[BRAAVOS] FB | D'ombre et de lumière (Henosha) [Terminé]

La noirceur habituelle qui drapait Rhysand semblait s'être opacifiée depuis la mort de Ferrego Antaryon. Plus le temps passait et plus il semblait que la colère du braavien augmentait, sans jamais s'arrêter. Il détestait son cousin, Nymeros, et si sa famille parvenait à garder le titre qu'il convoitait, ce serait une défaite aussi bien pour les Prestayn que pour lui. A l'image de la nuit noire qui s'était installée, il faisait tout aussi sombre dans sa tête et dans son cœur.

C'était la raison pour laquelle il avait laissé le commandement à un homme de confiance, préférant s'éloigner un peu le temps d'aller apaiser son corps et son esprit. Il ne pouvait même pas aller se plaindre auprès de sa jumelle, Nesaleah s'étant alitée sur les dernières semaines de sa grossesse. Elle avait besoin de repos, pas d'être embêtée par des questions qui lui paraissaient probablement sans importance et qui relevaient de l'égo de son idiot de frère. Car c'est ce qu'il était, un idiot.

Marchant d'un pas raide, boiteux, il finit par s'arrêter devant le temple de R'hllor de la cité, le regard attiré par une silhouette féminine drapée de rouge qui observait la ville et les mortels en contre-bas. S'il ne s'était jamais intéressé à cette religion, trouvant déjà son bonheur dans la sienne, il devait bien avouer que tout ceci l'intriguait. Pour autant, il resta immobile en bas des marches, gardant son regard sombre rivé sur la structure, à attendre il ne savait quoi. Un signe, peut-être.

Lentement, le regard du Corbeau passa de l'architecture du temple à la silhouette de la prêtresse rouge, qui était immobile en haut des marches. A l'image de son dieu, elle ressemblait à une créature éthérée, descendue des cieux. La différence était frappante entre eux : s'il était la lune, elle était le soleil. Lui la froideur et la noirceur, elle la chaleur et la lumière. Le Ying et le Yang.

Rhysand finit par plisser légèrement ses paupières en voyant le signe de main de la femme et, sans une hésitation, il se tourna et commença à grimper les marches d'un pas lent, handicapé par sa jambe boiteuse. Au bout de quelques secondes, il parvint jusqu'en haut et s'arrêta à quelques mètres de la prêtresse, rivant son regard dans le sien.

— Là est la question. Ce sont mes pas qui m'ont mené ici, répondit-il sincèrement en la détaillant du regard minutieusement, rendu curieux.

Il se demandait comment certaines personnes pouvaient prétendre à la chasteté éternelle... Le concept était trop difficile à imaginer, pour lui qui aimait les plaisirs de la chair plus que quiconque. Il émit un léger soupir et finit par s'incliner pour la saluer convenablement : d'expérience, il savait qu'il ne fallait pas manquer de respect aux proches des dieux.

— Rhysand Prestayn, se présenta-t-il ensuite avant de croiser légèrement ses bras sur son torse.

Rhysand la dévisagea en silence lorsqu'elle sembla comprendre qui il était. Avec la cité à feu et à sang, il n'était pas compliqué de connaître le nom des deux vieilles familles de Braavos qui se faisaient la guerre. Guerre d'égo d'ailleurs, car le brun ne comptait pas laisser son cousin gagner.

Hochant la tête à sa courte présentation, il la quitta des yeux une seconde pour observer l'intérieur du temple à travers les portes ouvertes, puis il reporta son attention sur elle. Il croyait déjà en tellement de dieux... en visiter un de plus ne pourrait lui faire de mal après tout.

— Paraît-il que mon air austère est naturel. Peut-être est-il néanmoins légèrement renforcé par le conflit, en effet, lâcha le Corbeau en hochant la tête avant d'hausser ses épaules avec nonchalance : il se fichait bien de l'image qu'il renvoyait, pourvu que cela fasse trembler ses ennemis.

Il émit un rire en entendant sa remarque, plus désabusé que réellement sincère. S'il était là, il espérait désormais que R'hllor lui vienne en aide pour gagner la guerre. Il le fallait, aujourd'hui plus que n'importe quel autre jour : il devait écraser Nymeros.

— Peut-être.

Il finit par la suivre lorsqu'elle entra dans le grand bâtiment, et fut surpris de la clarté de l'endroit, éclairé par de nombreuses torches qui crépitaient au mur. Dès qu'il eut passé les portes, ces dernières se refermèrent dans un claquement dans son dos, chose qui le fit regarder en arrière avec méfiance avant qu'il ne reporte son attention sur la crinière brune de la prêtresse qu'il suivait.

— Suis-je censé parler à vous, ou à votre dieu ? Car je ne lis pas dans les flammes, j'suis pas un adepte de la lumière, lança-t-il en continuant de la suivre, handicapé par son allure claudiquante.

Oh, peut-être le pensait-elle, mais Rhysand était persuadé du contraire. Son esprit combatif et ambitieux adorait se battre. Il ne vivait que pour le combat, pour résoudre des conflits... mais surtout pour mettre des gens en colère. Là était sa vraie passion, ce qui le faisait vibrer dès qu'il mettait un pied hors de chez lui. Il aimait le chaos et le représentait bien : c'était peut-être pour cette raison, qu'il décevait autant son père.

— Pas sur ceux des autres, mais sur le mien, oui.

Mais son visage de prouva pas ses dires, ses lèvres restant en une parfaite ligne droite, immuable. Marchant doucement derrière elle, il laissa son interrogation s'évaporer dans l'air avant de s'arrêter lorsqu'elle se tourna vers lui puis se rapprocha lentement. Ne la quittant pas des yeux, il croisa ses bras sur son torse, immobile.

— De ce que je puis voir, vous n'êtes pourtant qu'une mortelle parmi les hommes. Ou peut-être suis-je en erreur, souffla-t-il en la dévisageant. Quoi que, il y a un petit air de déité, sur votre visage mortellement froid.

Il ne put s'empêcher d'accompagner ses quelques mots d'un léger sourire charmant, son naturel revenant au galop malgré son air naturel glacial et loin de tout. Il n'était qu'une ombre après tout.

— Aucune idée, je ne suis arrivé ici que par mon propre instinct. Je ne sais pas ce que je fais là, ni pourquoi je vous parle, répondit-il sincèrement avant de pousser un lourd soupir. Il n'y a qu'une question qui me taraude l'esprit : vais-je remporter ce conflit ?

Un sourire narquois se dessina sur les lèvres du jeune homme lorsqu'il entendit les propos de la prêtresse, mais il n'ajouta rien. Il aimait effectivement les conflits mais en ce jour, il semblait plus lassé qu'heureux. Comme si le poids sur ses épaules était légèrement trop lourd ce soir-là.

L'écoutant avec attention, il ne put s'empêcher de lever légèrement les yeux au ciel. Les adorateurs de R'hllor ressemblaient réellement à des fanatiques, c'était presque effrayant, même pour quelqu'un qui ne craignait rien comme lui. Les déviances des religions étaient frappantes parfois.

— Dois-je voir un compliment caché dans ces mots, poétesse ? lâcha-t-il d'un ton gouaille, ne pouvant s'empêcher de sourire. C'est bien la première fois qu'on m'assimile à la lumière et à la chaleur, rit-il sincèrement, étonné.

Il resta silencieux en la voyant s'approcher de l'âtre, et il la suivit avant de s'arrêter quelques pas derrière elle, l'observant faire sans un mot. Pouvait-elle réellement communiquer avec son dieu ? Même en se concentrant, il ne vit rien de spécial à travers les ondulations du feu, si bien qu'il se mit à fixer la prêtresse elle-même, espérant voir quelque chose changer dans son comportement. D'autant plus qu'il se demandait réellement si elle pouvait prévoir le devenir de la guerre.

Un sourire goguenard se dessina sur les lèvres du jeune homme mais il ne répondit rien, laissant le silence s'installer entre eux alors que la prêtresse s'agenouillait devant le feu pour interroger son dieu de la lumière.

Rhysand se contenta de l'observer, quelques pas en arrière. Sa posture sembla se détendre devant les flammes et il l'observa avec fascination, jusqu'à ce qu'elle se reprenne et se redresse lentement, comme si elle venait de sortir d'un songe particulièrement percutant. Il resta silencieux, la regardant s'approcher à pas lent, ébranlée par sa vision. Il remarqua la larme qui coulait le long de sa joue mais ne réagit pas sur le coup.

Non, il sursauta en sentant la main chaude de la jeune femme se poser sur sa peau et il glissa son regard dans le sien en silence, accusant le coup. La nouvelle n'était pas excellente mais au fond, il s'y attendait. Et puis, les flammes pouvaient bien se tromper, n'est-ce pas ? Ouais, ça pouvait être des conneries comme la vérité. Personne ne savait ce qu'il se passerait demain, pas même un dieu de la lumière.

Lentement, le pouce du Corbeau vient essuyer la larme qui roulait sur la joue d'Henosha avant qu'il n'hoche la tête.

— Peu importe ce qui arrivera, répondit-il en haussant ses épaules. Je ne compte pas le laisser me battre sans tout donner pour vaincre, lâcha-t-il d'un ton convaincu.

La main de Rhysand retomba rapidement entre eux et il sentit la main de la jeune femme se poser sur son épaule. Néanmoins, il finit par reculer et glissa une main dans ses cheveux pour les recoiffer grossièrement.

— Je sais toujours ce que je fais, surtout lorsqu'il s'agit de mettre à genoux mon cousin, siffla-t-il en levant les yeux au ciel. Et non, je ne m'inquiète pas pour si peu. Adviendra que pourra. Tant que ma fille est en sécurité, je ne demande rien d'autre, lui expliqua-t-il en haussant ses épaules, voyant le visage de sa petite Nileah se dessiner devant ses yeux.

Il l'avait d'ailleurs négligée ces derniers temps à cause de toute cette histoire de conflit et il s'en voulait réellement : parfois, il se demandait comment elle pouvait l'aimer. Lui, l'Ombre qui avait du mal avec les sentiments et qui avait le cœur aussi froid et dur qu'un bloc de glace.

Il finit par s'incliner pour la remercier pour ses services : il savait à quoi s'en tenir maintenant. C'était à lui de faire en sorte que ce futur n'arrive pas.

— Merci pour la vision prêtresse, même si elle n'est pas des plus joyeuses, je suppose qu'elle pourra m'aider dans mes desseins.

Rhysand resta silencieux quelques secondes suite à la proposition de la prêtresse. Il la dévisagea en silence, réfléchissant réellement à la question. Il savait que s'il faisait une telle chose, Nileah lui en voudrait. Mais le pire serait Nesaleah : la jeune femme ne lui pardonnerait jamais mais pourtant, il y réfléchissait réellement. S'il pouvait enfermer la jeune femme dans le temple, il le ferait également : il avait bien trop peur de la perdre.

Finalement, il finit par hocher légèrement la tête, reconnaissant.

— Je n'oublierai pas cette proposition, je dois d'abord y réfléchir, répondit-il en détournant le regard un moment avant de soupirer légèrement. Elle a quatre ans.

Il resta silencieux lorsqu'elle insista un peu avant d'hocher la tête. Il finit par sourire avant d'hocher la tête face à ses propos et il inclina à nouveau la tête.

— Je n'y manquerai pas. Merci.

Il finit par lui sourire légèrement avant de faire volte-face, rassénéré par cette conversation qu'il avait eu avec la jeune femme. Au moins, il savait à quoi s'attendre : à lui de ne pas commettre d'erreur afin de déjouer le destin.