Entre compatriotes

Une atmosphère poussiéreuse. Un agencement chaotique. Cette ville lui avait toujours déplu. Heureusement il en allait différemment des habitants.

Les dorniens étaient différents des autres peuples de Westeros, moins austères, et surtout plus ouverts dans tous les domaines.

Bref Melchior n’était pas mécontent d’y retourner. Car il bourlinguait beaucoup sur ce continent de moins en moins étranger.

D’ailleurs il savait où aller : le port. Melchior suivait les traces d’un compatriote à la tête d’un navire et désireux de rentrer.

Fait rarissime l’épéiste n’était pas censé le tuer, ni même le menacer. Le dénommé Nymeros Antaryon pouvait bénir les dieux.

Appartenant à une famille plus prestigieuse que celle de Melchior, ils ne s’étaient jamais rencontrés jusqu’à présent.

Heureusement la banque de fer avait fournit quelques informations, dont le nom de son navire l’Astucieux. Il fallait admettre que c’était bien trouvé. Ça changeait de ses sempiternelles références à la mer.

L’apparence du bâtiment suivait cette idée. La symbolique y était le renard. Un bon choix du point de vue du spadassin. Ce prédateur ne se limitait pas à l’usage de la force.

Le danseur d’eau repéra assez facilement celui qui commandait au sein de l’équipage. Ce capitaine différait de par son attitude de bon nombre de ses confrères. Aucune gueulante ou coup ne participait à son commandement. Au contraire il se montrait calme et posé envers ses subordonnés.

Nyméros (car il s’agissait forcément de lui) dégageait également une certaine élégance.

Quel dommage ! Dans des conditions différentes Melchior aurait pu l’apprécier voir même qui sait devenir un ami.

Le Dieu Multiface en avait décidé autrement. Toutefois cette divinité cherchait l’équilibre. Si bien qu’elle offrit  rapidement une opportunité de rencontre.

En effet Nyméros descendit de son embarcation en compagnie d’un autre homme. Ils empruntèrent l’allée conduisant à la sortie du port. Exactement l’occasion que Melchior attendait.

Il siffla alors les trois hommes le suivant. Bien qu’il le réfute, il s’agissait de confrères locaux.  Même si leurs phrasées et leurs techniques de combat étaient moins élaborées, les membres de ce trio supprimaient des vies contre de l’argent.

Ce genre de filous de bas étage traînaient souvent dans les lieux de passage comme les ports en quête d’un mauvais coup.

Par conséquent Melchior n’avait pas eu de mal à les trouver, ni à les convaincre d’ailleurs.

N’appréciant par leur compagnie, il fournit des instructions succintes.

« Voici vos cibles. Je veux un travail discret. »

L’homme au sourire édenté faisant visiblement office de chef au sein du trio observa alors ses futures victimes, puis poussa un ricanement.

« Tu ne peux pas te les faire tout seul ? »

Il est vrai que les deux hommes à première vue ,ne représentaient une grande menace.

« Vous n’en voulez plus ? » Ironisa alors Melchior en agitant une pièce d’argent.

L’édenté prononça rapidement une suite de « si ». Le danseur d’eau lui jeta alors la pièce.

« On avait dit deux. » Répliqua-t-il durement suite à ce geste méprisant.

« Une fois le travail achevé. »

Le trio n’insista pas, et partit. Melchior aurait très bien pu donner la somme complète, puisqu’il comptait la récupérer ultérieurement. Seulement ce tutoiement lui était resté en travers de la gorge, d’où  cette mesquinerie.

Le spadassin aurait pu faire plus simple comme un braavien reconnaissant l’accent d’un compatriote.

Il fallait toujours, qu’il en rajoute.  Melchior n’allait pas juste devenir un camarade de  Nyméros. Il serait son héros, celui  l’ayant sauvé de l’attaque de trois coupe-jarrets.

Pour se faire il prit le trio en filature quelques secondes après son départ afin de ne pas intervenir trop tard.

La mécanique était lancée.

Melchior avait conscience de ne pas avoir engager la crème des assassins. A vrai dire c’était voulu.

Il s’attendait tout de même à un minimum de la part du trio. Dans le cas présent parvenir au moins à approcher les deux hommes sans se faire repérer. Pourtant celui qui accompagnait le fameux Nyméros sentit leur présence.

Enfin ils avaient tout de même penser à bloquer les deux côtés de la rue.

Se sachant repérer les brigands renoncèrent définitivement à la furtivité. L’édenté se dévoila deux amas de crasses et d’aciers ayant été des dagues autrefois. A ses coté se trouvait celui que Melchior surnommé le crapaud à cause de sa manie de se tenir les jambes pliées. Lui il usait d’un gourdin.

Enfin le dernier membre de la bande se manifesta à l’autre bout de la ruelle en tapotant un mur avec sa hachette. Ainsi leurs victimes se savaient piégés.

La manœuvre aurait été judicieuse lors d’une simple agression visant à délester les gens de leurs bourses, pas pour un assassinat.

Sans doute agissaient-ils ainsi par habitude ?

« Alors mes petits moutons. » Déclama l’édenté en se pourléchant les babines. « Vous êtes prêts pour l’abattoir ? »

La tirade n’était pas si mauvaise. Mais pas au point d’obtenir une quelconque indulgence de la part de Melchior.

D’ailleurs le temps de son entrée en scène approchait.

Le danseur d’eau suivant l’action depuis les toits exécuta un saut entre l’édenté et Nyméros, qui finit par une pause quelque peu pompeuse avec les bras écartés.

La suite fut du même acabit.

« Messieurs vous n’en voyez déçu. Je croyais que sur ce continent on respectait les lois de l’hospitalité surtout au sein de cette cité ouverte sur le monde. »

Les autres protagonistes eurent du mal à suivre.

Seul l’édenté se fendit de quelques mots.

« C’est quoi ce bordel ! »

Comme Melchior s’en doutait son plan dépassait ces trois imbéciles. Puis vint un indice.

« Si vous ne voulez pas goûter au baiser du Dieu Multiface je vous conseille de déguerpir promptement. » Enchaîna-t-il en dégainant sa lame et en effectuant des moulinets aussi inutiles que tape-à-l’œil.

A la vue de l’épée les brigands saisirent l’essentiel à savoir que leur employeur venait d’endosser le rôle d’adversaire.

L’édenté s’élança accompagner du crapaud. Melchior répliqua par un coup d’estoc en direction de l’édenté. La pique dévia soudainement sa course en direction du crapaud, qui se retrouva le cœur transpercé.

L’effet de surprise passé l’édenté tenta sa chance. Ses enchaînements étaient vifs à défaut des précis et ordonnés.

Melchior ne chercha pas à les bloquer. Que sa si belle épée entre en contact avec des armes si sales et grossières le révulsait au plus au point.

Quelques entrechats suffirent amplement face aux assauts. L’exercice tout juste distrayant devint décevant. L’édenté s’essoufflait et son rythme avec.

« Comme doivent vous dire souvent les dames, votre prestation demeure décevante. » Préféra dire le danseur d’eau à son adversaire au lieu de l’attaquer.

Ce genre de réplique visait généralement à déstabiliser. Dans le cas présent ce n’était pas nécessaire au vue de l’écart de niveau. Il s’agissait donc de pur sadisme.

Un jour son arrogance allait peut-être se retourner contre lui. Toutefois Melchior doutait que ce serait en ce jour surtout face à une telle menace.

Son adversaire était à point. Il ne restait plus qu’à le cueillir ou plus exactement l’embrocher.

Comme prévu l’édenté entre la trahison et les provocations, était ivre de rage. Guider par sa colère il exécuta en coup de taille trop ample et surtout prévisible.

Un petit mouvement de recul suffit à l’esquiver. Ensuite aurait dû venir un coup d’estoc dans un œil. Ce genre de frappe pratiquement chirurgicale faisait toujours son petit effet.

Seulement si l’édenté manquait visiblement de leçons d’escrime, il disposait tout de même d’un certain savoir-faire moins académique.

Après son assaut il exécuta par un crachat au visage. Le rôle de ce glaviot bien épais ne se limitait pas à l’offense. Car il visait les yeux.

Par conséquent Melchior se trouva aveuglé un court instant. L’instant lors duquel l’édenté frappa avec son autre dague.
Il s’agissait indéniablement d’une feinte de qualité. Hélas pour son auteur « Un danseur d'eau voit avec tous ses sens. ».
Melchior parvint à localiser tout de même son adversaire, et le prit de vitesse par une perforation à l’abdomen.

D’un coup de pied il dégagea son épée avec une certaine rage. Comment avait-il pu se laisser surprendre par ce crasseux ?

Une autre négligence l’attendait. Si Nyméros attendait prudemment la fin du spectacle, un autre faisait preuve de plus d’initiative. Le dernier larron venait de placer sa hachette sur la gorge de l’homme accompagnant le capitaine.

Ce n’était pas vraiment l’idée du siècle, voir pas une idée du tout. Quelle importance cet homme détenait-il ?

Sans doute le brigand comprenant qu’il ne pourrait jamais faire jeu égal avec le danseur d’eau, avait improvisé.
Melchior venait de se faire surprendre une seconde fois au milieu de son plan. Par conséquent il était de sale humeur.

Il ne fallait pas donc plus compter sur ses grandes tirades.

« Laisses-le et je t’épargne. » Déclara-t-il d’un timbre froid.

A vrai dire l’existence de l’otage lui importait peu. Mais ce n’était peut-être pas le cas de Nyméros. Or il désirait lui plaire.
De son côté le malandrin ne réagit pas ou plus exactement ne savait pas comment.

Si la proposition était claire, son auteur causait problème.

Pouvait-on lui faire confiance ?

Même si la situation le dépassait, le combattant des rues avait au moins saisit la trahison de Melchior.

Bref les différents protagonistes se trouvaient dans une impasse à la fois au sens propre et figuré.