La louve perchée | Asher

Fallon avait appris qu’Odda s’était emparée d’Âtre les confins et que les Fer-Nés avancent sur Winterfell. Lord Forrester avait décidé de quitter Châteaunoir pour Karhold avec ces forces pour rassembler une armée et combattre les Fer-Nés qui constituaient la plus grosse menace. La sauvageonne avait de quoi s’inquiéter pour ses enfants qu’elle pensait avoir mis en sécurité contre la Reine autoproclamée d’Au-Delà du Mur en les emmenant à la forteresse millénaire des Stark. Mais elle était persuadée que les épaisses murailles suffiraient à retenir les insulaires, au moins un temps. Le Royaume du Nord était donc attaqué de toute part et sans les Royaumes du sud, il était voué à ne pouvoir compter que sur lui-même.

Pour la jeune femme, c’était aussi un cou dur. Elle pensait avoir sauvé son peuple en l’installant au sud du Mur, dans le don, et naïvement, elle espérait que le puissant Nord et la Garde de Nuit les protégeraient. Elle n’avait pas prévu qu’il soit la cible des Fer-Nés et d’autres membres du peuple libre et elle se retrouvait ainsi dans la ligne de mire de certains frères jurés à cause de ses origines. Elle avait pourtant prêté allégeance à la Reine Sansa et si elle ne comprenait pas tellement ce que cela signifiait ni pourquoi faire tant de manières, elle comptait bien tout mettre en œuvre pour protéger ce qu’elle avait bâti ici. Pour autant, elle ne se sentait pas Nordienne à part entière, sa culture était trop différentes et même si elle parvenait à se faire comprendre, elle ne parlait pas aussi bien que Meera ou Asher, ou même le Lord Commandant. Elle ne parlait même pas aussi bien que le dernier des frères jurés issu de la roture.

Mais surtout, elle ne se sentait pas à sa place dans une armée, ni parmi les corbeaux, elle ne se sentait véritablement à sa place que dans les bois avec son arc ou dans les prés avec ses moutons. Elle n’osait pas trop parler, elle n’entendait pas grand chose à l’ordre militaire, ni aux ordres en général et si elle avait fini par trouver son utilité dans l’armée de Mance Rayder, ici, parmi tous ses gens qui obéissaient aux ordres et qui la regardaient de travers, elle n’y arrivait pas et se sentait terriblement inutile et impuissante.

C’est sur cette pensée qu’elle finit par grimper sur le toit d’un des bâtiments après une nuit sans sommeil à se retourner dans son lit. Elle voulait voir le soleil se lever du haut de son perchoir, elle avait toujours aimé être en hauteur, grimper. Elle était plutôt douée pour cela, plus que pour se battre en vérité, au grand damne de sa mère. Mais quand elle s’allongea sur les ardoises sombres qui reflétaient le scintillement argenté de la lune, elle s’endormit. Enfin. Son esprit survola la forêt jusqu'à un endroit qu’elle ne connaissait pas. Il y avait une large rivière et de l’autre côté des montagnes. Elle sentait la riche sous ses coussinets et le vent froid qui venait du Nord. Puis le vent tourna et elle put les sentir. Les humains. Beaucoup d’humains. Des humains vêtus de peaux de bêtes. Il y avait des femmes et des enfants, mais aussi des chasseurs qui masquaient leur odeur. La meute devait s’en tenir éloignée.

BAM. Un grand fracas se fit entendre. Fallon qui courrait dans les montagnes dans la peau d’un grand loup gris famélique avait roulé sur le toit et avait commencé à tomber. Elle avait eu tout juste le temps de se réveiller et de se retenir tant bien que mal pour ne pas s’écraser trop lourdement sur la coursive de bois qui longeait les chambres. Avant de se relever, elle rouvrit les yeux qu’elle avait fermé sous le choc, le souffle coupé par la chute. Elle mit du temps à retrouver sa respiration et prit une grande inspiration quand enfin l’air se décida à entrer dans ses poumons. Elle bougea ses membres pour vérifier qu’elle n’avait rien de cassé; Heureusement plus de peur que de mal  mais elle se releva difficilement et en grognant car elle était toute contusionnée.

__ Fraoch, ionnsaichidh sin dhomh cadal air mullaich. Thuirt mo mhàthair rium gun tuiteadh mi latha no dhà.
(Putain ça m’apprendra à dormir sur les toits, ma mère me disait bien que je finirais par tomber un jour ou l’autre.)

Le temps de faire le tri entre sa douleur, ce qu’il se passait autour d’elle et ce qu’elle avait vu, elle se rendit compte qu’elle avait peut-être une piste pour trouver Odda. Elle ferma les yeux et essaya de se concentrer pour retourner dans la peau du loup auquel elle était liée depuis des années. Elle savait que certains zomans pouvaient le faire, mais elle, non. Elle avait si bien caché ce secret qu’elle n’avait pas eu de mentor pour lui enseigner à apprivoiser son pouvoir. Mais ses rêves lui avaient déjà sauvé la vie plusieurs fois malgré tout.