'en était plus préoccupé après les quelques nuits qu'ils avaient partagé ensemble... jusqu'à être averti, quelques mois plus tard, qu'un nourrisson avait été déposé devant le fief, emmailloté dans des couvertures et pourtant totalement gelé. Lorsqu'il avait découvert l'enfant, il avait été surpris des yeux sombres dont il était doté : deux puits sans fond, si noirs que l'obscurité semblait vous noyer, si noirs que son regard en devenait dérangeant, et que nombreux étaient ceux qui détournaient les yeux, refusant de le regarder en face. Donella avait toujours dit que l'enfant était maudit, doté de ce regard à cause de ses origines. D'autres avaient commencé à la croire, et couplé avec le reste, Larence avait beaucoup souffert de son enfance.

Il n'était pas respecté, ni aimé. Halys le considérait, tentait de donner le change en se rapprochant de lui, mais il n'était pas son fils légitime, il ne le serait jamais. Malgré ce qu'il lui disait, le jeune garçon savait que son père préférait Daryn, son aîné. Sa belle-mère ne le supportait pas, c'est à peine si elle lui adressait la parole et lorsqu'elle le faisait, le ton emprunté était toujours passif agressif, chose qu'il ne supportait pas. Il ne disait rien pourtant, se laissait malmener en silence, n'ouvrait jamais la bouche et ne faisait jamais un pas de travers. Il ne voulait pas leur donner l'occasion de le chasser de Corbois ou de le châtier plus qu'ils ne le faisaient déjà. Seul Daryn semblait l'apprécier : il avait toujours un mot agréable à son égard, s'entraînait avec lui et lui apprenait à lire et à écrire. Sans lui, il n'aurait jamais pu le faire. Après tout, qui se préoccupait des compétences d'un bâtard ? Malgré son aide, Larence avait du mal : il y mettait pourtant toute sa bonne volonté.

Il n'a jamais rencontré Daria malgré les nombreuses années qu'il a passé à lorgner le bordel d'où il venait. Était-elle même encore en vie ? Il n'en savait rien. Quoi qu'il en soit, il n'aurait pas eu de figure maternelle si Berena n'avait pas été là pour lui. Sa douce tante, mariée à un Tallhart, lui rendait visite aussi souvent que possible, et les moments passés ensemble réchauffaient le cœur meurtri de l'enfant. Etrangement, la jeune femme s'était prise d'affection pour son neveu et peu lui importait qu'il soit un Snow, chose qui semblait déranger le reste de la famille. Elle avait pris soin de lui, l'avait protégé, éduqué tant bien que mal et avait mandé Leobald, son époux, de l'aider à s'entraîner et à trouver un chevalier pour qu'il soit pris en écuyage.

Mais cet attachement ne plaisait pas à tout le monde, tant et si bien que Donella avait souvent tendance à se venger sur Larence dès qu'il avait un mot plus haut que l'autre ou qu'il faisait un pas de travers. Il ne compte plus toutes les fois où il s'est fait gifler par cette dernière, furieuse car il avait battu Daryn en combat singulier, une chose qui arrivait de plus en plus régulièrement à mesure que les années passaient. Et évidemment, Halys ne disait rien, se contentant d'observer la scène en silence. Parfois, le brun se demandait comment son père avait réussi à procréer en ayant si peu de couilles : une réflexion qu'il gardait pour lui, évidement.


A peine âgé de huit ans, Halys se débarrassa de lui sous les demandes incessantes de sa femme. Cette dernière n'avait pas arrêté de le tanner pour qu'il s'en aille, réitérant la demande à chaque lune pour ne plus souffrir la vue du bâtard. C'est ce qu'il avait fini par faire, le confiant aux Glover, notamment à Galbart, le seigneur de la maison. Officiellement, c'était pour entretenir l'alliance entre les deux maisons. Officieusement, Larence était purement et simplement évincé de la maison Corbois à cause de ses origines. Mais là où il croyait que son quotidien serait bien pire encore qu'avant, il se découvrit une famille. Comme si, pour la première fois depuis sa naissance, la particule Snow ne comptait plus une fois dans le fief des Glover. Il fut accueilli comme un membre de la noblesse à part entière : tous les membres de la famille furent agréables à son égard. Sybelle Locke prit à cœur de l'aider à améliorer sa lecture et son écriture, lui prodiguant par la même occasion de longues leçons d'histoire et de géographie. Si les Corbois ne souhaitaient pas éduquer le pauvre garçon, les Glover s'assureraient qu'il soit aussi instruit que n'importe quel autre enfant de noble ascendance. Jamais il ne fut jugé pour son nom de famille.

Lord Galbart prit ensuite la décision de prendre Larence en tant qu'écuyer, considérant que le bâtard avait également droit à une éducation militaire digne de ce nom, qui ne lui avait pas été donnée par sa famille. Même s'il avait beaucoup à rattraper, le jeune garçon se révéla extrêmement doué avec une arme à la main. Il apprit donc les rudiments de la guerre ainsi qu'à monter à cheval : s'en occupant, les montant... Les autres membres de la famille Glover furent heureux pour lui et ils prirent à cœur de continuer à l'éduquer comme il le fallait, comme le noble qu'il pouvait devenir.

Les années passèrent ainsi, Larence rattrapant le temps perdu du mieux qu'il le pouvait, devenant même excellent. Seulement, par une faute d'inattention, alors qu'il était âgé de douze ans, il se blessa en tombant de cheval. Sa monture s'était emballée à cause de la peur, sans qu'il ne sache réellement pourquoi, et il s'était déboîté l'épaule. Si la douleur avait été cuisante, la honte avait été bien pire. Car il avait dû rentrer et se rendre compte que malgré la levée du ban des Stark, il ne pourrait pas participer à ses premières batailles. Lord Galbart lui ordonna de rester à Motte-la-Forêt malgré ses supplications et le jeune garçon dû se résoudre à obéir. Restant aux côtés de Sybelle, l'épouse de Robett - le frère cadet de Galbart -, il prit parti de l'aider à tenir la maisonnée et surveiller les enfants.


Durant cette longue période où les choses n'avançaient pas, Larence continua d'aider Sybelle de son mieux, ne voulant pas la décevoir. C'est lors d'une nuit sans lune cependant que les choses basculèrent. Silencieux, comme des ombres, les fer-nés se glissèrent dans l'enceinte du château, assassinant les gardes et violant les servantes. Larence s'était réveillé avec un couteau sous la gorge, cette nuit-là. A partir de là, ils devinrent les captifs des Greyjoy, devant leur obéir au doigt et à l'œil au risque d'être tués en représailles. Pour autant, le quotidien du jeune homme ne fut pas celui qui en fut le plus impacté : il continua de vivre sa vie, s'entraînant désormais avec quelques fer-nés qui lui apprenaient des tours connus que de peu de chevaliers. Il améliora réellement sa technique durant cette période.

Les lunes passèrent alors qu'il apprenait à connaître les insulaires, se liant parfois d'amitié avec certains. En contrepartie de leur obéissance, aucun d'entre eux n'étaient réellement impactés par cette prise, chose qui le rassurait : il s'en serait voulu si Sybelle avait été blessée. Cinq lunes après la prise de Motte-la-Forêt, un contingent des Bolton vint les libérer. Si la surprise fut totale pour tout le monde, Larence comprit rapidement le choix qui s'offrait à eux. La bannière de l'écorché claquait dans le vent, comme une menace silencieuse et un rappel de ce qu'ils subiraient, lui et le reste des Glover, s'il ne pliait pas le genoux. Alors pour sa survie, et uniquement pour celle-ci, le jeune consentit à suivre Ramsay Bolton. Libéré de son écuyage par décision du nouveau suzerain du Nord, il suivit alors le fils de ce dernier sans émettre la moindre protestation, sentant son cœur se déchirer lorsqu'il fit ses adieux à cette famille qui avait été, pendant quelques années, la sienne.


Le temps passé aux côtés de Ramsay Snow lui permit de comprendre qu'il n'appréciait absolument pas, mais le jeune homme se pliait à ses exigences. Car il savait ce qu'il faisait risquer à ceux qu'il aimait s'il n'obéissait pas. User de manipulation ne fut pas facile, mais il s'efforça de donner le change, de faire croire à tous qu'il était complètement soumis à Ramsay et qu'il pouvait faire n'importe quoi, exécuter n'importe quel ordre. C'est ce qu'il fit, non sans dégout. Car tuer une pauvre femme courant dans les bois pour échapper à son tortionnaire d'une flèche bien placée ne l'amusait pas. Plusieurs fois, il avait failli se rebeller, refuser d'obéir. Mais il avait toujours fini par accepter. Et il l'avait même sauvé d'une tentative de meurtre de la part d'un soldat. Larence avait été rebuté à l'idée de laisser la vie sauve au monstre qu'était le Bolton, mais il l'avait fait et avait été remercié de ses services en devenant chevalier. Un honneur qui n'avait pas la même saveur que dans ses rêves les plus fous. Comme si la chose était gâchée par celui qui l'avait adoubé.

S'il avait su. Si seulement il avait su ce que Sansa Stark allait subir - un mariage forcé et de nombreux rapports non consentis - il n'aurait jamais sauvé Ramsay. Il assista au mariage de la pauvre nordienne, regardant la cérémonie d'un air impuissant, peiné pour la jeune femme. Le calvaire dura plusieurs mois jusqu'à ce qu'elle parvienne à s'échapper, et il en fut soulagé pour elle. Au moins pourrait-elle trouver de l'aide, ou une vie meilleure le cas échéant.

Lui par contre... C'était bien plus compliqué. Car l'enfer continuait sans sembler vouloir s'arrêter un jour, comme si, à cause de sa naissance, il devait en plus mener une existence des plus douloureuses, être puni pour un fait dont il n'était même pas responsable. La bataille contre Stannis Baratheon fut sa première grande bataille, et surtout son premier combat en tant que chevalier. Malgré son manque d'expérience évident, Larence parvint à survivre et même à finir avec seulement quelques égratignures au compteur, un miracle. Ce jour-là, le faux roi se fit tuer et sa rébellion fut matée. Encore une fois, le jeune homme vit ses chances de s'échapper couler entre ses doigts. Douloureuse révélation, il dut se rendre à l'évidence qu'il finirait certainement sa vie à servir un homme qu'il haïssait et qui s'amusait de lui à cause de sa condition de bâtard.

Un beau matin, une convocation fut envoyée dans sa chambre, et Larence fut mis face à un choix cruel : la loyauté ou la mort. S'il ne pliait pas le genoux devant le nouveau gouverneur du Nord, il se ferait assassiner pour trahison. La gorge nouée, avec la nausée, il s'agenouilla et baissa l'échine devant Ramsay Bolton, comprenant qu'il n'avait pas le choix. Car il ne voulait pas mourir, il ne voulait pas leur donner à tous la satisfaction de le voir tué pour ses convictions. Et cette fois-ci, il sentit réellement le poids de la chaîne qui le reliait à Ramsay à son pied, comme un rappel silencieux de sa trahison envers les Stark.

Son quotidien devint presque pire qu'avant : les regards de travers, les insultes et les bousculades étaient devenu son quotidien. Cette situation n'était pas plus dure à endurer qu'une autre, après tout, n'avait-il pas depuis toujours été considéré comme un moins que rien depuis sa naissance ? Il ne releva jamais, ne se vengea jamais et resta toujours silencieux, subissant sans réagir. Larence était patient. Il savait qu'un jour, il aurait sa vengeance, car les Anciens finiraient bien par réagir à ces injustices.

La bataille des Bâtards fut certainement l'élément déclencheur de sa fureur. Le meurtre de sang froid du jeune Rickon Stark alors que ce dernier tentait de fuir, le massacre de l'armée de Jon Snow... Pour la première fois depuis qu'il connaissait Ramsay, Larence refusa d'obéir. Il resta sur le champ de bataille, sans bouger, incapable de réagir... jusqu'à entendre les cris désespérés des sauvageons, les hurlements stridents des hommes rendant leur dernier souffle... C'est la gorge d'un homme de Ramsay qu'il trancha, au moment où Sansa Stark arrivait comme un renfort désespéré avec les troupes du Val d'Arryn. S'il n'avait pas réagi, peut-être aurait-il été exécuté, mais était-ce un crime de tout faire pour survivre ?

Tous ne semblèrent pas d'accord, et lorsqu'il plia le genoux devant le roi du Nord, il fut pardonné.


Après avoir été pardonné, Larence put enfin rentrer à Corbois, sa maison. Les années étaient passées depuis son départ, et le jeune homme trouva le fief vide, dévasté par les années qu'il avait passé abandonné. S'il se découragea dans un premier temps à cause de la masse de travail qu'il lui faudrait accomplir, il finit par se reprendre et commença à reconstruire, suivant les conseils de sa tante Berenna. Les lunes passèrent alors qu'il faisait de son mieux pour rendre sa beauté à Corbois. Jusqu'à ce qu'un matin, une missive n'arrive, appelant tous les Nordiens à se réunir à Winterfell en vue de la bataille contre les morts qui approchaient.

Après tout ce qu'il avait fait, estimant qu'il devait encore se rattraper, Larence n'hésita pas à rejoindre le fief des Stark. Pour la première fois, il vit des dragons, ces créatures aussi majestueuses que terrifiantes, qui lui permirent de garder la foi même dans la nuit la plus noire. Car quand vint la grande bataille de Winterfell, seul l'obscurité et la terreur les étreignirent. Lorsqu'il repense à cette nuit-là, il en frissonne de terreur. Il ne sait même pas comment il a fait pour rester en vie car d'après les dires du mestre, il fut retrouvé allongé au sol, ensanglanté, plusieurs estafilades courant le long de son corps. Cloué au lit, elle n'eut pas d'autres choix que de se reposer à Winterfell, attendant d'aller mieux... Et le temps fut long, car il ne pouvait rien faire d'autre que se tourner les pouces. Une occupation fort peu intéressante. Quoi que, avoir la visite de Sansa Stark était quelque chose de réconfortant. Elle était comme un phare dans la nuit, et sa présence avait toujours le don de le réveiller de ses cauchemars.

Elle fut couronnée reine après la mort de Daenerys Targaryen, et Larence plia le genoux avec plaisir, acceptant la jeune femme comme sa reine légitime. Restant encore quelques jours à Winterfell, il eut la surprise de voir sa tante débarquer dans la capitale du Nord et demander son anoblissement auprès de Sansa Stark. Tout au long de la conversation, il resta silencieux, surpris de l'initiative de sa tante, mais la comprenant néanmoins : sans lui, la maison s'éteignait. Ce jour-là, même s'il vit sa demande de mariage refusée, il dut dire adieu au nom Snow, prenant celui, légitime, de Corbois, ainsi que tous les titres qui allaient avec.


A partir de là, son quotidien se retrouva complètement chamboulé. Même s'il entendait encore les nobles chuchoter à la traîtrise sur son passage, il était seigneur de plein droit, avait un nouveau rôle et de nouveaux objectifs. Berena l'aida à s'y retrouver dans ces histoires de seigneur, car s'il avait été éduqué par les Glover - qu'il ne pourrait jamais assez remercié - il n'avait jamais été préparé à devenir seigneur à la place de son père. Elle l'aida donc sur beaucoup d'aspects, mais surtout sur la nécessité de nouer des alliances et de se marier.

Loin d'être une union d'amour, Larence dut se résoudre à épouser Wylla Manderly - la jeune femme était d'une beauté à couper le souffle, un peu spéciale, mais il s'en voulait de prendre une place qu'il ne lui revenait peut-être pas. S'ils ne s'étaient pas mariés, peut être aurait-elle pu trouver meilleur parti que lui. Pourtant, dès les premiers jours, alors même qu'ils ne s'étaient jamais vus, le jeune seigneur eut l'impression de la connaître depuis toujours. Comme si elle avait toujours été à ses côtés et qu'il la connaissait par cœur. Et si leur union n'était à la base pas remplie d'amour, elle s'en retrouva pourtant noyée à mesure que les deux époux développaient des sentiments l'un pour l'autre.

L'invitation au tournoi du Donjon Rouge, peu après leur mariage, les ravirent et ils décidèrent de s'y rendre avec plaisir, estimant qu'il était important pour Larence de se montrer comme le nouveau seigneur de Corbois et non plus comme le bâtard qu'il fut pourtant un jour.