[BEAUMARCHE] CHASSE & RETROUVAILLE (PV AENAR)

« Que cherche-t-il ? »

Cette question qui trottait dans la tête de Meera, démontrait une certaine appréhension. Pourtant sa proie était à bout. En compagnie de quelques subordonnés elle n’avait laissé aucun répit à ce brigand pour se reposer ou se ravitailler. Quant à ses alliés ils avaient tous rejoints les anciens dieux les uns après les autres.

C’est justement ce point précis, qui inquiétait l’héritière de Fort-Griseaux.

Le dernier mort de cette bande, présentait une blessure à la jambe. Or aucun des paludiers à ses cotés ne se rappelait en être l’auteur. La suite allait de soi. Son gibier avait estropié lui-même son confrère afin qu’il serve d’obstacle à ses poursuivants.

Effectivement les protecteurs du Neck avaient été ralentit. Seulement la piste demeurait encore exploitable.

Ce malandrin était du genre vicieux et réfléchit. Meera ne le voyait pas fuir au hasard. Ce qui ramenait à la fameuse question.

Ce terrain plat n’offrait aucune cachette ou possibilité de semer. Puis apparu un village dont Meera ignorait le nom comme beaucoup de chose au sud du Neck.

Comptait-il s’y dissimuler dans la foule ou se procurer un cheval ?

Les paludiers étaient peu familiers du milieu urbain, Meera comprise. Elle décida de s’approcher tout de même.

Meera releva son capuchon à l’entrée du lieu afin de ne pas se montrer sous un jour menaçant. Cette précaution se révéla inutile. Personne ne semblait s’intéresser à l’arrivée de ces étrangers. Seul quelques regards s’attardèrent un peu sur leurs tenues inhabituelles.

Beaumarché était un endroit consacré au commerce et par conséquent accueillant.

Ignorant ce fait la paludière resta sur ses gardes et par conséquent ne songea pas à se renseigner auprès de la populace.

A la place elle ordonna à ses hommes de se disperser pour partir en quête du fuyard en ajoutant un délai et un point de rendez-vous, comme s’il s’agissait d’une partie de chasse.

Une fois seule elle s’imprégna de l’endroit par le biais de ses sens.

Dans le Neck les sons se limitaient  généralement à des bruissements, des écoulements d’eau… Ici on parlait fort, on marchait en claquant des talons.

La vue était moins encombrée. Certes des gens circulaient. En revanche les rues, et les maisons étaient agencées de façon régulière offrant peu de coin sombre.

Quant odeurs Meera en découvrit une nouvelle, celle du crottin de cheval.

Les présentations avec Beaumarché effectuées il était temps de partir à son tour à la chasse.

Tout en marchant Meera remarqua que des regards s’attardaient sur sa personne. Ses compagnons n’avaient pas eu droit à cette insistance. Progressivement elle finit par comprendre à la vue des femmes.

Sa tenue et son sexe dénotaient ici. Normalement elle aurait ignoré les a priori de ces sudiers. Seulement se distinguer ainsi lui enlevait l’un des ses meilleurs atouts : la discrétion.

D’un autre coté ce n’était pas le moment de faire des emplettes. Meera continua donc ses recherches.

Une certaine frustration monta progressivement chez Meera. Car elle n’arrivait à rien. Il n’y avait de traces de pas à identifier ou de branches cassées à relever.

A vrai dire dans cet environnement urbain trop d’informations et indices, se chevauchaient pour pouvoir extirper ceux susceptibles de l’intéresser.

Habituellement les gens de passage dans le Neck recourraient aux locaux comme guide. Meera décida de les imiter.

Quelqu’un devait être en mesure de lui apporter des informations. Mais qui ? Un seigneur quelconque devait diriger la bourgade. Seulement ça risquait de prendre du temps en diplomatie. Un temps que Meera ne voulait pas gaspiller.

En guise de piste elle suivit l’animation de la ville. Le lieu de vie de la cité se révélait être le marché.

Parmi les divers commerçants quelqu’un devait bien détenir un renseignement. Meera se trouva face à une nouvelle difficulté.

Dans le Neck tout le monde collaborait sans faire d’histoire avec l’héritière de Fort-Griseaux. Or à Beaumarché elle était dépouillée de cette autorité.

Elle allait donc devoir improviser, ce qui ne lui déplaisait pas totalement. La jeune paludière s’approcha des étals, puis son œil aiguisé interrompit la manœuvre.

Il était là ! Certes Meera l’avait vu peu de temps dans le feu de l’action, mais demeurait catégorique. C’était bel et bien sa proie.

Sa main glissa instinctivement sur le manche de son couteau avant que d’autres informations lui parviennent.

Le gibier n’était pas seul. D’autres gens marchaient à ces cotés. Il s’agissait clairement d’hommes d’arme. Leur blason représentant un serpent ne dit rien à Meera. Il faut dire que son savoir en héraldique était limité.

Le fuyard paraissait à l’aise en leur compagnie. Ça se présentait de plus en plus mal. Ils étaient six en tout.

Pas question de les affronter toute seule. Certes elle avait eu cette audace auparavant. Mais la situation était différente que se soit le terrain favorable ou l’urgence de la situation.

Justement ce dernier point entraîna une réflexion. Personne n’avait repéré, ni menacé la paludière. Par conséquent elle disposait d’un certain délai préparation.

Ce délai lui en rappela un autre. Elle sourit, car le destin venait de lui offrir un cadeau. Le tout était de savoir en tirer parti correctement.

La chasse enseignait la patience. Meera suivit le groupe du fugitif tout en usant de sa petite taille pour se dissimuler. Ainsi elle serait prête lors du retour.

Elle identifia rapidement le chef du groupe. Un homme assez costaud. Elle se focalisa surtout sur son maintient. Il ne correspondait pas à celui d’un noble, et dégageait une certaine assurance.

Rimait-elle avec arrogance ou expérience ? La réponse restait en suspens même si Meera avait un petite préférence.

Le fameux chef commença à chantonner, puis à déclamer. Cette attitude ne troubla que légèrement Meera. Elle avait plus important à penser.

Pourtant quelques informations parvinrent à ses oreilles. Cet homme se prétendait chevalier.

Meera les voyait différemment comme des combattants certes mais élégants et droits. Or ce soudard doublé d’un baratineur ne correspondait pas tellement au profil. A la défense de l’intéressée la chevalerie n’existait pas dans son marais natal.

La paludière poursuivit son approche. Les choses devinrent alors plus clair. Le prétendu chevalier faisait plus que se donner en spectacle.

Ce salaud mettait en place une sorte de chasse à l’homme. Quant aux gibiers, il s’agissait d’elle et des siens.

En tant que chasseresse Meera n’était pas habituée à endosser ce rôle. Mais ça lui était tout de même arriver notamment au côté de Bran. Par conséquent elle sut conserver un certain sang-froid.

Elle devait agir vite. Le prétendu chevalier s’apprêtait selon ses propres mots à quitter l’endroit au profit d’une auberge à proximité. Cet homme ne semblait pas idiot. En tous cas il n’avait aucunement agi comme tel jusqu’à présent.

Le lieu de rencontre désigné devait l’avantager. De toute façon Meera n’aimait pas les espaces clos. Ils offraient peu de cachettes et surtout peu de possibilités de fuite. Deux éléments indispensables pour des combattants du Neck.

Elle décida donc de couper dans le jeu de son adversaire. De toute manière la paludière disposait encore d’un atout en dernier recourt.

Meera se faufila sans se faire voir. Il faut dire beaucoup de gens étaient occupés à ramasser les pièces jetées par le prétendu chevalier. Et puis la pisteuse sut exploiter les différents éléments présent en se glissant sous les étals et se cachant derrière les devantures.

Elle faisait plus penser à une tire-laine qu’à une noble à cet instant.

En y repensant sa tactique oscillait entre l’audace et la stupidité. Seulement elle n’avait pas le luxe de songer à mieux.

Heureusement que Meera était aussi une guerrière, et savait donc monter au front.

A l’instar du prétendu chevalier elle offrit un son propre spectacle. A la différence qu’elle fit dans la prestidigitation à la place du théâtre.

Meera ne fut pas peu fière de son effet. Car elle parvint à surgir brusquement devant la troupe aux serpents.

Son numéro présentait un certain risque. Certes aucune de ses armes n’étaient visibles. D’un autre coté l’apparition de cette silhouette encapuchonnée avait de quoi inquiéter.

Par chance les gens lui faisant face agirent en véritables hommes d’arme. Face à l’inconnu ils portèrent la main à leurs armes, mais ne foncèrent pas bêtement.

La première phase de sa stratégie ayant fonctionné Meera enchaîna immédiatement sur la deuxième.

Le visage soigneusement dissimulé afin de préserver le mystère, elle leva la main et pointa du doigt le fuyard.

Ce simple geste imposa le silence aux alentours.

La paludière ne posséda pas la verve du prétendu chevalier. Autrefois Jojen se chargeait des tractations et des présentations dans leur duo. Elle était trop simple et directe pour le faire.

Malgré tout elle s’y essaya. Une voix sèche émergea alors de sa personne.

«  Cet homme a fuit la justice du Nord. Le Nord où il a volé et tué. Il doit y rendre des comptes. »

Le timbre était un peu monocorde, mais suffisamment fort pour être entendu par les badauds à proximité. Ce qui faisait d’eux des témoins gênants et nombreux.

Il ne restait plus qu’à attendre les effets de cette prise de contact.

C’est dans ce genre de situation que l’absence de Jojen se faisait sentir. Lui il savait parler, convaincre, se faire entendre…

Meera venait clairement de rater son effet. Elle se remémora la présence de son plan de secours afin de se donner du courage face à cet échec.

De son côté le faux chevalier se donna en spectacle. Ses familiarités, son assurance, la bande de soudards à son service finirent par rappeler une autre rencontre à la paludière : Karl Tanner.

Le simple souvenir des renégats du manoir de Craster la fit frissonner en particulier de Karl. Car cet homme avait tenté de la violer.

Meera restait avant tout une guerrière. Elle sut donc faire face malgré son ressentiment et user de son grand atout : son sens de l’observation. Les gens détalaient laissant le champ libre au faux chevalier et à ses sbires.

Une autre information passa. Le second Karl Tanner se nommait Aenar. Un prénom brutal et suivit d’aucun nom de famille.

Meera avait vu juste. Il s’agissait bien d’un roturier et par conséquent d’un menteur.

Le détestant plus de minute en minute, elle décida de lui faire face.

La paludière alors répondit au mélange de défi et d’invitation en relevant sa capuche. Elle n’était une beauté élégante comme sa reine Sansa Stark. Toutefois ses cheveux frisés et son air énergique plaisaient parfois. Dans le cas présent elle eut le droit à quelques regards et gestes salaces en se dévoilant.

L’héritière de Fort-Griseaux ne se démonta pas pour autant et poursuivit.

« Je me nomme Meera. Ni chérie, ni trésor. Et je ne danse pas. »

Elle jugeait plus prudent de ne pas mentionner sa famille.

Ses premières paroles se rapprochaient plus d’une riposte que d’une négociation. Heureusement son instinct de chasseresse lui rappela ses priorités : sa proie.

L’homme qu’elle traquait depuis si longtemps, était en train de se faire maîtriser par les subordonnés d’Aenar.

De ce détail découlait une information importante. Aenar n’était pas l’allié du brigand du moins pas complètement. D’ailleurs il ne s’était pas défait de son arme par hasard.

Il voulait bel et bien négocier. La maison Reed ne comptait pas parmi les plus fortunées de Westeros. Mais elle était certainement capable de contenter une épée louée.

Malheureusement Meera ne raisonnait pas ainsi. Elle était une combattante et une pisteuse, pas une diplomate. Et puis Aenar lui était tellement antipathique.

Toutefois son ressentiment ne parvint pas à dominer son sens tactique.

Le faux chevalier paraissait tenir à son image. Il fallait donc éviter de s’opposer à lui du moins publiquement.

La paludière s’approcha au point de n’être plus qu’à quelques centimètres d’Aenar, ironiquement un peu comme lors d’une danse.

Ensuite elle lui parla à voix basse.

« Et vous combien êtes-vous prêt à perdre pour lui ? »

La question contenait une petite pointe de sadisme destinée à faire comprendre au faux chevalier, qu’il ne dominait pas la situation. Du moins pas autant qu’il semblait le croire.

« Sur votre droite prêt des tonneaux il y a une silhouette. C’est un de mes miens. Il détient un arc avec des flèches empoisonnées. Comme d’autres aux alentours. »

C’était son plan de secours. Le marché constituant le point central de la bourgade, Meera l’avait choisi comme point de ralliement. Et ainsi sans le prévoir elle s’était attribuée des renforts.

« Ce petit voleur vaut plus que vos hommes ? Car vous allez en perdre. »

Aenar avait l’avantage du terrain. Lui et ses soldats étaient peut-être de bons combattants. Mais aucun affrontement ne se résolvait sans un minimum de perte. C’était une certitude.

Les beaux discours n’étaient pas l’apanage de Meera. Sauf que présentement il s’agissait de combats. Là elle se trouvait dans son domaine.

Elle ne lui restait plus qu’attendre les fruits de sa stratégie.

Aenar refit son petit numéro si agaçant aux yeux de Meera. Pourtant elle le laissa faire. Ce n’était que de la vantardise destinée à garder la face.

La suite révéla le contraire. Ce soudard était un bon tacticien, et détenait clairement l’avantage.

Ce faire ainsi dominer par un simple roturier ne gênait pas la paludière. Elle savait que le sang bleu n’était pas indispensable pour être un guerrier digne de ce nom.

A cela s’ajoutait oublier sa méconnaissance du terrain et le manque de temps pour se préparer.

Donc si Meera digérait mal sa défaite, la raison n’était pas technique mais psychologique.

Ce sudier la dégouttait au plus haut point. Il la prenait pour qui avec ses surnoms et ses familiarités ? Une roulure de taverne

«  Meera. Je m’appelle Meera. » Rappela-t-elle d’abord énervée.

Puis sa critique gagna en cohérence.

«  Dans le Nord nous veillons sur nos gens. On ne les envoie pas à la mort pour rien. »

Cette tirade aux relents xénophobes eut au moins le mérite de permettre à la paludière de se calmer et de retrouver son sang-froid.

Elle appliqua alors les principes énoncés en levant le bras. Ce geste signifiait à ses compatriotes de ne pas agir. Il s’agissait de vétérans. Aucun ne paniquerait, et ni ne serait l’auteur d’une action malencontreuse.

L’héritière de Fort-Griseaux le savait. La suite reposait désormais entièrement sur ses épaules.

Elle redevint la pisteuse, qui étudie soigneusement sa proie.

Aenar était un combattant aguerri, et ses hommes aussi visiblement.

Il prétendait ne pas craindre la mort. Peut-être était-ce du bluff ?

Par contre la remarque sur sa réputation paraissait fiable. Sans elle un chevalier authentique ou non perdait énormément. Ses subalternes ne lui obéissaient plus. Ses rivaux ne le craignaient pas. Ses pairs refusaient sa compagnie.

En résumé le faux chevalier disposait à la fois d’une motivation et de l’avantage.

Bien que jeune Meera possédait déjà une certaine expérience y compris celle de la défaite. N’avait-elle pas pu sauver son frère ?

La rage sur son visage céda sa place à un air glacial. Elle se résigna donc à négocier.

« Tu veux quoi en échange de cet homme ? »

Ce début de négociation n’était pas des plus subtils. A sa décharge Meera n’était pas particulièrement habile avec les mots.

Toutefois le plus marquant demeurait son tutoiement. Il surprit son autrice elle-même dans un premier temps.

D’une certaine manière ils se trouvaient sur un champ de bataille. Les règles de bienséance comme bien d’autres, ne s’y appliquaient pas.

Et puis il subsistait une sorte de familiarité instinctive entre combattants même de factions adverses.

Familiarité ne signifiait pas sympathie pour autant. La paludière voyait en Aenar à la fois un guerrier compétent et un homme antipathique.

Enfin il l’appelait par son prénom. Était-ce une victoire ou au moins une marque de respect ? Difficile à dire avec ce genre de cynique.

En tous cas il négociait. Même si c’était plutôt bon signe Meera ne baissait pas sa garde.

La suite du discourt paraissait sincère. Aenar reconnaissait clairement chercher un profit, comme le vulgaire mercenaire qu’il était visiblement.

Puis vint la contrepartie. Laissez cet homme circuler avec ses soudards dans le Neck ne constituait pas une perspective réjouissante.

La promesse n’y changeait rien. S’en était ridicule. Suivirent les véritables arguments à la fois pertinents et répugnants.

Cet homme menaçait à tuer des simples gueux quasiment au hasard. Et en plus il paraissait sincère. La comparaison avec Karl le chef des déserteurs était décidément pertinente.

Une chose était sûre à propos du pacte. Il n’était pas question de souiller l’honneur de la maison Reed en chargeant Aenar, et ses hommes de la lutte contre les passeurs et autres malandrins s’aventurant dans les marais.

Un léger frisson parcourut l’échine de Meera. Elle avait peur. Pas à cause des talents guerrier ou de négociateur du faux chevalier. Le problème se situait ailleurs dans son manque de scrupule.

Car il le rendait dangereux et surtout imprévisible. Jusqu’où irait-il, si son interlocutrice refusait sa proposition ?

Même en cas de rempli il n’était pas certain que l’affaire s’arrête là. Aenar voulait un gain.

Il ne fallait pas que cette situation perdure. Quelqu’un finirait forcément par commettre un impair face à cette tension. Et il en suivrait un carnage.

Comme si ça ne suffisait pas, Walter décida de s’en mêler.

« Je le sais foutre-dieux ! » Lui répondit-elle sèchement.

Malgré sa jeunesse Meera disposait d’un vécu bien rempli. Par conséquent elle savait, que parfois il n’y avait pas de bonne solution.

Elle songea à la justice que ses vassaux attendaient de sa part, et à ses hommes jouant actuellement leurs vies.

L’héritière fit le meilleur choix ou plutôt le moins pire.

Elle accepta donc la main tendue. Sa poigne d’abord hésitante s’affermit progressivement.

« Votre troupe pourra circuler dans le Neck, tant qu’elle y respectera ses lois. »

Suite à ces paroles Meera se rapprocha au point de presque coller Aenar, et poursuivit d’une voix plus basse et colérique.

« La moindre entorse à notre arrangement, il y aura un trident au bout de ma main. Et à l'autre bout de ce trident il y aura tes tripes. »

D’un œil extérieur cette menace pouvait sembler ridicule du fait de la différence de gabarit et d’armement.

Pourtant la paludière était plus sérieuse que jamais.

Personne ne pouvait surprendre la meilleure chasseresse du Neck. Elle sentait le moindre bruissement de feuilles, les ondulations de l’eau…

Pourtant l’exception arriva en ce jour. Ironiquement elle prit la forme d’une simple réplique.

Suite à cette menace très sérieuse la touche d’humour avait certes de quoi déconcerter, sans parler de la vulgarité et surtout de l’ambiguïté.

Où ce porc voulait-il en venir ? Non il ne songeait tout de même pas à çà !

L’attitude de cet homme était une énigme. Comment pouvait-on prendre la guerre, les combats, et la mort, si légèrement ?

Meera finit tout de même par se reprendre lorsqu’Aenar aborda un domaine plus technique.

C’était un peu comme si elle s’était prise un coup. Alors la paludière eut envie de riposter.

« Dans le Neck nous ne fournissons pas nos secrets si facilement. Mes pisteurs comme tu dis, ne sont pas des catins ou des mercenaires. »

Calmée par sa réplique, Meera revint aux négociations.

« Une fois sur place, il te suffira de brandir ton blason et de donner ton nom pour obtenir de l’aide. Je ferai passer le mot. »

Cette persistance dans le tutoiement la gênait toujours. Hélas elle ne parvenait pas à s’en défaire.

Puis la conversation revint à l’origine de toute cette histoire. En le regardant de nouveau la paludière se demanda si un tel gibier méritait toute cette peine. Puis les victimes lui revinrent en mémoire. Elles valaient bien ces efforts.

Le guerrier qu’était Aenar se transforma alors en marchand ou saltimbanque. C’était difficile à dire. Voulait-il en bon commerçant offrir un petit service en plus ou simplement se donner un spectacle ?

Sur ce dernier point Meera se révéla être un bien mauvais public. Elle pouvait être dure, mais jamais sadique.

A l’humour malsain elle opposa le sérieux voir le solennel.

« Dans le Nord on applique la sentence soi-même. On ne laisse pas les autres se charger des besognes même sanglantes. C’est sans doute pourquoi on n’y trouve pas d’homme comme toi. »

La paludière était de mauvaise foi. Le Nord comptait aussi son compte de salauds et de traîtres, mais pas autant que dans le Sud.

Elle s’approcha de Walter. Les hommes d’Aenar avaient eu la main lourde. A cela s’ajoutait la fatigue de la traque. Le transporter compliquerait les choses. Sans oublier les coups fourrés, dont cet homme était encore capable.

Meera savait être impitoyable, quand cela s’avérait nécessaire. Elle désirait également faire une sorte de démonstration de force à l’encontre du faux chevalier, et ne pas lui laisser le dernier mot.

L’héritière de Fort-Griseaux tira vers elle l’otage d’un geste vif, qui prit de court les soldats chargés de sa surveillance.

A vrai dire seul Walter réagit. Sans doute parce qu’il pressentait la suite. Il articula une parole probablement un « Non », puis fut immédiatement interrompu.

Les gestes de la paludière anticipaient parfois sa pensée. Ce qui expliquait sa vivacité. Elle dégaina son poignard, et trancha la gorge d’un geste fluide à peine perceptible.

« Pour le Neck. » Dit-elle en chassant le sang d’un coup sec, alors que Walter réalisait à peine ce qu’il venait de se produire.

Instinctivement il porta les mains sur sa gorge, comme si cette action pouvait changer quoique ce soit.

La soldatesque présente était quelque peu déconcertée autant par l’acte que son autrice. Comment ce petit bout de femme osait assassiner quelqu’un sur la place du marché ?

Meera le fantôme des marais était à présent le centre des regards. Un rôle inhabituel auquel elle dut bien faire face.

Tout d’abord elle rengaina son arme, puis revint vers Aenar.

« Je crois qu’on a fini. » Déclara-t-elle avec un regard dur.

Aux alentours régnait un silence de mort. Était-il prémonitoire pour d’autres gens que Walter ?

Finalement Aenar eut le dernier mot. Et quel mot !

Il complémenta Meera, puis se mit en valeur à son tour. La paludière commença comprendre. Puis la confirmation arriva.

Effectivement ce mercenaire songeait bien à çà. Toutefois un élément atténuait d’une certaine façon sa vulgarité.

Contrairement à par exemple Karl Tanner lui il séduisait ou plutôt tentait de le faire.

Ce fait n’excusait tout de même pas tout le reste.

Si bien que Meera ne sut pas quoi dire sur le moment, et le regretta plus tard.

Un « même pas en rêve » ou un « plutôt me coucher au coté d’un porc » aurait eu son petit effet.

Une autre surprise attendait la jeune femme. Aenar l’aida, plus exactement la conseilla.

Il est vrai qu’elle s’était un peu emportée. Et les conséquences de cette erreur allaient bien finir par se manifester. Heureusement que le faux chevalier était là pour le lui rappeler.

Un remerciement aurait été la moindre des choses. Pourtant Meera s’y refusa.

A la place elle rabattit son capuchon, un geste lourd en signification.

Un autre signe suivit cette fois-ci de la main à l’attention de ses hommes. Le temps était venu de partir et prestement.

D’un œil extérieur ce geste pouvait paraître étrange. Car il ne fut suivi d’aucun conséquence.

En effet les paludiers se montrèrent aussi discrets dans leur retraite que dans leur mise en place.

Ils se rassemblèrent silencieusement à la sortie de la ville autour de Meera. Cette façon de faire rappelait un peu les marcheurs blancs.

Leur meneuse ne fournit pas d’explication. Après tout l’objectif de l’expédition avait été atteint. Du moins c’est ce qu’il semblait.

La paludière conservait une impression différente. Certes l’arrangement avec le faux chevalier paraissait correct. Malheureusement il était difficile de lire chez les esprits tordus comme le sien.

Une idée traversa alors l’esprit de l’héritière de la famille Reed. Et si elle le piégeait ! Elle pouvait décrire Aenar et ses hommes comme des ennemis à abattre.

L’image du mercenaire troquant son air arrogant pour de la peur face à une pluie de flèches empoissonnées, était plaisante. Jamais il ne pourrait s’en sortir. Aucun intrus ne ressortait jamais du Neck vivant.

Ce petit plaisir sadique céda la place à la honte. Et l’honneur de son blason ! Non elle respecterait son engagement quoi qu’il en coûte.

Elle ne pouvait espérer que deux choses suite à cette rencontre.
Tout d ‘abord qu’Aenar ne cause pas de problème dans les marais. Ensuite qu’elle n’ait plus à le revoir.

Il fallait donc se contenter de cette victoire négociée et mitigée.