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Qu'aiment-elles, ces chiennes de femmes ? ❦ Ashara Dondarrion

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Qu'aiment-elles, ces chiennes de femmes ? ❦ Ashara Dondarrion D6bcb4359ca24e9a3fe88162ff677544d19a48e8Qu'aiment-elles, ces chiennes de femmes ? ❦ Ashara Dondarrion F2a79bb10e733dd4aa3b28224d593bf4ce60aa44

 
Cregan Grandison & Ashara Dondarrion
An 305 - Lune 7 - Semaine 4 - Jour 7 - Fb
Port-Réal, 1er jour du tournoi

 
Qu'aiment-elles, ces chiennes de femmes ?

 
Détends-toi Cregan, c’est un banquet.

Une grande tape dans le dos, et le Chiot s’enflamma de suite. Il se retourna vers Imry, son enfoiré de frère, prêt à le saisir au col. Comme toujours, les rapports entre eux étaient au beau fixe : ils se vouaient encore et encore le même mépris. Ils n’avaient jamais su s’entendre et la guerre, les soi-disant crimes que Cregan y avait commis, n’avaient fait qu’empirer leur relation. Rosamund s’interposa entre les frères. Sœur la plus digne et au caractère de feu, ayant pris la place d’aînesse de leur regrettée Amyra, elle comptait sur le tournoi du Donjon Rouge pour se montrer.

Vous n’allez pas gâcher ma soirée, vous deux. Oust, Imry, va voir ailleurs.

Celui-ci grommela en s’éloignant, emmenant avec lui leur plus jeune sœur. Celle-ci, comme un petit pantin ridicule, se laissa faire sans rien dire. Cregan ronfla avant de se retourner vers le miroir qu’ils avaient aménagé dans la tente de leur maisonnée. Au nombre qu’ils étaient, les prolifiques Grandison prenaient une place bien trop importante pour le prestige de leur famille. Qui se souciait des Grandison de Grandview ? Absolument personne, surtout quand le seigneur était un vieillard dément qui avait oublié le nom de ses propres enfants.

Les doigts tremblants encore sous la colère qu’Imry avait su déclencher en un instant, Cregan ajustait le col de son vêtement. Il avait sorti pour l’occasion sa plus riche tenue : une chemise rouge sang, agrémentée d’une tunique en brocart noir et or, couleurs de la maison qu’il représentait ce jour-ci. Les dessins brochés traçaient des centaines de flammèches sur son vêtement. Une cape d’un rouge sombre couvrait finalement ses épaules, reliée sur le cœur par une chaînette d’acier.

Cette merde a coûté une fortune à concevoir, et c’est impossible à…
Laisse-moi faire.

Dans un soupir exaspéré, Rosamund donna une tape sur la main de Cregan et l’aida à ajuter convenablement son col.

Ce n’était pas si compliqué, râla-t-elle.
C’est bien un travail de femme.

Cregan ignora royalement Rosamund qui pestait après lui, occupé à s’observer dans le miroir. Une ride trahissait sa mauvaise humeur, traversant son front. Ses narines palpitaient sous une respiration rapide.

Qu’est-ce qu’il y a Cregan ?

A son soupir, Rosamund était plus agacée que soucieuse de son état.

Il y a que la garce de Havrenoir n’a répondu à aucune de mes missives, aucun de mes cadeaux, et qu’elle sera présente ce soir.

Trop occupé à s’admirer, vérifiant qu’il était parfait pour confronter la garce orageoise, il dédaigna totalement Rosamund. Oh, il l’entendait piailler dans le vide mais n’en avait cure. Après tout, les femmes parlaient toujours trop, et souvent pour ne rien dire. Quand le Chiot se jugea suffisamment présentable, il sortit de la tente et plongea dans la foule. Hélas pour lui qui cherchait la dame de Havrenoir et réfléchissait à comment l’aborder, même pas sûr de ce à quoi elle ressemblait vraiment, il fut rejoint par Rosamund.

Celle-ci s’accrocha à son bras, arguant qu’il n’allait tout de même pas la laisser seule sans chaperon dans une foule. Cregan ravala sa hargne, il ne pouvait décemment pas envoyer sa sœur se faire foutre au beau milieu de tout ce beau monde. Il toléra bon gré mal gré sa présence et fouilla les lieux de ses yeux vicieux.

Là ! Cregan.

Il tourna la tête vers une dame. Plissa les yeux. Mais il était sûr de l’avoir déjà rencontrée, celle-ci. Il n’eut pas le temps de dire un mot que Rosamund, serrant fort son bras autour du sien, les entraîna tous deux en direction de la dame de Havrenoir. Et bien trop vite, ils se trouvèrent plantés devant elle, Rosamund tout sourire vers elle.

Dame Ashara, je suis ravie de voir une compatriote orageoise ici, à Port-Réal. Nous nous étions brièvement rencontrées au tournoi de la Main, il y a des années de ça. Lady Rosamund Grandison, se présenta-t-elle. Et voici mon frère…

Les yeux toujours plissés, étudiant la dame qu’il avait face à lui, Cregan resta muet quelques secondes. Hé bien, sa future épouse avait au moins le mérite de ne pas être moche. Une garce irrespectueuse qui n’avait pas daigné lui répondre, depuis un an qu’il multipliait les missives et autres présents à son égard. Il força un sourire à ses lèvres. Et comme toujours, les rictus du soldat de la Lumière empestaient le faux et le malsain.

Il n’avait jamais été très doué avec le paraître, mais se devait bien d’essayer.

Dame Dondarrion, un honneur. Cregan Grandison. Mais je suppose que mon nom ne vous est pas inconnu, après tout je vous ai envoyé tant et tant de présents et de missives. Vous ne les avez probablement pas reçus, autrement, vous auriez eu la politesse d’y répondre. N’est-ce pas ?

Déjà il avait quelque chose d’acerbe dans la voix. Rosamund le foudroya du regard puis, s’excusant poliment, elle fuit vers leurs frères qu’elle apercevait plus loin. Cregan l’ignora une fois de plus, ses yeux tout occupés à fixer Ashara. Elle n’était pas moche, non, même charmante. Mais il attendait encore qu’elle ouvre la bouche. Si elle était fidèle à sa réputation, il risquerait de changer d’avis à son propos, et très vite.

Les femmes auraient dû être dépourvues de bouche. Le monde ne s’en porterait que mieux.

 
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Qu'aiment-elles, ces chiennes de femmes ?


Réprimant un baillement, la jeune dame de Havrenoir se resservit une coupe. Ce n’était pas tant l’ennui que la fatigue du voyage qui décrochait sa mâchoire. En réalité, l’orageoise était plutôt heureuse d’avoir été conviée au tournoi. C’était l’occasion de retourner à Port-Real, cité qu’elle affectionnait et où elle avait nombre de liens. Tant de souvenirs revenaient à Ashara en ces lieux. C’était toujours avec une certaine nostalgie qu’elle se rendait à la capitale, terrain de ses années de relative insouciance, de jeux et de préoccupations de jeune fille. Il lui tardait d’ailleurs de revoir celles et ceux avec qui elle avait grandi et qui étaient restés. Elle avait pour l’instant été accueillie par ses deux plus proches amies, Megan et Zylia, deux jeunes femmes de son âge de haute naissance avec qui elle avait grandi à la cour.

Depuis qu’elle était partie, Ashara échangeait toujours des lettres avec ces deux-là, ce qui lui permettait de garder un lien, mais aussi de rester au courant des derniers ragôts. Malgré tout, revoir tout ce beau monde en chair et en os était bien différent que de faire couler de l’encre à leur propos. Ashara était de nouveau aux premières loges pour constater la perte de cheveux de l’un, ou bien le malaise ambiant entre les deux qui s’étaient querellés au dernier conseil.

— Ashara ? Tu m’écoutes ?

Ashara secoua la tête avant de répondre à Zylia.

— Désolée. Tu disais ?

Quelque chose à propos de ces deux chevaliers qui ne pouvaient plus s’encadrer. C’était plus ou moins intéressant – Ashara considérait la plupart des hommes comme des imbéciles incapables de la moindre intelligence émotionnelle – et elle n’était pas au sommet de sa forme. Peut-être que la boisson saurait la tenir un peu éveillée, si elle n’en abusait pas.

— Tu es trop occupée à observer ton potentiel futur mari plutôt que de m’écouter ? Il doit bien y en avoir quelques uns dans ce monde qui t’ont fait des propositions. Tout le monde s’attend à ce que tu te maries dans l’année.

Ashara haussa les épaules, pas le moins du monde ébranlée. Elle balaya la salle du banquet, fastueusement décorée et remplie de monde pour l’occasion. Pas un des hommes présents n’apparaissait à la hauteur. Ils avaient, pour la plupart, l’air engoncés dans leurs vêtements ou raides comme des piquets. Ashara attendait un minimum d’élégance, de finesse et de distinction.

— Eh bien, qu’ils attendent. Je ne me braderai pas.

Ses deux amies se mirent à rire en réaction à sa réponse. Leur dynamique était restée sensiblement la même avec les années. Ashara avait toujours été celle qui recadrait les fâcheux, tandis que ses deux amies savaient se montrer plus douces et tolérantes. Il fallait de tout pour faire un monde, après tout.

— Tu n’as pas changé ! Ça fait du bien de te revoir par ici. Reviens plus souvent.

Alors qu’elles reprenaient leur conversation, à se remémorer le bon vieux temps avec nostalgie et échanger sur leur quotidien respectif, les trois amies furent interrompues dans leur conversation par une jeune femme qui les interpella avec enthousiasme.

— Lady Rosamund, je me souviens de vous en effet… Ravie de vous revoir.

Cette jeune personne semblait très sympathique, quoiqu’un peu naïve. Ce qui était bien moins sympathique, c’était le tas de muscles sans cervelle qui l’accompagnait bras-dessus bras-dessous et qui était déjà aussi rouge que son habit. Ashara ignorait encore à cette heure si c’était l’alcool ou les nerfs. Une chose était sûre, s’ils étaient amenés à intéragir, ce serait très vite les nerfs.

Le sourire qui déformait le visage du chevalier était terriblement disgracieux. Il allait, fort heureusement, très vite le perdre. Megan et Zylia quant à elles commençaient déjà à se jeter des regards en ricanant, s’amusant par avance du dénouement de cette interaction.

Ashara laissa volontairement un silence planer. Puis, elle le regarda droit dans les yeux, avec mépris.

Il allait regretter son audace.

— Ser… Grandison, vous dites ? Cela ne me dit rien.

Bien sûr, que cela lui disait quelque chose. Comment oublier le nom du plus lourdeau des hommes ? S’ils étaient tous médiocres aux yeux de Ashara, celui-ci avait réussi à se distinguer. En mal. Croyait-il qu’une dame de son rang pouvait être achetée par de vulgaires objets et conquise par des lettres des plus grossières ? Elle allait profiter de cette soirée pour lui faire comprendre que son harcèlement n’était pas le bienvenu, et qu’il ne pouvait obtenir d’elle que du mépris.

Un banquet n’en était pas vraiment un, si on ne s’amusait pas un peu.

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Ashara Dondarrion
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Ashara Dondarrion
Furie de Havrenoir

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Cregan Grandison & Ashara Dondarrion
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Port-Réal, 1er jour du tournoi

 
Qu'aiment-elles, ces chiennes de femmes ?

 
Elle se souvenait donc de Rosamund. Bien, bien. Et lui alors ? Alors que sa sœur galopait ailleurs, fuyant sa compagnie plus qu’autre chose, Cregan défia la furie de Havrenoir de son regard obscur, le dévia un instant sur les deux idiotes qui ricanaient, revint à elle. Le Chiot crispa un poing et son sourire quand il entendit sa réponse. Ça ne lui disait rien ? Comment ça, ça ne lui disait rien ? Il ne comptait pas les nombreuses missives qu’il lui avait envoyées, tous les cadeaux, des bijoux, des objets de décoration, bien des présents qu’elle prétendait donc n’avoir jamais reçus.

Mon cul, gronda-t-il au fond de lui. Elle mentait éhontément à sa face, et lui tardait un peu à répondre, son ire lui hurlant de remettre cette catin à sa place. Mais il ne pouvait seulement se laisser aller à la colère et éclater comme elle se permettait de le faire. Le sourire sur son visage se tordait à mesure qu’il tentait de ravaler sa colère.

Cregan Grandison, répéta-t-il bien plus fort en détachant chaque syllabe, cachant à peine sa rage.

Et puis… Et puis aux chiottes le respect.

Hé bien, mes corbeaux devaient être des femelles pour ne pas savoir trouver leur chemin, alors.

Cette grognasse tentait-elle de lui faire avaler que ces pauvres piafs ne pouvaient pas voler deux jours sans perdre leur route ?

Et mes émissaires, revenus à Grandview déchargés de tous ces présents, peut-être se sont-ils tout simplement fait détrousser sur le chemin sans m’en avoir averti ?

Son sourire était devenu une balafre sur son visage. La colère suintait par tous ses pores, par ses yeux plissés et son air sombre. Cregan était un soldat, après tout, n’avait jamais vraiment aspiré à plus : alors les démonstrations d’élégance et les faux semblants, il laissait ça à son frère aîné.

Mais le Chiot ne pouvait seulement céder à son courroux, il ne pouvait accabler Ashara sans risquer d’y perdre sa chance de l’épouser. Et sa main, il l’aurait quoi qu’il arrive. Il tendit donc la sienne, paume ouverte – luths, harpes, flûtes, tambours, criaient à quelques mètres d’eux, faisant valser la foule.

Vous m’accorderez bien une danse ? Histoire que je vous pardonne.

Il n’avait jamais été très galant.

 
x achéris

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Qu'aiment-elles, ces chiennes de femmes ?


Tant de personnes lui étaient chères et c’était cet imbécile qui monopolisait son attention. Ashara connaissait très bien les limites à ne pas franchir pour éviter emballements et ennuis. Si ça ne tenait qu’à elle, elle l’aurait envoyé paître avec bien plus de virulence. Ses deux camarades observaient la scène avec excitation. Ashara s’était plaint un certain nombre de fois dans les lettres qu’elle leur envoyait de celles qu’elle recevait de la part de ce lourdeau. Elles devaient très bien comprendre ce qui animait la Dondarrion à ce moment précis, et s’attendaient à un grand moment.

La rage du chevalier était de plus en plus risible. Tentant de se contenir, il ne parvenait qu’à être grossier. Ashara elle-même devenait spectatrice de ses simagrés. Il parlait de corbeaux femelles, et d’émissaires détroussés, dans un charabia assez indistinct. La jeune dame le laissait parler, mi-amusée mi-exaspérée par la situation. Au pire, ça ferait une anecdote pour amuser ses relations.

Ashara jeta un regard au reste de la salle. Les conversations étaient animées, et un bon nombre d’invités avaient entamé des danses. La jeune dame aimait regarder ce spectacle, qui lui était bien plus agréable que l’image du petit caniche enragé qui se défoulait sur elle sans qu’elle ne bronche. Croyait-il la séduire ainsi ?

La dame de Havrenoir attendait ainsi que cela se passe, jetant un regard discret à ses amies en se demandant comment cela allait tourner. Attendait-il une nouvelle humiliation ? Finirait-il par se calmer et retrouver la raison ? Ashara en doutait sérieusement. Cet homme était tellement… assidu dans sa quête, si l’on pouvait dire, et excessif dans ses approches et dans les multiples lettres et cadeaux qu’il lui envoyait, qu’il lui faudrait sans doute un choc radical pour comprendre. Elle. N’était. Pas. Intéressée. Tout au plus aurait-elle pu le trouver physiquement attirant, sculpté par les combats et l’exercice physique, s’il n’avait pas l’air constamment aussi grossier.

— Vous allez bien ? Vous avez l’air tout rouge.

Aussi bienveillante qu’elle aurait pu paraître, cette phrase anodine n’en était rien dans la bouche d’Ashara. La capitale lui redonnait ses couleurs acerbes et piquantes. Cela lui avait manqué.

Une danse ? Cet homme était fou. Fou, et imprévisible. Il ne s’était donc pas assez ridiculisé comme cela. En temps normal, la garce de Havrenoir aurait refusé, prétextant la fatigue du voyage. Mais là, il risquait simplement de partir, furieux. Ashara n’aurait absolument pas regretté son départ, mais prolonger un peu cette interaction incongrue pouvait être plus amusant et intéressant que de remballer ce chevalier qui aurait tôt fait d’oublier et de recommencer.

Ashara laissa à nouveau une pause, le temps de mettre son interlocuteur mal à l’aise et de le laisser croire à un rejet. Puis, elle tendit sa main également.

— J’espère que vous dansez mieux que vous ne parlez.

Elle lui jeta, sur ces mots, un sourire faussement angélique.

KoalaVolant
Ashara Dondarrion
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Ashara Dondarrion
Furie de Havrenoir

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Cregan Grandison & Ashara Dondarrion
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Qu'aiment-elles, ces chiennes de femmes ?

 
Elle ne chercha pas même à répondre à son cynisme brutal. Dans les yeux de la furie de Havrenoir, il voyait bien une lueur moqueuse. Elle se jouait de lui, se riait de sa colère. Catin, songea-t-il derrière ses lèvres résolument closes sur sa rage. Tout rouge… Comment osait-elle rire encore et encore de sa condition ? Le Chiot se muselait par seul désir de s’élever. Havrenoir. Il voulait Havrenoir, sa grandeur et sa puissance.

Ce n’était pas cette mégère qui l’en priverait. Il le refusait. Plaqua donc un sourire grossier sur son visage. Homme sans patience, Cregan se faisait de plus en plus violence pour ne pas attraper la harpie par les cheveux pour lui apprendre à se moquer de lui ainsi.

Mais il devait lutter. Céder, jamais. « Ne m’éveillez point », disait la devise familiale. Cregan avait comme été taillé dedans. Sa colère dormait. Devait rester ainsi.

Bien, bien, répondit-il lentement. Sans doute est-ce le poids de votre regard qui m’étouffe… Il grimaça brièvement. M’intimide, reprit-il la voix grave.

Etouffer était pourtant le mot. Etouffer parce que cette chienne ne se prenait pas pour de la merde. Elle pouvait adopter un air bienveillant, autant qu’elle le souhaitait, il savait bien quelle moquerie coulait dans ses mots et son regard.

Contre toute attente, elle accepta la danse. Peut-être n’était-elle pas si idiote qu’il l’envisageait, comprenant enfin où était sa place de femme : au bras d’un homme. Le rictus de Cregan changea, passant de balafre à égratignure, une marque de satisfaction de sa part. Il empoigna la main dans sa douceur de soldat, toujours le geste abrupt.

Elle accompagna l’acceptation de mots venimeux, un sarcasme de plus bien sûr, et le Chiot ne répondit pas tout de suite. Il l’amena vers les danseurs, salua comme le voulait l’étiquette, et commença à danser lentement. Elle n’avait pas tort dans ses mots : il n’était pas un danseur. Il n’était pas bon courtisan, globalement. Sa place était, et avait toujours été, sur le champ de bataille. Pas même un général, ni un lieutenant.

Cregan n’était qu’un simple soldat.

Tandis qu’il la faisait tournoyer doucement, il ne put s’empêcher de répondre à son poison, grommelant entre ses lèvres tout le bien qu’il pensait d’elle.

Et j’espère que vous êtes moins bavarde quand vous dansez.

Les mots lui échappèrent dans son souffle, et il espéra qu’elle ne les ait pas entendus. Toujours esclave de ses émotions et surtout de ses colères, il n’avait pu s’en empêcher. Il reprit plus fort, espérant camoufler sa… maladresse.

Comment se passe votre vie à Havrenoir ? Tout va bien, là-bas ? Il se força à sourire, comme c’était difficile. Vous ne souffrez pas de la solitude ?

Il leva un sourcil intéressé en prononçant ces mots. La question n’avait, à l’évidence, rien d’innocent.

 
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