Alysanne Bracken ❃ Le Lys doré

L’année 280 débutait à peine que, déjà, les couloirs de la maison Bracken étaient plein d’une agitation sans précédent. Enfin, non, pas tout à fait sans précédent. En réalité, tous les domestiques et les membres de la famille faisaient les cent pas comme ils l’avaient fait pour les quatre précédentes naissances des différentes épouses Bracken.

Serait-ce enfin aujourd’hui que les Bracken auraient un héritier ?

Non, malheureusement, non. C'est une nouvelle petite fille, la cinquième de la sororie. Jonos Bracken a bien un fils, mais il n’est pas issu de l’un de ses trois mariages, seulement un batard. Le manque d’un héritier d’un bon lignage se fait sentir, mais par nécessité, Jonos reconnaît son neveu comme son héritier officiel. Il a désormais 58 ans, a épousé trois femmes, l’une morte de maladie, la seconde en couche tout en perdant l’enfant et la troisième n’avait su lui donner que trois filles.

Mais qu’à cela ne tienne ! Alysanne avait beau ne pas pouvoir se faire pousser une verge, elle pouvait développer un caractère digne des meilleurs leaders ! D’ailleurs, dès l’enfance, et malgré le fait qu’elle soit la benjamine, c’est souvent elle qui mène la danse, et même ses sœurs aînées se laissent parfois entraîner. Il faut dire que la petite blondinette sait y faire : rigoureuse, organisée, mais aussi loyale et très ancrée dans ses valeurs, elle dirige toujours les opérations à la baguette et avec talent.

Ainsi, à l’adolescence, il est évident pour tout le monde, y compris son frère illégitime, son cousin et le père de la famille, qu’Alysanne est le pilier de sa famille, notamment de sa fratrie. Ses parents nourrissent de grands espoirs et ont une confiance aveugle en elle. Il faut dire que la jeune femme n’a jamais rien fait qui puisse porter ombrage à la famille, et elle était même celle qui conseillait ses grandes soeurs…

Et puis, la guerre arrive aux portes du Conflans. C’est là que les Bracken font le bon choix, contrairement à leur ennemi de toujours, les Nerbosc. Ainsi, les Bracken s'allient aux Lannister et récupèrent donc les Terres des Nemesis familiaux. Cependant, Alysanne ne voit pas très cela d’un bon œil. Ni cette rivalité enfantine qui dure depuis trop longtemps à cause, d’après elle, de l’ego mal placé des hommes des deux familles, ni même les terres qui leur sont données. Cela menera, un jour ou l’autre, à une vengeance de la part des Nerbosc, pense la jeune femme. D'autant qu'Hendry, son cousin, perdra la vie lors des conflits, ne laissant donc aucun héritier mâle à la famille...

Seulement voilà, si son autorité et son caractère amusait et plaisait même à son père, il n’allait tout de même pas écouter les conseils de guerre d’une bonne femme, aussi maligne soit-elle. Elle ne pouvait pas comprendre ce conflit, sûrement car elle n’était qu’une femme.

Elle n’est qu’une femme et, pourtant, encore une fois, lorsque les troupes de Gregor Clegane ravagent les terres des Bracken et pillent le château de Haye-Pierre, où toutes les filles de la famille s’étaient réfugié pendant que les maris avaient suivi leur père à la guerre. Cela fut néanmoins une décision tragique pour Barbara, la soeur aîné d’Alysanne qui, pour protéger cette dernière et lui permettre de se cacher, sera attrapée, battue et vi*lé par la Montagne, pendant que sa petite soeur entendait, impuissante, les hurlements de sa sœur depuis le placard où elle était invisible.

Après cette incident, les Dames et demoiselle obtiennent néanmoins l’asile politique chez des voisins, avant de pouvoir retourner sur leur terre lorsque la guerre s’éloignera. Barbara, Jayne et Bess retourneront toutes vivre avec leur époux et leurs enfants, mais Catelyn, ayant perdu son mari, décidera de rester avec la benjamine à Haye-Pierre dans le château reconstruit après son pillage.

La paix est revenue, l’été sera bientôt là, ce qui est un grand soulagement pour Alysanne. Et désormais, il est temps pour elle de se marier, puisqu’elle est la seule de sa fratrie à ne jamais être passé devant l’autel. Cependant, Alysanne est assez réticente à l’idée du mariage, non pas sur le principe, mais car elle ne trouve pas de partenaire qui lui convienne pour toute une vie. Pour se faire, sous les conseils de sa soeur, Alysanne convaint son père de la laisser partir explorer Westeros. Lors de son voyage, elle parviendrait sûrement à ouvrir son esprit et élargir sa vision du monde, mais aussi et surtout de rencontrer des beaux partis dans l'espoir que cela mène à un mariage.

C'est alors qu'elle rencontre Brynden Nerbosc. Elle le sait, évidemment, les Nerbosc sont les ennemis de longues dates des Bracken. Mais ce conflit est enfantin, puéril, pathétique, tandis que Brynden, lui, est attentionné, charmant et drôle. Enfin, c'est ce qu'elle finira par découvrir.

Evidemment, pour sa bonne conscience, Alysanne commence par repousser ses avances. Elle le sait, oui, il n'y a pas de fumée sans feu et son surnom de "voleur de pucelage" ne venait sans doute pas de nulle part. Mais en le voyant aider un enfant perdu en ville lors de leur voyage, elle découvre une facette inconnue de l’homme. Malgré sa carrure, l'enfant ne semble pas du tout effrayé par l’homme et, au contraire, semble avoir une confiance totale en lui et bien s’amuser en sa présence. Intriguée et consciente que le jugement des enfants était souvent assez juste, Alysanne avait laissé Brynden l’approcher. D’abord doucement, avec des échanges amusants et plutôt plein d’esprit. L’homme lui montrait bien plus d’empathie et d’amabilité qu’on ne le disait, surtout sur les terres des Bracken. Alysanne s’était laissé séduire. Et au fond d’elle, elle en était persuadée, même si le gros ours pas très à l’aise avec ses sentiments ne l'avouera jamais, elle savait qu’il ressentait la même chose qu’elle.

C’est pleine d’espoir qu’elle s’était précipitée dans sur son bureau pour écrire une missive à son père, lorsqu’elle avait réalisé tout ce que cela voulait dire. Alysanne ne s’imaginait pas prendre un autre époux que Brynden Nerbosc, et cela pourrait alors enfin signer la paix entre les deux maisons ! N’y avait-il pas meilleure résolution de conflit que par l’amour ? Non, Alysanne était persuadée que non.

Pourtant, son père fut bien moins enthousiaste qu’elle. Pire encore. Dans une lettre incendiaire, il jura qu’elle était folle à lier, qu’il la ferait enfermée et qu’il tuerait le Nerbosc s’il entendait le moindre bruit de couloir sur une rencontre. Le sujet fut clos avant même d’être ouvert et Alysanne réalisa une nouvelle chose : jamais son père ne céderait. Mais… Sa soeur, héritière du Fief,  peut être ? Son père, bien qu’elle l’aimait, n’était plus un jeune homme fringuant. Bientôt, sa soeur prendrait sa place et, elle, elle saurait le convaincre, même si cela n’arriverait pas avant plusieurs années.

Incapable d’attendre plusieurs années, pourtant, la jeune femme décréta qu’il était l’homme qu’elle épouserait, bien qu’il ne soit d’ailleurs jamais mis au courant de ce projet. Il aurait sûrement peur, mais s’il était mis devant le fait accompli, alors les choses se passeraient bien. Il était celui qui vivait au jour le jour, tandis qu’elle était celle qui planifiait et organisait tout. Une union parfaite, n’est-ce pas ?

Pourtant, après quelques mois à se laisser aller dans les bras de son amant, un petit imprévu arriva sous la forme de nausées matinales et de quelques petits malaises. Rien d’alarmant, non… Mais ses sangs prirent du retard. Une semaine, puis deux, puis trois. Finalement, c’est à sa sœur Catelyn qu’elle confia son secret dans une missive secrète. Celui d’une grossesse.

Après une visite discrète à un médecin, la jeune femme avait décidé de revenir aux Conflans avec la confirmation du diagnostic. Alysanne avait invité Brynden à la rejoindre à un point de rendez-vous pour tout lui dire. Mais jamais l’ours du trident ne reverra la femme qu’il avait fréquenté ces derniers mois.

Car à peine rentrée à Haye-Pierre, la future mère fut escortée par les gardes familiaux, qui l’amenèrent devant son père. Celui-ci, le regard dur et sévère, avait laissé le silence s’installer, tandis que sa mère sanglotait dans un coin de la pièce, dans les bras de sa première fille. La benjamine en voulait à sa soeur Catelyn, d’avoir dévoilé la vérité à leur père, mais elle devait faire face à ses responsabilités. Et elle savait que Brynden le ferait, s’il était mis au courant.

Mais son père lui refusa cela. Il lui refusa le droit même d'informer le père de cet enfant de son existence. A la place, il avait dégoté un mariage fort peu avantageux, mais rapide et très loin d’ici, avec un chevalier de la couronne, du double de son âge sur une terre rocailleuse et peu fertile qui saurait se contenter d’une femme de petite vertu si elle satisfaisait ses plus bas-instinct. Et sans qu’elle ne puisse faire quoi que ce soit, Alysanne s’était retrouvée mariée à cet homme.

Gyles Rosby. Voilà le nom de son bourreau. Au fur et à mesure des mois, alors que son ventre commençait à s’arrondir, les coups pleuvaient toujours plus. Bientôt, elle ne pourrait plus protéger son ventre et son bébé. Alors, usant d’une faible connaissance dans les plantes développées en traînant dans la bibliothèque familiale, elle avait empoisonné cet homme, pour se sauver, et sauver son bébé, et parvint à faire passer ce meurtre pour une mort naturelle. Il fallait dire que, même auprès de ses enfants, Gyles Rosby n'était pas l'homme le plus apprécié de la région et sa mort arrangeait beaucoup de monde. Trop pour chercher à mener une enquête.

Alysanne avait du sang sur les mains mais aucun remord. Non, c’était lui ou elle et, surtout, c’était lui, ou Robb. Robb, qui était né à peine quelques mois plus tard, dans cet horrible petit château que la jeune mère avait quitté avec son nourrisson dès qu’il avait été en âge de le faire.

Robb, non pas en hommage à Robb Stark, comme la mère le disait lorsqu'on lui posait la question, mais plutôt à Robert Nerbosc, le frère de Brynden, tué pendant la guerre, comme nous en avions discuté avec légèreté un jour, lors d’une étreinte, entre un rire et un baiser.

Après la naissance de l’enfant, Alysanne avait négocié avec Mavrock Rosby son départ. Après tout, il était l’héritier de feu son époux, avec plusieurs frères, mais aussi une épouse -à peine plus jeune que sa belle-mère d’ailleurs- et des héritiers. Il n’avait guère besoin d’un nouvel enfant ici, et d’une bouche en plus à nourrir, pour cette famille qui n'était pas bien riche et sans titre prestigieux.

C’est donc moins d’un an après son départ que la jeune mère avait retrouvé les Conflans. Là, assez rapidement, elle s’était rapprochée de Roslin Tully, dont elle était très proche en âge et qui venait, elle aussi, de mettre au monde un enfant. Réputée pour son sens de l’organisation et mère elle aussi, Roslin offrit une place de dame de compagnie et de perceptrice pour ses enfants à sa nouvelle amie, du moins, pour son aîné, puisque le second n’était qu’un nourrisson.  Depuis, la jeune femme se demande nerveusement quand viendra le moment où elle recroisera Brynden et, surtout, si comme elle l’a demandé à son frère Harry, il avait été mis au courant de sa démise… Mais Alysanne est loin d’être idiote et, depuis Vives-Aigues, elle sent bien que les tensions ne font que croître entre sa famille et celle du père de son fils. Elle se sent terriblement impuissante face à cette situation qui lui paraît puérile et absurde. Mais si, il y a quelques années, elle se serait battue pour trouver un accord et un semblant de paix et d’apaisement, elle avait désormais trop à perdre pour prendre autant de risques.