[PORT REAL] Le nain m’offre des vacances à Port-Réal [Aelinor] [Terminé]

Cela faisait seulement quelques lunes qu’Aelinor était revenue d’Essos et depuis, elle était devenue la suivante de Margaery Tyrell, sa cousine et avait assisté à la mort du Roi Joffrey lors du banquet de ses noces avec elle. Après la douce parenthèse dorée sur l’autre continent, ce retour à Westeros était brutal. Elle avait également appris tout ce qui c’était passé durant son absence et par les Sept, la guerre des Cinq Rois avait été un véritable carnage à tous les niveaux. Heureusement pour la Maison Hightower, son père avait su naviguer en eaux troubles et choisir le bon camp, notamment celui de Mace qui avait rejoint les Lannister pour leur offrir la victoire lors de la bataille de la Baie de La Nera. On lui avait raconté comment le nain avait incendié la flotte de Stannis et comment des renforts dirigés par Tywin et le Sire de Hautjardin avaient détruit ses forces terrestres.


Tout cela pour un mariage. Celui de Margaery, dont les mœurs douteuses ne plaisaient pas le moins du monde à la brune aux yeux azur qui n’aurait cependant pas le cœur de dénoncer sa cousine. Les Tyrell étaient les intendants des Jardinier quand les Hightower étaient rois, gardiens de la foi, fondateurs de l’ordre des Mestres, mais soit, en bon pragmatique, Leyton avait fini par consentir à une union. Heureusement, Olenna avait bien compris qu’Aelinor ne se chauffait pas de ce bois ci et elle la tenait donc éloignée des petites sauteries de sa petite fille. Elle avait été imposée à la cour par la propre mère de Margaery, Alerie, née Hightower et tante de la chaste jouvencelle. Ainsi, la Reine des épines la traitait avec tous les égards et une grande gentillesse, appréciant son esprit et la caution de pureté qu’elle pouvait devenir. La brune aux yeux céruléens accompagnait en revanche la future Reine dans ses déplacements en ville, après tout, la charité était un important précepte des sept et elle avait elle-même mis en place une distribution quotidienne de pain à Villevieille.


Il n’avait pas fallu longtemps à Aelinor pour faire le lien entre les révélations de Sansa à Olenna et la mort de Joffrey, pas plus qu’il ne lui avait été difficile d’identifier le poison qui l’avait étranglé en plein banquet. Pas très discret d’ailleurs s’était elle dit en regardant cet ignoble tyran rendre son dernier souffle avec soulagement. Elle n’avait cependant aucune certitude quant à la culpabilité de la Reine des épines et n'aurait jamais rien dit incriminant sa famille. En revanche, l'accusation de la Reine Cersei qui avait fusé contre Tyrion l’amusait follement, elle n’imaginait pas un seul instant que le procès puisse aboutir à autre chose qu’un acquittement et en attendant cela détournait tous les soupçons des Tyrell. Mais l’agitation qui régnait dans le Donjon Rouge depuis quelques jours avec ce procès était tout à la fois follement excitante et infiniment épuisante. Alors, elle trouvait souvent refuge dans le Bois Sacré, découvert à son arrivée et dont elle était tombée follement amoureuse, même s’il était moins beau que celui de Hautjardin.


Aelinor passa la main sur l'écorce d’un orme majestueux et continua de marcher en prenant garde de ne pas écraser les souffles dragons même si sa longue robe de brocart gris plissée sur les hanches dérangeait les fleurs rouges en traînant par terre. Quand elle tourna la tête pour caresser quelques fougères, elle vit de l’autre côté de la rangée d’aulnes, une jeune femme qui la fixait d’un air sévère. Elle s’arrêta, fixant son vis à vis sans ciller. Sa mise était bien celle d’une noble, tout comme elle et d’ailleurs, son visage lui rappelait quelqu’un. Si Telanie n’avait pas beaucoup changé depuis la dernière fois qu’elles s’étaient croisées à Hautjardin, Aelinor en revanche avait gagné quelques années et pas des moindres. Désormais âgée de bientôt 15 ans, c’était une jouvencelle prête à être mariée et plus une petite fille. Mais la Hightower ne lui avait jamais adressé la parole à part pour échanger au mieux quelques insipides politesses, leur différence d’âge les séparant encore bien plus sûrement que leur différence de rang. Elle peinait donc, après plus d’une année passée de l’autre côté du détroit, à remettre un nom sur ce visage pourtant familier.


Elle sourit légèrement et l’air de rien, continua son chemin tout jetant quelques coups d'œil un peu intimidés à l’autre brune, plus âgée et qui, manifestement, n’avait pas l’intention de cesser de la fixer. Cela ne lui plut pas, aussi, au lieu de venir lui parler, elle bifurqua, avec un dernier regard perçant, après un Aulne pour disparaître derrière une haie sauvage de ronces et de noisetiers d’où une vingtaine de moineaux s’envolèrent dans un piaillement confus.

Aelinor vérifia que la jeune femme ne l’avait pas suivie. Elle avait remarqué au fil des jours que de nombreuses plantes poussaient dans ce jardin, notamment des plantes médicinales, et elle ne se gênait pas pour s'en servir. Aujourd'hui, bien qu’elle venait surtout pour se détendre, elle avait des crampes menstruelles et c’est tout naturellement qu'elle prit quelques branches de sauge et d'achillée millefeuilles. Elle commença à mâchouiller les fleurs blanches et les feuilles vertes et garda le reste à la main pour plus tard. Puis elle continua à déambuler entre les arbres et s’offrit même le luxe de s’allonger un moment pour regarder le ciel à travers les frondaisons. Elle aimait les jeux de lumière que faisaient les feuilles agitées par la brise avec le soleil. Et puis ainsi allongée, elle pouvait mieux entendre les oiseaux et le bruissement des plantes. Mais tout de même, cette femme qu’elle était presque certaine d’avoir déjà vue et qui l’avait fixé comme sa mère pouvait la fixer quand elle allait faire une bêtise. Cela était très rare, bien sûr, elle était une enfant des plus sage et obéissante, elle faisait tout ce qu’on lui avait enseigné, se tenait bien et même si elle n’avait aucun talent pour la broderie, elle s’y adonnait si cela était nécessaire. Mais elle préférait les livres, les sciences, la poésie et la musique.


Un bruissement se fit entendre non loin d’elle et elle se redressa en hâte, certaine d’avoir perçu des pas. L’autre femme venait de passer non loin de là, elle en était certaine. Il était suffisamment rare de croiser des gens dans le Bois Sacré du Donjon Rouge pour que la brune qu’elle avait aperçu revienne sans cesse dans son esprit. Alors, sortie de sa rêverie par le bruit et poussée par la curiosité, elle finit par se lever pour la retrouver. Ce ne fut pas très difficile, elle observait les plantes et avait un livre dans les mains. Soudain elle se retourna vers Aelinor qui s’apprêtait à la saluer, la brune aux yeux azur sursauta, un peu surprise par ce soudain retournement et par sa réplique. Elle regarda le bouquet de sauge et d’achillée qu’elle tenait dans la main d’un air un peu coupable, laissant planer le silence quelques instants de plus. Puis hocha la tête et servit un large sourire.

__ Bonjour Ma Dame. Effectivement, je viens souvent ici cueillir des… fleurs. Je me permet, ne vous déplaise.


La brune se défit de son sourire et darda son regard azur sur Telanie et ajouta d’un ton plus tranchant :

__ En revanche, je ne vous permet pas de me tutoyer.


Pour finir, ou plutôt recommencer sur des bases saines, elle se redressa du mieux qu’elle put, s’il était encore possible d’être plus droite qu’elle l’était et se présenta.

__ Lady Aelinor Hightower. J’ai l’impression que nous nous sommes déjà croisées, mais pas ici, pas à Port-Real. Dans le Bief peut-être ?


Il ne faisait aucun doute que parler aux plantes était réconfortant et il arrivait à la Hightower de leur parler ici même, car elle se sentait en sécurité dans ce bois, plus que n'importe où dans le Donjon Rouge. On le disait libre de tout espion, contrairement à ce que la sensation d’être observé par mille yeux pouvait laisser croire, et c'était probablement l'unique recoin de cette forteresse où elle pouvait s’adonner à sa science et se détendre sans risque. Aelinor commençait à peine à comprendre les rouages et les dangers de la cour, elle n’était à la capitale que depuis quelques lunes. Mais si elle avait bien évidemment reçu l'enseignement d’une septa, elle avait également eu celui des meilleurs Mestres de la citadelle et ses parents l’avaient préparé à ce qui était en train de se jouer ici. Mais même instruite par les plus brillants esprits, éduquée comme il se doit par des parents à la fois sévères et aimants, même après son séjour chez sa tante Lynce et sa visite des Cités Libres, elle n’avait que quinze ans, et il lui faudrait du temps, encore, pour mettre en pratique tout ce qu’elle savait et apprendre ce qui lui manquait pour survivre dans ce nid de vipères.

__ Ah, Lady Telanie De La Nouë, oui je me souviens maintenant.


Aelinor doutait fort avoir jouer avec elle. Si elle avait pu jouer à Hautjardin, bien rarement certainement, elle l’aurait fait avec sa cousine Margaery, pas avec une demoiselle issue de la petite noblesse. Qui plus est lors d‘un bal qui n’était ni le lieu pour un cache-cache, ni le moment pour une future Dame de jouer. Mais bon, il arrivait néanmoins qu’une enfant se comporte comme une enfant. probablement, ou la jeune femme fabulait et cela ne valait pas tellement la peine de relever.


Jusqu'à la mort du Roi Joffrey, la brune aux yeux céruléens ne se baladait pas dans les jardins royaux parce que le risque de l'y croiser était bien trop grand. Depuis qu'elle était venue à son tournoi d'anniversaire elle avait appris à soigneusement l'éviter autant que possible. Mais depuis quelques temps, les choses avaient beaucoup changées, si maintenant elle évitait les jardins, c'était pour ne pas tomber sur Cersei, la Lionne était encore plus dangereuse depuis que son fils aîné était mort. Cela rendait le Bois Sacré d’autant plus sacré aux yeux d’Aelinor, en tant que seul havre de paix de la capitale.

__ Je vous remercie pour votre conseil concernant la valériane, mais j'évite les jardins royaux et vous devriez en faire autant.


Sourit-elle sans pour autant avoir l’intention d’en prendre, en tout cas pas la journée. Elle reprit tout en s'asseyant aux côtés de Telanie.

__ Quant aux anciens Dieux, ils ne sont anciens que pour ceux qui n’y croient pas, donc vous parlez de quelque chose que vous ne connaissez pas. Laissez-moi vous instruire. Il n’y a pas de Bois Sacré au-delà du Mur et pourtant les Sauvageons sont les plus fervents adorateurs des Anciens Dieux. Cela signifie qu'ils chassent, cueillent et prient dans la même forêt car pour eux, les Anciens Dieux sont en toute chose, et pas uniquement dans les Bois Sacrés. Aussi, quand nous tuons un animal ou que nous prenons un fruit pour nous nourrir, nous mangeons leur chair aussi sûrement que je mange de la sauge du Bois Sacré du Donjon Rouge. D’ailleurs, ce sont les anciens Dieux qui font pousser les plantes, celles qui nous nourrissent et celles qui nous soignent. On dit que nul ne peut mentir devant un arbre-cœur, mais pas que nul ne peut cueillir. Vous avez une vision très sudienne du culte des Anciens Dieux, vous comparez les Bois Sacré à des Septuaires, mais ça n’a strictement rien à voir. Je ne peux cependant que pardonner votre erreur, rare sont les Bieffois qui connaissent la religion des enfants de la forêt.


Termina-t-elle en regardant à nouveau Telanie. Elle avait parlé en regardant les feuilles danser dans la brise en murmurant la chanson la chanson de la glace et du feu. Dans le Nord, c’était ainsi que les Dieux parlaient aux mortels, mais dans le sud, là où les barrals avaient presque tous été abattus, leur pouvoir était moindre et ça n’était certainement pas ce vieux chêne vermoulu sans face qui allait faire peur à la jouvencelle. Dommage cependant que Sansa Stark ne soit plus là pour le confirmer. Mais si ni les premiers hommes ni les enfants de la forêt n'étaient adeptes de l'écriture, les Mestres de la Citadelle, dont certains venaient du Nord, avaient un peu étudié la question. Il y avait des documents sur les Bois Sacrés et les Barrals, sur les Anciens Dieux et également des documents sur les Sorcières et leur place dans le culte. En tant que native de Villevieille, la Hightower avait eu l'occasion de lire leurs écrits et elle s'était forgée sa propre opinion.

Aelinor sourit, elle aurait bien rit, mais c’eut été malvenu en pareilles circonstances.

__ Presque.


Dit-elle.

__ Une Lionne.


La Hightower pouvait comprendre que la mort d’un fils premier né soit une tragedie, cela rendrait folle n’importe quelle mère, mais certaines mères étaient moins dangereuses que la Reine Cersei. En l’occurrence, il valait mieux laisser passer la tempête, car même si elle avait trouvé son coupable idéal en la personne du Nain son propre frère, elle était bien capable d’accuser quelqu’un d’autre de complicité.

__ C’est le cas. Je vous remercie de votre sollicitude.  


Répondit-elle avec un sourire. Cette douleur lancinante allait bien finir par passer, mais ce n’était pas encore le cas. Mais cette douleur qu’elle ne connaissait que depuis quelques lunes voulait dire qu’elle était enfin une femme faite, elle l’accueillait donc comme une bénédiction. Cela impliquait également qu’elle allait se marier et devoir subir la première nuit et les assauts de son époux, mais pas tout de suite. Sa mère n’avait pas attendu qu’elle saigne pour la mettre en garde et lui dire toutes les atrocités que cela impliquait pour la dissuader d'entreprendre quoi que ce soit avant le mariage. Lynce en revanche avait été nettement moins terrifiante dans ses propos, mais si elle avait été mariée bien jeune à Lord Jorah Mormont, elle n’en était pas moins devenue la favorite d’un riche marchand Lysien. Ce n’était donc pas vraiment un exemple à suivre malgré tout le respect qu’Aelinor lui devait et les nombreux services qu’elle rendait depuis à la famille avec ces contacts en Essos. L’ancienne Reine d’Amour et de Beauté n’avait pas perdu de sa superbe, mais Baelor Hightower ne pardonnerait jamais un tel comportement à sa fille aînée, celle destinée à éclairer la voie.

__ Lord Tyrion ? Je n’en sais rien. Et puis, je ne voudrais pas contredire la Reine vous comprenez. Elle sait certainement mieux que moi qui en voulait suffisamment à son fils pour l’assassiner le jour de son mariage devant tous les convives. Lord Tyrion avait la coupe entre les mains quand elle l’a vu, mais il n’avait fait que le ramasser. Comment savoir, avec tout ce monde présent, qui est l’empoisonneur. On dit souvent que le poison est l’arme des femmes, mais j’en doute. C’est surtout un moyen plutôt efficace d'éliminer quelqu’un quand on ne sait pas manier une lame et comme peu de femmes savent manier les armes, j'imagine que c’est là, la raison de leurs recours au poison.  


Elle se perdit un court moment dans sa propre réflexion avant de se tourner vers Telanie et d’ajouter :

__ Cela dit, je note que Lady Sansa et Lord Baelish sont partis le jour même. C’est amusant n’est-ce pas ?


Un sourire presque innocent se dessina sur les lèvres de la jouvencelle. Évidemment elle ne faisait pas cette remarque par hasard, si elle devait diriger les soupçons sur quelqu’un, cela devait être à la fois quelqu'un de crédible et d’aussi éloigné d’Olenna et de sa cousine que possible. La jeune femme qui avait été maltraitée des mois durant par Joffrey et dont le père et le frère avait été exécuté directement ou indirectement par les Lannister était toute indiquée, seul bémol, elle était certainement incapable de fair une telle chose. Mais poussée par Petyr, ou simplement lui, par pur intérêt, ce n’était pas exclu. Restait à savoir en quoi cela servait ses desseins, mais elle ne comprenait pas très bien la partie qu’il jouait avec la couronne.

__ Vous sembliez observer les plantes tout à l’heure. Vous aviez un livre, c'est un livre de botanique ?

Aelinor se mit à rire lorsque Telanie dit qu’elle parlait peut-être à la meurtrière, mais son rire s’arrêta à la phrase suivante, quand elle dit qu’elle passait beaucoup de temps à chercher des plantes. Cela était vrai, et elle avait déjà cherché des poisons. Mais elle n’avait jamais tué personne, encore moins Joffrey, bien qu’il méritait amplement de mourir. Elle n’était pas la justice du Père, après tout. Elle fut rassurée lorsque la brune lui dit qu’elle n’en dirait rien et un peu plus encore quand elle dit qu’elle n’en pensait pas un mot. Et ainsi, chacune de ses émotions passa dans ses yeux. Si son visage pouvait rester de marbre, quoique l’art de ne rien montrer de ce qu’elle ressentait n’était pas encore totalement maîtrisé, ses grands yeux azur laissaient, hélas, apparaitre ses états d’âme à l’observateur avisé sans qu’elle ne puisse rien y faire.


Telanie avait raison sur un point, on pouvait accuser la moitié de la couleur et même bien plus si l’on prenait en compte que certains hommes pourraient fort bien employer le poison. Joffrey avait causé beaucoup de tort, à Sansa surtout, mais tous pouvaient craindre ce que deviendrait le petit tyran avec le temps et nul ne pouvait s’en réjouir, excepté sa mère, peut-être.


Un large sourire de la Hightower accompagna la révélation de la De La Nouë. Elle était ravie d’apprendre qu’une autre personne s'intéressait à la botanique, se passionnait même pour cette discipline. Les plantes donnaient la vie comme la mort et l’art de l’herboristerie était aussi précieux que l’or. Mis entre de bonnes mains, il apportait la guérison, entre de mauvaises mains, il pouvait apporter le chaos. L’union des deux était ce qui faisait vibrer Aelinor. Elle se demanda si c’était également ce qui passionnait tant Telanie, mais elle ne pouvait pas le lui demander sans révéler des connaissances qui pourraient bien éveiller les soupçons de celle-ci pour de bon. Peut-être pas dans cette affaire, mais dans une prochaine, une prochaine dans laquelle elle serait peut-être véritablement impliquée.

__ C’est tout ce que je vous souhaite.


Répondit-elle avec bienveillance, comprenant mieux que quiconque cette passion qui, pour elle, n’avait rien de futile.

__ Je peux ?


Demanda-t-elle en tendant la main pour regarder le livre.

__ Oh vraiment ? Et où donc avez-vous trouvé cette plante ?


Soudain, l’air se figea et le temps fut suspendu.

__ Mais… Si vous n’étiez pas à Port-Real, comment savez-vous que c’est de l’étrangleur qui a tué notre Roi ?


Fit-elle, piquée au vif par cette information donnée sur le ton de la plaisanterie. Elle tâche de garder un ton détaché accompagné d’un sourire amusé. Elle ne voyait pas trop, d’ailleurs, quel aurait été l'intérêt de Telanie à tuer le Roi, ses soupçons réels penchaient plutôt vers Olenna. Ainsi, elle n’avait aucune raison de la soupçonner, mais la question méritait toutefois d’être posée.

__ Oui, enfin. disons que j’ai appris la botanique avec l’un de mes Mestre et que j'apprécie cette science. Mais vous, comment cette passion vous est venue ? Il est rare que les Mestres enseignent cela aux jeunes nobles.

__ Oh merci ! C’est très généreux à vous ! J’en prendrai soin et vous le rendrais sans faute.


La Hightower prit le livre tendu avec un grand sourire. Elle avait hâte de l’étudier et trouvait très gentil de la part de Telanie de le lui prêter pour un temps indéfini. Elle l’ouvrit à une page au hasard et regarda le nom et le dessin de la plante, se souciant peu des croix. Puis elle le referma et reporta son attention sur la demoiselle. Elle aurait tout le temps de le feuilleter et ce n’était pas le moment puisqu’elle était en bonne compagnie.

__ Peut-être.


Répondit-elle en émettant un petit rire à la plaisanterie de la brune. Elle trouva d’abord étrange, pour une Bieffoise, de se fournir à Port-Réal plutôt qu’à Villevieille, où il y avait de très bonnes herboristeries également, et des plantes venues du monde entier. Mais si elle se souvenait de la position d’Herbeval, elle devait reconnaître que Port-Real devait être plus proche et certainement un peu moins cher.

__ Effectivement, tout le monde y va de son petit commentaire ici, mais j’ignorais que la nouvelle avait déjà parcouru Westeros. Ce n’est pas étonnant cela dit. Je suis cependant étonnée que les Mestres aient divulgué cette information. Cela donne une idée assez précise de la façon dont il est mort, et croyez moi, ce n’était pas beau à voir.


Enfin, il fallait tout de même connaître les poisons et surtout leurs effets pour pouvoir s’imaginer ce que l’étrangleur faisait, les morts de cette nature n'étaient tout de même pas légion. Il était certain que les Mestres, tout comme Aelinor, n’avaient pas mis longtemps à identifier la substance utilisée. Peut-être même avant que Joffrey rende son dernier souffle, comme cela avait été le cas pour la jouvencelle qui, sachant qu’il n’y avait plus rien à faire pour le Roi, s'était contenté de regarder la scène en se demandant qui avait bien pu faire le coup. Elle avait observé les protagonistes, mais aucun n’avait révélé sa culpabilité par son attitude, pas même Tyrion qui s’était contenté de ramasser la coupe que le Baratheon venait de boire. Ensuite, tout s’était enchaîné, Cersei, tout à sa détresse de perdre son fils et son Roi, avait littéralement hurlé que le nabot était coupable et personne ne l’avait contredite. Ainsi avait-elle mit fin à toute forme d’enquête et donc, le Grand Mestre avait certainement communiqué avec ces confrères sur la nature du poison pensant que cette information ne pourrait pas confondre l’auteur qui avait déjà été arrêté.

__ Une sorcière ?


Aelinor montra de l'intérêt malgré l'inconvenance et la dangerosité du sujet, ces grands yeux azurs s’étaient ouverts comme on allume les lanternes à la tombée de la nuit. Se rendant rapidement compte de son erreur, elle se reprit, essayant d'effacer de son visage toute trace d'intérêt. Puis elle mit à rire et à balayer la plaisanterie d’un geste grâcieux de la main avant d’ajouter :

__ C’est une affaire de famille en tout cas.


Fit-la jouvencelle sur un ton des plus neutre, avant de reprendre avec toujours le sourire aux lèvres.

__ Je vous remercie pour votre invitation, sachez que vous êtes la bienvenue à Villevieille quand vous voulez. Enfin, je n’y vis pas, mais ma famille saura vous faire bon accueil et vous trouverez peut-être à Villevieille des plantes que Port-Real ne vous fournit pas. Qui sait ?


C’était un peu une invitation en l’air, Aelinor n’étant plus à Villevieille pour un bon moment en tant que suivante de Margaery Tyrell. Mais elle était néanmoins posée, et qui sait si, la prochaine fois qu’elle retournerait à Grand Tour, elle ne passerait pas plutôt par Herbeval pour entretenir cette relation naissante et proposer à Telanie de venir visiter la plus belle des cités, Villevieille la blanche, millénaire, immense et riche d’un commerce florissant venu du monde entier, dont la tour s'élevait sur les bords du murmure pour éclairer la voie. Sa maison lui manquait peut-être plus qu’elle ne saurait l’admettre, sa sécurité surtout, car elle n'avait jamais craint pour sa vie là-bas, elle n’avait jamais eu besoin de faire attention à chaque mot qui sortait de sa bouche de peur d’être espionnée ou dénoncée. Mais même si sa demeure lui manquait, elle savait combien sa position à la cour était importante pour sa famille et elle était bien décidée à remplir son rôle ici, et à œuvrer également pour ses propres ambitions.

__ J’ai déjà beaucoup voyagé, surtout pour une demoiselle de mon âge, mais effectivement je ne suis jamais passée par Herbeval. Généralement je passe par Tumbletown ou par la Route de la Rose pour me rendre à la capitale. Mais les deux dernières années, je les ai passées à Essos.


Un fait suffisamment rare pour éveiller la curiosité de n'importe qui.

__ Une sorcière rouge ?


Demanda innocemment Aelinor avant de faire le lien avec la femme qui accompagnait Stannis. Elle n’avait qu’entendu des rumeurs à son sujet, on disait qu’elle était à l’origine de l’ombre qui avait tué Renly Barathéon, on disait qu’elle avait brûlé des statues des Sept dans les flammes de son Dieu. On disait qu’elle avait des visions, qu’elle était une empoisonneuse, qu’elle avait envoûté Stannis Baratheon. On bien des choses, comme à chaque fois qu’une femme entourée de mystère s’elevait et la hightower ignorait ce qu’elle devait croire ou non sur cette Melisandre. Bref, elle ne saisit pas la plaisanterie, au contraire, elle se dit qu’il fallait qu’elle se renseigne sur ce R’hllor et sur cette étrange religion venue de l’est. Elle en avait croisé, de ses prêtresses rouges et de ses temples à Essos, mais à ce moment-là, elle ne voyait pas tellement l'intérêt de s’y attarder, seul le fait que cette religion gagne Westeros et fasse de l’ombre aux Sept jusqu’à Peyrdragon la rendait digne de son attention. Stannis avait ajouté un cœur enflammé à son blason depuis qu’elle était dans son entourage, se détachant ainsi de la religion des Sept pour épouser la foi du feu. Interessant. Le feu était toujours intéressant, même si pour la jouvencelle, il était vert.

__ Un mariage ? Pas du tout non. Ma tante, Lynce Hightower habite à Lys, elle est… hum… mariée à un Prince-Marchand. J’ai ainsi pu visiter les Cités libres grâce à ses nombreux contacts et ses bateaux. Je n’y suis pas resté si longtemps, les voyages sont fort long entre les villes et c’est le temps qu’il m’a fallu pour les découvrir toutes. De toute façon, père ne voulait pas que je rentre avant que la guerre ne prenne fin.


Sourit la brune. Un tout petit mensonge, l’ex épouse de Jorah Mormont était la favorite de Tregar Ormolen, mais c’était véritablement indécent, de son adultère à cette vie de concubinage sans l’aval des Dieux. Enfin, pour un tel voyage, Aelinor pouvait bien mettre ses principes de côté, il n’était pas donné à tout le monde, encore moins à une jouvencelle de séjourner ses lieux aux cultures diverses et aux merveilles variées. De plus, il fallait bien dire que, grâce à elle et aux partenaires du riche Prince Marchand, la famille Hightower avait considérablement développé son commerce avec les Cités libres. Lynce avait été couronnée Reine d’Amour et de Beauté par le nordien lors du tournoi de Port Lannis et leur union avait été célébrée avec faste à Villevieille avant qu’elle ne parte s’ennuyer ferme sur l’Île aux Ours et de le ruiner en fêtes et en divertissements. Lord Mormont, endetté, avait fini par vendre des esclaves et, condamné à mort par Eddard, il s’était exilé en Essos pour s’engager comme mercenaire. C’est là-bas que la magnifique blonde de Grand Tour avait rencontré Tregar, abandonnant son époux pour le luxe et la volupté de la vie Lysienne.

__ On trouve bien plus que des plantes. On trouve les parfums Lysiens, le Long Pont de Volantis, les verres Myriens, les doigts d'épice de Tyrosh, les vins Pentoshis et le Titan de Braavos. Mais si vous voulez vraiment découvrir des plantes exotiques, je crois que les Îles d’Eté sont plus indiquées.


Et les mercenaires Pentoshis.