Le feu qui flamboie contre le froid ✧ ft. Fallon

Habitué aux hivers du vrai Nord, ceux glacials de la Forêt Hanté, ceux, pire, des Crocgivres, Fallon ne pouvait pas prétendre avoir chaud, sans quoi elle n’aurait pas porté sa longue cape sombre en fourrure d’ours. Mais avec ces cheveux coiffés à la mode sauvageonne et ses vêtements de laine et de cuir, elle ne souffrait pas tandis que son souffle se transformait en fumée blanche au sortir de sa bouche. De nouveau nordiens étaient arrivés, les renforts disait-on dans les rangs des Corbeaux comme dans ceux de l’armée venue avec Asher Forrester. La sorcière guerrière se tenait à l’écart de tout ce beau monde, elle ne se sentait pas vraiment à sa place dans cette armée trop ordonnée aux hommes en maille d’acier et en armures de fer. Elle se souvenait de la morsure de leurs épées et même si elle avait prêté allégeance à Sansa et qu’elle fournissait la Garde de Nuit en nourriture depuis trois ans, elle avait toujours limité les contacts avec les Frères Jurés comme avec les Nordiens. Elle n’avait rien contre eux, mais elle voyait dans leur regard, les siècles de méfiance, voire de haine, les attaques des uns et les incursions des autres et cela se reflétait également dans ces yeux. Elle passait le plus clair de son temps perchée en haut de la palissade ou sur les coursives, comme une buse prête à fondre sur sa proie, avec son arc. Mais il lui fallait parfois redescendre de son perchoir et quand c’était le cas, elle marchait la tête haute, toujours, laissant les œillades des hommes glisser sur sa silhouette comme si elles n’étaient rien.

C’est ainsi qu’elle traversa la cour une fois de plus, comme sa mère l’aurait fait, comme la cheffe de clan qu’elle était. Sûr d’elle, sans se soucier des pensées des Corbeaux à son égard, sans courber l’échine sous leur poids, portée par la force des Dieux, guidée par l’instinct du loup. Son arc sur le dos, la lance de sa mère dans la main, la pointe en obsidienne qui luisait dans la lumière rasante d’un soleil clair. Parmi tous les hommes, elle n’eut aucun mal à repérer l’une des seules femmes de cet endroit et elle savait qu’être une femme ici pouvait être compliqué. Alors elle s’arrêta à sa hauteur et lui offrit un large sourire en se présentant.

__ Mon nom est Fallon, et toi ?

Fallon l’avait entendu bougonner des mots inconnus, alors, naïvement, elle demanda :

__ C’est quoi Dorne ?

En signe de solidarité féminine et parce que la nouvelle venue semblait avoir très froid, la jeune femme proposa :

__ Tu veux dormir avec moi ?

Ayant grandi dans un clan matriarcal, Fallon n’avait jamais considéré le désir des hommes comme un problème avant d’être retenue captive à Châteaunoir après la bataille menée par Mance Rayder. Dans son village, les hommes étaient respectueux et les femmes libres de disposer de leur corps, libres de leur propre désir, libre de dire oui comme de dire non. C’était simple et elle prenait plaisir à partager une nuit ou plusieurs avec un homme et parfois avec une femme. Ici, c’était différent, les regards pleins de concupiscence ou de suspicion ne lui donnaient pas envie de partager la moindre seconde de sensualité avec un Corbeau. Elle avait également entendu certains nordiens dire que ses enfants, restés en sécurité à Winterfell étaient des bâtards, nés sans père. Elle ne savait pas trop ce que cela signifiait, mais il y avait du mépris et du jugement dans leurs voix quand ils disaient cela, et elle n’aimait pas ça.

Guerrière était un bien grand mot pour qualifier Fallon, en effet, si elle savait tirer à l’arc pour chasser et grimper les arbres comme les murs, elle n’était pas une grande combattante, loin de là. La lance qu’elle arborait avec fiert était celle de sa mère, Morna Masque Blanc s’avait l’utiliser, elle, non, cela faisait donc uelques temps que l’arme à po,te d’obsidienne servait de bâton de marche et de sceptre de cheffe de clan à la brune. Eventuellement elle aurait pu assommer quelqu’un avec. Elle ne portait pas d’épée, son peuple ne sachant pas les forger, elle aurait bien pu en récupérer une sur les innombrables morts de la Bataille de Winterfell contre les Autres, mais à quoi bon puisqu’elle ne savait pas la manier. Elle savait par contre plutôt bien se défendre avec son couteau et également avec ses pieds et ses poings.

En entendant le nom de famille d’Arianne, elle fut impressionnée. Pour elle, ignorante des usages de Westeros concernant les bâtards, tous ceux qui portaient un patronyme étaient nobles, aussi, la Dornienne passa immédiatement à un statut élevé dans l’esprit de la sauvageonne. Elle avait vaguement compris que les Snow étaient les bâtards du nord, mais le concept de bâtard lui échappait totalement de toute façon, et elle ne connaissait absolument pas les sobriquets donnés dans les autres régions. La bonne nouvelle, c’est qu'elle ne savait pas non plus faire une révérence, elle s’abstint donc de montrer qu’elle croyait bien avoir affaire à une Dame. Elle continua donc à lui sourire simplement en se disant qu’elle ressemblait bien plus à Meera Reed qu’à Sansa Stark et que ça n'était pas plus mal, surtout pour mettre les pieds ici. Fallon savait cela à défaut de savoir grand chose.

__ Le sud c’est quand on transpire, c’est ça ?

Répondit-elle naïvement, ayant confondu les termes sud et sue. Cela dit, ça n’était pas totalement faux, mais ça aussi elle n’en savait rien. Elle savait qu’il faisait plus chaud au sud, mais elle ne savait pas à quel point. Plus chaud pour elle, ça signifiait au mieux ne pas finir congelé quand on restait dehors trop longtemps. Mais si c’était ça, la phrase d’Arianne n’avait aucun sens, en plus de ne pas répondre à la question. La brune prit conscience qu’elle était une fois de plus à côté de la plaque, ça arrivait souvent, la langue commune n’était pas toujours très claire pour elle. Elle ajouta donc :

__ Pardon, je parler mal la langue commune.

Fallon eut un large sourire quand Arianne accepta sa proposition de dormir avec elle, pour se prémunir du froid et des corbeaux lubriques. Elle était contente d’avoir trouver une autre femme avec qui passer du temps, car depuis son arrivée elle ne parlait pas à grand monde, à part Meera et ses hommes.

__ Je vois tu avoir froid je vois. Viens.

Faisant signe à la Dame de la suivre, elle se dirigea vers la grande salle pour aller s’y mettre au chaud. Évidemment, il y avait un tas de corbeaux et pas mal d’hommes, les soldats sous le commandement d’Asher. Mais au moins, elles seraient à l’abri du vent et de la neige et vu le monde, il y faisait assez chaud en vérité. Fallon darda son regard de glace sur les lieux pour trouver une place à une table. En bonne éclaireuse, elle repéra un bout de banc disponible au bas bout d’une des grandes tables et traversa bientôt la pièce avec cette même démarche féline et assurée qu’elle avait dans la cour. Bien que quasiment inutile, sa lance, dont elle ne se séparait pas depuis son arrivée, dissuadait les soudards.

Fallon était quelqu’un d’important pour le peuple libre, une sorcière guerrière, guide spirituelle et militaire de son peuple. Mais cela ne voulait plus dire grand-chose maintenant que tant de sauvageons étaient morts et à vrai dire, elle ne s’était jamais sentie à la hauteur de ce rôle. Morna masque blanc l’avait mise à l’épreuve et elle avait survécu, mais elle n’était pas devenue plus proche des Dieux pour autant, ni meilleure combattante. Arianne, elle, avait ce regard perçant, celui des vraies guerrières, comme sa défunte mère, elle l’avait tout de suite remarqué.

__ Oui, moi vouloir apprendre.

Répondit-elle à la proposition de la jeune femme avec un large sourire. Ecrire était bien loin des aspirations de Fallon, elle savait pourtant lire et dessiner des runes, mais même si l’ancienne langue avait ses signes, ils n’étaient que rarement utilisés, en effet, à part pour marquer certains sanctuaires, laisser une trace de leur passage, de leurs pensées ou de leur histoire ne leur semblait pas utile. D’aucun diraient que cela était dû à l’absence de culture, mais il n’en était rien, seulement leur histoire, leur culture, leurs chemins se transmettaient par les contes, les récits, les chansons. Cela impliquait d’accepter que tout chose puisse un jour disparaître, comme la nature le commandait à la vie même. Mais la fin n’était que le début d’autre chose…

La brune aux yeux de glace sourit à Arianne en retour. Dans la grande salle elles pourraient se réchauffer et faire plus ample connaissance. La sauvageonne était ravie de se faire une nouvelle amie, d’être avec une femme, comme Meera. Ce n’était peut être pas l’idée du siècle de laisser deux têtes brûlées se côtoyer ainsi au milieu d’une foule de corbeaux en manque de présence féminine, mais comment deux femmes fortes et indépendantes auraient pu ne pas se côtoyer ? Cela était inévitable.

__ Ça pas acier. Obsidienne. Ça tue les Autres.

Fit la membre du peuple libre en lui tendant la lance de sa mère sans hésiter pour qu’elle puisse l’observer de plus près.

__ Ah. Alors moi vouloir voir la tienne. Mais… si toi savoir t’en servir, moi pas comprendre qui peut t’empêcher de la garder tout le temps.

Elle hocha la tête en fixant la dornienne, dubitative. Elle, elle n’était pas lancière et pourtant elle n’aurait laissé personne la dépouiller de sa lance, plutôt crever que de laisser cette arme entre les mains d’un autre. Bon certes, elle avait une valeur hautement symbolique, les runes et les symboles gravés sur son manche en barral en attestaient. Ce n’était pas seulement une arme et dans les mains de Fallon c’était surtout un bâton de marche qui était censé lui montrer le chemin par son lien avec les Dieux. D’ailleurs, elle avait accroché des fils de laine avec des perles des os et des plumes en haut du manche et l’absence de la moindre trace de sang dessus montrait qu’elle n’avait pas servi à tuer depuis un certain temps. Dans la lame taillée dans la pierre d’un noir plus sombre que le plus profond des gouffres se reflétait chaque flamme, chaque lueur et elle semblait étinceler comme une pierre précieuse.

__ Qui ? Les autres ?

Un frisson parcouru l’échine de la sauvageonne et son regard se perdit un instant dans le vague. Son clan avait d’abord cru pouvoir rester dans la forêt hantée avant de fuir finalement son territoire ancestrale et le village clanique devant la menace. Ils avaient pensé que le retour à la vie nomade suffirait avant d’essuyer de nouvelles pertes qui les avaient décidé à rejoindre les rangs de Mance Rayder. Et même là ils devaient se rendre à l’évidence, ils n’étaient pas en sécurité, le seul moyen de l’être était de passer le mur. Puis le mur était tombé annonçant l'ultime bataille à Winterfell qui avait coûté la vie à sa mère et à nombre de ses amis et amants.

__ Moi espérer que le roi de la nuit mort eux jamais revenir.

Fit-elle en relevant les yeux après un long moment à penser à tout cela. Ils avaient existé, ils avaient attaqué et, les dieux soient loués, ils avaient été défaits. Désormais les vivants pouvaient peut être dormir sur leurs deux oreilles, à moins que… à moins qu'ils ne reviennent. Ou à moins que les vivants fassent pire.

__ Lui dire que tu es une sauvageonne ? Ça pas très gentil dans la bouche d’un nordien. Lui devrait rencontrer moi pour voir qui est une sauvageonne.

Répondit-elle en riant. Un peu dubitative tout de même sur le fait qu’un Lord interdise à une guerrière d’être armée. Elle comprenait bien que les mœurs étaient différentes ici et peut-être ce Lord Corbois, qu’elle ne connaissait que de nom, était-il le maître de la dornienne. Mais désarmer une guerrière ne faisait aucun sens pour Fallon.

__ Nerveuse ? Toi pas si nerveuse je moi trouver.

Arianne s’énervait peut être pour rien, mais elle s’était montrée calme et gentille avec Fallon, alors celle ci n’avait aucune raison de penser que la dornienne surréagissait et dans certaines circonstances, elle pouvait même trouver ça sain. Elle avait fait quelques mauvaises rencontres dans sa vie et si elle avait été une vraie guerrière, elle aurait certainement réagi de manière plus vindicative.


__ En tout cas le mur au milieu des corbeaux, pas bon endroit pour ne pas avoir ta lance.

__ Je pas savoir, lui déjà revenu, alors…

Fit la grande brune aux yeux azur dans un murmure glaçant.

__ Personne savoir comment naissent les Autres, comment eux vivent. Nous savoir seulement comment eux tuent, comment eux meurent et comment eux faire revenir les morts.

Un frisson d’épouvante lui parcourut l’échine. Il fut un temps béni où, même pour les sauvageons les Marcheurs Blancs n’étaient qu’une légende. Mais elle les avait vus, elle les avait combattus, elle avait fui et ils les avaient rattrapés. Elle avait dû passer le mur pour être à l’abri et même là ils les avaient retrouvés.

__ Si moi mourir, promet-moi toi brûler mon corps. Moi pas vouloir qu’ils me réveillent si un jour, eux revenir.

La mort faisait partie de la vie et même si Fallon s’accrochait à l’existence comme du lichen à un rocher, elle ne craignait pas de rendre l’âme, en revanche, revenir sans la moindre once d’humanité en elle, ça oui, ça l’horrifiait.

__ Eux être froids, être terrifiants. Leur regard de glace être…

Un nouveau frisson secoua la jeune femme du peuple libre.

__ Glaçant oui. Mais pas mortel. Mais eux se déplacer vite et sans bruit, eux pouvoir même disparaitre. Alors si toi croiser leur regard, souvent il est déjà trop tard.

Dit-elle en laissant planer le suspense insoutenable d’une telle rencontre. Elle ne devait sa survie qu’au fait qu’elle courrait vite et qu’elle n’était jamais en première ligne avec son arc. Elle en avait vu tomber, des sauvageons face à eux. Sa mère la dernière, elle s’était battue comme un Lynx de Fumée et elle avait donné sa vie pour que les siens vivent. Fallon trouva étrange de voir Arianne si enthousiaste à son récit, mais elle ne s’en offusqua pas. Elle aussi adorait les histoires d’aventure et de combat que sa mère et d’autres lui racontaient quand elle était petite, elle les aimait toujours, mais depuis, elle avait dû survivre dans le froid et la solitude et elle avait affronté les Spectres. Cela avait laissé des marques indélébiles, sur sa peau comme dans son esprit. Mais elle pouvait comprendre l’attrait de la nouveauté. Elle demanda d’ailleurs :

__ Et toi ? Qui être ton pire ennemi ?

Vint alors le sujet de la lance d’Arianne.

__ Je savoir. Mais eux raison. Moi sauvage. Eux avoir un bolet dans le cul. Je préférer être sauvage et libre. Pour eux tous ceux qui être différents être fou.

C'était bizarre comme expression d'avoir une champignon dans le cul, mais elle l'aimait bien, même si, visiblement, elle l'avait mal comprise, une fois n'est pas coutume. La sauvageonne eut un sourire en coin, s’amusant de voir Arianne envoyer des piques à celui qui prétendait pouvoir la dépouiller de son arme et lui dire comment se comporter. Elle hocha la tête pour acquiescer au fait qu’elle devait récupérer son arme.

__ En attendant, tu peux garder la mienne.

Elle s’approcha de l’oreille de la dornienne.

__ De toute façon moi pas savoir m’en servir, mais toi dire à personne, tous avoir peur de moi avec ça.

Fit-elle en souriant avant de rire à l’insulte d’Arianne en se disant qu’il devait effectivement être sacrément con en plus d’être chiant et d’avoir un « bolet dans le cul ».

C’était pourtant bien tangible. Elle en avait vu des amis se relever froids et vides. Le corps parfois mutilé et avec une agressivité accrue, ils revenaient attaquer les vivants, leur famille, leur clan. Elle l’avait vu et elle avait été obligée de tuer ses amis ainsi revenus d'entre les morts à cause des Autres. Elle ne voulait pas que ses proches, ses enfants, personne, pas même si pire ennemi n’ait à vivre ça, et elle ne voulait pas devenir comme eux, n’être habitée que par la mort et cette sorte de faim de la vie des autres et de la chaleur des vivants qui semblait les mouvoir. Elle gardait ce souvenir gravé dans sa mémoire et jusque dans sa chair, elle craignait de tuer ses propres enfants si elle était transformée et elle refusait que cela soit possible. D’où sa demande. Mourir faisait partie de la vie, mais ça… Cela ne faisait pas partie de son monde, de ses croyances, de sa volonté, elle ne voulait en aucun cas être ainsi coupée des Dieux à jamais, même si elle ne les entendait pas.

La dornienne se figea et tritura le bout de bois prisonnier entre ses doigts quand Fallon demanda qui était son pire ennemi. Elle finit par répondre et quelques hommes dans la salle tournèrent la tête car elle avait lancé ça comme un cri de désespoir. la Sauvageonne hocha la tête sans se coursier du regard des autres dont elle se fichait pas mal. Depuis le temps qu’elle vivait de ce côté-ci du Mur, elle savait plus ou moins ce qu’était un noble, c'était quelqu’un qui était né dans un château et qu’on était censé appeler Lord ou Majesté ou des trucs comme ça. Mais elle ne comprenait pas tellement le concept. Elle savait cependant que certains nobles étaient ses amis.

__ Tous ? Pourquoi ? Eux pas être tous pareil.

Fallon rit avec Arianne au sujet du bolet dans le cul des nordiens.

__ Voilà, la folie être comme la sauvagerie, le dorniennes sont comme les sauvageonnes et eux rien comprendre à la vie, eux se faire chier. Chier ?

Ca avait l’air d’être horrible de se faire chier, mais elle ne savait pas trop ce que cela voulait dire, alors elle demanda. Il lui semblait au fond que la folie c'était la vie et que ceux qui ne le comprenaient pas avec leur bolet dans le cul ne vivaient pas vraiment. Dorne lui semblait bien trop lointaine et surtout trop chaude pour qu’elle y aille, mais elle se prit à penser qu’au moins elle ne serait pas sans arrêt jugée. Se souvenant que Lord Caswell l’avait invitée à visiter Pont l’Amer, elle se demanda si après tout ça, elle ne pourrait pas y passer pour le revoir et voir également Arianne chez elle. C’était peu probable qu’elle le fasse, mais ça ne coûtait rien de savoir si c'était possible.

__ Où être Dorne par rapport à Pont l‘Amer ?

Elle lui prêta ensuite sa lance et sourit devant la brune qui semblait si heureuse de ce geste. Elle était ravie de lui faire tant plaisir, évidemment elle ne savait pas pourquoi ça lui faisait si plaisir, elle pensait que c'était seulement parce qu’elle voulait une arme qu’elle sache manier, et c'était bien légitime.

__ De rien.

Fit Fallon avec un clin d'œil en réponse à celui de la Sand.

Fallon vit Arianne s’affaisser comme si elle venait de recevoir un poids immense sur les épaules. Elle regarda les hommes qui la regardaient d’un œil noir pour leur faire détourner le regard et elle pouvait se montrer convaincante la sauvageonne. Ils cessèrent de s'intéresser à elles, à la Sand, à ce qu’elle venait de dire. Puis, elle passa son index sous le menton de la dornienne pour la faire relever la tête.

__ C’est parce que tu vouloir être comme eux que tu baisser les yeux ?

La brune aux yeux de glace n’était pas plus noble que la bâtarde, probablement même nettement moins et pourtant, on pouvait dire la fierté de son peuple dans son regard, une fierté que l’absence de titre ou même de terres ne pouvait pas faire vaciller. Elle lui sourit. Elle ne comprenait pas vraiment qu’on puisse vouloir être noble, cela avait l’air d’être d’un ennui mortel d’avoir un balai dans le cul pour toute une existence bien morne. elle, elle préférait la liberté et la nature, elle préférait marcher dans la forêt plutôt que d'avoir un château, elle préférait ses frusques chaudes, confortables et pratiques plutôt que les étranges accoutrements des demoiselles de la haute. Elle ne comprenait pas pourquoi Arianne regrettait de ne jamais être comme eux, et d’autant moins qu’elle ne savait même pas ce qu'était un bâtard, elle ne savait même pas ce qu’impliquait ce statut. Elle ne comprenait pas l’envie, la jalousie, mais elle savait ce que c'était d’être méprisé par son parent. Elle avait été la honte de sa mère durant des années avant que Morna ne meure, et même si la sorcière guerrière ne le montrait pas aux autres, continuant à encenser sa fille pour qu’elle lui succède dans heurts, Fallon avait subi bien des brimades, bien des coups et bien des regards écrasants de colère et de dégoût. Mais elle voyait bien que la dornienne était mal, elle voyait combien tout cela l’accablait.

__ Tu vouloir vivre avec un bolet dans le cul ?

Dit la sauvageonne avec un petit rire pour essayer de remonter le moral de son amie. Cela fonctionna, en tout cas, cela leur permit de changer de sujet et la dornienne retrouva le sourire à la grande joie de la brune.

__ S’ennuyer.

Répéta Fallon pour se souvenir de cette expression.

__ Tu te faire chier si tu être noble.

Lui dit-elle avec un clin d'œil.

__ Bon, et si toi me montrer comment on se sert de ça ?

Fit-elle en désignant la lance. Ça ne pourrait que réchauffer la dornienne un peu plus en attendant le dîner, et puis peut-être qu’Arianne était meilleure pédagogue de Morna Masque Blanc, en tout cas elle ne pouvait pas être pire.