« A ghost from my past » ft. Alysanne Bracken

« Ce n’est qu’une petite fièvre, je reste près de lui, ne t’en fais pas. Vas diner avec Cat, ne t’en fais pas. »

*Roslin hésite, me demande si je suis sûre de moi, et je parviens finalement à la convaincre. En réalité, ce n’était pas une mauvaise chose. En apprenant l’invité surprise de ce diner, je m’étais dit que je pourrais feindre un mal de crâne pour éviter de m’y rendre. Cela n’aurait pas été fort mature, mais recroiser le regard de Bethany Nerbosc me rappellerait bien trop son frère et plus les mois et les années passaient, et moins je savais comment lui annoncer qu’il avait eu un fils.  

Et puis, les tensions étaient toujours aussi forte entre nos deux familles, bien que je ne me sente pas réellement concernée par celles-ci… Enfin, je savais, bien sûr, que le paternel Nerbosc avait tué mon cher père, mais je savais aussi que s’il en avait eu l’occasion, ce serait mon père qui aurait embroché son Nemesis. Cette rivalité centenaire n’avait que trop durée, et je ne tenais pas à diner avec un lourd regard sur moi. D’autant plus avec l’existence de Robb qui, outre le fait d’avoir été nommé selon les volontés de son père par le surnom de feu son frère, plus il grandissait, et plus il ressemblait à un Nerbosc. C’était d’ailleurs assez problématique, mais fort heureusement, personne dans les conflans ne savaient à quoi ressemblaient les Rosby, alors ce n’était pas si compliqué…

Robb dine avec moi dans la chambre du petit Artos, qui avait fait une petite poussée de fièvre dans l’après-midi. Rien d’inquiétant, même s’il valait mieux toujours quelqu’un auprès de lui pour l’aider s’il en avait besoin. En tant que sa préceptrice, ce n’était pas mon rôle, mais Roslin me faisait parfaitement confiance et je m’entendais très bien avec le petit garçon.  Après avoir diné avec mon fils, le garçon s’était réveillé, alors je l’avais aidé à avaler un petit bol de soupe, avant de prendre une histoire pour endormir les deux garçons.

Une fois les enfants endormis, j’avais déposé Robb un peu plus loin, sur une épaisse peau à proximité du feu, suffisamment proche pour en sentir la chaleur, mais suffisamment loin pour que la peau ne s’enflamme pas à la moindre petite étincelles.

Après un certain temps, Roslin était venue et m’avait proposé de prendre le relais, ce que j’avais accepté. J’avais transporté mon fils dans sa petite chambre, attenante à la mienne, avant de me dire que je n’avais pas sommeil. Alors je m’étais décidé à sortir, profiter de l’air frais de ce début d’année en me couvrant d’un petit châle.

C’est en marchant dans les jardins que j’avais croisé un regard, celui que j’avais tout fait pour éviter. Trop tard, Bethany m’avait vu, et j’étais trop fière pour fuir comme une petite fille. Alors je m’étais approché poliment pour la saluer, ce qu’elle fit d’abord… Et ce, même s’il était plutôt évident en voyant ses poings serrés qu’elle n’était pas ravie de me revoir.*

« Lady Nerbosc… »

*Avais-je dit pour commencer, avant de sourire légèrement, puis de hocher la tête à ses condoléances.*

« Merci. Je suis de retour depuis quelques mois déjà, ma région me manquait, et l’héritier de mon mari m’y a autorisé. »

*Il nous avait autorisé, même, mon fils et moi. Mais je ne tenais pas à ce que Bethany sache que j’ai un fils. Dans mes souvenirs, c’était une jeune femme plutôt perspicace, alors je ne tenais pas à ce qu’elle finisse par faire le lien entre mon fils et son frère. Mieux valait donc qu’elle ignore tout de cela.*

« J’espère que vous avez fait bon voyage. »

*Ajoutais-je, ne sachant pas trop quoi dire de plus.*

*La haine familiale ne me concernait pas vraiment, jusqu’à la mort de mon père. Ce n’était pas les Nerbosc qui avaient tué mon demi-frère, ni mon cousin, qui avait pillé et brûlé Haye-Pierre et qui avait violé ma soeur sous mes yeux. Mais c’était bien Tytos Nerbosc qui avait tué mon père. De ce que j’avais entendu, mis à part ma famille qui était de mauvaise foi (mais certainement pas moins que les Nerbosc), c’était Jonos qui avait lancé les hostilités… Du moins cette fois-ci. Combien de fois était-ce l’inverse ? Et puis… Au fond de moi, une petite culpabilité existait, en me demandant si cette colère de mon père n’avait pas grandi en apprenant qui était le père de mon enfant, qui grandissait en mon sein hors mariage… Et je soupçonnais d’ailleurs mes soeurs de penser la même choses, au vu de leur froideur envers moi et envers mon fils.

C’était d’ailleurs pour cette raison que j’étais resté à Vivesaigues plutôt que de retourner vivre à Haye-Pierre. Mon fils n’y était pas forcément bien accueilli, et j’aurais donné ma vie pour cet enfant. Alors vivre à quelques kilomètres de ma vie d’enfance, pour que mon fils soit plus épanoui, ce n’était pas grand chose pour moi.

Pourtant, la question de la Demoiselle Nerbosc est pertinente, et m’a d’ailleurs souvent été posé. Je soupire, avant de lui sourire poliment, habituée à la réponse que j’allais lui servir : *

« J’y ai trouvé un rôle où je me sens utile. Je suis la préceptrice d’Artos Tully. »

*Lui avais-je appris. Et puis, mon fils avait l’exact âge de leur seconde fils, mais il avait mieux éviter de donner ce genre d’information à Bethany Nerbosc, qui pourrait les amener aux oreilles de son frère, et ce n’était pas ainsi que je voulais que Brynden apprenne qu’il avait un fils de moi, quand bien même celui-ci portait le nom d’un autre homme.

Pour changer de sujet par politesse, je lui demande alors comment s’est passé son voyage, et elle me dit que je connais son frère, et je n’entends pas vraiment la suite. Je me retiens de me mordre la lèvre en songeant que je le connaissais fort bien effectivement, et même en détail, plus qu’elle sous certains aspect.

Je me contente de remettre une mèche blonde qui s’était éclipsé de ma coiffure derrière mon oreille, en me déconcentrant sur la fin de sa phrase. Je souris et hoche la tête.*

« Oui, vous devez avoir hâte de retrouver votre maison. J’y retourne moi-même avec une certaine régularité, quand j’en ai la possibilité. »

*Après tout, j’étais de retour depuis des mois, et j’étais même retourné le mois dernier à la Haye-Pierre pour l’anniversaire de mon neveu…Bien qu’il s’agissait plus d’un traquenard pour me présenter le seigneur Desdaings t m’offrir comme une récompense d’une potentielle alliance contre les Nerbosc qu’autre chose. Même si je ne voulais pas d’une quelconque guerre dans notre belle région, j’avais déjà, aux yeux de ma famille, trahie mon nom et mon honneur en portant un batard Nerbosc pour empirer mon cas et révéler des informations compromettantes.

Pour autant, la présence de Bethany ne me dérangeait pas, c’était plutôt par respect et pour éviter un conflit qui ne m’animait pas que je l’avais évité ce soir. En réalité, si nous pouvions faire la paix, j’y plongerais avec plaisir… Mais je doutais que cela soit d’actualité pour la jeune femme face à moi… Et cela le serait encore moins, lorsqu’elle apprendrait l’existence de son neveu….*

*Bethany Nerbosc est une demoiselle bien élevée. Malgré la haine que je lui connais, elle me regarde sans chercher à me tuer du regard et même si je ne décèle pas de geste avenant ni de sourire chaleureux, je ne trouve pas non plus tant d’animosité dans notre échange. Tant mieux. J’étais sans doute la plus détachée de ce conflit. Déjà plus jeune, je le trouvais plutôt puéril, comme un jeu d’égo entre homme, la vengeance d’une vengeance issu d’un conflit dont personne ne savait plus vraiment l’origine… Si ce n’est peut être simplement par avidité. Enfin, je n’étais déjà pas fort investi dans tout cela, mais le temps n’avait fait que me conforter dans ma neutralité. Après tout, si j’aimais ma famille, j’avais aimé Brynden. L’aimais-je toujours aujourd’hui ? Je n’aurais su le dire. Il n’y avait, à mes yeux, plus guère que mon fils qui comptait. Mais il était aussi son fils, alors une part de moi ne saurait jamais le détester.

Je souris, et hoche la tête pour remercier la dame, bien que je soupçonne qu’elle ne soit pas des plus sincère.*

« Je vous remercie de vos mots aimables. »

*Je préférais ne pas évoquer le fait que je m’étais rapproché de Roslin car nous avions toute deux un enfant du même âge, nés avec à peine quelques semaines d’écart.

Je me mords la lèvre, en observant ensuite la femme devant moi. Je me doutais que cela devait être très frustrant pour elle, de se trouver ici, de savoir que son père y était, mais ne pas pouvoir le visiter. Ce serait très maladroit d’évoquer le sujet, alors qu’il était en prison « à cause de ma famille », ou plutôt, à cause du fait qu’il ait tué mon propre père. Evidemment, à mes yeux, la punition était amplement mérité, et même clémente. Si c’était un grouillât qui avait pris la vie d’un Bracken il aurait été exécuté. Mais cela n’aurait fait qu’enflammer les Nerbosc.

Et puis, il y avait une autre information qui m’intéressait beaucoup plus.*

« Comment se porte vos frères ? Voilà bien longtemps que je n’ai pas eu l’occasion de croiser leur route. »

*Trois ans et demi, pour Brynden en tout cas. Pour Desmond, beaucoup plus, mais en réalité, le petit frère si hostile aux Bracken ne m’intéressait pas tant. Mais je ne tenais pas à me montrer suspect en posant des questions uniquement sur un homme, ni passer pour une espionne qui récolte des informations sur l’actuel dirigeant du territoire… Mais je ne pouvais tout simplement pas m’en empêcher.*