*Fut un temps, j’me baladais dans les couloirs du Donjon Rouge. Mais je ne conoissais pô la salle du trône, seulement les couloirs et les chambres… Et notamment celle du nain, face à moi. Il était un client régulier, et plutôt un bon client. De sa chambre, on repartait sans bleus et avec une bourse pleine, en le laissant avec les siennes vides. Mais pas que les siennes, d’ailleurs. Il n’était pas rare qu’il invite ses amis, et notamment Bronn de la Nera qui, s’il était plus radin et moins riche, n’était pas un mauvais client pour autant. Il payait rubis sur ongle et n’avait pas de fantasme trop farfelus. Et puis, même que la Nera nous appelait aussi, juste pour lui parfois.

Je ne savais pas bien ce que je pouvais bien foutre là au milieu des puissants, mais j’y voyais une opportunité. Ce n’était pas tous les jours qu’il y avait autant de bourses bien remplies. Voilà pourquoi j’avais enfilé ma plus belle robe et pourquoi j’offre un sourire parlant au nain aux poches fournies qui m’invite à parler.

Je tourne un regard vers Dame Aelinor qui, elle aussi, avait su se montrer généreuse. Je ne comprenais toujours pas ce que je foutais ici, mais je ne comptais pas faire de parjure devant les Dieux. Qui pouvait bien comprendre ce qui se passait dans la tête de ces nobles, de toute façon ? Certainement pas moi. Alors j’allais simplement dire la vérité.*

« Seigneur Lannister. M’sieurs Dames. »

*D’un air sûr de moi, avec un accent léger des tréfonds de Port-Réal prouvant mon manque d’éducation et un regard entendu vers quelques hommes, je reprends.*

« J’connais bien le Seigneur de la Nera. Il était un client très régulier du bordel où j’travaille, et il m’a souvent invité avec d’autres filles au Donjon Rouge. Plusieurs fois par mois, je dirais, pour des orgies fort bien rémunérées. Les invitations étaient régulières, jusqu’au quatrième jour de la quatrième semaine, en Lune 9 de l’année 305. J’me souviens ben, parce que ce n’est pas tous les jours qu’un client vous appelle pour vous dire Adieu ! Cette fois là, il m’a rémunéré grassement, et j’l’ai plus jamais r’vu. »

*Je lance un regard vers Dame Aelinor. Etait-ce tout ce qu’elle attendu ? Il n’y avait pas grand chose d’autres à dire. C’n’était pas comme si la Nera était du genre à demander des petites filles, à nous faire mal pour son plaisir ou à faire des demandes qu’était pas ben décentes… Alors ouais, c’était tout ce qu’il y avait à dire.*

Que ne fut la sensation désagréable d'entendre la voix de lord Hightower si ce n'est pour ne pas répondre à la question de la Main du Roi ici présente. La réponse à la place venait de sa fille. Étrangement, si il ne semblait pas enclin à rendre son verdict avec autant de témoignages prouvant peu de choses, Tyrion avait la drôle d'impression que celui qui dirigeait la maisonnée Hightower n'était pas cet outrancier lord Baelor mais encore une fois sa fille. Si le mot lord avait encore une signification crédible au sein de cette famille elle n'en aurait plus beaucoup pour le reste de la cour ici présente. Curieuse sensation dont la gravité des accusations et les aveux de son ami lui rappelait d'en finir avec tout ceci.

__ Bien, je pense que nous en avons suffisamment entendu.

Un sourire crispé marquant le faciès de lord Tyrion, il retourna se positionner aux côtés du Baratheon ainsi que du Uller pour clarifier l'ensemble des éléments qu'ils avaient à leur disposition.  

__ Mes seigneurs et gentes dames nous allons procéder au verdict et rendre le jugement.

Les mains jointes devant lui, Tyrion laissa un court moment d'agitation ambiante se faire pour laisser les témoins s'asseoir et attendre. Réinstaurer la confiance en la personne de Bronn pour les différents partis concernés était bien difficile à faire entendre. Quand bien même il avait indéfectiblement la sienne. En revanche il était bien moins tranchant sur la culpabilité de celui-ci que dans la forme d'aigreur vindicative logée dans le cœur de lady Aelinor Hightower. Alors que faire ? Et quels mots choisir ? Les deux indexs du petit lion s'apposaient devant le bout de ses lèvres puis il entama son verdict.

__ Pour les accusations et la tenue du procès dont lord Bronn La Néra est accusé. La Couronne le désigne coupable d'ingérence dans les fiançailles entre lord Damion Gargalen et lady Aelinor Hightower. Compte tenu des échanges et des preuves produites à ce sujet, lord Bronn La Néra ici présent s’acquittera d'une amende pour le préjudice fait envers la Couronne pour trouble à la paix du roi.

Bien que le petit lion s'imagine mal la maison Gargalen faire une déclaration de guerre à l'encontre du gouverneur du Bief et de facto envers la Couronne elle-même. Les dorniens étaient bien trop orgueilleux à son avis. Mais celui qui parle haut et fort clamant bien trop souvent à tort des menaces en l'air n'était souvent rien d'autre qu'un chien qui jappe dans l'incapacité de mordre son véritable maître.

__ Lord Bronn La Néra s'accorde ici à mettre par écrit qu'il ne s'opposera pas au mariage de lady Aelinor Hightower avec quiconque. La Couronne ne retiendra donc pas l'accusation de volonté de mariage forcé contre cette dernière.

Les yeux de Tyrion se plantèrent dans ceux de la lady pour marquer avec insistance ce à quoi il s'engageait.

__ Enfin, les aveux de lord La Néra marquant ici un acte de repentance et sa bonne foi sur les sujets abordés durant ce procès. Celui-ci s'engage à rendre Noircouronne et Solfoyer à la maison Hightower pour réparation de ses erreurs mettant cet engagement par écrit.

Son poing se referme devant sa bouche pour racler sa gorge avant d'aviser l'assemblée d'une dernière parole.

__ La séance est terminée.

Ni plus ni moins. L’agitation revint aussitôt tandis que les hommes et les femmes ayant assisté à ce procès se mettaient déjà à murmurer et à donner leur avis sur la question déjà soldée. Un long soupir s'échappa de la gorge du petit lion qui adressa un maigre et triste sourire à son ami avant de lui même s’éclipser. Un verre de vin ne serait pas de trop pour conclure cette journée pensait-il.

Le procès au sein de la Couronne avait fait grand bruit. Les déboires de lord Bronn La Néra n'étaient pas inconnus du public en revanche la noblesse avait pu noter l'irrationnalité de lady Aelinor Hightower et sa proportion à faire scandale dans une affaire où même son propre père avait bien du mal semble-t-il à la tenir. Le peu de crédibilité qu'avait encore la maison Hightower venait de prendre un sacré coup pour l'opinion publique et surtout au sein de la noblesse. Mais qu'importe après tout ils avaient obtenu ce qu'ils voulaient cela dit, à quel prix ?