[Volantis] All power demands sacrifice and pain. (Nymeros&Alysanne)

A l’instant où le Renard tendit la main vers le pichet d’épicé de Myr, une claque impérieuse arrêta son geste. Sa gorge se noua tandis qu’il levait ses yeux azur, où dansaient les reflets améthyste de ses ancêtres, vers Gessio. Le second de Nymeros, même s’ils n’avaient pas tant d’années d’écart, avait toujours eu un comportement paternaliste envers lui. Et si habituellement, le Renard remerciait le Pentoshi de tant veiller sur lui, il n’en était rien à ce moment-là.

Parce que, dusse-t-il replonger dans de sales habitudes, Nymeros avait besoin d’un verre. Mais Gessio, le regard planté dans le sien, le lui interdisait formellement.

Avant même leur arrivée à Volantis, l’Antaryon avait contacté Nyessos Vhassar, lui faisant une offre alléchante pour le Maître, mais synonyme de ruine pour lui. Parce qu’il avait rencontré Riña Alysanne des années plus tôt, et oui elle était une demoiselle intelligente, au caractère agréable et au physique plus encore. Bon charmeur qu’il était, il avait songé à la séduire, bien entendu, mais s’était ravisé : lorsqu’un homme de sa caste volait la pureté d’une femme de sa caste, l’issue était toujours la même. Un mariage forcé, voilà qui aurait été fâcheux, n’est-ce pas ?

N'est-ce pas ?

— Ca pourrait être pire, fanfaronna Vaelar derrière Nymeros. Non seulement elle est jolie, puis… Une valyrienne, Nym ! Puis ce n’est pas pour me vanter, mais les Volant…
— Ferme-la, Vaelar, gronda Gessio.

A leur table, le silence se fit. Nymeros ne rêvait qu’à attraper le pichet qui trônait entre eux, le renverser au-dessus de sa tête, avaler à longues goulées. S’enivrer comme il l’avait fait, des années plus tôt, à la mort d’Alayna. Encore une fois sa gorge se serra, comme prise en étau par l’étranglement de deux mains qu’il craignait tant : la peur, le regret. Il cilla plusieurs fois pour tenter de faire taire les images terribles qui défilaient sous ses paupières. Il ne pouvait s’en empêcher. Il revoyait le corps froid de son épouse, la rigidité de ses douces mains, ses yeux si vides de vie.

Dans un élan de détermination, craignant d’être en retard, Nymeros se leva brusquement, ses deux mains plaquées sur la table. Ses membres d’équipage le regardèrent, soucieux de le voir si mal. Ils l’avaient tous connu, environ cinq ans plus tôt, alors qu’il avait l’esprit endeuillé. Ils avaient vécu tous les jours avec son œil vide et son haleine avinée, ses stupides titubations et ses cauchemars. Aucun ne voulait revivre cela. Ce Renard-ci avait été enterré depuis bien longtemps. Et il devait, par tous les moyens, le rester. Et pourtant…

Nymeros ignora la question de Gessio, qui demandait s’il devait l’accompagner jusqu’aux portes de la demeure des Vhassar. A dire vrai, tant pris dans le tumulte de ses pensées, il n’entendit même pas son ami et second. Il tituba comme s’il était saoul, alors qu’il était sobre, comme un homme mort, alors qu’il était bien en vie. Des serviteurs l’accueillirent, il fut entraîné parmi les couloirs pour rencontrer son interlocuteur.

La demeure de Nyessos Vhassar était immense, preuve évidente de la fortune et de la puissance de sa famille, et pourtant, le Braavien s’y sentait terriblement petit. L’étau qui emprisonnait sa gorge paraissait se resserrer toujours plus à mesure qu’il approchait du bureau, et quand il s’y trouva, il dut faire des efforts gigantesques pour ne pas céder à sa panique intérieure. Lui, habituellement si solaire et si bavard, n’était alors plus qu’une ombre. Une pauvre ombre obscure et mue par le seul désir de venir en aide à sa famille.

De tous les Antaryon, il était le moins belliqueux… Comme c’était ironique qu’il mène leur guerre sur le front Volantain. Contraint de se vendre pour sauver son père de ses ambitions. Oh, comme son oncle Ferrego pouvait lui manquer – au-delà d’avoir été un grand Seigneur de la Mer, il avait en lui une sagesse dont les autres Antaryon étaient dépourvus.

Il ne parla que peu, écouta beaucoup – et encore, d’une oreille distraite. Si les Antaryon gagnaient la guerre civile, alors Nymeros deviendrait un parti de choix : parce que son père avait renversé le gouvernement établi et que de fait, il souhaitait instaurer une notion d’héritage. Quelle idée. Le Renard se flagella d’être né l’aîné des fils Antaryon. Pourquoi Berea, son aînée, ne pourrait-elle pas hériter ? Qu’elle soit une femme importait peu, elle inspirait crainte et respect plus que quiconque.

Un soupir. Et Nymeros réalisa qu’Alysanne entrait dans la pièce. Lui qui se plaisait tant à offrir des sourires gouailleurs, des regards emplis de chaleur, à embrasser les gens du regard… Oh, il n’avait plus ni envie de charmer ni de rire ni de flatter, rien de tout cela. Il voulait rentrer chez lui et retrouver les siens – mais chez lui était assiégée, et les siens en guerre. Il se prit à grincer des dents nerveusement, crispant les muscles de sa mâchoire comme il ne le faisait jamais.

— Riña Vhassar, salua-t-il la jeune femme d’une voix pâle.

Il ne voulait pas lui annoncer la terrible nouvelle, et s’il se pensait soulagé que Nyessos prenne cette initiative, il n’en fut rien : quand Âeksio Vhassar eut prononcé leur fatalité, Nymeros eut l’impression que le ciel lui tombait sur la tête – comme s’il venait de l’apprendre. Alors qu’il savait. Il savait très bien ce qui se profilait, et il le craignait plus encore que la peste. Il ne put s’empêcher d’observer la demoiselle, cherchant quelles émotions la traversaient, elle n’était pas ravie c’était certain. Puis ses mots furent l’effet d’une baffe et Nymeros déglutit.

Elle refusait. Au fond du Renard, il se sentit apaisé de cette réponse, un instant. Parce qu’au moins, ils étaient sur la même longueur d’ondes, et qu’il échapperait à cette union. Ce fut une seconde heureuse pour lui que de se dire qu’il allait échapper à ce destin. Et il revint à la réalité des choses : les hommes que pouvaient lui fournir Vhassar, il en avait besoin. La puissance de l’Antique Volantis ne connaissait qu’une rivale, Braavos. Ensemble, les deux cités seraient invincibles. Ennemies… Oh, ce serait un bain de sang. Nymeros sentit l’air lui manquer tandis que Nyessos adoptait un ton de menace. Il tendit une main prudente.

— Âeksio Vhassar, ne vous en faites pas.

De nouveau sa gorge se noua. Le Renard se maudit de tant de faiblesse, incapable qu’il était de s’imposer « comme un homme » comme on disait, ou de faire preuve d’un tant soit peu de fermeté. Il se renfrogna après sa vaine tentative d’apaiser le Légat des lieux, et se retrouva bien vite face à une demoiselle en colère. Il faillit sourire – réflexe de grand frère, tandis qu’il voyait en elle comme un reflet de sa sœur cadette. Elle aussi avait failli être mariée. Et elle avait dit « non » à Belicho Antaryon, avait acheté un navire avec ses économies, et se proclamant capitaine, avait pris la mer.

Mais comme Alysanne le disait si bien : elle n’était plus une petite fille. Nymeros eut un triste sourire quand elle eut fini de parler. Était-ce de la naïveté dans ses mots ? Renoncer ?

— Je ne le peux, Riña Vhassar, prononça-t-il doucement. Il s’éclaircit la gorge avant de reprendre, son embarras hurlant à travers chacun de ses gestes alors qu’il réajustait son pourpoint bleu marine : A Braavos, ma famille s’est retranchée dans le Palais du Seigneur de la Mer. Elle est assiégée de toutes parts. Et si je ne fais rien…

Un éclair douloureux passa dans ses yeux comme sa voix, un instant, se brisa.

— Si je ne fais rien, ils mourront tous. Et cela, ma dame, je ne peux le tolérer. Les puissantes familles ne manquent pas à Essos, il est vrai, mais bien peu d’autres qui soient en mesure d’affronter les forces de Braavos. Il soupira. Je ne souhaite rien vous imposer, Riña Alysanne, mais je dois vous le demander : au nom de l’alliance de nos deux familles, de nos deux cités et pour enfin ramener la paix à Braavos…

Il avait la gorge trop nouée pour s’exprimer. Les yeux du Renard parurent tournoyer dans leurs orbites, fouillant chaque recoin de la pièce à la recherche d’un quelconque soutien. Gessio, Vaelar, Lazaros, Quill… N’importe quel marin de l’Astucieux, ou même Aegon, ce dragon avec lequel il n’avait pas tissé tant de liens… Mais cette fois-ci, Nymeros était seul. Et il était temps qu’il prenne ses responsabilités, enfin, en tant qu’héritier des Antaryon. Son regard se raffermit sous l’assurance mais un trémolo dans son ténor trahit son appréhension :

— Pour tout cela, acceptez ce mariage, je vous en prie.

L’ambiance était électrique, l’atmosphère pesante. Nymeros avait dû ravaler sa plus grande crainte, celle de se marier de nouveau, et il se heurtait à un refus catégorique de la future promise. Lui ne la contraindrait pas. Il ne le pouvait, pas selon ses principes. Mais il ne pouvait pas non plus renoncer comme elle le lui demandait. Alors il ne pouvait que grincer silencieusement des dents, ses yeux suppliant presque la Riña de plier et d’accéder à sa malheureuse demande. Hélas, elle refusa encore. Arguant qu’elle était désolée.

Navrée. Nymeros eut un bref sourire, plein d’amertume. Parce qu’elle pourrait tout aussi bien pleurer pour lui et sur le triste sort de sa famille, cela n’arrangerait rien à sa situation. Il devait rentrer à Braavos, et avec une armée conséquente. Pas avec les larmes d’une diva qui refusait de plier.

Il se haït de penser cela, parce que cela n’avait jamais été son genre. Il avait toujours respecté les désirs de chacun, indépendamment de leur sexe, indépendamment de leur rang, de leur âge, de leur nom. Il avait accueilli sa sœur Myria à bras ouverts quand elle était revenue d’un voyage long d’un an, partie brutalement pour échapper au mariage, rentrée aux Quintes Tours en tant que Capitaine-marchande. Il avait ri et il avait souri, sincèrement heureux pour elle. Toujours il avait privilégié le bien-être d’autrui, ce dans quoi ils se trouvaient à l’aise, libres de leur avenir.

Pas cette fois-ci. Il ne pouvait laisser les Vhassar lui filer entre les doigts. Et comme il s’en voulait, au fond, de devoir prendre une épouse comme on le ferait d’un sac d’or, tout cela en échange d’une armée. Mais il n’avait pas le choix. Le Renard, fier célibataire et heureux de ne prendre femme, se trouvait maintenant pieds et poings liés, contraint de se soumettre à ce jeu malsain.

Il tourna un regard rapide vers Nyessos qui s’excusait de l’insolence de sa fille. Nymeros força un sourire crispé à ses lèvres et agita la tête et les mains, le geste bref, comme s’il refusait ces excuses. Parce qu’il comprenait Alysanne et ne lui en voulait pas le moins du monde. Comment aurait-il pu ? Lui-même ne voulait pas de cette union. Il songea que tout était perdu, que tout était fini. Il n’aurait pas le temps de courir jusqu’à une autre Cité libre quémander un mariage, et puis même, à quoi bon ? Seule Volantis pouvait prétendre affronter Braavos. Il n’y avait que les Vhassar pour tenir tête à la Bâtarde de Valyria.

Nyessos fit alors une autre proposition. L’éclat d’espoir dans les prunelles de Nymeros se rallumèrent ainsi que l’espoir. Il tourna pleinement la tête vers le triarque qui s’approchait de lui, offrant la main de sa seconde fille. Le Renard sentit sa gorge se nouer, quel âge avait-elle ? A l’évocation de sa docilité, il plissa les lèvres et agita la tête :

— Ce n’est pas ce que je recherche en priorité, murmura-t-il.

Il ne cherchait pas une bonne petite pouliche à cajoler quand l’envie lui plaisait et qui lui fournirait une ribambelle d’héritiers. Cela lui importait peu. Il ne cherchait pas même de femme. Ce jour, il cherchait une armée. Rien de plus qu’une armée. Mais Alysanne paraissait ne pas l’entendre de cette oreille et elle intervint. Nymeros fronça légèrement les sourcils, craignant qu’elle ne fasse échouer toute alliance entre leurs familles. Il ne pouvait se le permettre. Il entrouvrit les lèvres, prêt à protester au nom d’une union avec cette Haelena qu’il ne connaissait pas, quand l’impétueuse aînée Vhassar coupa son élan. Elle acceptait le mariage.

Nymeros eut un soubresaut. Une sueur froide contre son échine. Une vive nausée qui lui broya le ventre. Son monde parut s’écrouler sous ses pieds. Un verre, appelait son vieil esprit d’ivrogne. De stupeur, il recula d’un pas. Ou était-ce seulement le choc. Sa gorge nouée interdit tout mot pendant de longues secondes, instants qu’il prit à contempler Alysanne. Dans l’azur percé d’améthyste de ses yeux, une lueur vibra – une profonde reconnaissance ou une crainte plus intense encore, qui pouvait le dire ?

— Merci, parvint-il à bredouiller.

Les mots se coincèrent à nouveau, s’entremêlèrent dans son esprit dans une cacophonie noueuse et nébuleuse. Ses lèvres frémirent et il inclina le buste avec respect.

— La famille Antaryon et Braavos vous remercient, riña Alysanne. Je vous promets de tout faire pour vous rendre la situation agréable et que vous ne regrettiez pas cette décision.

Son ténor éteint trompait son malaise. Nymeros regardait cette femme, douce et belle, qu’il savait intelligente, dont les traits valyriens raviraient pour sûr sa famille – en plus du soutien militaire qu’elle leur apporterait – et tout ce qu’il voyait était son linceul. Comme Alayna avant elle, il la perdrait aussi. Il se pensait maudit, incapable d’épouser une femme sans causer sa perte. Il en était sûr. Cette femme, d’une manière ou d’une autre, s’éteindrait sous l’influence de sa malédiction. Il cilla pour s’interdire de pleurer, déglutit pour tenter de décoincer sa gorge noueuse.

Il détourna finalement le regard, brûlé par sa vision.

Il détailla plutôt Nyessos Vhassar, le père de sa fiancée – comme le mot était étrange. Il voyait le jeu qui se jouait devant lui comme un reflet de sa propre existence, de sa propre famille. La façon qu’avait eue Alysanne de se jeter dans la gueule du renard pour éviter le mariage à sa sœur faisait tristement écho à la situation dans laquelle se trouvait Nymeros : au final, lui-même en faisait de même, mais pour éviter la ruine à sa famille. Un triste sourire se peignit à ses lèvres. Il se sentait si désolé, plus pour elle que pour lui. Il cilla plusieurs fois en regardant l’impitoyable triarque qui lui rappelait tant son propre père. Pas étonnant que Belicho et lui s’entendent en affaires.

— Âeksio Vhassar, pourrais-je m’entretenir seul à seul avec votre fille ? Au vu des années que nous passerons ensemble, cela me semble nécessaire de pouvoir lui parler dans un cadre plus… intime.

Il détestait chacun des mots qu’il prononçait, terrorisé comme un enfant dans le noir. Pour paraître plus calme qu’il ne l’était, il crispa un sourire à ses lèvres. Hélas, Nymeros n’était pas connu pour être un fin menteur et son malaise transparaissait à la manière d’une balafre sur son visage.

Nymeros devint livide quand Nyessos Vhassar accepta. Parce qu’il voulait s’excuser en personne auprès d’Alysanne, qu’il voulait lui faire comprendre qu’il ne désirait pas cette union plus qu’elle, mais que se retrouver seul avec elle le terrifiait. Elle était une belle jeune femme, de bonne famille, intelligente, et valyrienne de surcroît – comme son père serait fier. Un instant, le Renard chancela. Et se ressaisissant tant bien que mal, il adressa un hochement de tête à l’Âeksio. Ses yeux absents le virent à peine sortir et c’est le bruit de la porte qu’on referme qui le ramena, d’un sursaut, à la réalité.

Il était seul avec la jeune Riña, sa fiancée, et cela lui semblait horrible. Pas parce qu’elle l’était elle, non, mais parce qu’il se rappelait trop bien son précédent mariage. Si rapide et pourtant si heureux – puis Alayna était morte, et lui avait plongé dans l’alcool et les putains.

Il serra les dents en y pensant. Lysara, songea-t-il. Il n’avait jamais songé l’épouser, parce qu’elle n’était pas d’assez bonne naissance et parce qu’il refusait seulement de se remarier, et aussi parce qu’elle avait été bonne pour l’amusement et pour le réconfort – du reste, il ne s’imaginait pas vivre avec elle. Il l’avait mise en sécurité à Salrivage, où Edmund devait prendre soin d’elle le temps qu’il revienne.

Et finalement, il ne reviendrait pas. Comme il se l’était imaginé et comme l’avait prédit Belicho, elle n’avait été qu’une passade.

La voix d’Alysanne ramena Nymeros à l’instant présent. Il releva sur elle son regard azur – et s’il était habituellement aussi clair que la mer, l’angoisse y faisait luire les lointaines ombres émeraudes de son sang. Ses yeux prirent alors plus un air bourbeux que marin. Sa gorge se noua et aucun mot ne put en sortir, pourtant, il rêvait de s’excuser.

Chacune de ses respirations brûlait sa trachée et rester debout lui coûtait un effort bien trop grand. Il ne sut que déglutir, peignant à ses traits combien il était navré.

Alysanne s’approcha d’un pas, lui recula. Comme pétrifié, il n’avait que ses jambes chancelantes pour fuir sa future épouse et son destin. Pourtant, ses yeux restaient ancrés à elle, scintillant des larmes qu’il ravalait. Il se rappelait trop bien des mots que sa sœur Berea lui jetait en coups de fouet – elle avait toujours été plus douée que lui dans bien des domaines, le combat avant tout ; petits, elle le jetait à terre en riant et scandait – Alors, petit Nym, ne te relèves-tu pas ? – à cette époque, il pleurait à chaudes larmes et Belicho le ramenait sur terre d’une bonne tape contre le crâne.

Tu es mon fils, mon héritier, et tu es un Antaryon, tu ne vas pas sangloter comme une fillette !

Elle voulait donc la vérité. Nymeros plissa les lèvres, cilla, ravala tout – angoisse, douleur, souvenirs, honte, larmes – pour afficher le visage ferme de l’homme qui part en guerre.

— Avec l’appui de Volantis, nous pouvons gagner cette guerre. Je dispose déjà de mon côté des forces de la Compagnie Dorée qui, bien qu’elle ait été quelque peu raccourcie par les guerres de Westeros, reste composée de puissants soldats…

Il se mura quelques instants dans le mutisme, sa gorge se nouant de nouveau. Il ne voulait pas faire la guerre. Il n’était pas belliqueux pour un sou. Il n’avait jamais aspiré qu’à être un marin.

— Vous voulez la vérité ? Au mieux, nous remportons cette guerre et je reprendrai ma place à Braavos avec vous comme épouse à mes côtés. Au pire…

Il se tut de nouveau. Un instant, son sourire chaleureux quoique crispé de gêne reprit place sur ses lèvres. Il releva sur Alysanne un regard teinté d’ironie.

— Nous voilà dans de beaux draps, hein ? Au moins peut-être serez-vous bientôt veuve et alors, vous aurez eu ce que vous voulez.

Sa voix avait été plus abrupte que souhaitée, ses mots légèrement accusateurs. Il y avait en lui tellement d’émotions et de craintes tues qu’il ne savait comment s’exprimer. Alors il préférait mettre une distance entre sa future épouse et lui. Il espérait parvenir à la haïr afin que, s’il la perde, il s’en fiche. Voilà ce qu’il fallait faire : détester sa femme pour ne pas qu’elle puisse l’atteindre. Il se mépris& lui-même de penser cela, mais il ne savait plus quoi faire.

Il en voulait à Nyessos d’avoir souhaité un mariage en échange de ses forces. Il condamnait son propre père de s’être emparé du pouvoir à Braavos en violant les lois de la cité. S’il avait été plus rusé, Belicho se serait livré à l’élection et aurait fait face à ses adversaires selon les coutumes braaviennes.

Nymeros cilla encore, pour tenter de chasser toutes les peurs qui l’assaillaient : un jour son père mourrait et, s’ils remportaient cette guerre, Nymeros hériterait en toute logique du titre de Seigneur de la Mer. Et ce pouvoir, il n’en voulait pas. Pas plus que ce mariage.