Ulwyck Uller - Nous prendrons ce qui est nôtre

« Très chère Loreza,

J’ignore si je puis encore m’adresser à toi en ces termes, après tout ce qu’il s’est passé. As-tu même conscience de tous les événements qui nous ont menés là aujourd’hui ? Je l’ignore, mais Elia m’a fait part de ton désir d’en savoir plus sur ton grand-père et moi, aussi prends-je la plume pour t’éclairer à ce sujet, au moins en partie.

Le seigneur actuel de Denfer, ton grand-père et mon frère aîné, Harmen, est l’enfant né de la première union de Daemon Ulwyck avec Jehane Le Voi. Il a eu ta mère une dizaine d’années avant ma naissance et j’ai grandi à ses côtés ; Ellaria a toujours été pour moi plus une sœur qu’une nièce et j’aurais toujours le regret qu’Harmen ait refusé de la faire entrer dans notre famille. Je pourrai sans doute t’en dire plus sur lui, mais rien que ta mère ou tes sœurs n’aient pu te raconter. J’ai à peine vécu la moitié de sa vie, en même temps. J’espère qu’il t’enverra une lettre de son côté ; je le presserai en ce sens.

Quant à moi, je suis issu du remariage de mon père avec Saren Wyl. Cette dernière n’a cependant pas survécu à mon accouchement et j’aurais pu être mis à l’écart pour cela. Mais Père m’a élevé sans faire de différence avec Harmen, peut-être parce que ce dernier ne montrait – déjà à l’époque – aucune intention de s’établir avec une épouse et qu’il me reviendrait sûrement d’administrer le domaine un jour.

À mes huit ans, à la mort de Père, je fus envoyé en tant que pupille, puis écuyer de la maison Martell. Je me suis lié d’amitié avec leurs membres, et tout particulièrement ton père Oberyn. Si tu te poses la question, ce n’est pas moi qui ai introduit Ellaria auprès de lui, mais je suis heureux qu’ils se soient autant aimés. Le bonheur d’Ellaria faisait le mien, à l’époque, et en devenant chevalier, je me suis juré de les protéger tous deux, ainsi que ta première sœur, né peu de temps auparavant, et tous leurs enfants à venir.

Voilà un serment que je n’ai su honorer et je t’en demande pardon. Le mariage du roi Joffrey restera toujours un douloureux souvenir pour moi et je peine à en écrire les événements. Ce n’est pas ma première lettre à ton égard, mais les autres ont fini couvertes de ratures et de honte. Je ne suis pas encore prêt à t’en parler, mais un jour, je le ferai et je tiendrai cette promesse pour les mille autres que les dieux m’ont faites briser.

Lorsque ta mère a assassiné Doran Martell en 301, j’ai désapprouvé son acte – il était comme un second père pour moi – mais je ne pouvais abandonner ma sœur de cœur. Je l’ai suivie dans sa décision de s’allier à Daenerys Targaryen et tenté de convaincre de vieux amis à me suivre. J’y ai perdu beaucoup d’alliés, mais aucun que je ne regrette. Tu sais comment je suis ; je ne saurais accorder à nouveau ma confiance à quelqu’un qui m’a fait défaut une fois.

Cependant, si je dois me venger, je vous laisserai toutes en dehors. J’ai déjà perdu trop de gens à qui je tenais dans des vengeances qui les concernaient directement, aussi je te prie de ne jamais chercher à savoir qui nous a refusé leur aide, ou de leur en tenir rigueur.

Ta mère a ensuite rejoint Daenerys avec trois de tes sœurs et j’ai gardé Lancehélion en son absence. De ça, tu dois te souvenir ; nos parties de cartes alors que le soir tombe et tes rires joyeux en cas de victoire me manquent. Tu dois te souvenir aussi de la guerre civile qui a éclaté lorsque Ellaria et une de tes sœurs ont fini captives de Cersei Lannister ; je remercie les dieux de ne pas avoir perdu une personne de plus dans ce conflit.

Mon sang hurle encore de haine pour la mort de ta mère et de Tyerne, n’en doute jamais, mais je ne suis pas prêt à voir un nouveau conflit sanglant naître pour une vengeance où ceux à tuer ne sont déjà plus. Les Lannister ont payé leur dette à mes yeux ; c’est tout ce que tu dois retenir. Pitié, que nos dieux t’épargnent la folie qui nous rongent tous en tant que descendants de la Maison Uller.

J’en viens finalement à l’événement qui m’a fait partir si loin de toi. J’entends encore tes pleurs à mes oreilles alors que tu me priais de rester et de ne pas t’abandonner. Petite couleuvre, sache que je ne t’ai pas quitté de gaieté de cœur, mais je conteste toujours les droits d’Edmund Garlagen à la souveraineté sur Dorne. Serais-je resté que nous serions probablement rentrés en conflit ; il nous vaut mieux à des lieux l’un de l’autre. Tu es cependant la bienvenue à Port-Réal si tu le souhaites, ma porte te sera toujours ouverte et mon poste de Maître des Lois te conférera la protection nécessaire dans ce panier de crabes.

En tout cas, je t’assure que tu trouveras toujours à Denfer un foyer, comme tes sœurs l’ont fait, si le Prince Garlagen venait à manquer à sa parole. Et s’il y a quoi que ce soit que je puisse faire en ta faveur, dis-le et je m’en acquitterai dans la mesure de mes moyens.

Prends soin de toi, Loreza. Tu me manques et je prie les dieux pour que tu restes à l’abri de tout danger.