Depuis quelques temps, un vent d’inquiétude avait gagné la cour. La Néra avait disparu, et maintenant, un groupuscule religieux semait le trouble. Ils prétendaient apparemment que les Sept étaient revenus sur terre. Cregan n’avait pas la moindre information les concernant, les rumeurs étaient vagues. Des prières, et les dieux sur terre, c’était tout ce qu’il savait. Et c’était bien suffisant pour l’agacer. Quoique le mot soit faible. Il était parfaitement furieux.

Alors le Chiot, après sa prière quotidienne, se plongea dans un bain brûlant. Il bascula sa tête vers l’arrière, tenta de s’imprégner de la chaleur de l’eau du baquet. La servante qui l’avait rempli avait tenté de prévenir le Grandison que l’eau était bien trop chaude pour qu’il s’y baigne tout de suite, et n’écoutant que sa fureur, Cregan lui avait aboyé après qu’elle le laisse en paix ou qu’il la ferait fouetter. Pour qui se prenait-elle ? Fut un temps, les femmes savaient où était leur place.

Loin de détendre son esprit comme elle le faisait de ses muscles, l’eau chaude autour de lui ne fit qu’accentuer sa colère. C’était sans doute le fait d’être statique, lui qui était un homme nerveux bougeait souvent, comme si ses accès de rage s’évaporaient avec l’écume de sa sueur. Ce soir-ci, il brûlait entièrement d’un feu de fureur. Parce que les Sept gagnaient du terrain avec ces fanatiques dans les rues tandis que depuis la défaite de Stannis, des années plus tôt, la Foi, la vraie Foi, diminuait en les cœurs, ne laissant que de pauvres braises qui s’éteindraient peu à peu.

Il devait être le seul homme sensé de cette cour d’abrutis.

Très vite, l’agacement explosa en lui et Cregan quitta le baquet, se sécha rapidement, se vêtit et quitta sa chambre en en claquant la porte. Pressant le pas dans les couloirs du Donjon Rouge, il se rendit jusqu’à la chambre où logeait sa sœur. Elle au moins pouvait le comprendre. Il la trouvait trop naïve, un peu sotte, mais après tout elle était une femme, rien de surprenant. Mais au moins, elle comprenait un minimum le feu qui brûlait en lui et tous deux s’aimaient malgré leurs dissidences.

Tout en avançant, Cregan faisait rouler nerveusement sa chevalière aux couleurs de R’hllor. Tout de ses vêtements criait son adoration : la chemise rouge qui, arborant un léger col en V dévoilait la naissance de ses pectoraux, le bijou à son doigt ou même simplement la lueur farouche de ses yeux, pareille à un incendie dévastateur. Sans toquer, il ouvrit en grand la porte de Mayra et la claqua derrière lui. Et sans lui lancer un regard, débuta d’une voix hachée de colère :

— Tu as entendu ces conneries ? Ces salauds de mécréants qui croient avoir vu la lumière… Alors que la seule vraie lumière est celle de R’hllor. Tu as entendu, Mayra ? rugit-il en prêtant enfin attention à sa sœur.

Depuis peu, Imry, le plus abruti de leurs frères, avait trouvé un nouveau surnom à Cregan. Le Chiot, ce garçon suiveur, jeune chien qui se taisait et obéissait, jappait maintenant. Il était devenu le Roquet, un surnom qu’il abhorrait plus encore. Il n’était plus le septième fils de la famille Grandison, maintenant, il était le quatrième. Il avait le droit d’aboyer. Mais il préférait hurler à la lune, pour que les nuits les plus obscures s’éclaircissent et pour que le Maître de la Lumière les sauve.

Et même si la nuit autour d’eux ne s’était jamais levée, même s’il faisait nuit noire, tous étaient aveugles et sourds. Mayra l’était aussi. Elle ne faisait que s’étaler dans des draps de luxure et de richesse, rêvant à mieux sans se rendre compte que la seule voie était celle de R’hllor.

— Ce ne sont pas de simples bruits de couloirs, grinça-t-il entre ses dents serrées. C’est un scandale. De l’hérésie.

Il crispa le poing en rendant son regard à Mayra à travers son miroir. Sa sœur trouva des mots justes, insuffisants pour faire taire toute la colère de Cregan, mais assez pour qu’il cesse de hurler. Il poussa un profond soupir quand elle posa ses mains sur les siennes en lui offrant un sourire. Mayra était une jeune femme délicieuse, parfaitement ravissante.

Fidèle à la foi du Rouge, le Chiot ne voyait pas les plaisirs de la chair comme quelque chose de mauvais, même pour une femme. Le feu de R’hllor se faisait l’incarnation de la vie, de la lumière, de l’amour, le plaisir, la chaleur et la douceur. C’était l’Autre qui amenait l’ombre et la mort, le froid, la solitude.

Il agita lentement la tête pour chasser ses pensées que les ténèbres gagnaient. Il caressa la main de Mayra avec une tendresse qu’il n’offrait jamais qu’à ses sœurs.

— Je crains que R’hllor soit en colère, ma chère sœur. Il doit être comblé.

Ses lèvres se plissèrent. De ce que savait Cregan, R’hllor n’avait plus eu de puissant sacrifice depuis la princesse Shireen. Et tout bon croyant du Rouge savait que le sang de roi savait combler les appétits du Rouge.