Dès toute jeune, Nesaleah avait appris, et compris, aussi, qu’elle avait de la valeur. Qu’elle importait. Et donc qu’elle ne devait jamais l’oublier. Ou se sous-estimer. Ou se sous-évaluer. Peut-être que cela faisait d’elle quelqu’un de prétentieux et de vaniteux, mais elle estimait être dans son bon droit et n’abuser en rien. Les faits étaient là, si les gens avaient du mal à les voir, qu’ils s’équipent alors de verres de vue pour améliorer leur situation, mais cela ne serait en rien elle qui changerait. Fort heureusement, Nymeros n’était pas dans ce cas, ce qui aurait été bien regrettable pour son beau regard s’il avait dû être partiellement caché par quelque artifice de vue. “ Je suis une Prestayn voyons … ” Comme si cela expliquait tout de lui-même, ce qui, tout de même, n’était pas entièrement faux. Après tout, le prestige et la richesse des Prestayn n’étaient plus à faire, tout comme le fait qu’ils tenaient leur rang et ne décevaient en rien. Bien entendu, ils n’étaient qu’en partie responsables de la gloire et de l’influence de Braavos, se partageant la tâche avec les autres familles aristocratiques tout autant qu’avec la Banque de Fer et le Seigneur de la Mer, mais il était indéniable qu’ils y contribuaient, et pas seulement un peu. Nesa’ avait donc grandi sereinement dans une atmosphère rassurante et sécurisée, sans avoir à s’en faire pour son avenir ou ses finances. “ Et loin de moi l’idée de te penser soudainement fauché comme les blés, mais il est indéniable que mes services valent tout de même chers. Je ne me comparerais pas à tes sœurs, mais, tout de même, je n’ai rien d’une jolie colombe toute oisive et passive. ” D’une certaine façon, sans doute avait-elle la vie rêvée, ou pas loin, car elle n’avait pas besoin de travailler pour se nourrir et se loger, pas plus qu’elle n’avait à s’inquiéter qu’on vienne la dépouiller en pleine nuit. Mais elle prenait quand même sa part dans les affaires familiales, à son échelle et selon ses envies, sans rester alitée toute la journée et sans passer son existence à se faire belle, se goinfrer et rire de façon bécasse au moindre compliment qu’on lui offrait. Si les tourments passés concernant la disparition de Rhysand et l’assassinat de Nakeo avaient beaucoup pesé dans la balance à ce sujet, il n’en demeurait pas moins qu’elle avait quand même de base les capacités cognitives pour ce faire. Et cela devait tout de même bien se monnayer, quoi qu’elle n’ait encore jamais eu l’occasion.

Pour être tout à fait honnête, par le passé, Nesaleah avait tout de même demandé à obtenir quelque produit précieux de la part de son père, de l’un de ses oncles ou de Rhys’ lors d’un voyage vers l’étranger pour toute rétribution concrète ou à venir. C’était toutefois à ses yeux un simple échange de bons procédés tout autant qu’un petit passe-temps de l’avance quelque peu transformé à mesure des années. Mais elle s’était largement calmée là-dessus dernièrement, la maturité passant par là tout autant que le fait qu’elle ne voulait en rien être vue comme incapable d’obtenir d’elle-même ce qu’elle désirait. Même si elle n’avait jamais rien contre tous les présents dont pouvait la couvrir son frère. Avant ou après qu’ils aient fini nus. Quoi qu’il en soit, maintenant, c’était Nileah qui avait pris le relais quant à recevoir le plus de cadeaux : mais qui pourrait lui résister ? Telle mère telle fille, sans doute … Preuve en était, si quand il la voyait, Nym’ ne manquait pas d’être fort plaisant et agréable avec la petite, il ne se comportait pas mal non plus avec elle, en cet instant … Et ce même si plus d’une personne pourrait trouver moults sujets de réprimande dans leur comportement à tous deux, sur l’instant, là où ils n’auraient tous deux pas trop besoin d’y réfléchir pour rapidement faire une liste. Une liste en haut de laquelle Rhysand ne manquerait pas de briller, et pas forcément pour le meilleur … Mais Rhys’ n’était pas là, et personne d’autre qu’eux n’était là, de toute façon, là où l’esprit de la jeune femme était bien trop pris par l’instant présent pour réellement voir au-delà. Pour autant, elle ne se sentait pas avoir perdu l’esprit, ou tout du moins pas encore, chaque sensation étant décuplée, comme elle tentait de l’expliquer à son délicieux interlocuteur. Et Nymeros, lui non plus, ne semblait pas décider à tout stopper. Ou alors se complaisait-il à lui envoyer des signaux contradictoires, à en sentir ses doigts dans le creux de ses reins, et à en voir leur proximité qu’il contribuait à accentuer. “ Nym’ … ” Ce n’était en rien un avertissement, un reproche ou une incitation à se ressaisir, mais plutôt était-ce là un soupir qui lui avait brusquement échappé, en le sentant tendre l’étoffe de sa robe tout contre sa peau, le tissu, en réaction, épousant encore plus ses courbes.

Nymeros ne lui offrit aucune échappatoire physique à l’instant même où ce fut elle qui fit réellement le premier pas, décisif et sans retour. Certes, toutes les limites n’étaient pas encore franchies, mais un baiser n’était tout de même pas rien, ou en tout cas pas pour elle. Contrairement à sa réputation ou à celle qu’on voudrait bien lui faire endosser, non, tout le beau monde de Braavos ne lui était pas passé dessus, bien au contraire. En tout cas, elle ne regrettait pas, pas pour le moment en tout cas, là où tout ceci était en tous points inédit et quelque peu exotique, aussi. Sans vouloir se laisser aller aux comparaisons, il était indéniable que c’était si différent d’avoir Rhysand. Passionné, oui, mais bien moins possessif. Pas plus agréable ou désagréable, mais différent, nouveau, aussi. De quoi la pousser à ne point vouloir s’arrêter si abruptement dans cette découverte. Elle était bien, là … Elle était bien, et elle sentait son corps comme entrer en vibrations, une fugace moue boudeuse prenant place sur ses lippes et retroussant quelque peu son nez lorsque les lèvres de Nymeros quittèrent les siennes. Juste avant qu’elle ne se reprenne, tout en misant sur la relative pénombre et sur ses charmes pour empêcher son cousin de s’en être rendu compte. À moins que le fait que ce délicieux visage quelque peu s’échouer près de son cou n’ait joué en sa faveur … Alors que l’une de ses mains vint s’appuyer sur l’une des épaules du jeune homme, comme pour renforcer son équilibre, l’autre glissa le long du torse, avec sensualité, grâce, mais néanmoins détermination. Si elle n’avait que peu d’expérience passé Rhysand, elle n’en était pas pour autant dénuée. Elle savait ce qu’elle faisait, et ce que cela pouvait provoquer. Elle le savait, oui, mais y songeait-elle réellement ? “ Ce serait cruel, très cruelle de ma part … ” La main glissait, glissait, alors qu’elle se rapprochait encore plus, au point où elle intercala l’une de ses jambes dans l’interstice formée entre celles de Nym’. “ … de te laisser en plan, là, comme ça. Si tôt … ” Sa main se stoppa juste au-dessus de son aine, là où sa jambe se glissait un peu plus entre celles du jeune homme. Sa bouche, elle, s’approcha de son cou, avant qu’elle ne tarde quelque peu la pointe de sa langue vers l’extérieur, titillante. “ Je ne suis sûre de rien, si ce n’est que je n’ai aucune envie de partir … Ou d’arrêter. ” Était-ce si mal, si répréhensible ? Par bien des aspects ou pour bien du monde, sans doute, mais tout ceci n’avait nulle importance.

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Se baser uniquement sur les rapports qu’entretenaient Rhysand et Nymeros pour tirer des conclusions sur la dynamique existante entre les Prestayn et les Antaryon reviendrait à pencher pour la solution de facilité, grossière, caricaturale et peu à même de faire apparaître les subtilités et les complexités. Après tout, il avait au moins un jour existé une certaine complaisance entre les deux Familles pour que l’on accepte de marier Meralyn à Belicho. Ou peut-être la toile de l’entre-soi et des calculs profiteurs avait été suffisamment dense, solide et pas encore effilochée, à l’époque, pour que l’on juge que les deux lignées avaient grandement à y gagner. Les fratries des branches Prestayn et la fratrie Antaryon n’avaient donc pas manqué de se côtoyer, sans être de parfaits inconnus les uns pour les autres. Et au milieu de la mêlée, il y avait les deux aînés, Rhysand et Nymeros, avec tout ce que cela sous-entendait lorsqu’on les savait tous deux plus qu’enclins à faire briller leur patronyme et à rendre fier leur père et patriarche. En l’état, il y avait de la place pour chacun, mais si l’on en venait à parler des ambitions et desseins commerciaux et financiers, les choses se compliquaient … En tant que fille, Nesaleah avait quelque peu été préservée de tout ceci, d’autant plus que son jumeau n’avait jamais renâclé à occuper et défendre la place qui lui était due. Ses cousines, elles, avaient eu des trajectoires quelque peu différentes, qu’elle ne leur enviait pas et ne leur reprochait pas non plus. “ Loin de moi cette idée ! Ne donnons pas à Berea l’excuse parfaite pour … disons pimenter le prochain verre qu’elle me tendra ! ” Un instant, son regard se para d’une lueur tout à la fois piquante et mutine, mais point diffamatoire ou médisante, car elle n’exécrait pas sa cousine et ne cherchait pas non plus à dépeindre le pire portrait d’elle. “ Tes sœurs et moi sommes différentes, et si elles savent toutes deux manier leur barque, et plus que cela, au sens propre, je ne suis pas en reste pour savoir manier la propre mienne. Nos chenaux sont simplement différents, et je n’ai, tout comme elles, rien d’une jolie plante ne servant à rien d’autre qu’à faire jolie, sans intérêt autre que ma beauté et ayant seulement besoin d’être arrosée, ou honorée, de temps en temps. … Je suppose que tu en conviendras, toi aussi. ” Elle ne rougissait point, Nesa’, d’être aussi triviale, ayant entendu pire de la bouche des marins, sous voilure Prestayn ou non, lorsqu’elle descendait sur le port. Et son cousin avait déjà dû entendre bien pire dans la bouche de ses sœurs.

D’autres mots, d’autres paroles et d’autres gestes devaient en revanche lui être totalement inconnus de la part de ses cadettes, là où Nesaleah, elle, les entreprenait. Ce qui était cependant tout à fait inédit entre eux. De la même façon, il y avait dans tout ceci un mélange de sécurité et de prise de risques, un mélange de familiarité et d’inhabituel. Séduire et charmer n’étaient en rien des nouveautés pour la jeune femme, mais il fallait bien admettre qu’elle n’avait jamais fait que jouer et s’amuser, tout en utilisant ses charmes, son sourire et ses qualités physiques pour obtenir ce qu’elle désirait ou quelque peu pervertir les esprits chagrins et récalcitrants. Jamais elle n’avait franchi le pas, jamais elle ne s’était égarée dans les bras ou dans les draps de qui que ce soit, mis à part ceux de Rhysand, qui, pour ainsi dire, était son premier et son unique. Alors, tout ceci, cela n’était absolument pas dans ses habitudes. Sans doute Nymeros le savait-il, ce qui lui permettrait de comprendre qu’il n’y avait aucun jeu et aucune duplicité : Nesa’ ne serait pas allée aussi loin que ça si c’était le cas. Tout ce qu’elle ressentait s’en trouvait donc décupler, des frissons qui la parcouraient aux sensations que lui procuraient les mains et les lèvres de son cousin tout contre son corps. De la même façon, elle se laissait guider tout autant par son instinct que par ses impulsions, mettant de côté le temps de la réflexion pour profiter de l’instant présent. Pour faire ce qui lui passait par la tête, ce qu’elle avait envie de faire, ce qu’elle désirait. Rien ne lui était imposé, rien ne lui était forcé. C’était comme avoir mis un doigt dans l’engrenage sans plus pouvoir et sans plus vouloir l’en retirer. Elle n’avait pas envie d’arrêter, pas du tout même, et Nymeros était loin de s’y poser. Même s’il ne le lui avait pas explicitement indiqué, elle l’aurait compris de par ses gestes et sa posture. Elle se sentait tout autant se consumer qu’elle mettait elle-même le feu aux poudres. “ Nous voilà donc d’accord … ” Sa voix se perdait dans un certain souffle, toute frissonnante qu’elle était des lèvres qui couraient de son épaule jusqu’à son cou. Son corps, lui, s’arquait autant que possible contre son cousin, moulant sans doute encore plus ses formes contre le tissu tendu de sa robe. À l’instant où Nymeros joignit de nouveau leurs lèvres, la poigne de la jeune femme se raffermit, tout autant sur l’épaule du jeune homme qu’au-dessus de son aine, sans que cela ne soit guère volontaire. Mais elle avait comme besoin de s’ancrer encore plus au sol, ou plutôt, tout contre lui. Pourtant, elle aurait difficilement pu tomber, la jambe qu’elle avait glissé entre celles de l’Antaryon assurant un axe d’équilibre suffisant, comme prise en étau. De plus, la poigne de son cousin dans son dos était suffisamment ferme et déterminée pour tous deux les tenir liés.

Nesaleah ne put donc que se sentir quelque peu désarçonnée lorsqu’elle sentit son cousin s’écarter d’elle. Une fraction de seconde, elle se demanda s’il était brusquement assailli de regrets, ou si elle avait agi de sorte à doucher son désir d’elle. Et puis elle croisa son regard, dans lequel elle ne lut rien de tout ça. Il l’observait, et même mieux, il la détaillait. Elle qui n’avait pas besoin de les toucher pour sentir ses lèvres comme gonflées de leurs baisers, là où sa coiffure devait être défaite par des cheveux quelque peu désordonnés. Sous l’effet du désir et de l’envie, ses pupilles étaient probablement plus écarquillées qu’à la normale, et ses iris quelque peu battantes de ces reflets semblait-il hérités de ce lointain royal ancêtre des Otherys. Un instant, elle se sentit comme intimidée par le regard de Nymeros sur elle, par ce regard d’un homme autre que Rhysand sur son corps de femme. Mais il eut tôt fait de ne plus la laisser dans l’expectative, apposant son front contre le sien et glissant ses mains sur ses hanches. Le sourire qui ourla ses lèvres, lui, avait tout de ceux enclins à vous faire sourire en retour, par pure réaction instinctive. Celui qu’elle lui offrit mettant sans doute plus qu’en valeur la blancheur de ses dents ainsi que leur belle implantation, régulière, rectiligne et dénuée de toute carie. Il ne suffisait pas de posséder des attraits physiques naturels, encore fallait-il savoir les entretenir, ce que sa mère lui avait appris à faire depuis longtemps, avec grande efficacité. “ Tu es si prévoyant … Et si clairvoyant ! Aucun de ces autres convives ne m’intéresse plus que toi, en cet instant. ” Elle frotta son nez contre le sien, comme lors de tous ces chastes baisés qu’elle partageait, enfant, avec Rhysand, puis sa main accrochée sur l’épaule de Nymeros finit par remonter sur son visage, s’apposant sur l’une de ses joues. “ Comment te refuser face à la promesse d’instants encore plus intéressants en ta compagnie ? … Guide-moi et je te suivrais. ” Son autre main rejoignit l’une de celles accrochées à ses hanches, entrelaçant ses doigts comme pour s’en saisir et se créer une nouvelle prise, tout autant pour le garder serrer contre elle que pour lui indiquer qu’elle marcherait dans ses pas, à sa suite, où il pourra bien décider de les mener. “ Tu connais bien mieux les lieux que moi, je suppose … ” À combien d’autres qu’elle avait-il déjà fait la même proposition ? Le savoir lui importait peu. Dans son orgueil et sa vanité, elles se disaient que tous ceux-là ne lui arrivaient pas à la cheville, et qu’il ne voyait qu’elle, en cet instant. Sa bouche vint de nouveau taquiner les lippes masculines, avant qu’elle ne recule son visage, arquant un sourcil et penchant la tête de côté, bien curieuse et empressée de savoir ce qu’il allait leur réserver.

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Si Nesaleah avait l'esprit acéré et la langue des plus agiles également, elle ne versait en rien dans le mensonge. La duperie et la manipulation, certes, mais pas le mensonge. On pourrait penser que cela la rendait donc moins dangereuse dans ses paroles et ses propos, tout en instiguant une aura de confiance, mais la réalité était quelque peu différente. Car, dans les faits, elle n'en était pas moins redoutable et redoutée, puisqu'on ne pouvait se cacher derrière le fait qu'elle se faisait menteuse et qu'on ne pouvait donc pas la croire. La moindre pique et la moindre estoc qu'elle portait s'avéraient être basées sur un fond de vérité bel et bien réel. Protester revenait donc alors à se faire poisson jeté à même la terre ferme du quai et tentant vainement de battre des ailes qu'il n'avait pas et n'avait jamais eu. Cette façon de faire et de procéder, chez elle, répondait à une réelle nécessité : posséder un tel arsenal dans son attirail revenait à pouvoir se défendre et contre-attaquer, ou à attaquer tout court, dans ce monde de la haute aristocratie de Braavos qui ne se faisait sans doute pas plus de cadeaux qu'ailleurs. Là où, en tant que femme, elle se trouvait sans doute plus exposée et à même d'être perçue comme une proie moins préparée et moins armée face aux assauts masculins, patriarcaux, misogynes et sexistes. Le fait était qu'elle n'était en rien une petite chose fragile, une fleur aisément cueillie ou une silhouette facilement impressionnable et manipulable. Pour autant, comme précédemment avec son cousin, il lui fallait parfois se souvenir de ranger tout ceci au vestibule, la duperie, la manipulation et l'esprit trop incisif, au risque de heurter ceux qui ne l'avaient pas mérités en s'en prenant injustement à eux ou en les maintenant dans le même panier de crabes et de piranhas que cette foule d'autres. En ce qui concernait ses allusions envers sa cousine Berea, cela ne relevait pourtant pas de tout cela, et elle s'était donc faite parfaitement juste et honnête, du moins à ses yeux. “ Ne pas faire quoi ? Ajouter une grosse pincée de sel dans chacune de mes huitres fumées pendant que j'avais le dos tourné lors d'une des fêtes organisées par ta mère, et ce pour je ne sais plus quelle broutille ? Ou bien encore verser de l'huile de piment dans mon verre de jus de fruit en m'entendant confier à nos grand-parents combien j'espérais grandement que l'enfant auquel ta mère donnerait le jour hériterait de nos gênes plutôt que de ceux de ton père ? C'était un peu avant la naissance de Malleon, il me semble, et je crois que Berea n'a pas trop aimé que mes propos fassent s'enorgueillir notre grand-père ... ” Rien de répréhensible devant la loi, pour sûr, mais rien d'agréable du tout en bouche non plus ! Sans doute Nesa' devait-elle se réjouir que sa chère cousine n'en soit pas encore arrivée à gâcher sa nourriture ou sa boisson avec de l'huile de foie de morue ! “ Cependant, je sais que je peux compter sur elle pour dégoter les meilleurs alcools en soirée et pour partager l'information, alors cela contrebalance quelque peu la chose. ” Pas de quoi la rendre incline à nourrir de forts ressentiments envers sa cousine donc, leur relation n'étant en rien comparable à celle entretenue par Rhysand et Nymeros. Mais il était tout de même indéniable que Nesa' s'entendait bien mieux avec Myria.

De Berea, justement, elle ne vit rien, alors qu'elle tenait fermement la main de son cousin dans la sienne et qu'elle ne se faisait pas prier pour le suivre là où aurait choisi de les mener. À moins que ce ne soit l'inverse, que ce soit plutôt lui qui possédait la prise la plus ferme sur leurs mains jointes, ou à moins qu'ils n'agissent de concert et à égalité. Quoi qu'il en était, son regard ne se posa ni sur sa cousine, ni sur l'intérieur de la salle qu'ils avaient précédemment quitté, Nymeros et elle. Si tant est qu'il y aurait eu contact visuel, cela n'aurait guère refroidi ou dissuadé la Prestayn, qui agissait tout autant sur l'instant que par réelle envie. Sans doute, même, cela aurait renforcé sa conviction et son désir de poursuivre ce que Nymeros et elle avaient commencé, par pure envie de titiller sa cousine et de lui rappeler qu'elle ne la craignait pas. Elle se méfiait certes toujours un peu des verres qu'elle lui tendait et guettait son assiette quand elles étaient assises à côté, ne serait-ce qu'un peu, mais elle ne craignait pas Berea. Sans doute parce qu'elles ne s'étaient rien fait l'une à l'autre qui méritait sévère rétribution, et sans doute aussi parce qu'aucune d'elle ne vouait l'autre aux gémonies. Point de Berea dans son champ de vision, donc, mais plutôt sa main jointe à celle de son cousin, ou bien encore le fessier de ce dernier, lorsqu'elle baissa les yeux en cette direction, avant de contempler de nouveau son visage de profil. Loin de se faire tirer derrière lui, elle calquait son pas empressé sur le sien, de sorte à ce que le vêtement de sa jupe claquait tout juste ce qu'il fallait pour créer un harmonieux mouvement. Aucun risque, également, qu'elle ne s'empêtre dans le tissu ou ne perdre l'équilibre de par la bride d'une chaussure qui la lâcherait soudainement. Elle ne contrôlait ni la vitesse ni la direction, mais elle se montrait plus que consentante à s'y adapter. Dans le même temps, elle ressentait les effluves de l'alcool précédemment ingéré ne plus en finir de lui réchauffer le corps et l'esprit, sans toutefois lui tourner définitivement la tête. Elle sentait qu'elle se souviendrait de tout cela au petit matin, pour le meilleur comme pour le pire, tout comme elle savait qu'elle assumerait sans se trouver des excuses ou blâmer la boisson, voire Nymeros lui-même. Elle avait encore le goût des baisers de ce dernier tout contre ses lèvres, et c'était aussi comme si ceux qu'il avait déposé ailleurs sur son épiderme ne manquaient pas de la brûler, d'une chaleur loin d'être désagréable et regrettable. Dès lors, elle n'aurait rien eu contre le fait que son cousin les fasse faire escale contre un mur ou un pilier, et sans doute même une partie de son esprit ne se serait pas non plus opposé au fait qu'il la soulève de terre pour la porter. Il y avait fort longtemps que Rhysand était le seul à avoir cet honneur là, ce qui aurait dit beaucoup. Mais s'offrir et offrir le grand jeu, de suite, n'était pas dans ses habitudes, car elle se voulait encore emplie de suffisamment de mystères pour ne point désintéresser Nymeros. Ce qui ne l'empêchait pas de continuer de sentir encore et encore le moindre de ses sens être décuplés, non sans humecter ses lèvres gonflées de désir ainsi que des baisers du jeune homme. S'il était capable de produire un tel effet rien que sur la pulpe de ses lippes, alors que lui réservait la suite ?

Nesa' n'avait pas encore bien réordonné le rythme et le flux de ses pensées, encore un peu restées à cet échange de bons procédés auxquels ils s'étaient tous deux livrés, et voilà qu'elle se retrouvait plaquée contre la porte que Nymeros refermait si rapidement derrière eux. Elle ne put alors s'empêcher de plaquer une main sur son torse et de chercher à s'assurer d'un équilibre en posant l'autre sur l'une des hanches de son cousin, non sans agripper un peu l'étoffe sous ses doigts. Le jeune homme eut visiblement la même idée, à quelques nuances près, et quoi que sa visée était sans doute bien différente. La Prestayn n'eut cependant ni le temps ni le loisir d'étudier la situation, contrairement à son habitude, car la voilà qui se retrouvait plaquée contre le corps viril, là où un ardent baiser lui était dérobé. Mais était-ce bien du vol alors qu'elle était plus que consentante ? Passé l'effet de surprise, elle se montra en effet plus qu'encline à participer, ses lèvres enfiévrées réclamant leur dû, là où sa langue agile cherchait à faire plus que simplement effleurer sa consœur. Positionnés ainsi, Nymeros ne pouvait sans doute rien ignorer du grand sourire qu'elle lui offrait. Et c'est sans doute celui auquel le propre sien répondit, alors qu'il prenait une nouvelle fois l'initiative d'instaurer un instant de distance entre eux. L'une de ses mains tenta bien de rapprocher de nouveau le jeune homme jusqu'à elle, tout contre elle, mais sa question méritait réponse, non sans nécessiter de l'attention. Se gardant bien de répondre de suite, elle fit quelques pas dans la pièce, délibérément et volontairement lents et chaloupés, avec un contrôle et une maîtrise aspirant à mettre en avant sa silhouette que ses talents de charme et de séduction. Elle battit doucement des cils, non sans balayer la pièce du regard, plissant quelque peu les yeux pour feindre de réserver son jugement encore un peu. La jeune femme, après avoir effleuré du bout des doigts quelques meubles et objets de décoration, porta alors la main à ses cheveux. Elle entreprit d'y défaire les quelques pinces qui ne remplissaient sans doute plus très bien leur office, à savoir maintenir en place un chignon sophistiqué et travaillé qui, jusqu'à maintenant, avait bien dû la mettre à son avantage. Mais par la faute de Nymeros, l'effet ne donnait plus forcément aussi bien. Se tournant avec une certaine langueur vers ce dernier, elle entreprit, enfin, de lui offrir une réponse. “ Je suis satisfaite du décor. Cependant ... ” Elle marqua un temps d'arrêt, non sans feindre la profonde réflexion, alors que sa main quittait ses cheveux avec grâce et lenteur, les laissant à présent librement cascader de façon brute et anarchique. “ Peu importe le flacon, pourvu qu'on ait l'ivresse ... L'écrin est fort plaisant, ne reste plus qu'à voir le présent qui s'y dissimule. ” Paraît-elle de lui ou faisait-elle référence à elle-même ? Son regard ne manquait pas de continuer de luire de ces fameux reflets améthystes, désormais bien plus semblables à des flammes qu'à de simples échos. En tout cas, elle fit un pas, puis un autre, en direction de Nymeros, sa respiration tendant l'étoffe de sa robe, amplifiant l'attrait décolleté.

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En observant de qui se composait la famille de Nesaleah, on pouvait avoir tôt fait de conclure qu'elle n'avait en rien manqué de proches parents, et, hâtivement, d'un œil extérieur et omniscient, on pourrait en venir à penser que, puisqu'ils n'étaient pas Rhysand, tout à la fois l'un des pourvoyeurs de ses plus grands maux et le vecteur de ses bonheurs et joies les plus suprêmesalors, elle leur accordait peu d'importance et peu d'égards. C'était entièrement faux. D'ailleurs, ils occupaient tous une place particulière, et ses rapports avec chacun d'entre eux pouvaient être plus que variables. Ainsi, si Berea et elle n'étaient pas sans se tancer et se complaire à se faire de régulières mesquineries; sans pour autant se souhaiter l'une l'autre une mort lente, douloureuse et arrivant sous peu, la relation que partageait Nesa' avec son autre cousine Antaryon était fort différente. Et que dire de sa relation avec Nymeros ? “ Elle est terrible, oui, mais ... Mais sans tout ce qui fait son caractère, sans tout ce que je peux bien lui reprocher et sans tout ce que je peux retrouver chez elle autant que chez moi, par delà certains de nos traits physiques tout à fait Prestayn, elle ne serait pas Berea. Elle serait juste chiante, pénible et fort insignifiante et anecdotique. Alors c'est ainsi qu'elle reste appréciable, en quelque sorte ... ” Elle haussa les épaules, une petite moue amusée sur les lèvres. Elle n'avait sans doute pas besoin d'étayer plus son raisonnement pour que son cousin comprenne parfaitement où elle venait en venir : si Berea n'était pas Berea, alors il y aurait longtemps que Nesaleah aurait cessé de la calculer ou de lui accorder le moindre intérêt. Parce qu'elle n'avait nulle envie et nul désir de s'encombrer de personnes nuisibles produisant fort peu d'effervescence et de renouvèlement interrompu dans la dynamique de son existence. D'une certaine façon, sans doute se livrait-elle à quelque compliment concernant sa cousine, tout en se gardant bien de le faire en face à face : non par crainte ou manque de courage, mais par refus de lui donner des munitions pour le lui ré-étaler en pleine figure à la prochaine de leur passe d'armes !

À coup sûr, Nymeros comprendrait qu'il était dans son intérêt de garder cette confession pour lui ! Au pire, Nesaleah pourrait toujours tenter de lui acheter son silence tout autant que sa discrétion. Tout le monde avait un prix, même le fier et honnête Nymeros Antaryon, n'est-ce pas ? Devrait-elle, alors, d'ores et déjà songer à lui acheter son silence quant au fait de garder pour lui ce qui commençait doucement mais sûrement à plus qu'un peu se tramer, entre eux ? En réalité, elle n'y songeait point, préférant, en bonne épicurienne, profiter du moment présent, non sans que cela ne fasse pour autant d'elle une fine sotte ne réfléchissant pas plus loin que le bout de son nez. Et l'instant présent la portait à se trouver dans une pièce fort privée, au sein du Palais du Seigneur de la Mer ...  Plus jeune, Nesaleah avait pu être heurtée dans son amour propre, sa fierté et son orgueil de Prestayn en sachant que ses cousins étaient en droit de pouvoir se vanter d'être les neveux et nièces du Seigneur de la Mer. Mais elle avait alors tôt fait de se rappeler que cela ne durerait qu'un temps et, qu'un jour, tout comme elle, ils ne pourraient que contempler une autre grande Maison se targuer de compter dans leur rang l'homme le plus puissant de tout Braavos. Chacun son tour, sans doute ... Mais il était vrai qu'en attendant, et même avec les années qui s'étaient depuis écoulées, elle ne pouvait s'empêcher de se dire qu'ils avaient leur accès en un lieu tel que ce Palais, et que, donc, elle, elle était de ceux qui devaient espérer une invitation ou une cérémonie publique pour y venir. Autant dire que, l'air de ne rien en laisser paraître, elle ne manquait pas d'apprécier l'instant, surtout en sachant qu'elle n'était pas censée être ici, et que, donc, il s'agissait là d'une anormalité qu'elle entendait bien apprécier à sa juste valeur. Mais elle ne pouvait pas entièrement se vouer à admirer les lieux, car son regard se trouvait invariablement attirer vers la silhouette, le regard, les lèvres et les mains de son cousin Nymeros. Tout comme son corps se trouvait également magnétiser par sa propre présence, sans doute. Alors elle voulait faire monter les choses, participer, elle aussi, à cette montée en tension, à cette trépidation haletante et pantelante qui lui faisait déjà battre le cœur et qu'elle sentait presque jusque sur sa peau, comme si l'air alentour, lui aussi, s'en trouvait consumé.

À l'instant où Nymeros glissa ses mains autour de ses hanches, ce fut comme s'il lui avait passé une ceinture enflammée à hauteur des reins. Lorsque son souffle brûlant laboura la surface de son cou, l'air de rien, l'air de ne point y toucher, elle ne put s'empêcher de plisser les yeux de plaisir, jusqu'à presque les fermer. Et puis elle sentit ses mains remonter jusqu'à sa nuque, hésitant, un instant, quant à savoir si cela tenait du fantasme perçu tout contre ses paupières, ou si c'était bel et bien la réalité. À moins que les deux ne se confondent, là où elle réalisa que, dans le fond, il lui importait peu de savoir où se situait la vérité.  Ses yeux en amande se rouvrirent alors brutalement, laissant désormais y brûler de réelles flammes où le bleu et l'améthyste se confondaient. Sa main droite, alors, vint comme chercher à s'entrelacer à l'une de celles de Nymeros, comme pour accompagner le mouvement et l'y enjoindre. “ Avec grand plaisir ... Je t'en voudrais tellement si tu ne le faisais pas ... ” Le ton de sa voix avait ce petit quelque chose d'inhabituel, bien plus suave et sensuelle que d'ordinaire, sans que cela ne puisse être confondu avec les atours qu'elle lui faisait prendre lorsqu'elle se voulait manipulatrice au possible, tant dans ses paroles que dans ses charmes. Il y avait ici une tonalité primitive et primale, ne pouvait être interprétée de travers par l'Antaryon. Elle savait, Nesaleah, qu'elle conservait le corps d'une jeune femme, non sans qu'on puisse y voir, lorsqu'elle était nue, les preuves de sa maternité effective. Cela ne venait en rien la complexer ni l'enlaidir, bien au contraire, offrant un galbe supérieur à sa poitrine et de la substance là où il fallait et comme il fallait sur ses hanches et ses côtes. Elle était une femme, et non une jeune fille. Et voilà que Nymeros s'apprêtait sans nul doute à pouvoir en témoigner, rendant alors caduc tout potentiel doute dans son esprit quant aux rumeurs courant sur l'identité de celle qui avait donné le jour à Nileah, pour peu qu'il ait déjà eu suffisamment d'expérience en la matière pour reconnaître le corps d'une mère. Mais cela ne faisait naître aucune crainte dans le cœur et le corps de Nesa', non sans renforcer la trépidation qu'elle sentait battre tout autour d'elle, comme une aura les encerclant désormais tous deux.

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Assez rapidement, l'esprit de la petite fille que Nesaleah était alors avait éeu tôt fait d'analyser la situation alentour et d'en déduire que ces tensions, défiances et chemins qui s'entrecroisaient tout de même contribuaient fortement à entretenir la symbiose et le tissu aristocratiques. Les grandes familles ne pouvaient pas vivre les unes sans les autres. C'était une sorte de nécessité pour elles que d'avoir des rivaux et des opposants, tout comme des alliés, bien sûr, là où les uns et les autres pouvaient soudainement être déplacés de l'autre côté de l'échiquier en fonction des besoins et du contexte. Rien n'était donc ni tout blanc ni tout noir, et toute classification n'était jamais éternelle et immuable. Alors, si on le lui demandait comme pour lui chercher des noises, Nesaleah pouvait toujours prétexter que son attitude incisive et corrosive, sous des dehors de sourires mielleux aux dents blanches parfaitement alignées n'était que sa façon à elle de reproduire par mimétisme les grands acteurs se tenant sur le devant de la scène à Braavos. Que sa cousine fasse partie du lot n'était de plus sans doute en rien fort étonnant, là où, évidemment, de par leurs liens du sang et la particularité des relations entre les Antaryon et les Prestayn, tout adoptait des accents particuliers et à part. Alors peut-être que ses propos envers Berea pouvaient comporter des tonalités n'étant pas forcément des plus plaisantes lorsqu'on se trouvait être issu de la même lignée que cette dernière, mais Nesaleah se montrait tout de même fort lucide : sa cousine avait moult défauts, mais par tous les Dieux, qu'il y avait plus rébarbatif, insipide et anecdotique parmi la bonne société de la Cité ! Pour ainsi dire, le simple fait que Nesa' lui adresse la parole et utilise de son temps pour parler d'elle voulait dire beaucoup. Mais, étrangement, ou pas, toute pensée liée à Berea disparut aussi vite de son esprit qu'elle y était arrivée, dès lors qu'il s'agit pour Nesaleah de réorienter son attention, ses regards et ses paroles en direction de son cousin. Si nécessité s'en présentait, par la suite, Nesa' aurait toujours l'excuse de l'ivresse, là où, de tout façon, rien ne l'obligerait à nier ou infirmer. Ne point se plaindre, ne point se justifier. Un adage qu'elle appliquait à la perfection dès lors que tout sujet dérivait vers ces rumeurs liées à ce qui pouvait exister entre Rhys' et elle, par delà leur relation gémellaire. Pourquoi changer les bonnes vieilles habitudes et les méthodes qui fonctionnaient ?

Et puis, bon, elle ne songeait point à tout ceci, ne cérébralisait jamais trop les choses, pas par manque de capacités intellectuelles, mais par refus de trop réfléchir et de ne point vivre. Elle était jeune, et la vie était courte, lorsqu'on ne vous l'ôtait pas bien avant l'heure. De par le funeste sort que l'on avait imposé à Nakeo, et de par tout ce qui s'en était suivi, Nesaleah était bien placée pour le savoir. D'une certaine façon, c'était ça, aussi, qui avait contribué à les rapprocher, Nymeros et elle. Alors pourquoi s'arrêter en si bon chemin dès lors que cela avait déjà fonctionné par le passé, dans des registres certes point aussi extrêmes ? Elle se sentait en sécurité, et elle était convaincue que si Nymeros se tenait encore là, face à elle, s'il la dévorait ainsi du regard, s'il l'effleurait ainsi, c'est qu'il le voulait, que personne ne l'y obligeait ou ne lui forçait la main. Ah, sa main ... Celle-là même qu'il utilisait pour porter la propre sienne jusqu'à ses lèvres, avant d'y apposer un baiser ... Ses lèvres ... Ses lèvres contre son cou, y brûlant l'épiderme sans même y appuyer la moindre flamme réelle ... Ses mains, de nouveau, exécutant la requête qu'il lui avait formulé et à laquelle elle avait acquiescé, à sa manière. Bien sûr que ses désirs étaient des ordres, mais bien sûr, aussi, qu'il devait être fort aise de pouvoir y accéder, là où ils devaient bien entrer en convergence avec ses désirs à lui ... “ Et que dire des propres tiens ... ” Et voilà que, dextre et efficace, il l'exposait dans le plus simple appareil en un lieu où, par tous les Dieux, cela ne devait pas survenir bien souvent. Voici donc une nouvelle prouesse qu'elle pouvait épingler à son palmarès personnel ... Nesaleah ne fit qu'un pas, un seul, pour enjamber l'étoffe désormais à ses pieds et éviter de s'y entraver, mais son regard, lui, ne quitta point celui de Nymeros, alors qu’inconsciemment, ses dents vinrent taquiner la pulpe de ses lèvres. Comme en attente d'un jugement, d'une évaluation, ou plus simple d'une réaction, quelle qu'elle soit. Comme si, finalement, Nesa' n'était point entièrement hermétique à la façon dont sa nudité pouvait être estimée. Elle fut bien aise, alors, lorsqu'il entreprit de les rapprocher de nouveau, de ce bras encerclant ses hanches. Et elle reçut, non sans une certaine force, ce compliment qu'il lui adressa. Cela ne fut d'ailleurs pas sans la chambouler quelque peu ...

Ses mains, comme pour s'arrimer à quelque chose, vinrent se passer autour du cou de Nymeros, alors qu'elle ferma les yeux un bref moment, comme pour profiter de cet ultime instant avant la bascule. À moins que cette dernière ne soit déjà survenue ... Tirant délicatement la tête de Nym' vers l'arrière, non sans un certain regret, elle réaligna ainsi leurs deux visages, offrant, que ce soit concernant ses yeux ou son sourire, les réactions du propre sien à l'observation et à l'analyse de l'Antaryon. Elle s'y mettait là aussi à nu, sans que, pour le coup, il n'est eu à physiquement lui ôter la moindre couche de tissu. “ Je sais ... Tu as toujours eu un œil avisé ... ” Sans doute s'envoyait-elle à elle-même quelques fleurs, mais aucune pointe de vantardise ne venait teinter ses paroles. Beaucoup de douceur, plutôt, dans un certain souffle. Le remercier explicitement n'était pas au-dessus de ses forces, mais ils avaient déjà dépassé le stade des paroles censées les faire se tourner autour dans une certaine danse lascive. Et puis sans plus de préambule, et sans autre signe avant coureur que la fièvre dans ses yeux, elle l'embrassa. Sans retenue, avec une passion charnelle qui en feraient rougir nombre de matrones censées vous inculquer, en tant que jeune femme, la retenue et la mesure. Ce fut presque comme un gémissement bestial et enfiévré, alors que l'un de ses mains quitta son étreinte pour glisser le long du torse encore vêtu de Nymeros, venant comme se heurter à ce qui apparaissait maintenant comme du tissu superflus. Allez, s'il y tenait réellement, par la suite, il pourrait toujours prétexter que c'était elle qui lui avait sauté dessus. Présentement, elle n'en avait cure, et cela valait d'ores et déjà le coup. Pestant progressivement de plus en plus alors que sa main errait quelque peu sans parvenir à ses fins, elle sépara ses lèvres de ce baiser qu'elle avait initié, baissant les yeux vers le pourpoint, puis la ceinture de Nymeros. Et puis, finalement ... “ Ceci est très problématique ... ” Une moue boudeuse lui plissait quelque peu le bout du nez, là où ses lèvres, gonflées de l'avoir embrassé, devaient être également bien rosies. Et elle sentait presque sa pupille battre sur la même cadence que son cœur. Et puis, elle était nue, ce qui était encore plus remarquable. “ Ai-je la primeur, ou souhaites-tu me porter assistance ? ” En d'autres termes, la laisserait-il le déshabiller, à son tour, ou souhaitait-il accélérer le processus, qu'ils puissent en venir aux faits ? Ou plutôt au fait ...

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Si elle avait vu le jour au sein de la Cité libre et indépendante de Braavos et si c'était en son sein qu'elle avait passé l'essentiel de ses jours, Nesaleah avait déjà eu l'opportunité de constater de visu combien les choses pouvaient être différentes, hors des murs de la Fille Bâtarde de Valyria. Surtout si l'on était une femme, richesse et prestige ne changeant finalement que peu la donne. Certainement un peu, oui, mais pas suffisamment pour que la jeune femme regrette amèrement d'être née au sein d'un berceau tel que le sien. Ou plutôt tels que les siens. Elle n'avait jamais rudement brimée, pas plus qu'elle n'avait été rudoyée dans ses désirs, ses ambitions et ses choix. Peut-être certaines choses avaient-elles quand même provoqué certains haussements de sourcils ou soupirs lassés, mais rien qui ne lui avait mis la bride au cou et l'avait étranglée dans ses rebuffades. Dès lors, elle n'avait jamais eu honte d'être une femme, ou honte de son corps, ou honte de ses désirs. Elle n'avait jamais eu à férocement se mordre les lèvres pour ne pas parler, pas plus qu'elle n'avait eu à serrer si durement les poings que ses ongles en étaient venus à écorcher l'intérieur de ses paumes. Elle avait été libre par choix, mais également parce qu'on le lui avait laissé, ce choix. Ces choix. Cependant ... Cependant, si Nesa' pouvait être un être empli d'orgueil, de superbe et de narcissisme, elle n'était point entièrement faîte d'égoïsme et d'individualisme, ayant compris depuis longtemps que la solitude n'est pas toujours la plus appréciable. Mais, dans le fond, avait-elle réellement un jour évolué seule, dès lors qu'elle était née pourvu d'un jumeau qui, même par delà les longues années d'absence qui avaient été siennes, avait conservé une place à part et inexplicable dans sa psyché autant que dans son cœur.  “ Hmm ... Je t'assure pourtant qu'un désir partagé est bien plus appréciable qu'un plaisir solitaire ... ” Mais s'il souhaitait raisonner ainsi, alors, soit, elle ne lui couperait point l'herbe sous le pied. C'était son choix, elle ne l'en forçait en rien, connaissant suffisamment bien son vis-à-vis pour savoir qu'on ne lui imposait pas si facilement ce qu'il ne désirait pas. Ne point chercher à le convaincre, dès lors que, de toute façon, cela allait dans le sens escompté, eut pour autre bénéfice de ne point lui mobiliser les lèvres pour autre chose que de s'extasier, à sa façon, des prouesses que lui offrait déjà Nymeros. Il fallait de toute façon bien reconnaître que le moindre de ses propos aurait perdu de sa clarté en étant prononcé dans quelques gémissements de satisfaction ou bien lèvres dont l'une des extrémités se trouvait martyrisée par des canines taquines.

Peut-être était-il encore temps de reculer, de se raviser, de reprendre pieds à la réalité, mais Nesaleah ne s'y aventura pas. Elle ne manquait point de jugeote ni d'esprit, n'était donc en rien écervelée et inconsciente, du moins l'espérait-elle, mais elle n'était pas non plus de celles et ceux qui cérébralisaient tout, qui calculaient l'avancée de leurs pions sans finalement se décider à les déplacer. Elle voulait simplement pleinement s'immerger dans l'instant présent, dans cette connexion actuellement partagée. Aux oubliettes tout potentiel signal d'alarme qui aurait pu venir la réfréner. Loin de son esprit toute pensée en rapport avec l'aura qui pouvait nimbé son cousin, à ce qu'elle en avait appris, de ces bribes attrapées de ci de là sans qu'elle ne cherche d'elle-même à les quérir. Ils étaient deux adultes, majeurs et consentants, aucun ne souffrant d'aucun manque cognitif et aucun n'abusant de l'autre. C'était amplement suffisant pour mettre un point final à toute restriction, tout du moins pour l'instant. Elle profitait du moment présent, non sans se dire que, tout de même, Nymeros avait bel et bien des talents cachés, à moins qu'ils ne le soient pas tant que cela et qu'il s'agissait simplement de la première fois, la concernant, qu'ils lui étaient pleinement dédiés et adressés. Son regard, à elle, frisa d'une lueur tout autant malicieuse que sensuelle et provocante, qu'elle lui offrait à lui et à lui seul. Mais face à ce nouveau souffle tout au creux de son oreille, sa voix se bloqua dans sa gorge, sous le frisson, la privant de toute réponse qui lui aurait permis de flatter son cousin. Mais sans doute ce dernier n'en avait-il pas besoin, déjà parfaitement au fait de ses capacités.

Et puis, des gestes valant parfois plus que des mots, en se faisant bien plus explicites, la jeune femme préféré s'y reporter. Non sans que cela ne porte ses fruits, Nymeros finissant par lui offrir l'apport requis. À son tour, il était tel qu'au premier jour. Et quelle magnifique vision cela offrait à Nesa' ... Dans les faits, et quoi que sa réputation puisse faire croire, elle n'avait que peu de matière à comparaison, car mis à part Rhysand ... Cela n'empêchait sans doute pas de se reporter à ces préférences hebdomadaires, celles que l'on croise au sein des lectures de romans que l'on fait, ou des coups de cœur hérités de l'enfance. Alors cela tombait bien : Nesaleah n'ayant jamais eu de passion pour les bedaines de riche homme oisif, pas plus qu'elle ne tombait en pâmoison face aux esthètes surentraînés, cela ne faisant en rien dégringoler Nymeros dans son estime, bien au contraire ...  

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Les apparences étaient plus souvent trompeuses qu'elles ne disaient tout en un seul regard. Si Nesaleah n'avait pas son pareil pour échauffer les esprits et les corps, cela ne s'était jamais concrétisé plus en avant, à moins que vous ne vous appeliez Rhysand Prestayn. Jusqu'à maintenant, nombreux étaient les hommes, plus ou moins jeunes, qui en avaient fait les frais, alors qu'elle avait toujours été de celles à les contraindre à rester sur la béquille sans leur apporter la moindre aide quant à les en soulager. Comme cette huile que l'on jette dans le brasier pour qu'il s'active plus conséquemment, la jeune femme savait user de ses charmes, de ses sourires et de sa grâce, mais tout cela n'était qu'un passe-temps pour elle, là où certaines préféraient sans doute le point de croix ou les chastes promenades sur la plage au soleil couchant. Plus d'un devait donc lui prêter une réputation qu'elle n'avait pas, ou alors seulement partiellement. Elle n'en avait cure, sachant, elle, ce qu'il en était réellement : elle n'avait charnellement connu qu'un homme et un seul. Mais voilà que, maintenant, les choses en étaient autrement, là où le pluriel allait devoir remplacer le singulier. Elle pourrait se lancer dans des comparaisons, mais cela serait trop hâtif, non sans également être injuste : Rhysand lui avait offert plus d'une nuit, là où elle avait même été jusqu'à lui offrir un enfant en retour, alors que Nymeros n'avait eu le droit qu'à une chance. Une chance dont il avait bien profité et qu'il n'avait pas manqué d'exploiter en une large palette de nuances et d'intensités. Au-delà de tout ça, le jeu des sept différences n'avait jamais été une distraction à laquelle Nesaleah goûtait particulièrement. Et puis, elle n'allait pas faire ce qu'elle détestait qu'on lui fasse, c'est à dire établir des comparaisons entre deux personnes. Même lorsque cela les concernait, Rhysand et elle, elle n'appréciait pas, alors qu'ils étaient jumeaux. Ce que n'étaient évidemment pas Rhys' et Nymeros.

Nesaleah préférait de toute façon savourer l'instant, là où elle était parvenue à garder son jumeau loin de ses pensées dès que les choses avaient franchi les limites du non-retour avec leur cousin. C'était mieux ainsi, cela avait rendu l'instant unique et appréciable à sa juste valeur, en plus de respecter la personne qu'était Nymeros. Elle s'était donc pleinement offerte à lui, sans arrières pensées et sans n'être que partiellement avec lui. Même si, à vrai dire, la tête contre son torse, et la chevelure parfaitement éparpillée le long de son dos, elle reprenait partiellement pied avec la réalité, ne se souvenant plus trop de quand et comment ils étaient arrivés jusqu'à ces appartements. Elle sentait encore son cœur chercher à reprendre son rythme normal, là où chaleur et picotements caractéristiques continuaient quelque peu d'être ressentis. Un léger soupir s'échappa de ses lèvres, quelques peu boudeuses, face à la proposition de son amant, alors qu'un instant, elle songea à feindre s'être assoupie. Non point d'ennui mais d'épuisement. Mais elle venait elle-même de se trahir, alors ... “ Cela doit être si fade, là-bas, maintenant que nous ne sommes plus là pour illuminer leurs conversations ... C'est tellement mieux ici ... ” C'était un compliment, et puisqu'il la connaissait suffisamment, il devait bien le savoir, même si elle ne le formulait pas expressément. C'était un compliment pour lui et une nouvelle volonté d’orgueil et de vantardise quant à l'importance qu'elle se conférait à elle-même.  

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