Devant le brasero, Cregan s’agenouilla. Les yeux plongés dans le feu, il ouvrit ses deux paumes comme cherchant à s’imprégner de la puissance ardente de son Maître. Il entra comme en transe, du moins c’était ce qu’il croyait. Les crépitements du feu parcoururent son âme, il sentit son souffle devenir plus chaud, les flammes parurent l’envelopper.

Le Chiot crut les voir danser, dessinant des formes qui ne représentaient rien. Ses pupilles s’agrandirent, du crépitement des braises, il entendit des sons diffus s’échapper, comme des mots destinés à lui, oui, à lui seul.

Dans le feu, il lisait un avenir brillant, même flamboyant. Une question s’imposa à son esprit, comme un chuchot trompeur – et si cet Azor Ahai qu’il avait cherché toute sa vie, c’était lui ? Et si il avait poursuivi un espoir, un rêve, un courant d’air, toutes ces années ? Et s’il était le champion de la Lumière, lui et lui seul ? Les flammes au fond de lui grandirent pour devenir brasier.

Il imaginait des mots dans son esprit, des paroles à son oreille, des visions dans les flammes. Et s’il était persuadé que c’était réel, il n’en était rien. Rien que sa psyché malade qui inventait ce qu’il rêvait de voir depuis toujours. Mais lui en était sûr : c’était bien réel ! Les flammes lui avaient parlé et les ténèbres s’étaient dissipés dans tout son être.

Il n’était plus qu’une flamme bien vivante.

Cregan revint bientôt à lui, quand ce fut le cas d’Henosha aussi. Un immense sourire aux lèvres, ne prenant pas garde à la nuit qui tombait déjà, il s’exclama :

— Vous l’avez entendu ?

La prêtresse confirma. Oui, il parlait. Alors oui, il l’avait entendu. Ce n’étaient que des murmures, des bruissements diffus dans ses oreilles, il n’avait pas compris les mots de R’hllor. Mais le Maître de la Lumière lui avait parlé et Cregan en était certain, quand bien même c’était faux : son dieu lui avait promis un avenir rutilant. Il se releva brusquement sur ses jambes chancelantes, le cœur fou de joie et l’âme brûlante de piété.

Henosha semblait presque mal en point, le Chiot n’y fit même pas attention, tout absorbé qu’il était par sa petite personne et son dieu qui lui avait enfin prouvé qu’il l’aimait en retour. Toutes ces prières, toutes ces séances interminables de balayage et de nettoyage du temple, cela avait finalement payé.

Était-il rassuré ? Il tourna son sourire féroce vers la prêtresse rouge, peut-être plus effrayant ainsi qu’avec son constant air ténébreux.

— Oui je le suis, oui. Le Maître de la Lumière a enfin entendu mes prières.

Il marqua une pause, un peu balbutiant, ses lèvres tremblantes de joie.

— Il m’a entendu et il m’a répondu !

L’éclat de sa voix se répercuta à travers le temple. Ses soucis n’étaient plus que cendres au fond de son âme ardente. Il était Azor Ahai. Il y songeait en secret, était-ce vrai ? Brandirait-il un jour Illumination ? Sauverait-il le monde de la noirceur ? Son sourire trompait ses pensées folles sans qu’il ne les partage à quiconque : les secrets du feu avaient été adressées à lui. Juste à lui.