Il était ivre. Son habituel sourire gouailleur, il l’avait enterré derrière des mines plus sombres et sa peine, il l’étouffait derrière le verre de trop. C’était devenu quotidien, mais ce matin-là, son père n’avait su le tolérer. Quand il était rentré aux tours familiales, sur le Long Canal, Belicho l’attendait, les yeux inquiets et la mine dure. Il l’avait arrêté d’une simple pression sur l’épaule, faisant chanceler son fils saoul. Le paternel avait humé son parfum et aviné et lui avait ordonné que cela cesse. Qu’il se ressaisisse, une bonne fois pour toutes.

Il n’avait jamais souhaité se marier, mais sa tendre Alayna perdue, Nymeros souffrait bien trop. Il se perdait, entre les ports, les tavernes et les putains, pour expier toute sa douleur.

Et ce jour, chassé de chez lui car un Antaryon n’était pas un ivrogne, ses pas l’avaient mené jusqu’au Temple rouge. Le renard y entra le cœur incrédule pour une fois. Il n’avait plus foulé de lieu saint depuis des mois. Lui qui aimait les dieux, à tel point qu’il croyait en tous, ne trouva pas les saintes lueurs de R’hllor. La nuit est sombre et pleine de terreurs, songea-t-il dans un rire ivre et muet. Puis la prêtresse le héla.

Il darda sur elle ses yeux absents, exempts de toute émotion. Il ne savait pas ce qu’il faisait là. D’un geste de la tête, il refusa d’abord de discuter. Et ses yeux balayèrent nerveusement les lieux, le temple l’oppressa soudain, comme si le Maître de la Lumière posait sur lui un œil scrutateur. Nymeros sentit des larmes de rage monter à ses yeux. Il passa une main nerveuse sur son visage.

— Pourquoi ? demanda-t-il sourdement. Dites-moi pourquoi.

Sa voix claqua, une voix d’homme ivre et en colère. Une voix d’homme veuf qui se noyait dans un océan de peine et de rage.

Alayna, voulut-il souffler pour toute réponse. C’était le seul mot capable de définir ce qu’elle avait été pour lui. Elle avait été l’épouse dont il ne voulait pas, la femme qui l’avait séduit, la moitié qu’il s’était découverte, la conjointe qu’il avait aimé. Puis qui l’avait quitté. Nymeros passa de nouveau sa main sur son visage, tentant d’éteindre les larmes qui poignaient à ses yeux.

— Ma femme, voulut-il dire la voix ferme – elle fut transpercée d’un tremolo traître.

Couvrant sa bouche d’une main pour étouffer un sanglot, le Braavien ferma longuement les yeux pour tenter de garder contenance.

— Ma femme, répéta-t-il tout bas, comme réalisant seulement la terrible réalité.

Alayna ne reviendrait pas.