[PORT REAL] (fb) Nul ennemi ne pourra passer ✧ ft. Larence Corbois [Terminé]

Le jeune homme profitait de la soirée... seul. Wylla ne se sentait pas assez en forme pour participer au banquet si bien que les deux jeunes mariés s'étaient quittés rapidement, l'un promettant à l'autre de rentrer rapidement. Il faut dire que Larence n'aimait pas beaucoup laisser son épouse seule : même si elle savait se défendre et que le Donjon Rouge était bien gardé, il craignait pour sa vie et préférait rester avec elle.

Seulement, ce soir, il ne se sentait pas d'humeur. Il ressassait sa médiocre performance lors de l'épreuve de tir à l'arc du tournoi, les dents serrées. Et il avait bu, peut-être un peu plus que ce qu'il aurait dû. Il était encore maître de ses moyens, mais il se sentait légèrement tanguer lorsqu'il marchait, et il était fébrile. Un état plutôt normal un soir de fête... mais il savait qu'il avait bu pour les mauvaises raisons, notamment par frustration. Quoi qu'il en soit, il déambulait encore, un verre d'alcool en main, sans trop savoir où il allait.

Puis soudainement, il se rapprocha de la table des grands du royaume où se trouvait notamment le prince dornien ainsi que quelques membres de sa suite, ou encore La Néra, ce rustre dont la mauvaise réputation ne cessait de briller. Au dernier moment, il vit quelques gardes, et notamment une jeune femme dont la position se fit immédiatement menaçante envers lui. Il entendit la menace plus qu'il ne la vit, et sa main se porta automatiquement à son arme, réflexe de soldat qu'il avait acquis au fil des années.

Le nordien haussa un sourcil et dévisagea allégrement l'inconnue. Une dornienne à n'en point douter : son apparence, sa manière d'être et l'arme qu'elle tenait dans sa main ne laissaient aucun place au doute. Poigne serrée autour de la garde de son épée, le jeune homme ne bougea pas, se contentant de la dévisager tout en se demandant qu'est-ce qu'elle lui voulait.

Etait-elle demeurée à l'attaquer ainsi ?

— Puis-je savoir qui vous êtes pour vous permettre de telles familiarités ? lâcha-t-il d'un ton cassant, rendu agacé par les événements de la journée. Vous devriez baisser d'un ton quand vous ne savez pas à qui vous vous adressez, ajouta-t-il en plissant les yeux pour la dévisager, n'appréciant absolument pas de se faire rembarre de la sorte alors qu'il n'avait rien fait de mal.

C'est vrai après tout ! Qu'avait-il fait d'autre que de s'approcher un peu de la table des souverains des différentes régions ? Rien. Et de ce qu'il savait, ce n'était pas un crime, surtout au vu de sa position dans le Nord. Il avait beau être un ancien bâtard, il avait été anobli officiellement, était à la tête de sa maison et avait épousé une femme de l'une des plus puissantes maisons du Nord. Peu importe ses ascendances, il méritait sa place et serait le seul à en décider de l'endroit.

— Gardez donc votre "oust" pour ceux qui n'ont vraiment rien à faire ici, cracha-t-il enfin, orgueilleux.

Le mépris et l'insolence de la jeune femme irrita ses nerfs. Larence était pourtant d'un naturel calme, n'appréciant pas les conflits, mais il était déjà agacé de sa journée et l'alcool ne l'aidait pas à s'apaiser. Peut-être avait-il trop bu au final... mais tant pis, c'était fait et il ne regrettait pas d'avoir bu. Pas si ça pouvait lui permettre de remettre l'impertinente à sa place. Parfois, il avait l'impression que tous pouvaient lire sur son visage qu'il était un ancien bâtard et que tous se moquaient de sa condition. Pourtant, il savait que ce n'était pas le cas, mais après les nombreux verres de vin et avec l'agacement qu'elle parvenait à faire naître en lui, il n'en n'était plus aussi sûr.

— Vous devriez faire attention à votre langage, vous ne savez jamais à qui vous pouvez vous adresser, cracha-t-il d'un ton agressif.

Ses propos ressemblaient à une menace, mais le nordien ne lui ferait absolument rien : frapper des femmes n'était pas dans ses mœurs, et il exécrait au plus au point la violence gratuite. Pour autant, il n'appréciait absolument pas de se faire marcher sur les pieds, sa nature autoritaire revenant au galop.

Lorsqu'elle l'informa de son prénom, il leva les yeux au ciel dans un geste tout à fait condescendant, complètement désinhibé par l'alcool qu'il avait ingéré.

— Ravi de le savoir, lâcha-t-il d'un ton cynique en la dévisageant avant de pousser un lourd soupir, agacé par cette perte de temps. Décale-toi maintenant, grogna-t-il en abandonnant le vouvoiement, arrivant déjà à bout de patience face à l'effrontée.

Pourtant, elle n'obéit pas. Loin de là même. Il n'aimait pas beaucoup plus être contredit, et cela l'agaçait de devoir se répéter, encore plus de devoir se justifier sur sa présence près du prince de Dorne et des autres grands nobles du royaume. Il y était à sa place, il n'était pas un péquenaud venu de nul part ! Il était certes un bâtard, mais tout de même, il avait le droit à un peu de respect.

—  Je ne me répèterai pas deux fois. Bouclier-lige ou pas, décale-toi de mon chemin, siffla-t-il sans prendre la peine de se présenter, la main toujours serrée autour de la garde de son épée.

Si elle ne savait même pas reconnaître le blason qui trônait sur son torse, cette femme était bien sotte. Qu'est-ce qu'elle l'agaçait ! Pourtant, elle n'en démordit pas, et lorsqu'il l'entendit, il fut tellement choqué qu'il ne répondit rien. Ses yeux s'écarquillèrent alors qu'il la dévisageait avant de tourner la tête vers les autres nobles pour s'assurer qu'ils n'avaient rien entendu. S'il était en colère, il savait également très bien que s'il se plaignait ou que quelqu'un les entendait, cela pouvait mal tourner pour elle.

Et Larence n'avait pas un fond mauvais : il ne souhaitait le malheur de personne.

Semblant se réveiller, il fit soudainement un pas en avant, retrouvant sa morgue, et finissant presque collé contre la dénommée Arianne. Il était beaucoup plus près que ce que lui imposait les convenances, mais il n'en avait cure. Elle l'avait énervée et il était absorbé par leur conflit désormais. La dévisageant de haut en bas, il finit par fixer son regard sombre dans le sien, venimeux. Le symbole de sa maison n'avait pas été choisi au hasard : tel un orignac, il se montrait fort et convaincu, prêt à utiliser ses bois pour se défendre.

— Dégage de mon chemin, Arianne, grogna-t-il beaucoup moins fort, afin qu'elle soit la seule à l'entendre. Si tu ne le fais pas, c'est moi qui te décale, et je n'ai absolument aucune envie de te toucher, cracha-t-il ensuite avec condescendance.

Visiblement, l'alcool faisait quelques ravages dans la bienséance de Larence. Lui qui faisait toujours très attention à son apparence et au moindre de ses faits et gestes se retrouvait presque à insulter une inconnue tout en étant trop proche d'elle. Mais sa patience avait des limites, et il n'était pas d'humeur à jouer : il voulait poursuivre son chemin tout droit, pas se détourner pour satisfaire l'égo d'une pauvre femme aigrie.

Il la haïssait : comment pouvait-on être aussi butée ?! Il ne faisait rien de mal, il voulait simplement passer et elle l'agressait comme s'il était le pire des reîtres, un vil délinquant capable du pire. Il en était pourtant loin : il avait certes ses défauts, et son passé peu glorieux de bâtard derrière lui, mais il ne méritait pas de se faire cracher dessus ainsi. D'autant plus qu'il ne comprenait pas cette réaction. Et Larence détestait être ignorant.

La menace se fit encore plus explicite lorsque le bout de la lance tinta contre le sol mais il décida sciemment de l'ignorer, la fixant avec rage sans bouger d'un pas. Si elle voulait jouer au plus têtu, ils allaient jouer. Ce n'était absolument pas un problème pour lui, loin de là. Surtout qu'il avait la désagréable impression que si elle agissait ainsi avec lui, c'était parce qu'elle savait qu'il était un ancien bâtard, et cela échauffait plus encore ses nerfs. Il détestait l'injustice dont certains pouvaient faire preuve face à son sang qui n'avait rien de bleu.

Blessé par ses mots, il se força à ne rien laisser paraître et la dévisagea plus froidement encore si c'était possible, sa mâchoire se contractant plus encore. Une veine au-dessus de sa tempe se mit à palpiter tant il était crispé de rage, et il se doutait qu'il devait faire peine à voir, ainsi. Mais il n'arrivait pas à penser à autre chose qu'à ses mots.

Personne.
Personne.
Personne.
Personne.

Il ne lui fit pas le plaisir de répondre et, transformant sa peine en colère, s'avança vers elle en la menaçant ouvertement, main posée sur son épée. Il n'était pas assez stupide pour savoir que se battre ici était une très mauvaise idée, mais cette petite peste lui donnait envie de l'étrangler. Sa condescendance était sans limite... tout comme celle du nordien qui, touché dans son égo, se défendait comme il le pouvait.

Il la dévisagea d'un regard sombre, savourant son air furibond face à ses provocations, qui n'avaient rien d'intelligentes. Les doigts fermés autour de sa garde, prêt à dégainer pour se défendre, il continua de l'observer, si proche qu'il pouvait sentir son odeur. Elle sentait la sable, la nature et le cuir : un mélange aussi étrange qu'il était agréable, et cela l'enragea plus encore.

Mais il ne fut pas le premier à céder à ses pulsions : comme poussée par sa rage, elle le poussa en arrière sans ménagement. Elle avait plus de force que ce qu'il pensait, car il fut effectivement obligé de reculer. Mais dans le mouvement, plus alerte que ce qu'il avait pensé être - peut-être avait-il déjà décuvé à cause d'elle - il se saisit au passage de la lance qu'elle abandonna, la tenant fermement dans sa main gauche. C'est alors qu'il recula volontiers, un sourire moqueur au coin des lèvres alors qu'elle se retrouvait désarmée. Ignorant l'insulte, il émit un léger rire.

— Décevant, pour un bouclier-lige, lâcha-t-il d'un ton cassant en jouant légèrement avec la sarisse avant de pointer la pique vers la gorge de la jeune femme avec dextérité. On évite de lâcher son arme, lorsqu'on s'en prend à quelqu'un.

Blessé par les propos de la jeune femme, il en devint alors cruel. Se redressant, fixant ses yeux noirs sur elle, il ne se départit pas de sourire en coin, la moquerie suintant par tous les pores de sa peau.

— Qui est personne, cette fois ? lui demanda-t-il sans chercher à partir, bien trop agacé par Arianne pour ne serait-ce que songer à déguerpir avant qu'ils n'en viennent réellement aux mains.

Car s'il savait se contrôler, surtout face à une dame, le premier écart de la dite femme ne lui disait rien qui vaille.

Blessés par les propos de l'autre, ils ne cessaient de s'envoyer des piques de plus en plus mauvaises, crachant leur venin de la manière la plus fourbe qui soit. Peut-être était-ce un concours silencieux entre eux, à celui qui serait le plus désagréable et le plus acerbe.

Et il semblait à Larence qu'il avait gagné après s'être saisi de la lance d'Arianne et l'avoir menacé avec. Il l'observait de haut, la dévisageant en silence après lui avoir envoyé de cruels mots à la tête en réponse de ceux qu'elle avait énoncé. Il la voyait se débattre avec sa colère et sa raison, semblant peser le pour et le contre sans chercher à se défendre pour autant.

Du moins, c'était ce qu'il croyait, jusqu'à ce que, plus vive qu'un chat, elle ne lui fonce dessus. Il n'eut pas le temps de réagir. Enfin, si. Il éjecta la lance loin d'eux pour éviter de les blesser et lâcha la garde de son épée pour tenter de contrer l'attaque venue de nul part, mais c'était déjà trop tard. Emportés par l'élan de la dornienne, ils s'écroulèrent tous les deux par terre, soulevant un nuage de poussière dans leur chute. Se retrouvant en-dessous, bloqué par le corps de la jeune femme, mais surtout sonné à cause du choc de son crâne contre la terre, Larence réagit à peine lorsqu'elle saisit son col à pleine main et redressa son torse en tirant dessus pour rapprocher leurs visages.

Clignant des yeux tout en grimaçant légèrement, le nordien se rendit douloureusement compte du poids plume d'Arianne sur lui et il écarquilla légèrement les yeux en la dévisageant. Le regard haineux de cette dernière se planta dans le sien d'un air assassin et il hoqueta avant que ses mains ne se lèvent pour saisir ses poignets. Il n'y mit pas de pression, n'essaya pas de la dégager, restant simplement couché au sol : il espérait que la tempête se calmerait ainsi. De toute manière, il ne comptait pas la frapper, il s'y refusait : il ne touchait pas aux femmes, c'était contraire à son éthique et à son honneur.

— D'accord, d'accord, lâcha-t-il dans un souffle qui se voulut apaisant pour calmer la tension. Tu n'es pas personne, tu es Arianne, bouclier-lige du prince Edmund Gargalen, reconnu-t-il en hochant la tête, gardant ses mains sur ses bras. Toute guerrière que tu sois, tu ferais mieux de me lâcher maintenant, les gens vont nous voir, et cela m'étonnerait que ton prince apprécie te voir ainsi, ajouta-t-il d'un ton calme en gardant son regard rivé dans le sien.

Il ne se voulait ni méprisant, ni blessant, mais il savait que leur chute avait dû attirer l'attention, tout comme les éclats de voix. Et il craignait par-dessus tout croiser des gens qu'il ne voulait pas voir, ou que la jeune femme ne se fasse sermonner : il semblait qu'ils s'étaient déjà fait assez de mal, tous les deux.

Se faire secouer comme un prunier lui donnait la nausée, mais Larence fit comme si de rien était et, au lieu de s'énerver comme il aurait très bien pu le faire, fit en sorte d'essayer de la calmer. Cela fit mouche, et il eut l'impression que la colère s'estompait légèrement du visage de la jeune femme penchée au-dessus de lui. L'observant, il resta silencieux jusqu'à ce qu'elle se relève d'un coup, et il s'assit à son tour, passant une main dans ses cheveux avant de soupirer.

Heureusement qu'elle avait entendu raison : ils auraient eu l'air fins, s'ils avaient dû s'expliquer à quiconque. Retenant d'ajouter qu'il avait toujours raison face à sa remarque, il ne put néanmoins empêcher le léger sourire narquois qui vint étirer ses lèvres. Secouant légèrement la tête, il poussa un soupir avant d'aviser avec surprise la main qu'elle lui tendait. Et après une hésitation, il la saisit et se redressa sans mal, s'époussetant à son tour.

Il la regarda observer autour d'eux avec une certaine angoisse mais ne commenta pas, se contentant de faire quelques pas pour ramasser sa lance et la lui ramener au moment où elle lui demandait si ça allait.

— J'ai déjà vécu bien pire, se contenta-t-il de répondre en lui tendant son arme avant de baisser les yeux sur son visage. Je ne te retourne pas la question, j'ai bien l'impression que tu vas m'arracher la tête si je le fais, ajouta-t-il sur un trait d'humour avant de reculer d'un pas, laissant assez d'espace entre eux pour obéir aux convenances.

Il finit par s'assurer que son épée était toujours bien accrochée avant de se pincer légèrement les lèvres, pensif.

— Les mots ont dépassé ma pensée, je m'en excuse, ma Dame. Je n'aurai pas dû agir comme je l'ai fait, c'était inconvenant.

Larence inclina la tête respectueusement avant de regarder autour de lui, prêt à partir : honnêtement, toutes ses envies de fête étaient coupées et il préférait rentrer dans ses appartements pour ruminer sur les mots de la jeune femme. Elle l'avait bien plus blessé qu'il ne voulait bien l'admettre.

Malgré la colère d'Arianne qui vibrait toujours autour d'eux, il parvint à lui arracher un petit sourire cynique avec son trait d'humour, chose dont il se félicita silencieusement en l'observant. C'était toujours ça de gagné, surtout lorsqu'il voulait apaiser la situation et les tensions entre eux.

Finalement, décidant de jouer au plus grand des deux, il finit par s'excuser, réellement sincère dans ses propos. Il l'observa détourner le regard quelques secondes avant de le reporter sur lui, et il lui offrit un léger sourire penaud. A ses yeux, ils étaient tout deux en tord, au moins au même niveau, pas un plus que l'autre. Et il s'en voulait d'avoir cédé à sa colère et à sa frustration.

Il hocha la tête lorsqu'elle s'excusa à son tour, reconnaissant l'effort. Mais lorsqu'elle avoua son mensonge, il haussa un sourcil, surpris, puis comprit immédiatement ce qu'elle sous-entendait. Pire encore, il comprit pourquoi elle avait agi comme elle l'avait fait et la culpabilité lui noua aussitôt le ventre. Qu'est-ce qu'il n'avait pas fait...

— Tu es une Sand, c'est ça ? murmura-t-il d'un ton qui se voulait pacifique, cherchant simplement à comprendre. Je ne te juge pas et je ne le dis pas pour t'insulter. Je suis... j'étais un Snow, jusqu'à il y a peu, avoua-t-il enfin, la gorge nouée en se remémorant la grande partie de sa vie où il avait vécu sous ce nom maudit.

A ses yeux, il était et serait toujours un Snow, mais c'était le nom Corbois qui accompagnait son prénom désormais. Secouant légèrement la tête, il eut un léger sourire en la regardant.

— Même si tu n'es pas son bouclier-lige, tu en as toutes les capacités, tenta-t-il pour la rassurer - si tant est qu'elle avait besoin d'être rassurée sur ce point.

Il sentit son cœur se serrer légèrement en voyant sa peine et ses traits s'affaissèrent avant qu'il ne finisse par s'approcher doucement d'elle, comme on approche un animal sauvage et craintif. Doucement, ses doigts se posèrent sur son épaule dans l'espoir d'attirer son attention.

— Peu importe le nom que l'on porte, il n'est pas important. Pas dans ce monde où les actes comptent bien plus, lui dit-il en rivant son regard dans le sien. Snow, Sand, Rivers, Flowers... Ce ne sont que des noms sans importance. Ce qui compte, c'est qui tu es, ce que tu es. Pas qui sont tes parents.

Il finit par laisser sa main retomber contre lui, craignant de trop abuser. La dévisageant à nouveau, il se fit la réflexion qu'il n'aurait jamais deviné qu'elle était une bâtarde si elle ne lui avait pas avoué. Comme quoi, sa personnalité comptait bien plus que son titre.

Larence ne baissait que très rarement sa garde, mais en compagnie d'Arianne, il venait de se permettre de le faire en laissant ses émotions prendre le dessus sur son comportement premier. Il n'avait même pas fait attention, c'était arrivé comme ça, alors qu'il tentait de chasser les nuages noirs qui obscurcissaient le visage de la dornienne. Il ne voulait pas la voir triste pour quelque chose qu'ils n'avaient pas choisi : ils étaient nés ainsi, mais ce n'était pas forcément une tare. Il l'avait appris avec le temps, et peut-être qu'elle-même finirait par s'en rendre également.

Néanmoins, il reconnaissait que sa situation était plus facile, simplement car il était anobli : il n'était plus qu'un simple bâtard, il avait désormais une femme et des titres - dont il n'avait jamais voulu, mais il les avait. Alors leur situation était en effet différente, et pourtant si semblable... En un sens, c'était plutôt triste et le jeune homme regrettait que tous les bâtards ne puissent avoir la même chance que lui.

Après l'avoir touché du bout des doigts, il l'observa prendre la mesure de ses paroles, et il capta son émoi avec la même émotion. Sa gorge se serra légèrement et il la dévisagea en silence, ne sachant que faire d'autres. Pendant un instant, il eut l'impression de la soulager de bien des années de souffrance. Il entendit même un merci ténu. Mais très vite la tempête revint, plus forte encore qu'auparavant. Plus dévastatrice.

Larence recula d'un pas maladroit, ne s'attendant pas à ce qu'elle s'en prenne encore à lui. Ses yeux s'écarquillèrent et il déglutit difficilement en secouant la tête pour lui prouver le contraire. Il ne la narguait pas, loin de là même ! Il la comprenait et voulait l'aider du mieux qu'il le pouvait.

— Quoi ?! Non ! Pas du tout, ce n'est pas-

Il fut coupé en plein milieu de sa phrase lorsque la dornienne se jeta à nouveau sur lui pour l'attraper. Se retrouvant de nouveau collé contre elle - cela devenait trop régulier - il la dévisagea en se laissant secouer avant de réagir cette fois-ci. D'un geste, il saisit ses poignets une seconde fois sans serrer, dans l'espoir de lui faire entendre raison.

— Je ne te prends pas en pitié ! Je te comprends, je suis passé par là et je sais ce que ça fait ! rugit-il à son tour, espérant se faire entendre dans la tempête de ses émotions. Je ne permettrais pas de te prendre en pitié alors que je sais pertinemment quel mal cela fait !

Il la dévisagea sauvagement, ne la quittant pas des yeux dans l'espoir qu'elle se calme enfin.

— Veux-tu bien cesser désormais ?!