[PORT REAL] Que la lumière soit ☽ Aloyse Kenning

*Ma vielle entre mes mains, je sors paresseusement quelques sons de mon instrument, m’occupant seule dans cette de journée solitaire. Il n’était pas si tard, mais ce soir, Megalis n’avait pas besoin de mes services, et, pour une fois, j’avais eu besoin d’un peu de solitude. Je pouvais l’admettre sans trop de difficulté, j’avais le mal du pays. Ou, pour être plus exacte, ma famille me manquait. Ma véritable famille, soit mes trois frères, et non pas mes parents. J’avais encore du mal à situer ma petite soeur qui m’en voulait tant mais que j’avais aimé profondément et presque élevée sur ses premières années de vie.

Les notes que je tire de mon instrument sont emprunt de ma solitude et de ma nostalgie, quand on toque à ma porte… Ce qui m’étonne fortement. Megalis aurait-elle soudainement besoin de moi ? Je ne lui étais pourtant que fort peu utile, à cause de mon handicap. Après une seconde à avoir douter de la véracité des faits, je me décide à me lever en posant délicatement ma vielle sur le lit. Je connaissais désormais par coeur la disposition des meubles de cette chambre et vient ouvrir sans mal ma porte. Là, une voix inconnu m’annonce avoir un coffre et une lettre pour moi. Je l’invite à poser le coffre sur mon bureau et avant qu’il ne s’éclipse, je l’arrête un instant.*

« Jeune homme, pardon… Savez-vous lire ? »

*Le garçon semble hésitant et hoche la tête, avant de réaliser que je ne pouvais pas voir ce geste et murmure un timide « oui ». Je lui tends alors la lettre et lui souris.*

« Pourriez-vous me la lire, je vous prie ?
- Mais… Ma lady, et s'il s'agit d'un contenu secret ?
- Comptes-tu le répéter au tout venant si cela était le cas ?
- Grand dieux non madame !
- Alors ne te fais pas prier. De toute façon, quel sujet d’importance pourrait-on écrire à une aveugle qui ne saurait lire elle-même son courrier ? »

*Le garçon semble suffisamment convaincu pour attraper la lettre, la décacheter et la lire, de façon un peu saccadé cela dit, prouvant qu’il n’était un très bon lecteur.

Mais je n’ai pas le temps de m’attarder sur sa diction. Le contenu de la lettre me surprend bien plus, et je reste figée un instant, avant de me tourner vers le coffre. Le garçon déglutis, et je lui fais signe qu’il peut partir après lui avoir offert un sourire délicat. Il pose la lettre et s’en va sans demander son reste. Je m’approche du coffre et, à tâtons, en cherche les ouvertures. Je finis par trouver le mécanisme et l’ouvre, avant d’y trouver, comme indiqué dans la missive, une fiole.

Je l’effleure, d’abord, avant de retirer la main comme si le contact m’avait brûlé. Pendant une seconde, je me demande pourquoi un alchimiste pouvait s’intéresser à mon sort. Cela dit, j’étais un cas plutôt rare, un bon sujet d’expérience. Il était aussi possible que l’on cherche à m’empoisonner.. Enfin, non, je déraillais. Je n’étais personne d’important, j’étais aveugle et inutile, ma vie n’était pas assez importante pour cela. Je me mords la lèvre en effleurant le bouchon qui scelle la petite fiole. Il n’était pas prudent de la prendre ainsi, sans savoir de quoi il s’agissait.

Je reste figée pendant de très longue minute face à ce coffre, en touchant du bout des doigts cette fiole pleine de promesse. Devais-je vraiment avoir de l’espoir ? Ma situation était désespérée, et je n’avais plus rêvé de retrouver la vue depuis des années. Je m’étais interdit d’y penser, pensant que tout ne serait que des fantasmes déçus. Mais… S’il s’agissait d’un alchimiste du donjon rouge…

Que me diraient mes proches ? Surement de me méfier. Mais pouvaient-ils comprendre la détresse de mon handicap et tout ce que cela me causait ? Non, c’était certain. Pour autant, étais-je prête à risquer ma vie ainsi sans rien chercher à en savoir ?

Oh, et puis mince ! Si je réfléchissais trop, je n’oserais jamais sauter le pas. Mais on a rien sans rien, n’est-ce pas ? Pourtant, par prudence tout de même, me voilà refermant le coffre, avant de me diriger vers le couloir. Là, je marche un peu avant de tomber sur une servante, à qui je demande de me rejoindre dans ma chambre. Elle me suit sans trop comprendre, je n’étais pas une dame capricieuse d’habitude, alors qu’est-ce que je pouvais bien lui vouloir ? Une fois dans la chambre, j’exige qu’elle ferme la porte de ma chambre et, avant de changer d’avis, je me tourne vers elle. Je lui tends la lettre que j’ai remis dans son enveloppe, avant de lui ordonner : *

« Tu vas rester avec moi pendant la prochaine heure. S’il m’arrive quoi que ce soit, je veux que tu ailles en informer Megalis Farman immédiatement, et tu lui donneras cette lettre, tu m’entends ? Tu lui diras aussi que le page qui m’a délivré ce coffre était un jeune homme, qui venait tout juste de muet, sait à peine lire, faisant à peu près ma taille et avec un pas très léger, donc probablement gringalet.
- Mais, Dame Alo…
- Ne poses pas de question. »

*Et puis, pour être sûre de ne pas me poser plus de question, je n’hésite pas, me dirige vers le coffre, l’ouvre, saisit la fiole, ferme les yeux en priant tous les Dieux avant de l’ouvrir et de la boire d’une traite.*