Nesaleah ne s'était jamais trop souciée de savoir à quoi ressemblaient les cieux à l'instant où elle avait vu le jour. Estimer qu'il existait une destinée liée à eux n'était pas une chose en laquelle elle croyait, l'astrologie la laissant donc plutôt de marbre. En revanche, cela ne signifiait en rien qu'elle ne trouvait pas une certaine beauté dans les cieux. Elle avait pu s'y intéresser face à certaines conversations trop longues à son goût, en observant par la fenêtre, ou en choisissant délibérément de s'y focaliser pour signifier qu'elle refusait d'adresser la parole à un interlocuteur qu'elle boudait pour telle ou telle raison. Il lui était aujourd'hui fort amusant de voir sa propre fille emprunter le même chemin qu'elle, ce qui n'était pas sans faire naître chez Nileah un certain nombre de questions d'astronomie auxquelles Nesa' n'avait pas toutes les réponses. Car il se trouvait que sa fille avait hérité de son père sa ténacité et son refus de voir quoi que ce soit échapper à son contrôle et à sa connaissance. En tout cas, les astres restaient pour elle ce qu'ils étaient, des astres, et aussi hypnotiques et magnifiques pouvaient-ils être, elle ne les percevait pas comme étant capables d'influer sur les destinées et les existences en offrant quelques prédispositions dès la naissance. Ce qu'elle avait, celle qu'elle avait pu devenir, elle le devait à ses parents. Être fille d'un Légat n'était pas donnée à tous, et c'était là une position qui ne pouvait s'acheter. Ne pas se sentir bride au coude à chaque instant était également un privilège que tous les parents ne permettaient pas à leurs enfants, sous prétexte d'un conservatisme ou d'un autoritarisme censés leur assurer la place de dominants dans la synergie familiale. Mais alors, quand en plus s'ajoutait à tous ces paramètres celui d'avoir pu compter sur une bonne génétique familiale pour ne pas ressembler à n'importe qui, voire à rien du tout ...

Parfois, Nesaleah se disait qu'elle était sortie victorieuse dès le premier instant de sa vie. Mais la plupart du temps, elle estimait qu'elle n'avait eu que ce qu'elle méritait, et qu'il ne s'agissait donc pas de chance mais bel et bien d'un dû. Sans doute certains voudraient-ils arguer contre tout ceci, mais fort heureusement pour elle, son cousin Nymeros ne semblait absolument pas être de ceux qui se montreraient volontaire pour la détromper sur ses certitudes, pas sur l'instant en tous cas. De toute façon, sans doute cela pourrait-il être vu comme grossier et malvenu de sa part, étant donné qu'il venait tout juste de bien profiter de tout ceci. Pour tout ou partie. Alors, tel un félin, elle se mit presque à ronronner d'aise, non sans qu'un sourire sarcastique n'arque un coin de ses lèvres. “ Tant pis pour eux, et tant mieux pour nous ! Cela fera ça de moins à supporter, la prochaine fois, en termes de conversations ne menant à rien et étant d'une vacuité fort chronophage. Même si je suppose que les plus méritants d'entre eux doivent tout de même avoir trouvés le moyen de s'en sortir. ” C'était que certains en valaient la peine, tout de même. Nesaleah pouvait s'avérer être fort mesquine, mais elle savait quand même faire dans la dentelle en ne mettant pas tout le monde dans le même panier. La preuve en était, Nymeros était venu à cette soirée ... Un Nymeros qui semblait plus fermement décidé qu'elle à rejoindre tous ces fameux autres convives. Un instant, Nesa' se demanda si elle devait en prendre ombrage ou se sentir n'avoir été qu'un moyen de passer fort agréablement le temps, mais son amour-propre tout autant que son ego l'empêchèrent d'imaginer qu'elle puisse n'être qu'un corps chaud à fourrager, comme on le ferait avec tant d'autres. Se redressant quelque peu, sans se préoccuper de demeurer entièrement nue, elle observa son cousin agir, sans prononcer un seul mot et sans en perdre une seule seconde, encore songeuse quant à rester ou non encore un peu allongée.

Mais Nymeros sut la prendre par les sentiments, elle pour qui une danse était une façon comme une autre de se mettre en valeur et d'attirer les regards sur elle. “ Très bien, puisque tu insistes ... Il serait en effet cruel de te tancer si injustement après avoir été si obligeant avec moi, tout comme il serait cruel que je me prive délibérément d'un partenaire dont je suis sure qu'il épargnera mes pieds. ” Avait-il réellement insister ? Inutile de s'interroger là-dessus, elle avait raison, point. Quittant la couche et se mettant enfin debout, elle prit tout de même un instant pour s'étirer, arquant sa silhouette dans toute sa splendeur, non sans sentir ses cheveux lui frôler le creux des reins, là où d'autres mèches s'aventurèrent à lui effleurer la poitrine. Sans doute mit-elle un peu plus de temps à se rhabiller et à se recoiffer, mais elle avait perdu quelques peignes et pinces en court de route, là où enfiler une robe nécessitait plus de doigtés que d'enfiler une chemise. Et puis sa tenue l'exigeait, là où elle avait eu de l'aide plus tôt dans la soirée, à l'instant de se préparer pour la réception. Nymeros allait devoir accepter de faire l'affaire s'il ne voulait pas la voir regagner les autres convives avec la moitié du dos laissé à l'air libre. “ Aurais-tu l'obligeance de m'aider, s'il te plait ? Comme tu as pu le voir, je ne manque pas de souplesse, mais je ne peux quand même pas atteindre tous les fermoirs. ” Elle se positionna devant lui, lui tournant le dos et achevant de vérifier que ses boucles d'oreilles étaient bien en place. Pour ses pensées, il faudrait repasser, les récentes prouesses auxquelles ils s'étaient tous deux livrés faisant encore effet dans son esprit et son corps.

code by awona // icons by CelticAddiction

Il existait un monde au dehors. Il y en avait toujours eu un, et il y en aurait toujours un, qui que l'on soit et quoi que l'on fasse. La question résidait dans le fait de savoir si, oui ou non, on s'en souciait. Si, oui ou non, les êtres du dehors nous importaient, si on acceptait de les laisser exercer une quelconque influence sur notre destinée. Si on considérait qu'ils devaient être une variable à prendre en compte et à totalement intégrer. En d'autres mots, si on les incluait à notre vie ou s'ils n'étaient que des pions, des personnages en arrière-plan ne servant qu'à peupler le decorum de notre vie sans jamais les laisser faire autre chose que de la figuration. Parfois, c'était cette dernière hypothèse là que Nesaleah estimait être la meilleure. Avant de se rappeler qu'elle ne prenait jamais autant de plaisir que lorsqu'elle était au centre de l'attention, ce qui exigeait d'avoir un public vivant et mouvant, actif et réactif, et non de simples silhouettes en carton pâte, sans saveurs et sans consistance. Toutefois, parfois, elle se prenait à rêver de tous les faire chuter au sol, ces pantins ridicules, d'un grand coup de pied bien placé. Bien évidemment, il allait sans dire qu'il existait des exceptions à la règle, à ses yeux. Les Prestayn, pour commencer. Et tous ceux qui fournissaient du combustible à sa vie, d'une façon ou d'une autre. Sans adversité, à quoi bon ?

On devait bien continuer de s'amuser au dehors, du moins, selon la conception que ces gens là pouvaient bien avoir de l'amusement. Ce n'était pas exactement celle de Nesa', mais cela devait tout de même être ... quelque chose ? Sous cet angle là, cela ne l'attirait pas plus que ça, et en même temps, si. Le simple fait de rejoindre les autres convives, de sentir leurs regards sur elle, de les deviner parler d'elle sur son sillage, une fois qu'elle aurait le dos tourné, tout ignorants qu'ils seraient de ce qui venait de se passer ... Tout ignorants qu'ils seraient qu'un gros morceau de terre fertile pour les rumeurs et les commérages leur échapperait totalement ... Tout ignorants de ce que Nymeros et elle viendraient de faire, tout en étant là, sous leur nez, paradant et défilant, sans qu'ils n'en aient même conscience, incapables de tout savoir et de tout déceler, contrairement à ce dont se vantait la bonne société braavienne, convaincue que dans ce cercle si fermé, rien n'échappait jamais à personne ... Cela la faisait presque d'ores et déjà frissonner ! Ce serait leur petit secret pas si petit que ça, à Nym' et à elle. Quelque chose de précieux, qu'elle se refusait déjà de partager avec qui que ce soit, sans exception comprise. Quelque chose dont elle se refuserait à rougir et qu'elle se refuserait à maudire ou même à regretter. Jamais personne ne lui faisait faire ce qu'elle refusait de faire. Jamais. Et Nymeros n'était pas une petite chose fragile ou impressionnable non plus. Aucun d'eux n'avait forcé la main de l'autre. Aucun d'eux, sans doute, n'était même venu à cette réception avec le but précis de finir nus l'un sur l'autre, l'un dans l'autre, l'un contre l'autre. Rien de préméditer, donc, et aucune manipulation à l'horizon. Les bons comptes faisaient les bons amis, à moins qu'ils ne fassent aussi les bons amants. Les très bons amants, même ...

Posant une main sur sa poitrine, Nesaleah feignit le soulagement intense. “ Que tous les dieux t'en remercient ! Il serait en effet bien dommage que je me retrouve avec des orteils martyrisés, m'obligeant à requérir quelque assistance pour me mouvoir. Quel scandale ce serait que de devoir être portée au creux de tes bras ! ” Et ce alors même qu'il s'était lui-même retrouvé au creux de ses reins pendant de longs instants ... Encore quelque chose que toute cette foule de convives ignorerait jusqu'au bout des ongles, tout en demeurant convaincus d'avoir la capacité de toujours conserver toutes les cartes intéressantes en main ... Oui, à coup sûr, s'ils n'étaient que de fantoches silhouettes, tout ceci serait bien moins enivrant. Quoi que les prouesses de Nymeros continuant de lui procurer mille et un frissons, on pouvait être en droit de se dire que, tout de même, l'instant à venir ne serait pas non plus totalement sans saveurs ! C'était plus fort qu'elle, mais le simple fait que leurs peaux se frôlent à nouveau, alors qu'il achevait de refermer pour elle les attaches de sa robe demeurant hors de sa portée ... Il s'y prenait avec application, délicatesse et douceur, ce qui était le signe supplémentaire qu'il ne considérait pas qu'une fois son dû obtenu, il n'avait plus à y mettre les formes, alors que le moindre effleurement de ses gestes procurait des frissons électriques à Nesaleah. Avant qu'un sourire tout à la fois carnassier et malicieux ne prenne place sur ses lèvres, une fois que son cousin eut parachevé son office et qu'elle se soit retournée pour de nouveau lui faire face. Tout à la fois en réponse à ses paroles flatteuses qu'à son clin d’œil taquin. “ Je suis plus que ravie de te l'entendre dire. Cela confirme ce que je savais déjà, bien évidemment, mais venant d'une personne de goût comme toi, le compliment me va droit au cœur. Ce soir, je serais la plus belle de la soirée, et la plus belle pour aller danser. À ton bras, je ne pourrais qu'en être magnifiée. ” D'un pas, elle se rapprocha de lui, avant de poser la paume de l'une de ses mains sur la joue de son cousin, déposant un baiser à la commissure de ses lèvres et de son autre joue. “ De quoi te remercier encore et encore pour ce moment. Par avance ... ” Il continuait de faire bien chaud, sans que cela ne la dérange plus que cela.

code by awona // icons by CelticAddiction